24 Février 2019
« La vie ne nous apporte jamais exactement ce que nous espérons, vous ne croyez pas ? »
Publié en 2010 en Angleterre ; en 2019 en France (pour la présente édition)
Titre original : Farewell to Lancashire
Editions Archipoche (collection Romans Étrangers)
431 pages
Premier tome de la saga Swan River
Résumé :
1861. Le Lancashire subit la crise. Privées de coton, les filatures ferment une à une en Angleterre, plongeant la population dans la misère.
Cassandra Blake, ses trois soeurs cadettes et leur père Edwin tentent malgré tout de faire face à l'adversité. Mais la mort du patriarche vient tout bouleverser.
Leur oncle Joseph décide de prendre ses nièces sous son aile, malgré l'opposition de son acariâtre épouse, qui commandite en secret l’enlèvement de Cassandra. Elle menace alors ses sœurs de faire subir à la jeune femme les pires sévices si elles ne quittent pas le pays…
Contraintes de dire adieu à leur Lancashire natal, elles embarquent pour l’Australie. Les quatre sœurs parviendront- elles à se retrouver à l’autre bout du monde, et à construire une vie nouvelle ?
Une saga au souffle puissant, qui nous entraîne dans une Australie encore sauvage, où tous les rêves sont permis.
Ma Note : ★★★★★★★★★★
Mon Avis :
Je vais commencer cette chronique en remerciant encore une fois très chaleureusement les éditions de l'Archipel et Mylène pour l'envoi de ce premier tome de la saga Swan River, d'Anna Jacobs. Je ne le redirai jamais assez, la confiance des maisons d'édition envers les blogueurs est inestimable... Nous ne sommes pas des professionnels mais nous montrer que notre voix compte est vraiment motivant.
Maintenant, si vous le voulez bien, nous allons parler du livre en lui-même. Comme je le souligne un peu plus haut, Le Destin de Cassandra est le premier tome d'une saga, je me suis donc préparée dès le départ, sans savoir d'ailleurs si j'allais aimer ou pas ce livre, à retrouver encore les sœurs Blake, les héroïnes de ce roman, pour d'autres aventures.
Celui-ci s'ouvre en 1861, dans le Lancashire. Le Lancashire, c'est une région du nord-ouest de l'Angleterre, autour de Manchester, pour vous situer. C'est une région extrêmement industrialisée et où la plupart des habitants est employée dans les manufactures de coton et autres usines. Seulement, le coton dont les usines anglaises ont besoin pour tourner, est produit aux Etats-Unis. Et, en ce début des années 1860, la guerre de Sécession fait rage outre-Atlantique, entre le Nord des Yankees et le Sud cotonnier et esclavagiste. Par ricochet, l'Angleterre n'étant plus approvisionnée en coton, les manufactures textiles se mettent à tourner au ralenti voire à fermer, plongeant les habitants dans une misère noire, le chômage entraînant une pauvreté grandissante. Anna Jacobs se base sur un épisode malheureusement bien réel : c'est ce que l'on a appelé la Cotton Panic ou encore la Lancashire Cotton Famine, littéralement « La famine du coton ».
La famille Blake fait partie de ces habitants de la ville d'Outham, près de Manchester, qui vit justement de cette industrie textile très active. Le père, Edwin Blake, est employé d'usine et vit avec ses quatre filles non mariées, Cassandra, Pandora, Xanthe et Maia. Passionné par la Grèce et sa culture, il a donné des noms antiques à ses enfants. Intelligentes, vives et très dévouées à leur père, les quatre sœurs Blake vont vivre, impuissantes, le basculement de leur famille d'un train de vie relativement modeste mais encore agréable, à la pauvreté la plus noire. Comme beaucoup d'autres habitants d'Outham, elles vont connaître la faim, l'obligation de vendre des biens de famille, de mettre en location certaines pièces de la maison. Et quand le patriarche, suite à un accident, se trouve incapable de travailler, les quatre sœurs vont être obligées de se débrouiller comme elles le peuvent pour s'en occuper, trouver de la nourriture, essayer de lui garantir un confort relatif. Obligées de mendier ou de s'adresser aux bienfaiteurs des soupes populaires qui n'en ont d'ailleurs que le nom, car ils sont condescendants et vexants, les soeurs Blake vont devoir affronter une réalité bien difficile...Quand s'ajoute en plus à cela la haine inextinguible que leur voue leur tante Isabel, on peut considérer que les pauvres jeunes femmes n'ont vraiment pas de chance. Et lorsqu'elles doivent quitter l'Angleterre, forcées par leur tante, pour gagner les terres encore vierges de l'Australie, alors on se dit que le désastre est complet pour elles... Que vont-elles trouver là-bas, dans un pays inconnu et aussi lointain, aux saisons inversées, où il peut faire extrêmement chaud et où aucune infrastructure n'existe encore réellement ? C'est ce que l'on découvre progressivement au travers des yeux des quatre sœurs, différentes et qui abordent cette nouvelle vie qu'elles n'ont pas choisie, chacune à sa manière.
Ce premier tome n'est pas encore la grande fresque exotique et dépaysante que j'attendais... J'imagine que la vie australienne des quatre sœurs Blake sera plus développée dans le tome suivant que j'ai hâte de découvrir, malgré quelques petits bémols sur lesquels je reviendrais -qui ne m'ont, cela dit, pas empêchée d'apprécier cette lecture à sa juste valeur, bien au contraire.
Des colons en Australie au XIXème siècle
Le Destin de Cassandra se passe, aux deux tiers, en Angleterre, à Outham plus précisément, la ville natale des quatre sœurs. Dans cette région industrielle, tout le monde est dépendant des usines et notamment de celles qui transforment le coton arrivant des Etats-Unis. J'ai trouvé qu'Anna Jacobs raconte subtilement le lent basculement qui s'opère, l'arrivée progressive d'une pauvreté de plus en plus difficile à enrayer jusqu'à ce qu'elle vous emporte complètement. Les Blake ne sont qu'une famille parmi d'autres, parce que ce sont des centaines de foyers qui connaissent cette misère qui ne semble pas vouloir se terminer : les jeunes accouchées qui meurent et leurs bébés avec elles, faute de soins, les vieillards enfermés dans les hospices où ils meurent dans des conditions affreuses, les plus pauvres engagés à des tâchés aussi vaines que fatigantes comme casser des cailloux, les femmes humiliées par les plus riches qui les regardent avec condescendance, à commencer par le pasteur, qui est pourtant un homme de Dieu mais n'a aucune empathie ni commisération mais nourrit au contraire beaucoup de préjugés et d'idées préconçues. On lit les premiers chapitres la gorge un peu serrée devant le dénuement qui s'installe peu à peu sous le toit des Blake, on admire le courage des quatre sœurs et notamment de Cassandra, une jeune femme de vingt-huit ans que la vie n'épargne pas mais qui garde la tête haute, on se sent touché par le dévouement des sœurs envers leur père, qu'elles aiment tendrement et qu'elles traitent de manière presque maternelle...Peut-être me suis-je sentie proche de Cassandra parce que j'ai son âge et que j'ai pu m'identifier assez facilement à elle. J'ai moins apprécié les autres soeurs, même si Pandora est particulièrement intelligente... Xanthe et Maia, les cadettes, m'ont laissée relativement indifférente même si je ne les ai pas détestées, bien au contraire. Au final, les soeurs Blake forme une sorte d'entité hyper soudée et on les apprécie toutes ensemble ou pas du tout. Du moins est-ce le sentiment que j'ai eu.
Et puis tout se précipite et les soeurs se retrouvent sur un bateau, en direction de l'Australie, avec de nombreux autres émigrants, la plupart venant du Lancashire et fuyant la misère grandissante. Promesse d'une vie meilleure, le continent australien est encore, en ce milieu de XIXème siècle, la terre de tous les possibles. J'ai retrouvé un peu l'ambiance du roman Le Temps de l'Amour, de Colleen McCullough, qui se passe à peu près à la même époque et qui nous place dans le sillage d'une jeune britannique qui va épouser un de ces cousins en Australie. Si, dans ce roman, Alexander Kinross est déjà à la tête d'affaires florissantes et projette de fonder carrément une ville, dans Le Destin de Cassandra, c'est un pays désertique et quasiment vide de toute présence humaine que les émigrants trouvent ; à part les prisonniers, envoyés là-bas en guise de punition, les seuls habitants de l'Australie sont les autochtones, les fameux Maoris, considérés comme des barbares par beaucoup d'Anglais et qui seront petit à petit dépossédés de leurs terres au profit des colons. Il ne serait pas juste de dire que l'on découvre l'Australie à cette époque puisque cela fait près de cents ans que James Cook a pris possession du continent au nom de la couronne anglaise et les premières explorations européennes ont eu lieu dès le XVIIème siècle, mais sans installation pérenne. Mais, comme aux Etats-Unis, de vastes étendues restent encore à découvrir, loin des premières villes de la côte est.
Il ne serait pas juste de dire que les sœurs Blake sont les seules héroïnes du roman ou, du moins, elles ne sont pas les seuls personnages importants. Avant qu'elles ne débarquent en Australie, on découvre le pays en compagnie de Reece, le bon ami de Cassandra, qui a choisi de quitter l'Angleterre où aucune perspective ne s'offrait à lui, dans les pas de Francis Southerham, un doux rêveur et de l'épouse de celui-ci, Livia. Et dans ce coin de l'Australie occidentale presque complètement désertique, tout reste à faire : pour des Occidentaux, le contraste est rude mais ce pays dépaysant les fascine aussi, d'une certaine manière, comme il nous fascine aussi, nous lecteurs, parce que ce n'est pas l'Australie d'aujourd'hui que l'on découvre mais un pays encore à demi-sauvage, inexploité mais aux possibilités immenses. C'est un peu la conquête de l'Ouest, en fait !
J'ai vraiment apprécié ce roman même si, je l'avoue, le résumé m'avait fait un peu peur... Je me suis demandé si cette histoire n'allait pas être trop dure, trop difficile à lire. Alors c'est vrai que, malgré quelques passages pas évidents, dans l'ensemble, Le Destin de Cassandra est une belle fresque comme je les aime. J'ai retrouvé Colleen McCullough, Tamara McKinley, Sarah Lark, dans l'univers d'Anna Jacobs. Certaines lectrices ont d'ailleurs souligné dans leurs avis qu'il valait mieux lire ce roman avant la fameuse saga de Sarah Lark, Le Pays du Nuage Blanc, au risque d'être déçue. Pas de bol, j'avais déjà dévoré cette saga ! Ceci dit, je n'ai aucunement été déçue par cette lecture et à aucun moment je n'ai été tentée de comparer les deux univers parce que, malgré leurs points communs, ils sont quand même largement différents. Alors c'est vrai que Sarah Lark a placé la barre très haut avec sa saga néo-zélandaise mais moi, je trouve qu'Anna Jacobs se défend vraiment bien !
Malgré tout, il y'a eu quelques petites notes discordantes au cours de ma lecture, des petites, petites notes, toutes légères mais qui m'ont cependant empêchée de ressentir un coup de cœur, par exemple. Si j'ai beaucoup aimé le début du roman, malgré les descriptions assez cruelles -mais malheureusement réalistes- de la pauvreté terrible qui s'abat sur le Lancashire et sur les habitants de Outham ainsi que les derniers tiers du roman, quand les sœurs, réunies, découvrent leur nouvelle patrie, j'avoue que j'ai parfois eu un sentiment difficilement répressible d'invraisemblance. Je crois que l'auteure a parfois un peu trop forci le trait alors que ce n'était pas nécessaire : les sœurs Blake et notamment Cassandra connaissent, en peu de temps, un marasme sans nom. C'est vrai que ça peut arriver mais quand même, à ce niveau-là, c'est difficilement crédible. Si l'auteure était restée plus soft, son intrigue, je pense, n'en aurait pas été moins bonne au contraire et aurait même gagné en vraisemblance. Cela dit, ce n'est qu'un avis personnel et cela ne m'a pas empêchée pour autant de profiter pleinement de ma lecture, tout comme les petites facilités scénaristiques à la fin : au final, elles permettent aux sœurs Blake de connaître un bonheur relatif, donc on ne va pas le reprocher à l'auteure !
Finalement, ce premier tome m'a beaucoup plu et je n'ai désormais qu'une hâte : découvrir les deux autres tomes de la saga Swan River.
En Bref :
Les + : une grande fresque pleine de souffle, dépaysante et exotique à souhait ; un univers intéressant qui ne demande qu'à être découvert.
Les - : quelques passages peut-être un peu cousus de fil blanc et difficilement crédibles.