11 Juin 2018
« Il n'existe pas d'amour plus vrai que celui qui échappe à l'ardeur des sens. »
Publié en 1984 aux Etats-Unis ; en 2015 en France (pour la présente édition)
Titre original : On Leaving Charleston
Editions Archipoche (collection Romans Étrangers)
742 pages
Résumé :
Charleston, 1900. Le siècle nouveau semble promettre un avenir de fêtes et de succès, à une époque où les airs jazzy commencent à résonner dans tous les dancings du pays.
Stuart Tradd, héritier de la plantation familiale, épouse Margaret Garden. Celle-ci, habituée à une vie mondaine et frivole, doit alors très vite s'assagir, se ranger, pour reprendre les rênes de l'entreprise...
Quelques années plus tard, c'est sa fille, Garden Tradd, sauvageonne à la beauté troublante, qui emporte les succès dont rêvait Margaret. Lorsqu'elle épouse Sky, un riche New-Yorkais, elle sait qu'elle pourra bientôt partir à la conquête du monde.
Des palais de New York, Nice ou Monte-Carlo, au Train bleu et aux yachts extravagants de la Côte d'Azur, la jeune femme triomphe. Mais toute fête a une fin, et son passé va rattraper Garden en plein vol.
Ma Note : ★★★★★★★★★★
Mon Avis :
L'année dernière, je découvrais Alexandra Ripley avec son fameux roman, Charleston. Originaire de la ville du même nom, l'auteure est un pur produit de cette Amérique sudiste qui, si elle n'existait plus vraiment au moment où elle écrivait, persistait dans les souvenirs et dans le mode de vie. D'ailleurs, Alexandra Ripley a même écrit une suite au fameux roman de Margaret Mitchell, Autant en emporte le vent.
Dans Retour à Charleston, nous sommes au début du XXème siècle et les premières générations découvertes dans le premier roman ont fait place aux plus jeunes. Elizabeth, la petite héroïne de Charleston est aujourd'hui une femme de soixante ans et l'héroïne est sa petite-nièce, Garden Tradd. Née à Barony, ancienne plantation négrière qui a perdu sa fonction au moment de la Guerre de Sécession, Garden, rejetée par sa mère, grandissant au sein d'une famille qui se délite, a été élevée parmi les serviteurs noirs de Barony, avant d'aller étudier à Charleston. Ambitieuse, sa mère, Margaret, qui n'a pas eu la chance d'être reconnue comme elle le souhaitait, d'être une mondaine, une femme du monde, met alors tous ses espoirs en sa fille. Garden tombe amoureuse, se marie, découvre le monde, en ce début de XXème siècle qui va à cent à l'heure ! C'est l'entre-deux-guerres et en Amérique comme en Europe on se hâte de vivre après les horreurs de la Première guerre. C'est l'époque des années folles, de la Prohibition... C'est l'époque de Gatsby le Magnifique, de la pègre de Chicago etc...
Garden est une jeune américaine sudiste, encore très marquée par la manière de vivre de ses ancêtres, loin du mode de vie de ceux qu'ils appellent les Yankees. Elle découvre le monde à sa manière, avec fraîcheur, sincérité vivacité.
Comme pour Charleston, j'ai eu du mal avec le début. Ici j'ai eu l'impression que l'auteure allait trop vite... Si je m'étais ennuyée avec le premier roman, à cause de longueurs qui n'en finissaient plus, je dois dire que c'est tout le contraire ici, à tel point que je me suis sentie un peu perdue parfois -et cette manie de donner des patronymes comme prénoms aux nouveaux-nés n'a rien arrangé, je peux vous l'assurer ! ^^ Et puis, ça se calme... On se rend compte alors que les personnages traités dans les premiers chapitres ne sont pas les héros et que c'est peut-être pour ça aussi que l'auteure s'attarder moins sur eux. Comme dans Charleston, la vraie héroïne n'arrive pas tout de suite. Comme Elizabeth, d'abord on découvre Garden bébé puis petite fille, avant qu'elle ne devienne une belle jeune femme, mariée à l'un des meilleurs partis new-yorkais du moment.
Cela dit, je me suis sentie investie dans ma lecture bien plus rapidement. Retour à Charleston m'a plu dès le début même si je me suis sentie parfois un peu paumée. J'ai eu l'impression d'être dans un roman de Leila Meacham ! Et j'ai aussi trouvé que le style était peut-être plus fin, plus travaillé dans ce deuxième roman.
J'ai aussi aimé le portrait qu'Alexandra Ripley fait des sociétés américaines et européennes de l'époque, en pleine quête de liberté mais encore très corsetées et dépendantes des convenances. Comme Charleston, Retour à Charleston est un bon pavé de plus de 600 pages et du coup, une assez longue période y est traitée : alors que l'intrigue débute en 1900, elle se termine près de trente ans plus tard et dieu sait qu'il s'en est passé, des choses, sur ces trente premières années du XXème siècle : modernisation galopante, émancipation des femmes mais aussi guerres mondiales, krach boursier et totalitarismes. C'est une époque que je trouve infiniment riche.
Je crois que j'ai beaucoup plus aimé ce deuxième roman. Charleston avait des qualités certaines puisque l'auteure, sans renier l'aspect romance de son livre, avait aussi travaillé son contexte et ne s'était pas contentée d'écrire une simple bluette sudiste dans la veine d' Autant en emporte le vent.
Mais j'ai eu moins de mal à me plonger dans Retour à Charleston, même si le début m'a fait peur et que je me suis dit : « oh non, là encore je vais mettre un temps fou avant de me sentir investie dans ma lecture ». Et puis non : le sentiment d'ennui s'est vite dissipé et je crois que le personnage de Garden y est pour beaucoup. Je l'ai vraiment appréciée : parfois, elle m'a fait penser à Lavinia, l'héroïne de La Colline aux Esclaves, écartelée comme elle entre Noirs et Blancs, entre deux cultures et deux modes de vie.
Garden est extrêmement touchante, pleine de jeunesse, de fougue et de liberté mais pas que... l'auteure va en effet lui donner une part un peu plus sombre qui, de fait, donne du relief au personnage. On ne peut pas s'empêcher de s'y attacher et de compatir aux malheurs qui lui arrivent et qui nous apparaissent parfois injustes.
Pour terminer, je dirais que j'ai bien plus aimé ce roman que Charleston, que j'avais même cru, un temps, abandonner. Il n'en est rien avec Retour à Charleston : j'ai passé un bon moment de lecture, je me suis laissée prendre au jeu, je me suis surprise à me sentir très concernée et j'ai beaucoup apprécié le style de l'auteure, qui m'avait déjà plu dans Charleston, mais que j'ai trouvé encore meilleur ici.
Ce roman est une grande fresque historique, pleine de souffle et de dynamisme ! J'y ai retrouvé ce que j'avais aimé chez Leila Meacham, Beatriz Williams, Suzanne Rindell... Et aussi étonnant que cela puisse paraître, moi qui ne suis pas attirée plus que ça par les États-Unis, j'ai réussi à me sentir charmée par ce sud immémorial.
C'est presque avec regret que je suis arrivée à la dernière page du roman. Je le conseille chaudement à tous les amoureux de romance historique.
En Bref :
Les + : une histoire bien écrite, avec des personnages tous intéressants. Le roman se dévore et on se prend au jeu.
Les - : les premiers chapitres peut-être un peu trop rapidement traités. Heureusement, le reste du roman rattrape ce petit début légèrement...pas bâclé, mais très succinct quand même.
Thème de juin, « Sous les pavés, la page », 6/12