• Nous, Filles de Sparte ; Claire Heywood

    « Ce nouveau monde était trop terrifiant pour qu'elle l'affronte seule. Et comment le lui reprocher, après ce qu'elle avait fait elle-même ? Chacun avait à supporter son propre fardeau. »

     

     

      Publié en 2021 aux États-Unis

     En 2023 en France (pour la présente édition)

     Titre de parution original : Daughters of Sparta

     Éditions City (collection Poche)

     476 pages

     

     

     

     

     

     

    Résumé :

    D'une beauté inégalée et de naissance divine, Hélène et Klytemnestre suscitent l'admiration de toute la Grèce. Les deux jeunes princesses de Sparte profitent d'une existence dorée de luxe et d'abondance. Mais un tel privilège a un prix : jamais elles ne pourront être maîtresses de leurs destins.

    Elles ne sont encore que des enfants lorsqu'elles sont séparées et mariées aux légendaires rois Agamemnon et Ménélas. Les deux sœurs ne se reverront jamais. Leur devoir est maintenant de donner naissance à des héritiers et d'assumer leur rôle de reines douces et soumises.

    Mais lorsque le poids de la cruauté et de l'ambition de leurs maris devient trop lourd à porter, elles doivent aller au-delà de leur condition et se rebeller. Leurs décisions font basculer le cours de l'histoire et, trois mille ans plus tard, l'écho de leurs voix résonne encore, au nom de toutes les femmes. Puissantes et libres.

    Ma Note : ★★★★★★★★★★

    Mon Avis : 

    Nous sommes au XIIIe siècle av. J-C, soit à l'époque de l'Âge du Bronze. La préhistoire n'a pas encore complètement cédé sa place à l'Antiquité mais, déjà, la civilisation mycénienne est riche et puissante.
    A Sparte règne un roi bon et juste, Tyndare. Avec son épouse, la reine Léda, ils ont quatre enfants : les jumeaux Kastor et Pollux et deux plus jeunes filles, Klytemnestre et Hélène. L'aînée des filles est l'héritière : un jour, Klytemnestre régnera sur la cité de son père avec celui que son père lui aura choisi comme époux tandis que la jeune Hélène ira se marier ailleurs.
    Mais quand ses filles grandissent, Tyndare doit prendre une décision radicale : des rumeurs sur les origines de la petite Hélène, qui ne serait pas sa fille, commencent à courir. Pour les faire taire, le roi doit donc reconnaître l'enfant comme son héritière légitime. Sans le savoir, il vient de mettre son doigt dans l'engrenage de la tragédie et d'y entraîner ses filles. Pour garantir la réputation de sa jeune soeur, Klytemnestre doit donc se sacrifier et renoncer au trône qui lui est promis depuis l'enfance. C'est elle finalement qui ira se marier au loin : son père choisit pour elle le roi de Mycènes, Agamemnon tandis que Tyndare organise de grandes compétitions afin de trouver le prétendant d'Hélène. Finalement, la future reine de Sparte épousera le frère d’Agamemnon, Ménélas.
    Mais, à Mycènes comme à Sparte, il manque quelque chose aux filles de Tyndare : dans sa nouvelle vie, Klytemnestre doit supporter les maîtresses de son mari et d'être négligée par lui. Heureusement, elle trouve un certain réconfort auprès de ses enfants : Iphigénie, Elektra, Chrysotémis, ses filles et le petit Oreste, héritier de Mycènes.
    A Sparte, Hélène est loin d'être heureuse elle aussi. D'un tempérament flamboyant, louée pour sa grande beauté, un peu vaniteuse et superficielle, la nouvelle reine doit cependant assumer le poids d'une couronne bien lourde pour sa jeune tête et celui de responsabilités qui ne sont pas de son âge. La jeune femme culpabilise ainsi de ne pas être heureuse d'être mère et de ne pas savoir tisser de liens avec sa petite fille, Hermione, à tel point que la perspective d'une nouvelle grossesse l'effraie plus que de raison. Un jour d'absence de son époux, elle doit recevoir à Sparte la délégation officielle d'une cité d'Asie Mineure : Troie. Parmi ces ambassadeurs, Hélène rencontre le séduisant prince Pâris, fils du roi Priam, qui est loin de la laisser indifférente...
    L'histoire des Atrides est connue depuis des siècles. On peut même dire qu'elle est le socle de notre littérature occidentale, notamment par le biais de l'immense oeuvre d'Homère, L'iliade. On connaît tous le mythe de la guerre de Troie, déclenchée par le rapt de la reine Hélène de Sparte par le prince troyen Pâris : alors que trois déesse de l'Olympe, Héra, Athéna et Aphrodite, se disputaient pour savoir laquelle des trois était la plus belle, Zeus, lassé, avait fait appel à Pâris pour les départager - c'est le fameux jugement de Pâris. Ce dernier choisit d'offrir le présent - une pomme - à Aphrodite, qui lui avait promis l'amour de la plus belle mortelle, Hélène. Flattée, la déesse fit en sorte de faire se rencontrer Pâris et Hélène. Comme elle l'avait prédit, les deux jeunes gens tombèrent amoureux et Hélène s'enfuit à Troie avec Pâris, déclenchant la guerre de Troie, qui opposa la cité pendant dix ans à l'armée grecque soulevée par le mari bafoué, Ménélas et le frère de ce dernier, le roi Agamemnon.
    Même sans avoir lu L'iliade, on connaît les péripéties de cette longue guerre, qui s'achève finalement par la prise de Troie, grâce à la ruse du cheval de bois dont le ventre avait servi de cachette à des centaines de soldats grecs qui sortirent au milieu de la ville et la prirent avant de la livrer aux flammes - et ce, malgré les lamentations de la fille de Priam, Cassandre, prophétesse qu'Apollon avait condamnée à n'être jamais crue. Dernièrement, des autrices comme Madeline Miller ou encore Pat Barker s'en sont emparées, de manière assez différentes : si, chez Miller, la magie et les dieux sont omniprésents, chez Barker, nous sommes plus sur une relecture féministe du drame de Troie, vu à travers les yeux des femmes, les vaincues, ces femmes condamnées à subir la ruine de la cité, comme Cassandre, Adromaque ou encore Briséis, la captive d'Achille...
    Chez Claire Heywood, un peu comme dans Le silence des vaincues de Pat Barker, c'est l'humain qui prime et j'ai d'ailleurs apprécié ce point de vue, débarrassée de toute fantasmagorie divine. Ainsi, Hélène de Sparte, censée être née dans un oeuf de l'union de la reine Léda avec Zeus, qui avait pris pour la séduire une forme de cygne, est ainsi une petite fille puis une jeune femme comme les autres...les dieux ne sont présents dans ce récit que de manière rationnelle, dirons-nous, comme dans n'importe quelle exercice d'une religion. Les personnages les prient, les invoquent ou leur offrent des sacrifices mais les dieux n'ont pas d'existence tangible et ne prennent pas non plus, comme c'est le cas chez Homère, part à la Guerre de Troie, favorisant tel ou tel camp.

    debat art figuration: Hélène enlevée par Pâris, équipée amoureuse ou  kidnapping ?

    L'enlèvement d'Hélène de Sparte par Pâris

     
    Nous, Filles de Sparte est une relecture résolument féminine (et féministe) d'un grand mythe que l'on croit connaître mais qui peut finalement s'adapter à toutes les époques qui le lisent. Claire Heywood a fait le choix d'une restitution historique solide, la plus fine possible, même si Hélène et Klytemnestre n'ont aucune existence authentique. L'autrice a essayé de restituer le monde de l'époque mycénienne (aux alentours des années 1200 av. J-C) au plus près possible de ce que l'on en sait. Personnellement, j'ai trouvé que cela fonctionnait très bien. A Hélène et Klytemnestre, l'autrice a ensuite prêté des sentiments que l'on ne renierait pas aujourd'hui, ce qui fait qu'on peut se sentir assez proche d'elles : dans la culpabilité d'Hélène après une naissance difficile, qui refuse désormais une nouvelle grossesse et ne parvient pas à s'attacher à son enfant, malgré le chagrin qu'elle en ressent, dans le chagrin terrible et vengeur de Klytemnestre, mère impuissante qui voit l'un de ses enfants sacrifié pour une cause qui n'en demandait pas autant - en elle, ne peut-on pas y voir symbolisées toutes ces femmes victimes de guerre, victimes ou impuissante à protéger leurs enfants de l'horreur ? Dans les aspirations d'Hélène, qui lâche la proie pour l'ombre et déchante à Troie, auprès d'un homme qu'elle a pourtant choisi mais qui ne la rend pas heureuse, la poussant à regretter ce qu'elle a perdu, par sa propre faute...Et si, finalement, c'était en cela que résidait la véritable tragédie ?
    J'ai apprécié cette lecture même si, en toute honnêteté, je n'en garderai pas un souvenir impérissable. Si j'ai beaucoup aimé le prisme par lequel l'autrice nous fait voir le mythe d'Hélène de Sparte, des Atrides et de la Guerre de Troie, malheureusement, je n'ai été qu'à moitié séduite par le style, que j'ai trouvé un peu plat par moments. J'ai regretté aussi que le roman présente pas mal de coquilles ou des tournures de phrases un peu confuses - et ce n'est pas la première fois que je contaste ça chez City, d'ailleurs.
    Bref, sans avoir été une déception, Nous, Filles de Sparte ne m'a pas entièrement convaincue non plus. Je ne reste pas sur ma faim mais j'aurais bien aimé avoir un petit quelque chose en plus, un petit quelque chose m'a manqué en effet pour que je considère cette lecture comme une vraie bonne lecture, qui m'aurait marquée - comme ce fut le cas pour les romans de Madeline Miller ou ceux de Pat Barker. Mais ce n'était pas désagréable et j'ai passé un très bon moment auprès d'Hélène et de Klytemnestre auxquelles, à ma grande surprise, je me suis attachée, malgré - ou peut-être justement grâce à - leurs défauts et leur humanité un peu défaillante.

    Clytemnestre hésite avant de tuer Agamemnon endormi

    Clytemnestre hésitant à tuer Agamemnon endormi

    En Bref :

    Les + : j'ai apprécié ce roman centré sur un duo féminin intéressant, qui met en avant leurs aspirations et leurs espoirs.
    Les - : quelques bémols (coquilles et mots manquants) et un style un peu plat.


     

    Nous, Filles de Sparte ; Claire Heywood

     

        Mémoires de la baronne d'Oberkirch sur la cour de Louis XVI et la société française avant 1789 ; Henriette Louise de Waldner de Freundstein, baronne d'Oberkirch LE SALON DES PRÉCIEUSES EST AUSSI SUR INSTAGRAM @lesbooksdalittle 

     

    • Envie de découvrir d'autres romans parlant de mythologie grecque ? 

    - Retrouvez ici mon billet sur Circé de Madeline Miller 

    - Retrouvez ici ma chronique du Chant d'Achille de Madeline Miller

    - Retrouvez ici mon avis sur Le silence des vaincues de Pat Barker et sur sa suite, Les exilées de Troie, juste ici 


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