• Les femmes de Troie, tome 1, Le silence des vaincues ; Pat Barker

    « Nous allons survivre - nos chansons, nos histoires. Ils ne pourront jamais nous oublier. Plusieurs décennies après la mort du dernier homme qui s'est battu à Troie, ses fils se rappelleront les chansons que leur mère troyenne leur chantait. Nous serons dans leurs rêves - et aussi dans leurs pires cauchemars. »

    Couverture Le silence des vaincues

     

     

      Publié en 2018 en Angleterre

     En 2022 en France (pour la présente édition)

     Titre original : The Silence of the Girls

     Éditions Pocket

     447 pages

     Premier tome de la saga Les femmes de Troie

     

     

     

    Résumé :

    En quelques heures, la belle Briséis, reine de Lyrnessos, a vu sa vie s'effondrer en même temps que les murs de sa cité sous les assauts des Grecs. Son mari et ses frères ont été massacrés, et elle est devenue l'esclave, le trophée parmi d'autres, de l'homme qui l'a conquise : le divin Achille, dont les générations futures chanteront les exploits.

    Briséis doit alors choisir : se laisser mourir, ou survivre et raconter son histoire. L'histoire de la femme qui a fait basculer la guerre de Troie.

    Avec elle, après trois mille ans de silence, ce sont les voix de toutes les femmes rendues muettes par l'histoire qui s'élèvent. Esclaves, prostituées, guérisseuses, effacées au profit des faits d'armes des guerriers.

    Avec une précision remarquable et un style époustouflant, Pat Barker fait naître sous nos yeux une Iliade féminine magistrale.

    Ma Note : ★★★★★★★★★

    Mon Avis :

    Quelques mois avant la chute définitive de Troie, la ville voisine de Lyrnessos tombe. Les hommes en âge de combattre et même les jeunes garçons, de potentiels futurs guerriers, sont méthodiquement passés au fil de l’épée par les vainqueurs, les Grecs. Du haut de la citadelle, la jeune reine Briséis et les autres femmes de la cité ne peuvent qu’assister impuissantes au massacre et se soumettre à leur futur destin, celui d’esclaves des vainqueurs. C’est cela, ou mourir.
    Briséis est attribuée à l’un des chefs de guerre les plus charismatiques de l’armée grecque, qui assiège Troie depuis près de dix ans : Achille, que l’on surnomme parfois le divin Achille, fils du roi de Phtie Pélée et de la néréide Thétis. Alors qu’elle a vu mourir son époux le roi de Lyrnessos et ses jeunes frères sous l’épée des Grecs, la voilà soudain obligée de se soumettre à son tour et de mettre à la disposition de l’un d’eux tout ce qu’elle possède encore, à savoir, son corps.
    Briséis est au centre des derniers événements tragiques qui précèdent la prise définitive de Troie. Trophée d’Achille, elle lui est ravie par Agamemnon, autre chef de guerre grec, avec lequel le fils du roi de Phtie et chef des Myrmidons est en conflit. Ecœuré, Achille décide de se retirer du combat, au risque de voir l’armée grecque le perdre. De là, l’idée de son ami Patrocle d’endosser son armure et de mener lui-même les Myrmidons sous les murs de Troie pour galvaniser les troupes. Touché par Hector, Patrocle meurt devant la ville assiégée. Sa mort provoquera un terrible chagrin chez Achille mais aussi un irrépressible désir de vengeance qui conduira à la mort d’Hector et à l’horrible châtiment que fera subir Achille – qui lui-même sait que son destin est scellé et que la mort le guette –  à son cadavre en le traînant derrière son char, désarticulé, autour des murs de Troie.

    Léon Cogniet, Briséis rendue à Achille découvre dans sa tente le corps de Patrocle (1815), musée des beaux-arts d'Orléans.

    Briséis rendue à Achille découvre dans sa tente le corps de Patrocle (peinture de Léon Cogniet, 1815)


    Au milieu de cette atmosphère de fin du monde, les femmes sont les premières victimes et pourtant celles dont on ne parle pas. Si leurs noms ne sont pas absents de l’œuvre originelle d’Homère, en revanche, on les retient moins volontiers que ceux du rusé Ulysse, du divin Achille, du retors Agamemnon… et pourtant, ces femmes de Troie (Briséis, Chryséis, Polyxène, Cassandre, la reine Hécube et toutes les autres), si elles sont fictives, symbolisent toutes les horreurs de la guerre et les horreurs que l’on fait aux femmes en temps de conflit. Le silence des vaincues raconte la stupeur de la défaite et de la servilité, le stress traumatique d’avoir vu mourir les siens, comme Briséis qui revoit sans cesse la mort de ses jeunes frères défendant Lyrnessos. La souillure du viol aussi, car que devient une femme vaincue face à un homme vainqueur sinon un objet sexuel ?
    Et en même temps, de l’autre côté, le roman aborde assez habilement l’assimilation progressive de ces femmes…sans minimiser le choc de la capture et de l’esclavage, l’autrice nous décrit aussi les liens d’attachement qui peuvent se créer car, derrière les Troyens et les Grecs, au-delà du conflit armé, il y a parfois de simples humains qui se rencontrent et se trouvent, à l’image de Briséis et de Patrocle, l’ami de cœur d’Achille, dans lequel elle trouve une oreille attentive et une âme bonne sans méchanceté, à laquelle la jeune femme s’attache. Et la mort de Patrocle sur le champ de bataille sera pour elle tout autant une déchirure que la chute de Lyrnessos et le massacre de sa population masculine.
    Le silence des vaincues n’est pas un roman féministe mais un roman féminin. Il a le mérite de redonner une voix et une substance à des personnages qui, s’ils n’ont pas existé, ont façonné pourtant toute une culture littéraire et artistique. Quel Occidental n’a pas entendu parler de la guerre de Troie, au point parfois de ne plus savoir où s’arrête le mythe et où commence l’Histoire ? Quel Occidental, même sans avoir lu L’Iliade, n’a jamais entendu les noms d’Achille, Patrocle, Ajax, Agamemnon, Ménélas, Hélène, Priam, Hécube ou encore Cassandre ? Et à travers ces personnages, ce sont à toutes les femmes, réelles celles-là qui ont enduré depuis la nuit des temps les répercussions des conflits et toutes celles qui endurent encore les rapts, les viols, les déportations…Ce roman ne laisse pas indifférent, même si l’autrice ne tombe pas dans la surenchère. Non, les Troyens ne sont pas les gentils et les Grecs les méchants. Heureusement, la vision est un peu plus nuancée que cela et c’est ce que je loue dans ce roman, car il aurait pu être assez évident et finalement assez facile d’exploiter les vieux poncifs. Il est parfois très facile – et tentant – , d’exploiter une vision binaire et manichéenne avec d’un côté les héros et de l’autre les maudits, alors que tout n’est jamais aussi simple.
    Je crois que lorsqu’on lit Le silence des vaincues quand on est une femme, il y a forcément quelque chose qui résonne en nous et qui fait vibrer la corde de la sororité. C’est difficile de lire le récit de la captivité de Briséis et des autres femmes sans se sentir proches d’elles toutes. Certains lecteurs ont regretté la passivité de Briséis, son absence de révolte. Pour moi, au contraire, elle est légitime et l’héroïne en est d’autant plus touchante. Je ne crois pas que Briséis accepte sans se révolter de devenir l’esclave d’un homme, son vainqueur, mais quel autre choix a-t-elle ? Doit-on la considérer comme coupable ou manquant de courage, quand elle a fait le choix de la vie, à l’inverse d’autres femmes de Lyrnessos qui ont choisi la mort ? Que ferait-on à sa place ?
    Alors que les avis mitigés sur ce roman m’avaient incitée à le commencer sans trop en attendre, j’ai finalement été tout à fait captivée, du début à la fin. Non seulement c’est bien écrit mais j’ai aimé suivre Briséis. Son destin est terrible mais elle est attachante et se révèle finalement d’une force assez hors du commun dans l’adversité.
    Le silence des vaincues est un beau roman historique aux accents mythologiques et qui, prenant le contre-pied des textes anciens où la vision masculine primait, donne la parole aux femmes et pas à n’importe quelles femmes, celles pour qui le destin n’a pas été clément.
    Une chose est certaine, je lirai la suite avec beaucoup de plaisir et un véritable intérêt.

    Achille contraint de céder Briséis à Agamemnon (Ier siècle), fresque, musée archéologique national de Naples.

     Achille contraint de céder Briséis à Agamemnon (fresque du Ier siècle de notre ère, Naples)

    En Bref :

    Les + : la guerre est indéniablement une affaire de femmes, c'est bien ce que ce roman nous raconte, au-delà du mythe. Les femmes qui attendent, les femmes qui soignent et les femmes qui souffrent. Si la guerre de Troie est un récit mythique, ce que raconte ici Pat Barker est malheureusement et a été le lot de millions de femmes à travers le temps et le monde. Une belle découverte, tant d'un univers que d'une plume. 
    Les - :
     pas vraiment de points négatifs à soulever.


    Les femmes de Troie, tome 1, Le silence des vaincues ; Pat Barker

    Mémoires de la baronne d'Oberkirch sur la cour de Louis XVI et la société française avant 1789 ; Henriette Louise de Waldner de Freundstein, baronne d'Oberkirch LE SALON DES PRÉCIEUSES EST AUSSI SUR INSTAGRAM @lesbooksdalittle


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