• Cape May ; Chip Cheek

    « Il sait désormais comment le désir essaime, un peu comme la chaleur se répand - il comprend comment, quand Effie et lui l'avaient décelé en eux, ils s'étaient ouverts au tourbillon de tout ce qu'il pouvait y avoir de désirable alentour. Il n'avait pas pu résister. Elle non plus. »

     

     

         Publié en 2019 aux États-Unis

         En 2021 en France (pour la présente édition)

      Titre original : Cape May

      Éditions Le Livre de Poche

      336 pages

     

     

     

     

    Résumé :

    « Quelle soirée ! Il sourit à l'adresse du réverbère qui semblait lui promettre une vie pleine de succès. Et de fait, oui, elle allait être brillante. Il se souviendrait de cette fête jusqu'à la fin de ses jours parce qu'elle marquerait pour lui un nouveau début. »

    Septembre 1957. Henry et Effie passent leur lune de miel à Cape May, dans le New Jersey. Hors saison, la petite station balnéaire n'offre guère de distractions - si ce n'est la découverte du plaisir -, et le jeune couple ne tarde pas à s'ennuyer. Leur rencontre avec un groupe de New-Yorkais riches et délurés va leur ouvrir les portes d'un monde insoupçonné. Cape May devient alors leur terrain de jeu : ils s'invitent dans des maisons vides, font de la voile, se saoulent au gin et marchent nus sous les étoiles...jusqu'à cette nuit où tout bascule.

    Ma Note : ★★★★★★★★★★

    Mon Avis :

     A la fin du mois de septembre 1957, Henry et Effie, deux tous jeunes mariés originaires de Géorgie, arrivent à Cape May (New Jersey) où ils doivent passer leur lune de miel. Issus tous les deux de milieux conservateurs et traditionnels, âgés respectivement de vingt et dix-huit ans, Henry et Effie sont gauches et empruntés et la découverte du plaisir et de la sexualité se fait pour eux de manière tout à fait conventionnelle et sans fantaisie. A Cape May, dans la tristesse d’un été finissant, les deux jeunes gens découvrent la vie à deux et la réalité du mariage – mais aussi l’ennui d’un quotidien sans saveur et, rapidement, en dehors d’un lit, Henry et Effie ne partagent pas grand-chose…
    Dans cette ville endormie pour la basse saison, mais où des éclairs fulgurants d’été indien réservent encore de belles journées et des baignades impromptues sur le front de mer, toute chose sortant un peu de l’ordinaire est bon à prendre et, un jour où ils rentrent de promenade, Henry et Effie se rendent compte que l’une des maisons de leur rue est occupée : de nombreuses voitures sont garées devant son portail et ses habitants semblent s’apprêter à faire la fête. Sur un coup de tête, les deux jeunes gens décident d’aller se présenter et Effie, qui venait à Cape May dans son enfance retrouve, non sans surprise, une ancienne connaissance : Clara Strauss. Plus âgée qu’Effie, charismatique, expérimentée, Clara exerce rapidement une véritable fascination sur eux, bien plus jeunes et inexpérimentés et issus d’un milieu sudiste traditionaliste et conventionnel. Effie et Henry assistent à une fête psychédélique où toutes les barrières sociales, religieuses et de la bienséance semblent tomber : les amis de Clara sont bien loin des archétypes que les deux anciens lycéens fréquentent dans leur petite bourgade de Géorgie.
    Henry et Effie vont peu à peu tomber sous l’emprise bienveillante de Clara et de son amant, Max, qui semblent mener une vie de bohème où sexe, alcool et fêtes débridés sont banalisés. En parallèle de ce duo déluré, Henry commence à s’intéresser à la mystérieuse Alma, la sœur cadette de Max, silencieuse et plus solitaire mais qui ne le laisse pas indifférent, tandis qu’Effie, sans le vouloir et peut-être même s’en rendre compte, se met à copier Clara, poussant ses propres limites pour être acceptée et se débarrasser ainsi des préjugés que peuvent faire naître sa jeunesse, sa naïveté, son milieu social.
    La vie chez Clara est dénuée de règles et de routine : on se lève et se couche à l’heure que l’on veut, on s’habille n’importe comment, on mange n’importe quoi et à n’importe quelle heure…l’alcool, la liberté et le sexe sont banalisés et font partie du quotidien. Là où le sexe et la consommation d’alcool sont soumis, pour Effie et Henry à des interdits, toutes les barrières tombent dans le cercle de la trop magnétique Clara, qui revendique son mode de vie, assume d’avoir un amant alors que, par ailleurs, elle est mariée à un autre homme
    Si les premières fêtes et sorties en bateau dans la baie de Cape May les jours où le temps est estival et que l’on peut, une dernière fois, ressortir maillots de bain, serviette de plage et ambre solaire sont relativement innocentes, le groupe s’enhardit bientôt, brouillant sa perception du temps, s’introduisant la nuit dans les maisons secondaires non occupées de Cape May, buvant plus que de raison…les jeux innocents le deviennent de moins en moins, la nudité ne semble plus aussi chaste qu’elle pouvait l’être quelques jours encore auparavant, les gestes sont plus lourds et suggestifs, plein de sous-entendus...ce qui était jusque là synonyme d’une liberté que l’on découvre et que l’on prend à pleines mains se fait plus équivoque, plus lourd de sens…jusqu’à une soirée où tout bascule, où les couples se mêlent, se fondent, jusqu’à un point de non-retour

     

    Cape May est une ville américaine et station balnéaire qui existe bel et bien, dans l'Etat du New Jersey


    Roman d’apprentissage plein de tension et de sexe, Cape May mérite sans nul doute sa réputation de roman sulfureux. L’auteur ne s’embarrasse pas de langue de bois et nomme un chat, un chat sans s’embarrasser d’euphémismes ou de circonlocutions subtiles. Dans ce livre, il est question de sexe à l’état brut, de découverte du plaisir, de liberté et de passage à l'âge adulte…mais le roman est aussi plein de tension et on le comprend dès le début : les deux personnages principaux, Henry et Effie malgré la banalité de leur quotidien avant leur rencontre avec Clara, semblent courir vers un abîme, qu’on ne peut pas déceler vraiment mais qui est là, tapi, attendant son heure. J’ai retrouvé un peu l’ambiance glauque, poisseuse du roman The Girls, d’Emma Cline où une toute jeune fille négligée par ses parents et qui s'ennuie intègre un groupe plus âgé qui la subjugue et l’emmène au bord du gouffre. C’est un peu la même chose ici et on dévore le roman en apnée, en essayant de déceler quel sera l’élément déclencheur, celui qui, soudain, va faire tout basculer.
    Les personnages ne sont pas particulièrement attachants : Henry n’a pas véritablement de personnalité, Effie est superficielle, le personnage d’Alma est difficilement cernable tandis que l’on ressent, sous la couche d’affabilité souriante chez Clara et Max, poindre un cynisme à tout épreuve et destructeur. Pourtant, on ne peut pas s’empêcher de continuer et de tourner les pages, ne serait-ce que pour savoir comment cette intrigue va tourner, car on s’en doute, elle va mal tourner et certains de nos personnages vont y laisser des plumes – et c’est fatalement ce qui va arriver.
    La chute est tout aussi violente que le plaisir et la légèreté d’un moment suspendu dans le temps l’ont été durant la période un peu hors du temps de la lune de miel. En moins de quinze jours et tandis que l’été bascule irrémédiablement dans la grisaille humide de l’automne, Henry et Effie en apprennent plus sur la vie et sur eux-mêmes que durant toutes les années qu’ils viennent de vivre. Les deux jeunes gens à peine sortis du lycée tombent brutalement dans une réalité basse et sordide et découvrent que la vie d’adulte ne signifie pas seulement la disparition de certaines barrières et la liberté de faire ce que l’on veut quand on le veut. La responsabilité des actes leur revient aussi brutalement en plein visage et ne les lâchera plus jamais.
    Érotique et assez sulfureux, le roman ne correspondra probablement pas à tout le monde. Si vous n’aimez pas ces ambiances, où les scènes de sexe se multiplient, peut-être n’aimerez-vous pas Cape Mayil est vrai que, parfois, la profusion de ces scènes peut sembler superflue mais, en même temps, cela est fait certes avec trivialité, mais sans grossièreté ni vulgarité. La sexualité et ses multiples facettes ont toute leur place dans le roman et l’auteur en parle sans langue de bois et sans affectation, sans pour autant banaliser les dérapages et les déviances qu’elles peuvent impliquer. Le sexe est certes générateur de plaisir mais peut être aussi la source de traumatismes et de mauvaises expériences, même si elles sont consenties au départ.
    Cape May laisse une sensation de lourdeur dans la poitrine quand on tourne l’ultime page : ce roman n’est pas gai, il n’est pas frais, ni léger ni même estival, malgré ce que peut laisser penser la couverture qui évoque le plein été. Sombre et dense, ce roman aborde efficacement un élément qui est généralement du domaine de l’intime mais devient ici matière à analyse de l’âme humaine et de ses travers, petits ou grands.

    En Bref :

    Les + : l'ambiance est dense, étouffante, étrange et met mal à l'aise. On comprend très rapidement que les personnages se sont engagés dans une course à l'abîme...l'atmosphère moite et sombre laisse une sensation étrange lorsqu'on tourne l'ultime page du roman.
    Les - : une multiplication de scènes suggestives parfois ad nauseam...toutes étaient-elles nécessaires ? Peut-être pas.


    Cape May ; Chip Cheek

     Mémoires de la baronne d'Oberkirch sur la cour de Louis XVI et la société française avant 1789 ; Henriette Louise de Waldner de Freundstein, baronne d'Oberkirch LE SALON DES PRÉCIEUSES EST AUSSI SUR INSTAGRAM @lesbooksdalittle  


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