9 Février 2020
« Nos familles préféreront toujours sauver les apparences, voyez-vous ? Nous préférons cacher, sauvegarder notre réputation, quitté à manquer de moralité. »
Publié en 2020
Editions City
320 pages
Résumé :
À la mort de son père en 1865, Eva, sans ressources, est contrainte de quitter la maison familiale. Elle a pourtant passé toute sa jeunesse dans ce lieu idyllique de la campagne anglaise, aux côtés de Constance, sa meilleure amie, devenue gouvernante à Londres quelques mois plus tôt.
Lorsqu’elle apprend que Constance est morte en tombant d’une fenêtre, l’univers de la jeune femme s’écroule. Bien décidée à comprendre ce qui est arrivé, elle se fait engager chez les Gardner, la famille où son amie était gouvernante.
Du salon des maîtres à l’office des domestiques, le mystère qui entoure la mort de Constance s’épaissit. Pourquoi tout le monde refuse de parler de la défunte ? Où a disparu le carnet intime de la jeune femme ? Dans les méandres d’une histoire familiale dévastée, Eva va découvrir un dangereux secret...
Ma Note : ★★★★★★★★★★
Mon Avis :
Voilà certainement le roman que j'attendais le plus en ce début d'année : le nouveau roman d'Audrey Perri, ancienne blogueuse qui s'est lancée dans l'écriture et a déjà publié plusieurs nouvelles et deux romans.
Peut-être l'avez-vous suivie, comme moi, au temps où elle gérait le blog Cellardoor, que j'aimais beaucoup : ses chroniques étaient variées, toujours très agréables à lire. Et parce qu'elle a commencé à commenter mon blog comme j'avais commenté le sien, on s'est rendu compte qu'on avait des goûts assez similaires et elle m'a conseillé des livres que j'ai appréciés de découvrir.
Alors, lorsque Audrey s'est lancée dans l'écriture, il me paraissait évident de la suivre dans cette aventure comme je l'avais suivie sur son blog. En décembre 2017, j'ai lu sa première nouvelle Une Bonne Âme, qui m'avait bien plu : je ne suis pas fan des nouvelles à la base mais je l'avais trouvée efficace et bien écrite. Par la suite, j'ai lu La maison de la Falaise qui m'a fortement évoqué les ambiances des romans de Kate Morton : l'Angleterre, le grand domaine, le secret...tout y était !
Il était donc évident que je lirai son nouveau roman, qu'elle nous a dévoilé fin janvier : Une Jeune Fille de Bonne Famille. Une belle couverture qui évoque un peu les tableaux de Vermeer, des couleurs sombres qui collent tout à fait au résumé du roman...
Dans ce roman, Audrey nous propose de suivre Eva Phoenix dans sa nouvelle vie de gouvernante à Londres. Originaire d'une petite ville de province, la jeune femme devient gouvernante des deux filles de la famille Gardner, une richissime famille londonienne. Mais surtout, elle succède à sa meilleure amie Constance, décédée dans des circonstances étranges dans cette même maison, quelques mois plus tôt.
En arrivant à Londres, Eva est bien déterminée à faire la lumière sur cette mort qu'elle ne considère pas comme naturelle : comment Constance a-t-elle pu chuter de la fenêtre de sa chambre ? Pourquoi tout le monde semble avoir oublié la jeune gouvernante et reste mutique quand Eva cherche à se renseigner sur elle ? Pourquoi la met-on en garde, à mots couverts ? Pourquoi l'enjoint-on à ne pas trop poser de questions ? Et pourquoi tout le monde semble mal à l'aise avec cette histoire, comme si chacun détenait un secret inavouable ?
Evidemment, le résumé m'a aussitôt tapé dans l'oeil quand je l'ai lu mais il était évident que je voulais lire ce roman, tôt ou tard. L'univers d'Audrey dans La Maison de la Falaise m'avait plu : je me doutais que ce deuxième roman me plairait aussi.
Ce que j'ai aimé dans Une Jeune Fille de Bonne Famille, c'est la fine restitution de l'époque victorienne, une époque j'affectionne particulièrement dans les romans : on entre littéralement chez les Gardner, dont on découvre le train de vie particulièrement luxueux et oisif. Les enfants sont vives et enjouées mais aussi capricieuses, conscientes de ce qu'elles sont. La mère de famille, Harriet, est désœuvrée et méprisante, quant au père, glacial et taiseux, il n'a aucune considération pour ceux qui le servent. Vous l'aurez compris, on est loin de l'ambiance chaleureuse et bienveillante de Downton Abbey ! Chez les Gardner, chacun doit être conscient de son rang et de sa place et gare à la brebis galeuse qui s'éloignerait du droit chemin fixé par les maîtres. Et Eva, en posant des questions, en cherchant des informations sur ce qui est arrivé à Constance, se place évidemment dans une situation assez périlleuse. La gouvernante, à l'époque, n'est pas tout à fait considérée comme une domestique : elle prend en charge les enfants de la famille et bénéficie donc d'une certaine confiance de la part de ses employeurs. De part l'enseignement et l'accompagnement qu'elle effectue auprès de ses jeunes élèves, elle doit avoir une certaine autorité sur eux tout en sachant rester à sa place. Mais la gouvernante ne fait pas pour autant partie de la famille et sa position est fragile. Un peu plus considérée qu'une cuisinière ou une femme de chambre, elle n'est pas moins susceptible d'être renvoyée sans aucune forme de procès si jamais elle a le malheur de déplaire à ses employeurs ou de les décevoir.
On découvre aussi tous les non-dits et les secrets qui peuvent dormir derrière les murs des grandes maisons de Londres, dans le secret des appartements privés : l'hypocrisie et la fausseté sont érigées au rang de vertus cardinales, on se sourit puis on se plante sans pitié un poignard dans le dos. Les mots se font acérés comme des lames. Et Eva découvre que dans le grand monde, derrière une façade lisse et policée, il se passe parfois des choses bien laides mais que l'on ne dit pas, même si personne n'est dupe.
Si je ne me suis pas vraiment identifiée à Eva, je l'ai trouvée courageuse et combative, vraiment déterminée à faire la lumière sur ce qui est arrivé à son amie Constance, quitte à mettre en péril sa propre place de gouvernante et son propre avenir. Cette jeune femme qui n'a jusqu'ici connu qu'une vie relativement tranquille s'expose alors à mille dangers pour tenter de comprendre ce qui s'est passé et je l'ai trouvée assez admirable. Si cette jeune femme peut apparaître comme assez commune en début de roman, au final elle gagne en profondeur au cours du récit et devient une jeune femme déterminée et qui sait ce qu'elle veut.
L'idée de centrer le récit autour d'un secret était très bonne également. Si, en ce qui me concerne, les rouages se sont débloqués en milieu de roman, je n'ai pas découvert d'emblée ce que cachaient les murs de la demeure des Gardner et, indéniablement, l'envie de savoir, de comprendre, ce suspense qui s'instaure au fil des pages donne envie de tourner les pages, de savoir le fin mot de cette histoire. C'est moins spectaculaire que chez Kate Morton mais tout à fait cohérent et vraisemblable et ce que j'ai découvert m'a convaincue : malheureusement, des affaires comme celle-ci, il y'a dû y en avoir...
Une Jeune Fille de Bonne Famille est un roman vivant, dynamique et rythmé. Il est très abouti et on sent que l'auteure maîtrise son sujet et j'ai ressenti l'influence de ses propres lectures dans sa manière de décrire l'époque.
Si vous ne connaissez pas Audrey Perri, c'est le moment où jamais de vous lancer : vous découvrirez une jeune auteure sincère et authentique et qui écrit très bien, qui plus est, ce qui ne gâche rien. Et bien sûr, je vous recommande aussi son premier roman édité, La Maison de la Falaise, une très bonne lecture également.
En Bref :
Les + : un récit dynamique et rythme, où le suspense pique rapidement la curiosité du lecteur. Les pages se tournent toutes seules.
Les : Vraiment aucun ! Bon, allez, j'ai relevé deux ou trois petites répétitions de mots parfois mais c'est vraiment pour chipoter. Je n'ai vraiment rien à redire.