• La Traversée des Temps, tome 4, La Lumière du bonheur ; Eric-Emmanuel Schmitt

    « Un acte traître ne fait pas d'un individu un traître définitif, non plus qu'un acte sage n'en fait un sage définitif. »

    Couverture La Traversée des temps, tome 4 : La Lumière du bonheur

     

     

     Publié en 2024

     Editions Albin Michel

     608 pages

     Quatrième tome de la saga La Traversée des Temps

     

     

     

     

     

     

    Résumé : 

    Comment guérir des violences du monde et de l’amour ? Faut-il choisir la solitude ou risquer de se brûler à la lumière du bonheur ?

    Une prophétie de la pythie de Delphes, la rencontre d’une ravissante Athénienne… et voilà scellé le sort de Noam, qui débarque en Grèce au Ve siècle avant Jésus-Christ.
    Saura-t-il conquérir sa place dans cette ville de tous les possibles sensuels et amoureux, où sont en train de naître la démocratie, le théâtre et la philosophie ? Comment lui, ce métèque, cet étranger, pourra-il obtenir la citoyenneté athénienne pour pleinement participer à la vie de la cité, aux festivités, aux concours d’éloquence, voire aux Jeux olympiques qui commencent quelques mois plus tard ?

    À l’ombre de l’Acropole et des statues des dieux, dans les pas d’Aristophane et de Socrate, à la rencontre du médecin Hippocrate, du grand stratège Périclès ou de la troublante Aspasie, ce fascinant roman d’Éric-Emmanuel Schmitt nous transporte avec une érudition infiniment joyeuse aux sources mêmes de notre civilisation.

    Ma Note : ★★★★★★★★★ 

    Mon Avis :

    Après avoir été enfermé dans une pyramide égyptienne avec Noura, Noam s’est endormi pour plusieurs siècles, supposément mort, tout comme sa jeune compagne. Neuf cents ans plus tard, revenus à la vie à la faveur d’une exceptionnelle crue du Nil, Noam et Noura rencontrent, sur le delta du fleuve, un capitaine de bateau grec avec qui ils sympathisent et qui leur propose de les prendre à bord. Les voilà donc voguant vers le Nord, vers la Grèce et plus particulièrement vers l’île de Lesbos où Noura et Noam vont faire la rencontre de la sœur de leur nouvel ami : une certaine Sappho...
    Mais avant d’aller plus loin, il me semble intéressant de resituer un petit peu cette saga, présentée par l’éditeur comme un mélange entre Yuval Noah Harari dont l’œuvre croiserait celle d’Alexandre Dumas. Tout un programme, non ? Dans le premier tome, Paradis Perdus, nous faisons la connaissance de notre héros, Noam. Nous sommes à la fin du Néolithique, quelque part dans un village lacustre, peut-être en Europe ou au Proche-Orient (ou ce qui deviendra, bien plus tard, ces régions du monde). A cette époque-là, la civilisation n’existe pas réellement, même si les populations commencent à se rassembler en communautés...cela ne veut pas dire non plus que l’esprit humain est dépourvu d’intelligence et ces hommes du Néolithique n’ont pas grand-chose à nous envier. Ils vivent en harmonie avec la nature, subsistant grâce à ses ressources, se soignant aussi grâce à elles car, à l’époque, la médecine se réduit effectivement à la prise de plantes et d’actifs d’origine naturelle. 
    Mais la tranquillité du monde est menacée par une montée des eaux, un « déluge » semble imminent et pour toutes les communautés qui vivent du lac et de ses ressources, bientôt ce qui était une source de vie devient une menace mortelle
    Noam est le Noé de la Bible, celui qui a construit l’Arche sur lequel il aurait fait monter un couple de chaque espèce animale représentée sur terre ainsi que des humains, afin qu’hommes et animaux puissent survivre au désastre qui s’annonce, autrement dit, quarante jours de pluies diluviennes qui font déborder les cours d’eau et monter le lac qui, bientôt, engloutit les villages et tous les territoires alentour. 
    Mais Noam et Noura, la jeune femme qu’il aime, vont faire une expérience hors du commun : alors qu’ils se sont réfugiés dans une grotte, les deux jeunes gens sont victimes d’un foudroiement. Celui-ci aurait dû les tuer et pourtant, c’est tout le contraire qui va se produire puisque après cet événement, Noam et Noura se retrouvent doués d’immortalité. Ils ne sont pas surhumains ni invincibles, peuvent être blessés et même mourir, seulement une blessure chez eux mettra moins de temps à cicatriser que chez toute autre personne normale, la récupération sera aussi moins longue, la vieillesse ne semble pas avoir de prise sur eux et surtout, la mort n’a plus rien d’irréversible
    On le voit en ce début de volume quand Noam et Noura se réveillent finalement après avoir dormi neuf cents ans dans le ventre d’une pyramide pharaonique. Après avoir exploré la fin de l’ère néolithique, marquée par une catastrophe naturelle sans précédent, puis la Mésopotamie et le pays de Canaan où Noam et Noura font la rencontre d’Abraham et des siens ainsi que de la reine de Saba et du roi Nemrod, constructeur de la fameuse Tour de Babel, ils sont arrivés en Egypte, au pays des pharaons au tout début de l’ère pharaonique. 

    La démocratie athénienne | Mouvement Colibris

    Au Vème siècle avant notre ère, Athènes expérimente un nouveau mode de gouvernement accordant la primauté au peuple, au contraire des oligarchies comme Sparte : Périclès reste la figure indissociable de cette démocratie athénienne 


    Mais il est temps maintenant de voguer vers un nouvel endroit, une nouvelle civilisation et, en ce Vème siècle av. J-C, lorsque Noam et Noura accostent sur l’île de Lesbos, la puissance méditerranéenne, c’est la Grèce, qui connaît son âge d’or. Athènes est notamment une ville florissante, puissante où règne un nouveau régime politique : la démocratie, autrement dit, le gouvernement par le peuple, représenté par de nombreuses institutions représentent les citoyens, au contraire des villes oligarchiques comme Sparte, où des pouvoirs tyranniques et autoritaires règnent. 
    A Delphes, Noam, séparé de Noura, fait la rencontre d’une jeune et jolie Athénienne du nom de Daphné, dont il tombe amoureux. Mais Delphes est aussi le lieu de culte principal d’Apollon où vit notamment la fameuse « pythie », l’oracle du dieu qui parle par sa bouche. Et l’augure de la devineresse est sans appel pour Noam : s’il part à Athènes, il y laissera une partie de lui-même. 
    Et pourtant, dans la ville de Périclès, Noam va être étonnamment heureux. Quittant son statut de métèque grâce à une performance remarquable aux Jeux Olympiques qui ont lieu cette année-là et où il représente la cité athénienne, Noam peut épouser sa bien-aimée, auprès de laquelle il coule des jours heureux, élevant leur progéniture et côtoyant tous les grands personnages de l’époque, du stratège Périclès - dont tous les écoliers ont entendu parler car il est une véritable personnification de ce régime démocratique athénien classique – en passant par le neveu de ce dernier, le charismatique Alcibiade, le philosophe Socrate, aussi laid que fabuleusement intelligent ou encore la troublante Aspasie, compagne de Périclès. En réalité, pendant quelques années, bien que toujours doté de son étrange pouvoir – qui se révèle d’ailleurs parfois plus un fardeau qu’une bénédiction - Noam, qui se fait appeler en Grèce Argos, va expérimenter une sorte de normalité bienvenue, dans une vie conjugale et paternelle réussie et comblée. Mais un oracle, surtout la Pythie de Delphes, voix terrestre d’Apollon, ne ment jamais et la prédiction dispensée à Noam va finir par se réaliser : si celui-ci a été très heureux dans le berceau de la démocratie auprès d’une famille qu’il s’est constituée comme n’importe quel homme, il va aussi en payer le prix et le revers de la médaille s’avérera pénible, fait de renoncements, de regrets et de deuils, auxquels l’immortalité de Noam le condamne fatalement.
    La lumière du bonheur est un tome très riche, dont le contexte historique nous parle immanquablement car il nous rappelle nos cours d’Histoire plus ou moins lointains. Cette Grèce classique du Vème siècle, nous la connaissons déjà assez bien, car elle est souvent citée en exemple lorsqu’il s’agit d’étudier la naissance de la démocratie et ses institutions. Athènes n’est-elle pas la première cité à expérimenter ce nouveau mode de gouvernement, où le peuple occupe la première place ? C’est donc dans un contexte d’émulation politique, culturelle et sociale que Noam arrive après avoir, sur l’île de Lesbos, fait connaissance avec une femme qui marquera l’histoire de la littérature, avant d’être oubliée, puis redécouverte : il s’agit bien évidemment de la fameuse poétesse Sappho de Lesbos dont on s’inspirera du nom pour parler des amours « saphiques », autrement dit, les amours lesbiennes. 
    Je sais que certains lecteurs ont trouvé ce tome un peu en-dessous des trois précédents. Certes, il n’est pas exempt de longueurs, je les ai ressenties d’ailleurs en milieu de volume, mais comme cela avait pu déjà être le cas dans les autres tomes...autrement dit, je n’ai pas ressenti quelque chose de différent et cela n’a pas forcément exercé une influence très importante sur ma lecture, au contraire. Certes, le contexte abordé dans ce tome n’est effectivement pas celui qui me passionnait le plus : l’Histoire Ancienne de la Grèce reste pour moi un sujet assez flou, que j’ai étudié mais qui ne m’a jamais captivée. Mais le fait que ce soit un roman rend la chose un peu plus facile à suivre, même si on ne peut pas accuser Éric-Emmanuel Schmitt de ne pas étayer ses romans de recherches solides. En effet, on sent que l’auteur s’est beaucoup documenté, tant sur les institutions démocratiques de l’Athènes de Périclès que sur la biographie d’Alcibiade, un des personnages-clés de l’époque ou encore, sur les tenants et aboutissants de la philosophie de Socrate, qui sera notamment l’un des penseurs dont s’inspirera Platon, un peu plus tard. Naviguant toujours entre une époque lointaine (Néolithique, époque sumérienne ou pharaonique, maintenant l’époque grecque classique) et des chapitres se passant au XXIème siècle, les romans de cette saga sont tous fondés sur une base commune, mais qui diffère ici car les chapitres contemporains - intitulés « Intermezzo » - sont un peu moins nombreux. Les considérations de Noam, homme né dans un monde radicalement différent du nôtre, sur nos sociétés, les conflits qui l’écorchent, l’incertitude climatique, sont moins présentes que dans les tomes précédents, mais ça n’en reste pas moins intéressant à découvrir. Alterner ainsi, même si ce n’est pas de façon égale, entre deux époques, apporte un certain rythme au récit. 
    Enfin, que dire de la plume d’Éric-Emmanuel Schmitt, à part que c’est toujours un plaisir de la lire ? Je me régale à chaque fois, les mots sont fluides et s’enchaînent harmonieusement, bref, il n’y a absolument rien à redire là-dessus. 
    Ce quatrième tome a donc été une très bonne surprise – presque inattendue – car je nourrissais quelques réserves avant de me lancer et les différents avis un peu mitigés que j’avais pu lire ici ou là m’avaient quelque peu refroidie mais en réalité, la magie aura encore opéré une quatrième fois, me concernant. Nous sommes maintenant tout pile à la moitié de cette série de cette grande et ambitieuse saga qui devrait en compter huit, en tout ! Espérons que la suite sera tout aussi captivante, mais je n’en doute pas !  

    Qui était Socrate ? | National Geographic

     

    La mort de Socrate par Jacques-Louis David (1787) : condamné à mort par la démocratie athénienne, le philosophe choisit de s'empoisonner avec une coupe de ciguë

    En Bref :


    La Traversée des Temps, tome 4, La Lumière du bonheur ; Eric-Emmanuel Schmitt

      Mémoires de la baronne d'Oberkirch sur la cour de Louis XVI et la société française avant 1789 ; Henriette Louise de Waldner de Freundstein, baronne d'Oberkirch LE SALON DES PRÉCIEUSES EST AUSSI SUR INSTAGRAM @lesbooksdalittle  

     

    • Envie d'en savoir plus sur cette série ? Je vous présente ici mes billets sur les trois premiers tomes :

    Paradis perdus

    La Porte du Ciel

    Soleil sombre


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