3 Août 2017
« Je crois qu'être père, c'est tout donner sans compter, tout dire sans mentir et accepter que ceux à à qui vous l'offrez en fassent autre chose que ce que vous espériez. »
Publié en 2017
Editions Pocket
380 pages
Résumé :
Pour soigner ceux que l'on oublie trop souvent, Thomas a vécu des années dans un village perdu en Inde. Lorsqu'il apprend que la femme qu'il a autrefois quittée a eu une fille de lui, ses certitudes vacillent.
Il lui a donné la vie, mais il a moins fait pour elle que pour n'importe quel inconnu. Est-il possible d'être un père quand on arrive si tard ? Comment vit-on dans un monde dont on ne connaît plus les codes ? Pour approcher celle qui est désormais une jeune femme et dont il ne sait rien, secrètement, maladroitement, Thomas va devoir tout apprendre, avec l'aide de ceux que le destin placera sur sa route.
Ma Note : ★★★★★★★★★★
Mon Avis :
Alors qu'il se trouve en Inde, où il vit depuis huit ans, Thomas, médecin de formation, qui s'est spécialisé dans les missions humanitaires, apprend soudainement qu'il a une fille en France. Une fille de vingt ans, dont il a quitté la mère pour partir à travers le monde et dont il ne sait rien, parce que son ex ne lui a jamais révélé l'existence de cette enfant.
Cette nouvelle est un vrai bouleversement dans la vie d'un homme qui l'a toujours consacrée à aider les autres. Et si, pour une fois, il devait penser à lui, à sinon rattraper le temps perdu, du moins essayer de sauver ce qui peut l'être encore ? Il s'envole alors pour la France où il va tenter de rencontrer sa fille et nouer des liens avec elle.
Habituée aux héroïnes féminines un peu barrées mais tellement attachantes de Legardinier, j'ai été d'abord un peu surprise de tomber sur un personnage principal masculin, Thomas donc, médecin de formation, la quarantaine un peu larguée. Cela ne pas gênée pour autant bien au contraire... il est tout aussi attachant que les héroïnes des romans précédents et, si je fais un parallèle avec Andrew Blake, le héros de Complètement Cramé ! on s'aperçoit que l'auteur est aussi habile à décrire les sentiments masculins comme féminins. Facile, vous me direz...puisqu'il est lui-même un homme...oui, mais...parfois, ce n'est finalement pas si facile de décrire ses semblables ! Gilles Legardinier fait partie de ces auteurs qui ont un talent fou pour tout mettre en exergue, avec justesse et habileté, à commencer par les sentiments humains, qui sont universaux, que l'on soit un homme ou une femme.
Ici, il s'attaque à un sujet intéressant et peu traité dans les romans, à plus forte raison dans un roman léger et plein d'humour, qui fait du bien au moral : la question de la paternité. Si on trouve des analyses en long en large et en travers des relations mère/enfant, des descriptions à n'en plus finir du sentiment maternel, il est vrai que le positionnement du père face à son enfant est un sujet dont on parle moins. Et pourtant, on se rend compte qu'il est tout aussi intéressant et qu'il permet d'entrevoir les hommes sous un autre jour. Quelle est la place du père dans la vie de son enfant, à plus forte raison quand ils se rencontrent alors que l'enfant construit sa vie et est presque un adulte ? Comment essayer de construire une relation ? Comment faire, tout simplement, pour ne pas se sentir coupable, pour essayer de réparer voire de créer quelque chose ? Si on sait aujourd'hui que l'apprentissage de la maternité n'est pas aussi inné qu'on le pensait, on peut donc imaginer la difficulté d'un homme à trouver sa place face à un enfant dont il est certes à l'origine mais qu'il n'a pas porté et avec lequel il doit tout construire. Quel challenge, alors, quand cet enfant nous tombe du ciel et remet tout en question et, de surcroît, quand on apprend que l'enfant en question n'en est plus vraiment un...
Mais ce n'est pas très drôle tout ca, me direz-vous ? C'est vrai. Et un roman de Legardinier ne serait pas un roman de Legardinier sans une touche d'humour... Que l'on va trouver incarnée dans les pensionnaires de la maison de retraite où Thomas trouve du travail à son retour en France. Petite structure expérimentale qui n'accueille qu'un nombre restreint de pensionnaires, ceux-ci s'avèrent être des petits vieux complètement barrés mais très drôles, bien décidés à profiter à fond des années qui leur reste !
Si on retrouve pas mal des codes qui ont fait le succès de l'auteur, dans Quelqu'un pour qui Trembler, j'ai cependant trouvé que l'émotion et la gravité prenaient souvent le pas sur l'humour pur et dur, ce qui s'avère tout aussi sympa ! J'ai trouvé que l'auteur, avec des mots simples mais justes, parvient à très bien décrire le sentiment paternel, la position de l'homme face à son enfant, qu'il doit apprendre à découvrir, sans l'aimer moins pour autant. Il est sûr que sa propre expérience a sûrement joué dans la rédaction de son roman et je trouve ça infiniment touchant, la postface est d'ailleurs très jolie et j'aime beaucoup les auteurs qui se dévoilent, mettent énormément d'eux dans leurs écrits. C'est ce que j'aime chez Legardinier, cette facilité à établir une réelle proximité avec ses lecteurs, ce qui nous donne l'impression, de roman en roman, de retrouver quelqu'un qu'on connaît.
Tous les personnages de ce roman valent aussi d'être connus. Je les ai trouvés touchants, drôles, extrêmement bien travaillés parce qu'ils sont tous, à leur échelle, un petit échantillon de notre société, société à laquelle Thomas, le principal personnage, doit apprendre à se reconnecter, après des années passées en missions humanitaires dans divers endroits du globe, défavorisés et où la société à l'occidentale n'est qu'une utopie. J'ai beaucoup aimé le personnage de l'infirmière, Pauline, dont on ne sait pas l'âge mais à qui, comme toutes les héroïnes des romans de Gilles Legardinier, on peut s'identifier, parce qu'elle n'est pas Wonder Woman, mais juste une jeune femme d'aujourd'hui, avec une vie normale, un boulot, un enfant, des galères. Quand aux résidents de la petite maison de retraite dont Thomas se retrouve directeur, ils ont tous une personnalité assez exceptionnelle et qui nous donne une vision assez positive de la vieillesse, sans en minorer pour autant les désagréments et les désillusions. J'ai bien aimé ces six petits vieux, qui, à bien des égards, n'ont pas oublié leur âme d'enfant ! Qui a dit que les gens normaux ne faisaient pas de bons héros de roman ? Et Legardinier est un bon portraitiste de notre époque, dont il arrive à saisir toutes les petites subtilités.
Quelqu'un pour qui Trembler m'a plus fait penser à son roman Et soudain tout change qu'aux autres. Disons qu'il m'a plus touchée, il est parvenu à faire vibrer une corde sensible. Demain j'arrête ! Complètement Cramé ! et Ça peut pas rater ! m'avaient plus fait rire, j'avais senti l'aspect humoristique mis en avant, ce qui est très bien aussi, on ne va pas se mentir. Mais un peu d'émotion de temps en temps, ça n'est pas de refus. Personnellement, j'aime les romans qui, mine de rien, parviennent à nous faire réfléchir et surtout, que l'on ferme avec un immense sentiment : l'amour de la vie. Et cela n'a pas de prix.
On terminera cette chronique sur une jolie citation du roman (il y'en a plein d'autres mais j'ai trouvé celle-ci particulièrement jolie ) : « Quand on aime quelqu’un, on nourrit des craintes et des rêves. Il cristallise nos peurs et nos espoirs. Nos plus beaux élans naissent de cela Ce lien nous anime, nous motive, nous porte nous construit. La seule chose qui compte c'est d'avoir quelqu'un pour qui espérer mieux. L’essentiel c'est d'avoir quelqu'un pour qui trembler. »
En Bref :
Les + : une histoire drôle et sensible à la fois, des personnages fins mais auxquels on peut s'identifier...que demander de plus ?
Les - : Aucun !