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Le salon des précieuses

Mazarin, le Maître du Jeu ; Simone Bertière

« Rien ne prédestinait ce Romain à faire carrière hors d'Italie. Il avait tous les dons, mais peu d'espace où les mettre en oeuvre. »

Mazarin, le Maître du Jeu ; Simone Bertière

 

Publié en 2009

Editions Le Livre de Poche

950 pages

Résumé :

Bien qu'il fût à l'origine un étranger sans naissance ni fortune, Mazarin se trouvait, à sa mort, maître de la France et arbitre de l'Europe, plus puissant que ne le fut jamais aucun ministre. Triomphant de tous les obstacles, il dut à son intelligence et à sa ténacité une victoire sans appel. Cette victoire fut aussi celle de la France, à l'issue de la longue lutte qui l'opposait à la maison d'Autriche, et elle apporta à l'ensemble de l'Europe une paix ardemment désirée. Autour de lui, les papes Urbain VIII et Innocent X, Anne d'Autriche et le jeune Louis XIV, Condé, Turenne, le cardinal de Retz et tant d'autres, que le style alerte de Simone Bertière convoque pour dresser un panorama vivant et vrai de cette période charnière, qui fut la matrice du « Grand Siècle ». Fondée sur l'information la plus rigoureuse, cette biographie passionnante ouvre, au détour du chemin, quelques réflexions salutaires sur notre époque.

Ma Note : ★★★★★★★★★ 

Mon Avis :

On connaît tous Mazarin. Il fait partie de notre Histoire et son image reste assez consubstantielle de celle de l'un de nos plus grand roi, Louis XIV, dont il fut d'ailleurs le parrain et le ministre.
Et pourtant, il est assez mal connu. Pas méconnu, mal connu. Nuance. On a dit tout et n'importe quoi sur lui et notamment, ont été portés sur sa personne des jugements très négatifs alors qu'il convient de nuancer son action et surtout, on commet trop souvent l'erreur de ne pas l'appréhender dans sa globalité mais de ne l'évoquer qu'à partir du moment où il se distingue, au service de la France. Pour exemple, c'est effectivement la première biographie du personnage que je croise, du moins en ce qui concerne les livres d'Histoire dit de vulgarisation. Des universitaires et des chercheurs se sont inévitablement penchés sur la figure de Mazarin mais jusqu'ici, je n'avais pas eu la chance de lire une vraie biographie du personnage. Peut-être aussi parce que je n'en ressentais pas la nécessité, influencée par la vision à demi tronquée que l'on a souvent du personnage : comme si on ne voyait finalement qu'une moitié de lui, en occultant allègrement la première, que je connaissais bien sûr, mais pas en détails.
Avant de me passionner pour le XVIIIème siècle, j'ai été très attirée par le Grand Siècle et le règne du Roi-Soleil. La figure de Louis XIV est contestable, certes, mais son règne et sa personne sont excessivement fascinants et passionnants à découvrir... Un peu comme pour Marie-Antoinette, je ne me lasse pas de lire des ouvrages sur lui !
Il était donc clair que cette biographie allait m'apporter un autre éclairage du début du règne de Louis XIV, permettant ainsi de mieux comprendre aussi comment et pourquoi Louis XIV est devenu le Roi-Soleil. Si on part du postulat que on ne naît pas roi mais on le devient (merci, Simone de Beauvoir ! ), Mazarin a été, avec Anne d'Autriche, l'une des pierres angulaires et le tuteur d'un jeune homme en devenir, propulsé bien jeune à la tête de l'un des plus grands royaumes d'Europe.
Simone Bertière a fait le choix de nous raconter Mazarin du début jusqu'à la fin, sans passer sous silence les jeunes années et celles de formation qui nous permettent de mieux assimiler pourquoi, à un âge encore relativement jeune, ce diplomate hispanophile et sous les ordres du pape, a pu trouver grâce aux yeux du tout-puissant ministre de Louis XIII, Richelieu. On pourrait songer que c'est grâce à son seul mérite mais il apparaît très vite que cela ne fait pas tout et que tout est bien plus compliqué.
Mazarin, donc. Qui est-il ? Il naît dans les Abruzzes en juillet 1602, d'un père originaire de Sicile, mais vivant à Rome, étant au service du pape et d'une mère qui lui apporte un peu de sang noble et qui se nomme Hortensia Buffalini. Il aura un frère, qui rentrera dans les ordres et sera même, plus tard, évêque d'Aix-en-Provence et des soeurs, dont les enfants et notamment les filles, feront parler d'elle, à commencer par la célèbre Marie, vraie héroïne de roman.
A une époque où le clientélisme est extrêmement fort, notamment dans les entours du pape, les Mazarin se retrouvent donc très liés à la toute-puissante famille des Barberini, dont le pape Urbain VIII est un représentant. C'est d'ailleurs grâce au pontife lui - mêle que Mazarin va pouvoir amorcer une carrière de diplomate dans laquelle il se distingue. Le jeune homme sera aussi au service du cardinal Antoine, propre neveu du pape. C'est dans un contexte extrêmement troublé, celui de la Guerre de Trente Ans, que Mazarin, encore jeune, va fourbir ses armes, apprendre, se distinguer, échouer parfois mais réussissant toujours des coups de force qui laissent pantois !
Son allégeance à la couronne de France ne va donc pas de soi comme on se plaît à le penser parfois et n'est finalement le fruit que de circonstances - elles lui permettront cependant d'accéder à un rang auquel il n'aurait jamais pu aspirer s'il était resté au service de la papauté, d'autant plus que les réseaux de clientèle étaient relativement fragiles.
Protégé de Richelieu, il entre au Conseil après la mort de celui-ci en décembre 1642 puis se voit, l'année suivante, confier le Dauphin par Louis XIII moribond. Gouvernant de fait avec la régente, Mazarin est indissociable des premières années du règne de Louis XIV. Il essuiera certes la Fronde, il sera le témoin de la naissance d'une idylle entre son pupille et sa jeune nièce Marie, enfin, il verra la France et l'Espagne réconciliées -même si cela ne durera pas- grâce au mariage du roi et de sa cousine Marie-Thérèse. Mazarin meurt en mars 1661 : après lui, Louis XIV n'aura plus de premier ministre. Il représente, avec Richelieu, l'omnipotence d'un pouvoir secondaire soutenant le roi et le guidant dans l'exercice de son règne. Leurs actions n'ont pas forcément fédéré, ils durent faire face à de violentes oppositions. Ils n'en restent pas moins des personnages centraux de notre Histoire sur lesquels on ne peut se permettre de faire l'impasse.

Le cardinal Mazarin à l'entrée de la galerie Mazarine (gravure de Robert de Nanteuil et Pierre van Schuppen, 1669)

L'accession au pouvoir et l'action de Mazarin et Anne d'Autriche ont ceci de fascinant que ce sont finalement deux personnes nées à l'étranger qui ont préparé le grand règne de Louis XIV, nées à l'étranger et qui sont restées, pendant longtemps, partisanes d'un pays antagoniste, l'Espagne, pour des raisons viscérales pour Anne d'Autriche et par la force des choses pour Mazarin. Ils parviendront cependant à devenir tous deux d'ardents défenseurs d'une couronne qui, à la base, ne leur est rien. On pense ce qu'on veut de leur bilan : toujours est-il qu'ils se sont investis, ne sont pas restés inactifs et ont sûrement, malgré la Fronde, permis à Louis XIV de devenir un grand roi.
Simone Bertière n'apporte pas de jugement sur l'action de Mazarin, que ce soit pendant sa carrière en France ou avant. Elle ne passe pas non plus sous silence ses échecs : Mazarin était un bon diplomate, il fut, pour le Saint-Siège, un bon plénipotentiaire, mais il lui est arrivé parfois de se tromper, de faire fausse route, comme tout le monde.
L'auteure nous montre le personnage dans toute sa globalité et sa complexité. Au travers de lui, ce sont aussi toutes les relations diplomatiques et la géopolitique de l'époque, pas forcément très accessibles, mais qu'on ne peut pas ne pas aborder qui sont commentées et analysées. Mazarin y eut pendant longtemps un rôle central mais dans l'ombre malgré tout, parce qu'il était un représentant sur le terrain. Ne pas en parler serait donc tout à fait impossible. Même si c'est la partie la moins captivante, en soi, parce qu'elle reste assez complexe à suivre et nécessite beaucoup de concentration, elle n'est pas superflue car c'est grâce justement à la relation des jeunes années qu'on comprend comment s'est fait Mazarin et avec quelles armes.
L'approche de Simone Bertière m'a plu. C'est une bonne historienne et elle a une plume chaleureuse, qui donne envie de se plonger dans le texte. Une biographie reste certes un document scientifique mais cela n'empêche pas qu'elle peut être bien racontée. C'est ce que l'auteure fait ici et tant mieux, d'ailleurs au vu du volume : un peu plus de 800 pages et une centaine pour les notes, annexes et bibliographies, au final, on se retrouve avec un bon gros livre entre les mains !
J'y ai passé du temps mais ne le regrette pas. Ce n'est pas le genre de lectures avec lequel on peut se permettre de lire en dilettante et sans beaucoup de concentration.
Cette biographie est bien moins accessible que la fameuse saga sur les reines de France qui a fait connaître Simone Bertière au grand public. Pour autant, elle est très intéressante parce qu'elle aborde le personnage dans sa globalité, certes, mais aussi de manière détaillée... Portrait d'un personnage mais aussi d'une époque, Mazarin, le maître du jeu est une bonne biographie, conséquente et qui nécessite beaucoup d'attentions mais on en ressort avec des connaissances approfondies et, pour ma part, une meilleure compréhension de certains événements, comme la Fronde.
Si, aujourd'hui, le pouvoir des cardinaux ministres nous apparaît comme un parallèle de l'absolutisme royal, on se rend compte, à la lecture d'une telle biographie, qu'il n'allait pas de soi... Tout puissant certes, mais aussi extrêmement seul, Mazarin eut toute sa vie à lutter, pour sa sauvegarde et pour celle du royaume que Louis XIII lui avait remis. Simone Bertière apporte aussi un éclairage nouveau sur les relations qui unirent Anne d'Autriche et Louis XIV à leur ministre. Si la reine ne fut pas sa maîtresse, comme certains l'ont insinué, il y'eut bien cependant une véritable tendresse entre eux et une confiance authentique de la part du jeune roi, privé jeune de son père.
Je ne sais pas si on peut dire que le personnage de Mazarin est attachant... Peut-être l'est - il, par certains côtés... Il est de toute manière assez fascinant, dans toute sa complexité et il est évident que le charme du personnage, transparaissant à travers les mots de l'auteure, opère. 
La biographie de Simone Bertière est parfaite. Très technique et peut-être pas à mettre entre toutes les mains ou disons plutôt -parce que si, un livre de Simone Bertière devrait être mis entre toutes les mains-, que ce n'est pas ce livre-là à choisir en guise d'introduction. Très dense, elle dispense énormément d'informations et nécessite d'avoir quelques connaissances de l'époque pour s'y retrouver. Personnellement, c'est une époque qui me plaît beaucoup et je n'étais donc pas dépaysée. Découvrir le règne de Louis XIV et la régence d'Anne d'Autriche au travers du charismatique cardinal m'a pris du temps, mais au final j'en ressors avec des connaissances enrichies, alors, que demander de plus

Portrait de Mazarin par Philippe de Champaigne (XVIIème siècle)

En Bref :

Les + : une bonne biographie, fine, bien écrite et qui embrasse le personnage dans sa globalité sans laisser pour autant de côté le détail. Mazarin nous apparaît aussi proche et vivant qu'il peut l'être. 
Les - : quelques points peut-être un peu trop techniques ? Mais...est-ce réellement un bémol ? 

 

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