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Le salon des précieuses

Mémoires : de 1820 à 1848 (volume 2) ; Adèle d'Osmond comtesse de Boigne

« Je n'écris pas l'histoire, je le répète. Tout au plus, puis-je me flatter, en retraçant les événements où j'ai assisté, comme acteur ou comme spectateur, de donner quelques coups de pinceau qui fassent mieux apprécier les choses et les personnes. Aussi ne parlé-je jamais de ce que je ne sais que par des on-dit ou par la voix publique. »

Mémoires : de 1820 à 1848 (volume 2) ; Adèle d'Osmond comtesse de Boigne

 

 

  Publié en 1999

  Date de parution originale : entre 1921 et 1923 en    texte intégral

  Éditions du Mercure du France (collection Le temps    retrouvé)

  722 pages

  Deuxième tome des Mémoires de la comtesse de Boigne

 

 

 

Résumé :

Couvrant près de soixante-dix ans, les Mémoires de la comtesse de Boigne occupent une place à part dans la littérature de souvenirs, ne serait-ce que par la richesse de leur information et la qualité exceptionnelle de leur style. 
Document irremplaçable sur toute la période qui va des dernières années de l'Ancien Régime à la révolution de 1848, ces Mémoires ont fait de la comtesse de Boigne, depuis leur première publication en 1907, un personnage quasi mythique. Elle passe pour le caustique avocat du diable de tous les procès en canonisation de ses contemporains, la plus célèbres de ses victimes étant Chateaubriand. Ces Mémoires sont également l’œuvre d'une extraordinaire psychologue, impitoyablement lucide, qui démonte les rouages d'une société qu'elle a si bien observée et dénonce sans relâche la bêtise de sa classe sociale. 
Proust, qui en fut l'un des premiers lecteurs, s'enthousiasma pour les Mémoires de la comtesse de Boigne dont il salua la publication et dont il s'inspira directement pour son œuvre personnelle. 

Ma Note : ★★★★★★★★

Mon Avis :

Le Grand Siècle avait Saint-Simon, le règne de Louis XVI et le début du XIXème siècle ont Adèle d’Osmond, plus connue sous son nom d’épouse : la comtesse de Boigne.
Quelques mots sur l’autrice, avant d’entrer dans le vif du sujet : Adèle Charlotte Louise Eléonore, future comtesse de Boigne, est née à Versailles en février 1781. Elle est morte à Paris presque nonagénaire en 1866, après avoir traversé une époque d’une richesse folle, du règne de Louis XVI jusqu’à la chute de la Monarchie de Juillet. Par sa proximité avec le pouvoir, la comtesse de Boigne est un témoin de premier plan, pas toujours très objectif selon les historiens, mais elle nous laisse grâce à ses Mémoires – qui, au départ, n’étaient pas destinés à être publiés et le seront entre 1921 et 1923 après une procédure en justice de plus de dix ans – une formidable source, certes à prendre avec des pincettes, mais dans laquelle on se faufile au plus près du pouvoir, dans les couloirs des Tuileries ou de Saint-Cloud.

Compagne de jeu du petit Dauphin – le premier fils de Louis XVI et Marie-Antoinette, mort de la tuberculose en juin 1789 –, Adèle d’Osmond connaît dans l’enfance l’émigration avant de rentrer en France et de fréquenter les cercles de la Restauration bourbonnienne. Ainsi, la mémorialiste nous laisse-t-elle des portraits circonstanciés de Louis XVIII, de son frère Charles X (qui n’est encore que Charles d’Artois) ou bien encore des enfants de ce dernier, Louis-Antoine d’Angoulême et Charles de Berry, ainsi que des épouses respectives de ces derniers, à commencer par l’impulsive, fière et aventurière duchesse de Berry, Marie-Caroline.
Ce deuxième tome s’ouvre en 1820 avec l’assassinat du duc de Berry par Louvel en février de cette année-là. Et si l’assassin du fils de Monsieur a cru ainsi porter un coup mortel à la famille de Bourbon, il se trompe car lorsque le duc de Berry expire, dans la nuit qui suit son agression, son épouse Marie-Caroline est enceinte depuis quelques semaines et donnera naissance au mois de septembre suivant, à un garçon bien portant, Henri, titré duc de Bordeaux !

13 février 1820 : Le duc de Berry est assassiné

L'assassinat du duc de Berry en février 1820 est le premier grand événement historique de l'époque traité par Madame de Boigne dans ce deuxième volume de ses Mémoires


En suivant la chronologie, la comtesse de Boigne – dont les écrits initialement sont destinés à la lecture seule de son neveu – retrace ensuite les dernières années de Louis XVIII, de plus en plus impotent, la faveur de Madame du Cayla (souvent considérée d’ailleurs comme la dernière favorite royale) et celle d'Elie Decazes qui s'achève brutalement à la mort du duc de Berry, , puis l’accession au trône de Charles X et le raidissement royaliste et ultra, qui remet de plus en plus en cause la Charte octroyée par Louis XVIII – qui avait été un premier pas vers une monarchie constitutionnelle. La mémorialiste insiste aussi sur l’aveuglement des derniers Bourbons et leur « déconnexion » pour utiliser un terme moderne, usant de diverses anecdotes pour illustrer ce trait qui semble un atavisme familial : à l’image de Louis XVI parfois dépassé par les événements et ne prenant pas la mesure de leur importance et de leur dangerosité, son frère Charles X et son neveu devenu Dauphin de France (lorsque le duc d’Angoulême demande par exemple des nouvelles météorologiques à son interlocuteur en vue d’une partie de chasse alors que celui-ci lui rend compte des émeutes et des barricades parisiennes, le lecteur reste sans voix devant tant d’ingénuité ou de capacité à être dans le déni) ne se rendront pas compte de la grogne populaire qui ne cesse d’augmenter avant d’éclater en juillet 1830 : la révolution dite des « Trois-Glorieuses » portera un coup fatal à la monarchie des Bourbons, conduira la famille royale en exil et le duc d’Orléans au pouvoir. Ne dit-on pas que la couronne, qui tomba de la tête de Charles X roula jusqu’aux pieds de monsieur le duc d’Orléans qui la ramassa ? Puis l’autrice s’attarde assez longuement sur l’épopée chevaleresque de la duchesse de Berry en Vendée, souhaitant faire valoir les droits de son fils Henri en 1832. Une rébellion royale qui aurait pu entrer dans l’Histoire comme un événement marquant mais qui se termina piteusement dans les geôles de Blaye, où la duchesse accouchera d’un enfant naturel avant de partir en exil sans avoir jamais pu obtenir gain de cause ni fait croire à la paternité officielle de l’enfant née en Gironde.
Si Adèle d’Osmond, devenue comtesse de Boigne en 1798, fréquente la cour des Bourbons par esprit de clan, c’est avec probablement plus de chaleur et d’affection et moins d'obligation qu’elle se rend à la cour plus informelle et familiale de Louis-Philippe Ier et de Marie-Amélie, qu’elle avait connue en Italie, alors qu’elle était en émigration. L’autrice nous offre un portrait circonstancié de cette monarchie arrivée au pouvoir par la volonté du peuple, une monarchie simple et presque bourgeoise mais qui ne durera pas même vingt ans et sera à son tour détrônée par une révolution, les convulsions politiques se faisant succéder à une vitesse folle les pouvoirs et les régimes tout au long du XIXème.

Trois Glorieuses : résumé d'une révolution sur trois jours

L'attaque des Tuileries le 29 juillet 1830 : Madame de Boigne s'attarde longuement sur la relation de cette semaine de juillet qui entraîna dans une chute vertigineuse le trône de Charles X 


Si toutes les considérations politiques de l’autrice ne sont pas toujours faciles à suivre et rendent le livre assez dense et exigeant – il vous faudra réunir toute votre concentration si vous vous lancez dans cette lecture – il n’en reste pas moins passionnant.
Comme je le disais plus haut, les historiens sont aujourd’hui à peu près unanimes pour affirmer que la comtesse de Boigne se laissait parfois aller à exprimer des opinions personnelles et par là même biaisées. Pour autant, s’il faut se méfier de la source et faire appel à tout son esprit critique lorsqu’on la lit ou la manipule, elle reste un document exceptionnel. C’est peut-être un peu convenu de dire ça mais on a l’impression d’y être ! Dans le sillage de la comtesse de Boigne, on vit les grands comme les plus petits événements et on découvre aussi l’anecdote qui, certes, ne fait pas l’Histoire mais la rend tellement plus savoureuse et moins déshumanisée.
Le style est remarquable et il aurait été dommage que les Mémoires de la comtesse de Boigne, même si c’était sa volonté, soient restés privés. La comtesse avait un véritable talent d’écriture et savait manier la plume : relativement facile à lire, son style est probablement un gros point fort de ces Mémoires, à lire cependant avec concentration – mais quel classique ne se lit-il pas avec un minimum d’attention de notre part ?
Pour conclure, j’avais déjà beaucoup aimé le premier tome mais je dois dire que cette suite ne m’a pas déçue non plus, bien au contraire. J’ai encore une fois passé un bon moment de lecture même si je dois être honnête : j’ai gardé internet pas loin de moi au cours de cette lecture, pour rechercher parfois quelques éclaircissements ou informations supplémentaires. Mais dans l’ensemble c’est lisible et compréhensible sans trop de problèmes. A l’instar des Mémoires de la baronne d’Oberkirch, des souvenirs de Madame Campan (la femme de chambre de Marie-Antoinette) ou encore, de l’immense fresque de Chateaubriand Mémoires d’outre-tombe, les Mémoires de la comtesse de Boigne ont toute leur place dans ces sources historiques françaises incontournables pour peu que l’on s’intéresse à la Restauration et à la Monarchie de Juillet mais aussi à la fin de l’Ancien Régime, à la Révolution française et au Premier Empire.

File:Mémoires de la comtesse de Boigne Tome I 1921 (page 3 crop) -  transparent.jpg - Wikimedia Commons

Médaillon représentant la comtesse de Boigne dans sa jeunesse

 

En Bref :

Les + : le style de Madame de Boigne est accessible et agréable à lire. Immersifs, ses Mémoires nous font revivre l'Histoire au plus près.
Les - : quelques considérations très politiques qui peuvent paraître un peu floues pour un lecteur du XXIème siècle.

 


Mémoires : de 1820 à 1848 (volume 2) ; Adèle d'Osmond comtesse de Boigne  

Mémoires de la baronne d'Oberkirch sur la cour de Louis XVI et la société française avant 1789 ; Henriette Louise de Waldner de Freundstein, baronne d'Oberkirch LE SALON DES PRÉCIEUSES EST AUSSI SUR INSTAGRAM @lesbooksdalittle

  • Découvrez mon avis sur le premier tome : 

Les Mémoires de la comtesse de Boigne, volume I : du règne de Louis XVI à 1820

 

Envie de découvrir d'autres célèbres mémorialistes ? 

- Découvrez mon billet sur les Mémoires de la baronne d'Oberkirch juste ici

 

- Et mes billets sur les monumentaux Mémoires de Chateaubriand : 

 

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