• La Traversée des Temps, tome 3, Soleil sombre ; Eric-Emmanuel Schmitt

    « Depuis que les hommes étaient sortis de la nature, qu'ils construisaient des maisons, qu'ils domestiquaient les bêtes, qu'ils cultivaient les plantes, ils s'étaient installés au-dessus de tout, y compris d'eux-mêmes. Des privilégiés régnaient sur la "vile populace". Une élite faisait l'histoire, inscrivait son nom au firmament de la gloire, tandis que la multitude labourait les champs et portait des seaux d'eau. »

     

    Couverture La Traversée des Temps, tome 3 : Soleil Sombre

     

     

        Publié en 2022

      Éditions Albin Michel

      576 pages 

      Troisième tome de la saga La Traversée des Temps

     

     

     

     

    Résumé :

    Poursuivant sa traversée de l'histoire humaine, Noam s'éveille d'un long sommeil sur les rives du Nil, en 1650 av. J-C et se lance à la découverte de Memphis, capitale des deux royaumes d’Égypte. Les temps ont bien changé. Des maisons de plaisir à la Maison des morts, des quartiers hébreux au palais de Pharaon, se dévoile à lui une civilisation inouïe qui se transmet sur des rouleaux de papyrus, vénère le Nil, fleuve nourricier, momifie les morts, invente l'au-delà, érige des temples et des pyramides pour accéder à l'éternité. Mais Noam, le cœur plein de rage, a une unique idée en tête : en découdre avec son ennemi pour connaître enfin l'immortalité heureuse auprès de Noura, son aimée. 

    Avec le troisième tome du cycle de La Traversée des Temps, Eric-Emmanuel Schmitt nous embarque en Égypte ancienne, une civilisation qui prospéra pendant plus de trois mille ans. Fertile en surprises, Soleil sombre restitue ce monde en pleine effervescence dont notre modernité a conservé des traces, mais qui reste dans l'Histoire des hommes une parenthèse aussi sublime qu'énigmatique.

    Ma Note : ★★★★★★★★

    Mon Avis :

    Après la chute de la tour de Babel, à laquelle Noam, toujours doué de vie éternelle, a assisté, le voilà bien décidé à quitter le pays des Eaux douces. Mais il ne partira pas seul : sa compagne d’éternité Noura, dont il est toujours autant épris depuis qu’il l’a rencontrée, des milliers d’années auparavant, juste avant le Déluge, l’accompagne vers l’ouest. Là, ils vont découvrir une nouvelle civilisation, aussi grandiose que mystérieuse : sur les rives d’un immense fleuve, le Nil, qui fertilise toute la région jusqu’à son delta, où il se jette dans la Méditerranée, une formidable société est en train de naître, celle que l’on retient aujourd’hui sous le nom de civilisation égyptienne antique. Nous sommes en 1650 av. J-C, sous le règne d’un pharaon nommé Méri-Ouser-Rê. Sa fille, la princesse Néférou, nous est parvenue aujourd’hui, grâce aux textes fondateurs judéo-chrétiens, sous le nom de « fille de Pharaon », celle qui recueillera le petit Moïse, nouveau-né sauvé des eaux et élevé par elle, jusqu’à ce que le jeune homme ne s'oriente vers une nouvelle forme de croyance, le monothéisme et ne se détourne des anciens dieux de son enfance, devenant par là l'une des figures fondatrices des futures civilisations judéo-chrétiennes et islamiques (il est ainsi considéré comme le premier prophète du judaïsme, présenté comme le personnage le plus important de la Torah et comme un prophète précédent Mahomet dans l'Islam).
    Sur cette terre mystérieuse, chaude et aride et en même temps immensément féconde grâce aux crues du Nil qui irriguent les champs et les prairies, Noam et Noura donnent naissance, par leur proximité qui évoque à la fois celle d’un frère et d’une sœur et celle de deux amants, à un mythe qui sera le ciment du panthéon égyptien pendant des siècles : Osiris et sa sœur Isis, nés de Geb et Nout et dont l’union est autant celle d’un frère et d’une sœur que celle d’un couple.
    Le troisième tome de La Traversée des Temps, après le Néolithique puis l’époque de la première civilisation mésopotamienne, où se développent agriculture et écriture, deux fondements de toutes les futures sociétés humaines, nous emmène à la rencontre d’une civilisation qui nous paraît un peu plus familière, tout en restant mystérieuse, foncièrement opaque et donc, fascinante. Cette Égypte des Pharaons nous parle sans nous parler, car nous assimilons finalement à quelques siècles ce qui s’est déroulé sur une immense période. Ainsi, l’Égypte de Méri-Ouser-Rê n’a rien à voir avec ce que sera l’Égypte de Cléopâtre, issue d’une dynastie grecque et dont la terre est en passe de tomber sous le contrôle de Rome. Ici, la culture égyptienne est à son apogée, toute-puissante et Memphis, sa capitale, en est un bon résumé. C’est dans cette ville, luxueuse et royale, où se côtoient cependant les plus grandes richesses et les plus pauvres misères, que Noam va passer de nombreuses années, se rapprochant de la princesse Néférou, privilégiée mais très seule, dont le sens de la vie se résumera à aimer un enfant qui n’est pas le sien et se détournera, une fois adulte, de l’éducation qu’on lui a donnée. C’est là aussi qu’il va rencontrer un alter ego de Noura, une autre femme digne d’être aimée et choyée par lui. Enfin, c’est là qu’il va retrouver son ennemi de toujours, Derek.
    En parallèle, comme depuis le premier tome, nous suivons Noam à notre époque : après le Liban, le voici en Suède puis aux États-Unis, toujours bien décidé à mettre son immortalité au service de l’humanité. Et pourtant, ce qu’il voit au fil du passage des siècles n’est pas pour le réjouir. L’extrême progrès qui caractérise l’humanité depuis le XIXème siècle, la prospérité insolente de l’Occident quand un « tiers-monde » continue de se débattre dans les affres d’une terrible pauvreté et d’un retard économique flagrants, s’accompagne malgré tout d’incertitudes et d’écueils terribles : l’éternelle et viscérale peur de la fin du monde a trouvé, de nos jours, une concrétisation parfaite dans la menace du réchauffement climatique qui se fait de plus en plus sentir et que l’on ne peut plus ignorer. Les guerres informatiques et le terrorisme menacent des sociétés qui semblent vaciller sur leurs bases. Enfin, si la richesse des états européens ou d’Amérique sont manifestes, elle s’accompagne pourtant d’une pauvreté croissante, d’une désillusion amère, d’un manque de perspectives et de foi en l’avenir.
    Et pourtant, toutes les époques que Noam traverse ou se prépare à traverser, sont marquées des mêmes contradictions, des mêmes incertitudes, des mêmes horreurs. Si le progrès n’a pas fait le bonheur de l’humanité, loin de là, force est de constater que les sociétés et civilisations plus anciennes ne sont des « eldorados » qu’a posteriori et que l'adage « c'était mieux avant » peut être parfois franchement biaisé.
    Peut-être parce que ce troisième volume nous emmène au cœur d’un pays dont l’histoire antique est très connue (qui ne s’est pas, au cours de sa vie passionné, un moment ou durablement, pour l’Égypte antique, ses Pharaons, ses momies et son panthéon de dieux aux têtes d’animaux ?), mais je suis entrée avec plus de facilité dans Soleil sombre que dans La porte du ciel, qui m’avait plu mais qui m’avait paru un peu moins facile d’accès au départ.
    C’est toujours un plaisir de retrouver Noam et Noura : Noam, c’est le Noé de la Bible, héros du Déluge, qui sauve l’humanité et les animaux en créant une immense arche sur laquelle les Hommes et un couple de chaque espèce connue embarquera, pour repeupler le monde après la catastrophe. Ici, c’est un homme de chair et de sang mais immortel et à la jeunesse éternelle, qui possède pourtant la sagesse des patriarches, de ceux qui ont beaucoup voyagé et beaucoup vécu. Noura est son pendant féminin, douée de la même faculté et dont le destin sans fin semble de se séparer de Noam pour mieux le retrouver, ici ou ailleurs.
    Encore une fois riche, érudit et bien documenté, ce roman est un plaisir pour qui aime l’Histoire et l’univers unique de Schmitt, qui m’avait déjà régalée il y a plusieurs années avec L’évangile selon Pilate ou encore La part de l’autre. Soleil sombre fait aussi vibrer la corde sensible de notre cœur humain, souvent touché par les évocations universelles : on se plaît à découvrir ces Égyptiens des temps anciens qui ne semblent pourtant pas si différents de nous et vivent et aiment comme nous, plusieurs siècles plus tard. Une saga qui tient ses promesses et que je découvre avec une impatience et un intérêt croissants, de livre en livre.

    En Bref :

    Les + : érudit, philosophique, universel, ce roman interroge profondément notre nature humaine et son évolution, positive comme négative. 
    Les - :
    aucun point négatif à soulever dans ce troisième tome. S'il n'est pas parfait, car la perfection n'existe pas, ce roman m'a captivée de bout en bout.


    La Traversée des Temps, tome 3, Soleil sombre ; Eric-Emmanuel Schmitt

       Mémoires de la baronne d'Oberkirch sur la cour de Louis XVI et la société française avant 1789 ; Henriette Louise de Waldner de Freundstein, baronne d'Oberkirch LE SALON DES PRÉCIEUSES EST AUSSI SUR INSTAGRAM @lesbooksdalittle

    • Retrouvez ici mes chroniques sur les deux premiers tomes de La Traversée des Temps :

    - Paradis perdus

    - La Porte du Ciel


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