• L'instant poétique

    L'instant poétique

  • L'instant poétique #1 : Liberté, Paul Eluard, 1942 

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    Le poème d'Eluard illustré par son ami Fernand Léger en 1953

    • LE POÈME

     

    Sur mes cahiers d’écolier
    Sur mon pupitre et les arbres
    Sur le sable sur la neige
    J’écris ton nom

    Sur toutes les pages lues
    Sur toutes les pages blanches
    Pierre sang papier ou cendre
    J’écris ton nom

    Sur les images dorées
    Sur les armes des guerriers
    Sur la couronne des rois
    J’écris ton nom

    Sur la jungle et le désert
    Sur les nids sur les genêts
    Sur l’écho de mon enfance
    J’écris ton nom

    Sur les merveilles des nuits
    Sur le pain blanc des journées
    Sur les saisons fiancées
    J’écris ton nom

    Sur tous mes chiffons d’azur
    Sur l’étang soleil moisi
    Sur le lac lune vivante
    J’écris ton nom

    Sur les champs sur l’horizon
    Sur les ailes des oiseaux
    Et sur le moulin des ombres
    J’écris ton nom

    Sur chaque bouffée d’aurore
    Sur la mer sur les bateaux
    Sur la montagne démente
    J’écris ton nom

    Sur la mousse des nuages
    Sur les sueurs de l’orage
    Sur la pluie épaisse et fade
    J’écris ton nom

    Sur les formes scintillantes
    Sur les cloches des couleurs
    Sur la vérité physique
    J’écris ton nom

    Sur les sentiers éveillés
    Sur les routes déployées
    Sur les places qui débordent
    J’écris ton nom

    Sur la lampe qui s’allume
    Sur la lampe qui s’éteint
    Sur mes maisons réunies
    J’écris ton nom

    Sur le fruit coupé en deux
    Du miroir et de ma chambre
    Sur mon lit coquille vide
    J’écris ton nom

    Sur mon chien gourmand et tendre
    Sur ses oreilles dressées
    Sur sa patte maladroite
    J’écris ton nom

    Sur le tremplin de ma porte
    Sur les objets familiers
    Sur le flot du feu béni
    J’écris ton nom

    Sur toute chair accordée
    Sur le front de mes amis
    Sur chaque main qui se tend
    J’écris ton nom

    Sur la vitre des surprises
    Sur les lèvres attentives
    Bien au-dessus du silence
    J’écris ton nom

    Sur mes refuges détruits
    Sur mes phares écroulés
    Sur les murs de mon ennui
    J’écris ton nom

    Sur l’absence sans désir
    Sur la solitude nue
    Sur les marches de la mort
    J’écris ton nom

    Sur la santé revenue
    Sur le risque disparu
    Sur l’espoir sans souvenir
    J’écris ton nom

    Et par le pouvoir d’un mot
    Je recommence ma vie
    Je suis né pour te connaître
    Pour te nommer

    Liberté.

    Paul Eluard

     

    • ET CA PARLE DE QUOI ?

    Considéré comme un véritable plaidoyer de la Résistance, cet ode à la liberté est, au départ, une oeuvre dédiée à l'épouse de Paul Eluard, Nusch (née Maria Benz) et s'intitule Une seule pensée. Mais Paul Eluard révèle qu'en écrivant ce poème, le seul mot qui lui revient à l'esprit est celui-ci : « liberté ». Publié le 3 avril 1942 dans le recueil clandestin Poésie et Liberté, il est diffusé sous le titre Une seule pensée en zone libre. Repris à Londres par la revue La France Libre, le texte est parachuté en milliers d'exemplaires au-dessus de la France, par les avions de la Royal Air Force. Repris de multiples fois, dans des films ou parfois même mis en musique, traduit en plusieurs langues, Liberté est, avec Le Chant des Partisans écrit par Joseph Kessel et son neveu Maurice Druon, considéré comme un texte consubstantiel à la Résistance française pendant la Seconde Guerre Mondiale. 

    • L'AUTEUR EN QUELQUES PHRASES

    Description de cette image, également commentée ci-après

    Né Eugène Grindel à Saint-Denis le 14 décembre 1895 et mort à Charenton-le-Pont en 1952, Paul Eluard est un poète français proche du mouvement Dada et considéré comme l'un des piliers du surréalisme.


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  • L'instant poétique #2 : Demain, dès l'aube, Victor Hugo, 1856

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    Manuscrit du poème 

     

    • LE POÈME

    Demain, dès l'aube, à l'heure où blanchit la campagne,
    Je partirai. Vois-tu, je sais que tu m'attends.
    J'irai par la forêt, j'irai par la montagne.
    Je ne puis demeurer loin de toi plus longtemps.

    Je marcherai les yeux fixés sur mes pensées,
    Sans rien voir au dehors, sans entendre aucun bruit,
    Seul, inconnu, le dos courbé, les mains croisées,
    Triste, et le jour pour moi sera comme la nuit.

    Je ne regarderai ni l’or du soir qui tombe,
    Ni les voiles au loin descendant vers Harfleur,
    Et quand j'arriverai, je mettrai sur ta tombe
    Un bouquet de houx vert et de bruyère en fleur.

     

    • ET CA PARLE DE QUOI ?

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    Léopoldine Hugo en 1836, au moment de sa première communion

     Poème autobiographique publié dans le recueil Les Contemplations, composé de 158 poèmes, Demain, dès l'aube a été rédigé une dizaine d'années avant sa publication. L'auteur s'y adresse à sa fille Léopoldine, disparue quatre ans plus tôt (à l'âge de dix-neuf ans) avec son époux dans un accident tragique. Le poème raconte le pèlerinage annuel de Hugo entre Le Havre et Villequier, le village normand où Léopoldine a trouvé la mort et où elle est enterrée avec son mari. 

    • L'AUTEUR EN QUELQUES PHRASES

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    Né à Besançon le 26 février 1802, décédé à Paris le 22 mai 1885, Victor Hugo est l'un des auteurs français du XIXème siècle les plus importants. Personnalité publique et intellectuelle, particulièrement engagé politiquement, Hugo est un poète, dramaturge et écrivain romantique. A sa mort, il a droit à des funérailles nationales et sa sépulture se trouve au Panthéon. 

     


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  •  L'instant poétique #3 : Heureux qui comme Ulysse, Joachim du Bellay, 1558

     

    Les Bibliothèques Virtuelles Humanistes - Fac-similés > Notice

      

    • LE POÈME

     

    Heureux qui, comme Ulysse, a fait un beau voyage,
    Ou comme cestui là qui conquit la toison,
    Et puis est retourné, plein d’usage et raison,
    Vivre entre ses parents le reste de son aage !

    Quand reverray-je, helas, de mon petit village
    Fumer la cheminee, et en quelle saison
    Reverray-je le clos de ma pauvre maison,
    Qui m’est une province, et beaucoup d’avantage ?

    Plus me plaist le sejour qu’ont basty mes ayeux,
    Que des palais Romains le front audacieux ;
    Plus que le marbre dur me plaist l’ardoise fine,

    Plus mon Loyre Gaulois, que le Tibre Latin,
    Plus mon petit Lyré, que le mont Palatin,
    Et plus que l’air marin la douceur Angevine.

     

    • ET CA PARLE DE QUOI ?

    Entrée de l'ancienne demeure

    Vestiges du château de La Tumelière, à Liré, où est né Joachim du Bellay

    Issu du recueil Les Regrets, le sonnet Heureux qui comme Ulysse évoque le voyage et la douleur de l'exil, dans un registre lyrique et élégiaque souvent chers aux auteurs de la Renaissance. En effet, lorsqu'il rédige Les Regrets, Joachim du Bellay est à Rome, où il vécut plusieurs années auprès de son oncle le cardinal Jean du Bellay, auprès duquel il remplissait les fonctions de secrétaire et intendant : ce sonnet témoigne de sa nostalgie de sa terre natale, l'Anjou, où il fait, selon l'auteur, si bon vivre.

    Ce texte sera repris plusieurs fois, notamment par le chanteur Ridan, qui le met en chanson en 2007 tout en respectant parfaitement le texte du XVIème siècle. 

    • L'AUTEUR EN QUELQUES MOTS

    Né vers 1522 à Liré en Anjou et mort à Paris le 1er janvier 1560, Joachim du Bellay est un poète de la Renaissance. Sa rencontre avec Pierre de Ronsard est à l'origine de La Pléiade, groupe de poètes pour lequel du Bellay rédigea un manifeste, la Défense et illustration de la langue française


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  • L'instant poétique #4 : Le dormeur du val, Arthur Rimbaud, 1870

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    Le seul manuscrit autographe du Dormeur du val, daté d'octobre 1870 est aujourd'hui conservé à la British Library

    • LE POÈME

     

    C'est un trou de verdure où chante une rivière
    Accrochant follement aux herbes des haillons
    D'argent ; où le soleil, de la montagne fière,
    Luit : c'est un petit val qui mousse de rayons.

    Un soldat jeune, bouche ouverte, tête nue,
    Et la nuque baignant dans le frais cresson bleu,
    Dort ; il est étendu dans l'herbe, sous la nue,
    Pâle dans son lit vert où la lumière pleut.

    Les pieds dans les glaïeuls, il dort. Souriant comme
    Sourirait un enfant malade, il fait un somme :
    Nature, berce-le chaudement : il a froid.

    Les parfums ne font pas frissonner sa narine ;
    Il dort dans le soleil, la main sur sa poitrine
    Tranquille. Il a deux trous rouges au côté droit.

     

    • ET CA PARLE DE QUOI ?

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    L'Homme blessé, tableau du peintre réaliste Gustave Courbet décrit une scène pratiquement similaire à celle décrite par Rimbaud dans son sonnet 

    Rimbaud écrit ce sonnet en octobre 1870, alors qu'il a seize ans. C'est l'un de ses poèmes les plus connus, bien qu'il ne présente pas encore d'innovations profondes : il s'agit d'un sonnet en alexandrins avec des rimes régulières et on est donc loin de la modernité des futures productions de Rimbaud. Pour autant, c'est une oeuvre qui résonne fortement avec le contexte historique dans lequel évolue l'auteur. En octobre 1870, la France connaît une période de troubles politiques profonds : au cours de l'été, Napoléon III a déclaré la guerre à la Prusse. Malade et affaibli, l'empereur a cependant pris le commandement de ses armées. Encerclé à Sedan début septembre, il a finalement dû capituler et se rendre. Dans la foulée, le pouvoir impérial s'effondre et l'impératrice Eugénie a même dû quitter précipitamment Paris pour partir en exil, le 4 septembre 1870. 

    Il est probable que le jeune poète se soit senti particulièrement concerné par ce conflit dont le théâtre des opérations se situe non loin de Charleville dans les Ardennes, où il vit. Le dormeur du val raconte l'histoire d'un soldat inconnu qui semble endormi dans un cadre bucolique, tranquille et enchanteur qui tranche avec la chute brutale et macabre du sonnet, lorsque l'on comprend que l'homme, loin de se reposer loin de la zone de combats, est en fait mort de ses blessures...

     

    • L'AUTEUR EN QUELQUES PHRASES

     

    Poète français dont la célébrité ne se dément pas, Arthur Rimbaud est né en octobre 1854 à Charleville. Il meurt en 1891 à Marseille, à l'âge de trente-sept ans. Connu pour sa relation tumultueuse avec le poète Paul Verlaine, il est surtout un poète prolixe, dont l'oeuvre se caractérise par une grande densité thématique et stylistique. Il commence à rédiger ses premiers poèmes à l'âge de quinze ans. 

     

     


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