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Le salon des précieuses

Mémoires d'Outre-Tombe, livres I à XII ; François-René de Chateaubriand

« La grandeur de l'âme ou celle de la fortune ne m'imposent point ; j'admire la première sans en être écrasé ; la seconde m'inspire plus de pitié que de respect : visage d'homme ne me troublera jamais. »

Mémoires d'Outre-Tombe, livres I à XII ; François-René de Chateaubriand

 

Publié en 2001

Date de parution originale : 1849

Editions Le Livre de Poche (collection Les Classiques de Poche)

800 pages

Premier tome des Mémoires d'Outre-Tombe 

Résumé :

Quand vers 1830 Chateaubriand revient aux Mémoires de ma vie entrepris plus de vingt ans, il les juge trop intimes et réoriente son projet. A travers le récit de sa propre existence, les Mémoires d'outre-tombe seront également l'épopée de ce temps qu'il a vécu et comme témoin et comme acteur. Au-delà de ce qu'il fut lui-même, son destin deviendra exemplaire de celui d'une génération qui connut à la fois l'effondrement de l'ancien monde et le commencement du nouveau, issu de la Révolution. 
La première partie de ces Mémoires traversés par l'Histoire, où la mélancolie dit la difficulté à croire en la réalité du monde, où la vanité des choses toujours transparaît, est la plus personnelle. Car l'écrivain n'y retrace pas seulement ce qu'il appelait sa première carrière de soldat et de voyageur, mais le commencement d'une vie qui se découvre à nous comme un récit de formation : celui du jeune chevalier breton bientôt parti pour l'Amérique et de l'aristocrate qui combat dans l'armée des Princes, émigre en Angleterre, avant de revenir en France pour y devenir Chateaubriand. 

Ma Note : ★★★★★★★★★★ 

Mon Avis :

Les mémoires de Chateaubriand font partie de ces classiques considérés comme incontournables mais qui, en même temps, font peur. Se lancer dans des mémoires, ça n'est pas toujours facile...le style peut faire hésiter, comme le genre en lui-même. Se plonger dans les mémoires de quelqu'un peut avoir quelque chose de dérangeant parfois, comme si on quittait soudain notre statut de lecteur pour pénétrer dans une sphère privée et qui devrait le rester.
Mais en ce qui concerne Mémoires d'Outre- Tombe, c'est vraiment autre chose. Bien sûr que Chateaubriand nous raconte son enfance bretonne puis sa vie d'adulte, assez mouvementée, d'ailleurs. Dans des mémoires, on raconte sa vie, c'est inévitable. Mais en plus d'être un homme de lettre renommé, Chateaubriand est aussi un homme politique important, qui va traverser une époque riche, qui sert de toile de fond à son récit -cette future carrière n'est cependant que mentionnée rarement dans ces premiers livres consacrés à l'enfance et à la jeunesse. Né à la fin de l'Ancien Régime, il prend la plume au siècle suivant, sous l'Empire puis la Restauration.
Il naît le 4 septembre 1768 à Saint-Malo, ville portuaire renommée pour ses corsaires : Surcouf, Duguay-Trouin. Issue de la vieille noblesse d'épée, la famille de Chateaubriand remonte au Moyen Âge et elle est bien ancrée dans son territoire, la Bretagne, dont elle est une des familles les plus importantes. Mais lorsque naît François- René, dernier rejeton d'une famille de dix enfants -dont six seulement survivront-, les branches aînées se sont éteintes et les Chateaubriand sont de pauvres gentilshommes à la renommée toujours intacte mais sans argent. L'enfance du futur auteur du Génie du Christianisme se passe simplement, entre Saint-Malo et le château de Combourg, près de Rennes, vieille demeure vaste et vide qui serait, dit-on, hantée par un ancien propriétaire, blessé à la bataille de Malplaquet et qui se promènerait dans les couloirs du château flanqué d'un chat noir.
C'est donc dans une ambiance assez particulière que grandit François-René, de manière assez provinciale qu'il est élevé, loin de la Cour et de ses fastes : il voit le jour sous Louis XV, commence sa carrière militaire sous Louis XVI et lui sera présenté officiellement en 1787, mais il ne fréquente pas le monde.
Peu aimé de ses parents, relativement indifférents, il s'attache à l'une de ses sœurs, Lucile, de quatre ans son aînée. Enfant turbulent mais intelligent, il se distingue dans les études, notamment dans sa facilité pour le grec et le latin mais aussi pour les mathématiques. Il recevra son éducation au collège de Dol puis à Rennes. Un temps destiné à une carrière ecclésiastique, il se dirige finalement vers le métier des armes puis embrassera la carrière politique et littéraire qu'on lui connaît.
Pessimiste, fataliste, Chateaubriand incarne bien ce héros romantique à la Werther, si à la mode à l'époque (« Tout me lasse : je remorque avec peine mon ennui avec mes jours, et je vais partout bâillant ma vie. ») C'est vraiment cela qui m'a frappée à la lecture de ce premier tome : cette instabilité et cette tristesse que l'on perçoit chez lui dès ses plus jeunes années. Une tristesse qui va jusqu'à lui faire écrire qu'il aurait encore mieux aimer mourir à sa naissance que vivre, ce qui est tout de même assez violent (« Mieux vaut déguerpir de la vie quand on est jeune, que d'en être chassé par le temps. »).
Et, en même temps, il aura une vie hors du commun et s'il éprouve le besoin de la raconter c'est bien qu'il estime, en un sens, qu'elle a valu la peine d'être vécue et d'être partagée. Coucher sa vie sur papier, ça n'est pas vouloir la faire disparaître, au contraire : c'est lui conférer l'éternité, quelque part.
Il a vingt ans lorsque démarre la Révolution. Le jeune Chateaubriand est moins radical que celui qui, plusieurs décennies plus tard, rédige Mémoires d'Outre-Tombe. Il se pose en observateur un peu étranger, ni totalement royaliste ni totalement réformateur : en cela il est beaucoup moins critique qu'il ne sera lorsqu'il aura le recul nécessaire pour juger cette période de sa vie.

Le portrait le plus connu de Chateaubriand (Chateaubriand méditant sur les ruines de Rome), par Anne-Louis Girodet 


En 1791, il quitte la France pour l'Amérique, où il effectue un grand voyage avant de s'engager dans l'Armée des Princes, en Allemagne, l'année suivante. En 1793, on le retrouve en Angleterre, où il passera un long exil.
Opposant de Napoléon Bonaparte, qu'il considère ni plus ni moins que comme un tyran, sa carrière politique ne va réellement commencer qu'après la chute de celui-ci et il sera notamment ministre des Affaires Étrangères sous Louis XVIII. En 1822, Chateaubriand est de retour à Londres, une ville qu'il connaît bien mais il est alors ambassadeur officiel du pouvoir royal. Il va y écrire une partie de ses mémoires qu'il reverra ensuite à la fin des années 1840, quelques temps seulement avant sa mort.
Mémoires d'Outre-Tombe est une oeuvre vivante, avec ses évolutions et changements. Il semble que l'auteur n'ait jamais cessé de de les reprendre, de les revoir, de les remanier... les textes n'ont cependant rien d'artificiel et j'ai beaucoup aimé me plonger dans la vie de Chateaubriand, que je connaissais déjà, certes, mais assez peu et assez mal. Je savais que, à l'instar d'un autre homme de lettres, Lamartine, il avait eu, en plus de sa carrière littéraire, une importante activité politique... à part ça, mes connaissances étaient relativement limitées. Et quoi de mieux, pour appréhender une personnalité dans toute sa complexité, que de se plonger dans ces mémoires, si tant est qu'il y'en ait, bien évidemment.
Je me suis surprise à lire ce premier volume des Mémoires d'Outre-Tombe comme un roman : certes, le propos est un peu redondant parce que les mémoires à part entière sont précédés des Mémoires de ma Vie, un texte plus court, concentré essentiellement sur l'enfance et l'adolescence et qui a, je suppose, servi de support à la rédaction des véritables mémoires. Certains passages de ce dernier texte sont repris tels quels dans les livres I à XII présentés par la suite, j'ai donc parfois eu un sentiment un peu désagréable de répétition.
Dans l'ensemble, j'ai quand même été séduite et ai aimé la langue de Chateaubriand, unique et très personnalisée, l'auteur n'hésitant pas à émailler son texte d'archaïsmes -notamment de mots et d'expressions empruntés au vocabulaire de la Renaissance-, de provincialismes, latinismes ou anglicismes. J'avoue que certains passages, parfois, m'ont paru confus, difficiles à comprendre. On a un sentiment de spontanéité, comme si l'auteur avait jeté les mots sur le papier sans se relire, ce qui donne parfois des phrases un peu bancales. Ça nous est tous arrivé : parfois on se relit et notre phrase ne veut absolument rien dire et on ne sait même plus ce qu'on voulait dire !
Je ressors quoi qu'il en soit de cette lecture avec un ressenti très positif et moins d'appréhension concernant les deux derniers volumes, parce que je suis maintenant habituée à l'univers et au style de Chateaubriand, qui m'ont plu tous les deux.
J'ai beaucoup aimé la longue relation du voyage en Amérique, qui précède, pour Chateaubriand, son enrôlement dans l'Armée des Princes puis sa longue émigration en Angleterre, où il reste près de sept ans. Tout, finalement, lui donne lieu à des réflexions et digressions quelque peu philosophiques, sur la vie, la gloire, le genre humain. J'ai eu l'impression de lire ces carnets de voyage du XVIIIème siècle, comme Supplément au Voyage de Bougainville, qui nous dépaysent. 
J'ai été frappée, comme je le soulève déjà plus haut, par l'omniprésence de la mort dans ces mémoires : du coup, j'en ai mieux compris le titre ! Certes, Chateaubriand les reprend quelques années avant sa mort mais le gros du texte de ces livres I à XII a été écrit près de trente ans auparavant ! Et pourtant, le temps et la vieillesse qui consument tout, le pessimisme, sont au centre du récit. S'il y'a bien une chose qu'on comprend rapidement, c'est que Chateaubriand ne devait pas être d'une compagnie très gaie et qu'il a, très tôt, développé ce spleen qui sera au centre des préoccupations et de l'oeuvre des auteurs dits romantiques.
Ces mémoires nous permettent de prendre la mesure de l'homme qui les à écrits mais aussi d'une époque.
Je comprends maintenant pourquoi les Mémoires d'Outre-Tombe sont des classiques considérés comme incontournables.

En Bref :

Les + : une oeuvre vivante et intéressante, tant par son aspect privé que plus historique et général. 
Les - : des passages un peu difficiles à appréhender ; des redondances. 

 

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L
Je suis toujours impressionnée par tes lectures : tu donnes l'impression de les "enchaîner" (ce n'est pas péjoratif - je pense qu'à force de lire, on lit plus vite) et tu choisis souvent des "pavés". Comment fais-tu ?<br /> J'avais hâte de lire ton avis sur cette oeuvre. Elle m'effraie aussi beaucoup mais j'aimerai tellement me lancer dans sa lecture. Seulement, je me vois la lire quand je serai à la retraite... Je t'admire de lire ces ouvrages dès à présent. Peut-être que je changerai d'avis et les lirai plus tôt...
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A
Très belle chronique! C'est un classique que j'aimerai beaucoup lire :)
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L
Oh j'avais dû en lire une partie pour mon bac de français! Heureusement pas tout car faire lire 800 pages à des jeunes de 16 ans aurait été un peu dur je pense ^^ Je me souviens que j'avais bien aimé. De toute façon les mémoires et les autobiographies sont des genres qui me plaisent beaucoup. J'apprécie de découvrir la vie de gens connus ou importants et des anecdotes qu'eux seuls connaissent.<br /> En tout cas tu as eu du courage de t'attaquer à un classique si imposant!
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K
Cela fait 5 ans que je dois lire les Mémoires d'Outre-Tombe. D'ailleurs les romans sont dans ma PAL, mais à chaque fois je repousse à plus tard. Mais après cette chronique, tu m'as donné envie de m'y replonger. Pour le moment je lis le Comte de Monte Christo mais je crois que cette année je vais m'intéresser aussi de près à Chateaubriand. J'ai étudié certains passages au lycée, mais comme j'ai pu le lire dans ton commentaire précédent, les profs nous dégoûtent plus qu'autre chose. Je trouve ça affligeant parce qu'il y a plein de gens qui ne veulent même plus lire un livre après leur passage au lycée. Heureusement comme toi que j'aimais déjà lire à la base depuis toute petite, sinon mes profs de français m'auraient dégoûté de la lecture. Je me souviens de ma prof de français en seconde qui était vraiment terrible, elle nous a fait étudier des oeuvres pour lesquelles on n'avait pas assez de maturité. Et puis parfois le choix des livres laisse franchement à désirer. Bref, il y a un gros problème dans le système français malheureusement. Pour en revenir à Chateaubriand, j'ai hâte de découvrir ce côté mélancolique, presque depressif? dont du parles et d'essayer de comprendre davantage l'auteur. 
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C
Chateaubriand ! Tu t'attaques à du lourd !<br /> Je t'avoue que j'ai beaucoup de mal avec lui... depuis mon bac de français en 1ère. J'étais tombée sur le fameux passage du chant de la grive, qu'on trouve dans Mémoires d'outre tombe justement, et je m'étais franchement emmêlée les pinceaux ^^ Du coup, impossible de lire cet auteur sans repenser à ce moment cuisant de ma scolarité qui commence pourtant à dater !<br /> Je t'avoue que, même sans ce souvenir, je ne serai pas trop tentée par une telle lecture... Disons qu'il y a tant de classiques que j'aimerais lire avant ! Mais je ne doute pas que se soit franchement intéressant et instructif, ta chronique donne un bel aperçu de la richesse du texte.
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