14 Janvier 2024
« Quand un homme est convaincu de connaître la volonté de Dieu, et qu'il est résolu à l'accomplir à tout prix, il devient l'être le plus dangereux au monde. »
Publié en 2017 en Angleterre
En 2019 en France (pour la présente édition)
Éditions Le Livre de Poche
Titre original : A column of fire
992 pages
Résumé :
Noël 1558, le jeune Ned Willard rentre à Kingsbridge. Il découvre une ville déchirée par la haine religieuse, et se retrouve dans le camp adverse de celle qu'il voulait épouser, Margery Fitzgerald.
L'accession d’Élisabeth Ière au trône met le feu à toute l'Europe, et les complots pour destituer la jeune souveraine se multiplient. Pour déjouer ces machinations, Elisabeth constitue les premiers services secrets du pays, et Ned devient alors espion de la reine. En ces temps de grands troubles, de fanatisme et de violence, les pires ennemis ne sont pourtant pas les religions rivales : la véritable bataille oppose les adeptes de la tolérance et les extrémistes.
Après Les Piliers de la Terre et Un monde sans fin, Ken Follett renoue avec la magnifique fresque de Kingsbridge, qui a captivé des millions de lecteurs dans le monde entier.
Ma Note : ★★★★★★★★★★
Mon Avis :
Lorsque le jeune Ned Willard retrouve sa ville de Kingsbridge à la fin de l’année 1557, il ne sait pas encore que son pays, l’Angleterre, se trouve à la croisée des chemins : dans quelques mois, la reine Marie Tudor, connue pour sa féroce répression du protestantisme, qui lui a d’ailleurs valu le surnom éternel de Marie la Sanglante (Bloody Mary en anglais), va mourir prématurément, à l’âge de quarante-et-un ans et sans enfants. Son héritière directe est sa jeune sœur de vingt-cinq ans, la fille d’Henry VIII et Anne Boleyn : Elisabeth. Cette dernière ne cache pas sa foi protestante et promet d’ailleurs que sous son règne, la tolérance sera de mise.
Après que sa famille, des commerçants prospères de Kingsbridge, a connu des revers, notamment orchestrés par des rivaux, les Fitzgerald, Ned choisit de répondre positivement à la proposition qui lui a été faite par William Cecil, un conseiller d’Elisabeth. Le jeune homme rejoint Hatfield, où vit encore celle qui n’est que princesse d’Angleterre et se met à son service. Lorsqu’Elisabeth Tudor accède au trône, Ne fera partie des premiers services secrets mis en place par la dernière Tudor. Il travaillera notamment sous les ordres du célèbre Francis Walsingham, connu pour avoir été celui qui a déjoué la conjuration de Babington dans les années 1580 et qui conduira l’ancienne reine d’Ecosse Marie Stuart à l’échaufaud…Une colonne de feu est une grande fresque historique dans la veine de ses prédécesseurs, Les piliers de la terre et Un monde sans fin : nous sommes environ deux cents ans après la fin de celui-ci, qui avait mis en scène les personnages de Merthin et Caris. Le Moyen Âge est terminé, nous sommes désormais en pleine Renaissance et en pleine ère Tudor pour ce qui est de l’Angleterre. Kingsbridge est désormais une ville prospère, bien établie, qui tire ses richesses du commerce. Mais comme le reste du pays, la ville est déchirée par des querelles religieuses de plus en plus violentes : quand s’ouvre le roman, le règne de Marie Tudor s’achève, mais à quel prix ? Catholique ultra, la fille d’Henry VIII et Catherine d’Aragon a rétabli dans la douleur et le sang l’ancienne religion, après que son père ait violemment divorcé de Rome en même temps que de sa mère, pour épouser Anne Boleyn. Dans son sillage, certains sont revenus avec soulagement au catholicisme tandis que d’autres sont restés fidèles à la nouvelle foi protestante, devenant alors des hors-la-loi.
Cette situation n’est pas inhérente à l’Angleterre mais se diffuse dans toute l’Europe comme une traînée de poudre : bientôt, des affrontements violents qui se transformeront en véritables guerres civiles déchireront la France des derniers Valois tandis qu’en Espagne, pays réputé pour sa foi catholique intransigeante, les sympathisants de Luther ou de Calvin sont pourchassés sans relâche et durement condamnés. L’Europe de la Renaissance, à l’aube du XVIIème siècle, plonge dans les horreurs de la guerre sainte et de la contre-réforme. A travers des personnages fictifs qui représentent à eux seuls tous les anonymes qui ont jalonné l’époque mais aussi des personnages authentiques comme la reine Marie Tudor, sa sœur Elisabeth, Catherine de Médicis ou encore, la famille de Guise, championne du catholicisme en France dans la seconde moitié du XVIème siècle, Ken Follett fait revivre l’Histoire et signe un roman épique, dans le sillage de ses précédents romans.
Les massacres de la Saint-Barthélémy à Paris (1572)
Il y a un peu plus d’un an, j’ai lu Le crépuscule et l’aube, qui raconte les origines de Kingsbridge au Xème siècle, alors que l’Angleterre est en proie aux invasions vikings. J’avais aimé mais pas autant que Les piliers de la terre, j’avais clairement trouvé ce roman en-dessous : mais il est vrai qu’il est difficile d’égaler Les piliers et son souffle sans pareil. Avec Une colonne de feu, Follett nous régale d’un roman abouti et qui n’a justement rien à envier à ses prédécesseurs, comme je le disais plus haut.
Alors certes, parfois c’est un peu cliché et prévisible comme certains lecteurs l’ont souligné. Parfois aussi, les personnages sont si contrastés (peut-être trop d’ailleurs) qu’ils en deviennent manichéens voire caricaturaux, mais ce ne sont là que de légers inconvénients par-dessus lesquels je suis passée tout à fait aisément. Peut-être d’ailleurs parce que le contexte historique me passionne : Follett dresse ici le portrait de l’Europe de la fin des années 1550 aux années 1620. C’est énorme, mais c’est passionnant et tous les grands événements y sont rassemblés : avènement d’Elisabeth Tudor qui, on ne le sait pas encore, ouvrira une ère de prospérité et d’émulation culturelle en Angleterre, favorisant par exemple la carrière de Shakespeare, signature du traité du Cateau-Cambrésis, mort d’Henri II, guerres de religion en France et massacre de la Saint-Barthélémy en 1572, arrestation puis exécution de Marie Stuart, reine déchue qui payera amèrement ses erreurs et ses mauvais choix, défaite de l'Invincible Armada en 1588 au large de Gravelines, et jusqu’à la conspiration manquée des poudres de Guy Fawkes en 1605 puis le départ de puritains anglais, en 1620, choisissant de quitter leur patrie pour vivre leur foi. Leur histoire est bien connue : ces puritains embarqueront sur le Mayflower et fonderont de l’autre côté de l’Atlantique les premières colonies britanniques qui deviendront un jour…les Etats-Unis. On a donc le sentiment que le roman, loin d'être une conclusion, ne fait finalement qu'ouvrir une nouvelle ère.
Le roman décrit avec justesse la gangrène qu’un conflit religieux peut entraîner dans un pays, le rongeant de l’intérieur quand le fanatisme prend le pas sur la tolérance et que la religion, à force de manipulation, devient un outil au service de l'ambition ou de la vengeance et non plus réellement une fin en soi. Dans les pas des divers personnages, que ce soit Ned mais aussi son ancienne promise, la jeune Margery Fitzgerald, on découvre les choix parfois forcés que les contemporains ont été obligés de faire, soit pour préserver leur foi, soit parfois aussi au prix de leur propre vie.
Malgré des longueurs, assez inévitable au vu du pavé qu’est Une colonne de feu, j’ai passé un très bon moment. Peut-être que c’était prévisible, et alors ? Tout ne l’était pas non plus et même si Ken Follett semble adorer forcer le trait sur certains de ses personnages (une chose est sûre chez lui, les méchants sont de vrais méchants), on découvre ou redécouvre, dans un roman étayé par de solides recherches et connaissances historiques, un contexte passionnant et qui revit réellement sous nos yeux ici. J’ai retrouvé avec joie ce que j’avais pu aimer il y a plusieurs années dans Les piliers de la terre ou encore dans Un monde sans fin. Bien plus que dans Le crépuscule et l’aube, j’ai vraiment eu l’impression – et ce, avec beaucoup d’émotion – de revenir à Kingsbridge, pour mon plus grand plaisir.
Le 8 février 1587, l'ancienne reine d'Ecosse Marie Stuart monte sur l'échafaud
En Bref :
Les + : une vraie fresque historique, dans un contexte historique européen passionnant, qui plus est.
Les - : c'est vrai que c'est parfois c'est un peu cliché, les personnages sont parfois contrastés à l'extrême au risque de paraître caricaturaux mais j'ai quand même passé un excellent moment.
LE SALON DES PRÉCIEUSES EST AUSSI SUR INSTAGRAM @lesbooksdalittle