14 Février 2021
« Le destin, ainsi que j'en avais fait plusieurs fois l'expérience par le passé, a un bien curieux sens de l'humour. »
Publié en 2019 en Angleterre
En 2020 en France (pour la présente édition)
Titre original : The murderer's apprentice
Editions 10/18 (collection Grands Détectives)
383 pages
Septième tome de la saga Lizzie Martin
Résumé :
Mars 1870. Londres est recouvert de brouillard et de glace. Ben Ross, inspecteur de Scotland Yard, doit affronter d'autres problèmes que le froid lorsque le cadavre d'une jeune femme est retrouvé derrière un restaurant de Piccadilly. Contraint d'établir le portrait de la victime, Ross suit le fil de son enquête qui le mène chez un bottier de Salisbury.
Au même moment, Lizzie, l'épouse de Ben, est confrontée au mystérieux cas d'une femme emprisonnée dans sa propre maison. Tandis que Ben se lance dans une affaire de plus en plus complexe, Lizzie va découvrir une pièce essentielle du puzzle qui lui permettra de s'approcher au plus près de la vérité.
Ma Note : ★★★★★★★★★★
Mon Avis :
Alors que l'hiver s'éternise en ce début 1870 et que les conditions climatiques sont particulièrement exécrables à Londres, les policiers de Scotland Yard font une macabre découverte : le corps d'une jeune inconnue, jeté dans la citerne d'un restaurant de Piccadilly. Qui a bien pu faire cela ? Et surtout, qui est cette jeune femme dont personne ne sait rien et qui surtout, ne semble manquer à personne ?
Vaste tâche pour Ben Ross et ses enquêteurs que de dresser le portrait de la jeune morte et découvrir enfin qui elle était et ce qui a pu causer son décès.
Au même moment, Lizzie, qui ne peut s'empêcher de mettre son nez dans les affaires de la police, au grand dam d'ailleurs du superintendant Dunn, le supérieur de Ben, fait la connaissance Miss Eldon, une vieille dame dont les fenêtres donnent directement sur la façade de la maison d'en face où semble vivre recluse une jeune femme, ce qui ne laisse pas de surprendre et d'émouvoir la respectable Miss Eldon. Et si tout cela était lié ? Et si cette jeune femme qui semble vivre littéralement emprisonnée chez elle avait un lien avec l'affaire qui occupe Ben et ses policiers ?
De Londres à Salisbury, en passant par les landes désolées et enneigées du Yorkshire, Ann Granger nous entraîne dans le sillage de ses deux fins limiers que l'on suit maintenant depuis sept enquêtes.
Si vous connaissez cette saga et si vous la lisez, vous savez probablement que l'enquête, certes au centre du récit, n'en est pas moins au service d'un discours plus naturaliste et social, mettant en avant les inégalités criantes de l'époque victorienne, qui correspond en Angleterre à la période de l'industrialisation. Et si l'époque est, pour l'Occident, particulièrement faste et florissante, elle s'accompagne aussi d'une paupérisation grandissante des plus pauvres tandis que les autres s'enrichissent grassement.
Ici, à travers les personnages de la jeune morte, dont on découvre progressivement le destin mais aussi celui de l'inconnue qui, en face de chez Miss Eldon, semble vivre une vie par procuration, derrière ses fenêtres, sans jamais sortir, on découvre ce qu'est la condition féminine à l'époque, la dépendance des jeunes femmes à leurs familles ou, à défaut, leurs bienfaiteurs et, plus largement, à leurs maris. Ann Granger met en avant l'importance d'un bon mariage, qui offre alors la plus stable des situations et l'importance aussi pour les femmes de rentrer dans des cases. Elle aborde aussi le sujet des dames de compagnie, ces jeunes femmes parfois modestes qui mettent leur vie entre parenthèses pour s'occuper d'une vieille dame veuve ou célibataire, et dépendante.
A travers le voyage de Ben dans le Yorkshire, elle aborde aussi la question du travail des enfants, fléau du temps. Né dans le Derbyshire, avant de devenir policier, Ben a connu le travail de la mine, qui faisait vivre la région. En revenant dans le Yorkshire, il se rappelle de cette enfance atypique et traumatisante, faite de travail et de dangers.
J'ai trouvé cela dit que l'enquête était peut-être plus présente que d'habitude et je me suis plu à la suivre. Chez Ann Granger, vous ne trouverez assurément pas votre bonheur si vous aimez les polars noirs et compliqués, dont la fin vous laisse pantois. Les enquêtes ne sont jamais effrayantes ni très violentes (si on met de côté évidemment qu'elles concernent des meurtres) et c'est aussi ce que j'aime dans cet univers : ce mélange habile de roman policier et de roman naturaliste, dans la veine justement de ces auteurs du XIXème siècle, qui aimaient dénoncer les inégalités de leur époque (Zola, en France ou Elizabeth Gaskell, outre-Manche, qui le fait très bien dans Nord et Sud, par exemple).
Oui, vraiment, j'ai pris un grand plaisir à découvrir cette enquête, à voyager dans les pas de Ben pour découvrir qui est cette jeune femme que l'on a laissée morte sur le pavé de Londres, en apparence sans plus s'en soucier. Dans les pas de Ben mais aussi de Lizzie, dont la curiosité légendaire et l'esprit de déduction se nourrissent de tout !
Sans se départir de touches d'humour savamment dosées, Ann Granger a imaginé un roman efficace et qui fonctionne, qui ne vous conviendra certes pas si vous aimez les polars ou les thrillers, mais qui vous ravira si, comme moi, vous aimez les intrigues pas trop complexes et qui, derrière, sont servies par un vrai propos historiques.
En Bref :
Les + : l'ambiance du roman, en clair-obscur, l'intrigue policière plus présente que d'habitude (du moins est-ce mon sentiment), la question de la condition féminine à l'époque victorienne, largement abordée.
Les - : Aucun, pour moi. C'est toujours un plaisir de retrouver Ben et Lizzie dans une nouvelle enquête !
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