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Classiques
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Par ALittleBit le 23 Novembre 2024 à 10:42
« Qu'y a-t-il donc de changé entre l'amour et moi ? Rien, sinon moi, sinon lui. Tout ce qui procède de lui porte encore sa couleur et la répand sur moi. Mais cette jalousie, par exemple, qui lui fleurissait au flanc comme un œillet noir, ne la lui ai-je pas trop tôt arrachée ? La jalousie, les bas espionnages, les inquisitions réservées aux heures de nuit et de nudité, les férocités rituelles, n'ai-je pas trop tôt dit adieu à tous ces toniques quotidiens ? On n'a pas le temps de s'ennuyer avec la jalousie, a-t-on seulement celui de vieillir ? »
Publié en 2004
Éditions Le Livre de Poche
Date de parution originale : 1941
159 pages
Résumé :
Colette a cinquante-neuf ans quand elle publie, en 1932, ces pages où elle s'interroge sur l'opium, l'alcool et les autres plaisirs qu'on dit charnels, à travers le souvenir de quarante années de vie parisienne. «On s'apercevra peut-être un jour que c'est là mon meilleur livre », disait-elle.
Ma Note : ★★★★★★★★★★
Mon Avis :
Colette a presque soixante ans lorsqu’elle entame la rédaction du Pur et l’impur et déjà derrière elle une vie plus que remplie. Si elle vivra encore presque vingt ans, la plénitude de la jeunesse est loin et pour Colette, c’est le temps de se retourner dessus. Dans ce petit livre, mi-essai mi-roman, qu’elle voulait intituler au départ Ces plaisirs, le ton est vite donné.
A travers plusieurs portraits, Colette nous livre une analyse fine de la sensualité et de la sexualité. Si le livre peut, comme certains lecteurs l’ont souligné, paraître assez conformiste aujourd’hui, on se doute qu’il n’en est rien lorsqu’il est publié dans la revue Gringoire au début des années 1930 puis en livre en 1941.
Dans Le pur et l’impur, on croise Charlotte, mystérieuse quarantenaire qui fréquente les fumeries d’opium et les amants plus jeunes, les amis masculins de Colette, dont un certain Damien, cœur artichaut souffrant pourtant de voir les femmes le laisser derrière elles. On y croise aussi l’une des personnes qui eut le plus d’importance dans la vie de Colette : son amie et amante, Mathilde de Morny, surnommée ici la Chevalière (que l’on connaît aussi sous le nom de Max ou de Missy) ou encore, l’intéressante et mystérieuse poétesse Renée Vivien…L’autrice y raconte aussi l’histoire exclusive de deux femmes de l’Angleterre géorgienne, les Dames de Llangollen, Lady Eleanor Butler et son amie Sarah Ponsonby qui vivront plusieurs décennies recluses dans une petite maison du Pays de Galles. L’histoire de ces deux femmes est, pour certains, l’incarnation d’une amitié qui peut être aussi passionnée et fidèle qu’une véritable histoire d’amour. Pour d’autres, il ne s’agit de rien de moins que l’illustration d’un amour saphique entre ces deux femmes qui avaient fait le choix de vivre ensemble et se battant contre vents et marées pour arriver à leurs fins.
Le pur et l’impur, comme ses autres livres (on peut penser à Chéri, par exemple), est un miroir d’une époque et d’une façon de penser, sans être pour autant figé dans le temps car ce que l’autrice raconte peut encore nous parler aujourd’hui, quatre-vingt-dix ans plus tard. Elle y offre en effet une réflexion universelle sur la nature humaine, tant masculine que féminine. Interrogations sur le genre, la sexualité librement choisie et consentie, que ce soit pour les hommes comme pour les femmes (à travers notamment les figures féminines de Missy et de Renée Vivien), mais aussi questionnements existentialistes jalonnent le livre…
Si vous connaissez Colette et que vous aimez sa plume, vous retrouverez ici son style sensuel, intimiste, riche. Personnellement, c’est ce que j’aime chez elle, cette richesse du style, sa puissance aussi et sa dimension visuelle car lire Colette, c’est naviguer véritablement dans un monde qu’elle fait naître du bout de sa plume, tant elle excelle à décrire les émotions, les sensations psychiques comme physiques. Mais ici, le propos s’accompagne de questionnements plus existentiels sur la sexualité, ses différentes formes (amours hétérosexuelles ou homosexuelles ou amitiés), sur le désir, sujet universel et intemporel s’il en est.
C’est avec la liberté d’une autrice assurée et l’aplomb d’une femme d’expérience que Colette s’exprime ici, non pas dans un roman mais dans un livre dont elle est le narrateur direct.
Malheureusement, si comme d’habitude j’ai beaucoup aimé la plume de l’autrice, elle m’auravb cette fois donné du fil à retordre et j’avoue avoir eu du mal à me plonger dans ce récit, certes court, mais que je n’ai pas trouvé aussi facile d’accès que les autres œuvres de Colette. Il y a une dimension philosophique dans ce livre qui m’a vite perdue car j’ai trouvé le propos peu clair, voire confus. Par chance, le récit est aussi émaillé de moments de grâce où, de nouveau, la lecture redevient facile mais malheureusement, sur un si petit ouvrage, on souffre vite d’une inégalité difficilement rattrapable.
Je ne pense pas non plus que Le pur et l’impur soit un bon moyen de découvrir Colette car ce n’est certes pas son livre le plus accessible. Bien la connaître n’est peut-être pas indispensable mais recommandé pour arriver à comprendre l’ouvrage, car Colette ne détaille pas, elle raconte. Et tant pis pour le lecteur qui reste sur le bas-côté.
Je regrette, car Colette est vraiment mon autrice favorite, mais ici je suis restée hermétique et relativement à distance, sinon indifférente. Encore une fois, je ne peux que louer son style : Colette était véritablement une autrice talentueuse et cela se confirme aussi. La Colette de presque soixante ans maîtrise à merveille une plume qu’elle exerce alors depuis presque trente ans. Mais si Le pur et l’impur était considéré par elle comme son meilleur livre, ce qui est peut-être vrai, il n’aura pas su me toucher comme je l’aurais espéré, c’est dommage.En Bref :
Les + : amoureuse de Colette et de sa plume, j'ai retrouvé ce style extrêmement riche qui me plaît tant.
Les - : un thème certes intéressant mais malheureusement traité de manière trop confuse pour être vraiment captivante. Le livre m'aura vraiment donné du fil à retordre, d'où cette légère déception.
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Par ALittleBit le 17 Novembre 2024 à 10:51
« Quand je l’eus regardé labourer assez longtemps, je me demandai pourquoi son histoire ne serait pas écrite, quoique ce fût une histoire aussi simple, aussi droite et aussi peu ornée que le sillon qu’il traçait avec sa charrue. »
Publié en 1999
Éditions Flammarion
Date de parution originale : 1846
190 pages
Résumé :
De grands écrivains, George Sand en particulier, ne sont ce qu'ils sont que pour avoir jalousement préservé, dans un coin de leur âme, malgré les pourritures de la maturité, les grâces exquises de leur enfance ou de leur adolescence, c'est-à-dire ces rêves azuréens d'avenir dont ils ont enchanté un présent noir ou gris. Le miracle de La Mare au diable, n'est-ce pas cela ? A la faveur d'un souvenir ancien, c'est le rêve évangélique d'une pureté d'adolescente possédant, avec le respect de soi, le besoin de servir et d'aimer, la vraie noblesse et la vraie distinction - qui vient, après tant de calamités et, peut-être, de noirceurs, promettre le salut à cette femme de lettres, qu'on avait nommée Aurore.
Ma Note : ★★★★★★★★★★
Mon Avis :
Si un livre n'a jamais aussi mal porté son nom, c'est bien celui-là car il n'y a absolument rien de diabolique dans La mare au diable, bien au contraire.
Dans ce court récit datant de 1846, George Sand a voulu rendre un hommage tendre et touchant au monde paysan et à son pays de cœur, le Berry, où elle possède une maison dans le bourg de Nohant. Faisant de très fréquents séjours dans la région, mais aussi dans la Creuse, George Sand a su se faire adopter de ce pays où l'on dit que les légendes sont encore bien vivaces.
Ici, l'autrice nous livre un roman champêtre comme elle en a le secret, dans la lignée de La petite Fadette ou encore, de François le Champi. La mare au diable pourrait être considéré comme une sorte de roman régionaliste avant la lettre, où les gens simples sont les véritables héros. Mais nous sommes loin du roman social d'un Zola, où la vie campagnarde s'accompagne d'une sourde violence dans La Terre et où les paysans sont des personnages frustes et brutaux. Aucune commune mesure non plus avec un Eugène Le Roy, qui dépeint avec force drame le quotidien des paysans périgourdins du début du XIXe siècle dans Jacquou le Croquant.
Ici, le récit est empreint de douceur et d'une certaine beauté naïve. Nous sommes dans un petit village du Berry, donc. Le narrateur, peut-être George Sand elle-même, évoque un tableau de Holbein, représentant un laboureur harassé derrière sa charrue, traînée par des chevaux étiques aiguillonnés par un squelette qui bondit dans le sillon voisin. De là va naître dans son esprit l'histoire de Germain, un jeune paysan berrichon du début du XIXe siècle. Par chance, le jeune homme est bien plus heureux que le laboureur fatigué de Holbein...pourtant, l'histoire commence alors que Germain est convoqué par son beau-père, le père de sa défunte épouse Catherine. Morte depuis deux ans, celle-ci a laissé Germain avec leurs trois jeunes enfants. Comme c'était souvent le cas à l'époque, plusieurs générations cohabitent sous le toit du père Maurice et de son épouse...et parce que la vie de paysan est rude, soumise aux cycles de la nature et à ses aléas le père Maurice incite son gendre, pour lequel il a beaucoup d'affection, à reprendre femme, afin de donner une mère à ses petits. Le vieil homme, en réalité, a déjà une idée en tête et lui soumet le nom d'une riche veuve de son âge, qui vit dans un village proche. Malgré ses réticences à se remarier, Germain décide d'obéir au père Maurice et d'aller rencontrer celle qui pourrait devenir sa femme. Mais rien ne va se passer comme prévu...
Répondant à la sollicitation d'une vieille amie de ses beaux-parents, Germain accepte d'accompagner sa fille, la jeune Marie, chez ses nouveaux patrons, dans une ferme à quelques kilomètres de là. Sur le chemin, Germain rencontre son fils aîné, qui veut absolument accompagner son père chez sa future fiancée...le trio s'engage alors dans une forêt épaisse où il se perd...contraints de dormir à la belle étoile, Germain, Marie et le petit Pierre campent non loin de la mare au diable, que l'on dit ensorcelée dans le pays et qui est l'objet de multiples légendes.
Mais non loin de la mare, c'est un bien plus doux sentiment qui va s'ouvrir dans le cœur de Germain, pour sa jeune compagne, qui le repousse pourtant...
Si, aujourd'hui, La mare au diable est peut-être moins connu, il a rencontré un grand succès public dès sa sortie à la fin des années 1840 et a contribué à forger la réputation de George Sand.
Portrait circonstancié de la vie paysanne dans un temps donné, mais aussi hymne à la nature (et j'ai déjà eu l'occasion de me rendre compte que George Sand avait une sorte de conscience écologique, pour autant que ce terme soit anachronique ainsi appliqué à une autrice du XIXe siècle), La mare au diable est aussi le roman du renouveau et des amours simples. Les personnages y sont attachants et l'autrice y décrit avec passion, on le sent, les paysages des campagnes de ce Berry qu'elle aime tant.Encore très rural, le Berry a avait su séduire George Sand qui s'y établit durablement : c'est encore aujourd'hui le cas. La région mise de plus en plus sur le « slow » tourisme.
On a aussi le sentiment que George Sand, née en 1804, morte en 1876, est la contemporaine d'un siècle où les événements soudain s'accélèrent. Elle le dit d'ailleurs elle-même, lorsqu'elle souligne que les progrès de son siècle sont au moins aussi importants que ceux qu'avaient connus la France dans tous les siècles précédant la Révolution. Aux premières loges de la révolution industrielle qui va faire entrer l'occident de plain-pied dans une modernité galopante, George Sand, adepte d'une vie plus simple, plus dépouillée, est aussi la spectatrice des profondes mutations que cette nouvelle société est en passe d'opérer sur des mondes (celui de la campagne, de la paysannerie) qui jusqu'ici, avaient été peu touchés. On sent que l'autrice, avec une certaine urgence, peut-être, veut coucher sur le papier, conserver, peut-être avant qu'elles ne disparaissent, des coutumes ancestrales.
Ce faisant, elle nous livre un récit qui peut apparaître comme un peu naïf...ou prévisible. Certes. Il n'en est pas pour autant désagréable. Assez poétique, la plume de George Sand se lit toutefois très bien et le roman est fluide et accessible. Quelque part, on peut dire aussi que La mare au diable est un récit intemporel, car les thèmes qui y sont abordés résonnent encore aujourd'hui, peut-être justement parce que nous connaissons depuis quelques années un retour à la nature après des décennies de progrès mais aussi de destruction de l'habitat et de la qualité de vie - et le roman nous invite aussi à découvrir ou redécouvrir la beauté de la campagne française. Alors certes, celle que George Sand a connue n'existe plus vraiment, pour autant, nous pouvons encore aujourd'hui en profiter ou, du moins, faire en sorte d'en profiter encore longtemps en protégeant ce qui peut encore l'être, comme l'autrice nous enjoint de manière détournée à le faire. Roman optimiste, on ressort de la lecture de La mare au diable avec un sentiment que tout n'est pas perdu et qu'il suffit d'y croire. On dit que tant qu'il y a de la vie il y a de l'espoir. Quand on a lu La mare au diable, on peut dire aussi que quand il y a de l'espoir, forcément, il y a de la vie.
Une chouette lecture, qui m'a très agréablement surprise car elle ne m'a pas offert ce que j'attendais, mais j'ai malgré tout beaucoup aimé, tant le style que la petite histoire, qui ne paye pas de mine mais qui justement, n'en est que plus agréables.Gravure du XIXe siècle pour une édition de La mare au diable : on peut y voir Germain, son fils Petit-Pierre, sur le dos de la jument, et la jeune Marie.
En Bref :
Les + : récit intemporel et bien écrit, d'une plume maîtrisée et poétique, La mare au diable est un petit roman simple mais qui porte en lui beaucoup de sentiments et d'espoir.
Les - : l'histoire est peut-être un peu trop prévisible.
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Par ALittleBit le 6 Novembre 2024 à 10:17
« Ô nuit ! ô rafraîchissantes ténèbres ! vous êtes pour moi le signal d'une fête intérieure, vous êtes la délivrance d'une angoisse ! Dans la solitude des plaines, dans les labyrinthes pierreux d'une capitale, scintillement des étoiles, explosion des lanternes, vous êtes le feu d'artifice de la déesse Liberté ! »
Publié en 2024
Éditions Hachette
246 pages
Résumé :
Poète français du XIXe siècle et figure emblématique de la littérature, Charles Baudelaire est notamment connu pour son oeuvre maîtresse, Les Fleurs du Mal. Tiraillé entre le spleen et l'idéal, et fasciné par la beauté et la laideur de la vie urbaine, le poète explore les aspects sombres de la condition humaine dans ses écrits empreints de mélancolie. Sa poésie provocante, alliant lyrisme et critique sociale, marque l'avènement du symbolisme et de la poésie moderne.
Ma Note : ★★★★★★★★★★
Mon Avis :
Baudelaire est un auteur subversif, dont je connaissais essentiellement l’œuvre la plus connue : Les Fleurs du Mal. Alors, quand j’ai vu qu’un recueil de poèmes choisis (dont certains des Fleurs du Mal mais pas que) publié par Hachette Collections, avec un véritable soin apporté à l’objet-livre il est vrai, ce qui ne gâche rien, j’ai craqué. J’ai eu l’impression que ce recueil me permettait d’explorer plus à fond l’œuvre de ce poète, réputé pour être scandaleux et qui semble, paradoxalement, aussi célèbre que méconnu.
Né à Paris en 1821, mort quarante-six ans plus tard dans la même ville en 1867, Baudelaire est surtout connu pour son activité d’écrivain, mais il fut également essayiste, critique d’art et traducteur : sa mère, Caroline Aupick, était londonienne et Baudelaire maîtrisait parfaitement l’anglais, ce qui lui permit par exemple d’être le traducteur en France des œuvres d’Edgard Allan Poe. Il sera aussi rédacteur à la célèbre Revue des Deux Mondes, fondée en 1829.
Baudelaire est un personnage important de notre littérature, connu mondialement et en même temps, j’ai l’impression qu’un certain halo de mystère continue de l’entourer, ainsi que son œuvre, pourtant énormément étudiée. Subversif et scandaleux sont aussi des mots qui nous viennent spontanément à l’esprit quand on songe à l’œuvre de l’auteur de L’invitation au voyage ou de Spleen et Idéal.
Par exemple, deux mois après sa parution, le recueil des Fleurs du Mal est poursuivi en justice pour « offense à la morale religieuse » mais aussi « outrage à la morale publique et aux bonnes mœurs », reflet d’un XIXe siècle corseté et rigoriste. Seul le dernier chef d’inculpation sera retenu et Baudelaire sera condamné à une forte amende, d’un montant de trois cents francs, finalement réduite à cinquante francs à la suite d’une intervention de l’impératrice Eugénie. Son éditeur, Auguste Poulet-Malassis, s’acquitte quant à lui d’une amende de cent francs et doit retrancher du recueil six textes, à la demande du procureur général.
Aujourd’hui, avec notre œil de lecteur du XXIe siècle, nous pouvons apprécier l’œuvre de Baudelaire à sa juste valeur, même si, avec le recul que nous avons, nous pouvons comprendre aisément quel effet elle pouvait faire dans le contexte du XIXe siècle. Ce recueil de la collection Poésie éternelle permet de balayer l’œuvre de l’auteur et d’en découvrir les textes les plus emblématiques. Moins choquants pour nous que pour un lecteur du XIXe siècle, nous pouvons nous permettre de nous laisser emporter par le style, la maîtrise des mots, tant en vers qu’en prose, de Baudelaire. Ainsi, j’ai découvert certains de ses textes, comme les poèmes en prose L’invitation au voyage ou Un hémisphère dans une chevelure. J’en ai relu d’autres avec plaisir, comme Le chat, L’albatros ou A une passante (définitivement l’un de mes poèmes préférés).En Bref :
Les + : une redécouverte de l’œuvre de Baudelaire, qui ne se limite pas aux Fleurs du Mal...comme dans tout recueil, certains textes m'ont plu plus que d'autres, mais c'est le jeu. J'ai apprécié cette lecture classique et originale, moi qui lis très peu de poésie.
Les - : pas vraiment de points négatifs à soulever. Certains poèmes sont plus oubliables que d'autres mais ceci est tout à fait subjectif.
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Par ALittleBit le 28 Août 2024 à 15:46
« "Elle meurt de chagrin... Elle est morte de chagrin "... Hochez, en entendant ces clichés, une tête sceptique plus qu'apitoyée : une femme ne peut guère mourir de chagrin. C'est une bête si solide, si dure à tuer ! Vous croyez que le chagrin la ronge? Point. Bien plus souvent elle y gagne, débile et malade qu'elle est née, des nerfs inusables, un inflexible orgueil, une faculté d'attendre, de dissimuler, qui la grandit, et le dédain de ceux qui sont heureux. »
Publié en 2016
Éditions Le Livre de Poche
Date de parution originale : 1910
287 pages
Premier tome de la saga La Vagabonde
Résumé :
Renée Néré, lasse des infidélités de son mari, le peintre Taillandy, vient de le quitter. La séparation la laisse meurtrie. Pour subvenir à sa vie, Renée devient mime, danseuse et actrice. Un riche héritier, Maxime, en tombe amoureux. La jeune femme est tentée par ce nouvel amour, mais les souvenirs douloureux de son premier mariage sont omniprésents. A l’issue d’une tournée théâtrale, elle prend sa décision… Le roman est riche des premières expériences matrimoniales de Colette. Il est aussi un hymne au théâtre, aux coulisses et aux gagne-petit qui le peuplent. Ces deux thèmes – le renoncement à l’amour et le music-hall – , qui seront ceux que l’écrivain développera tout au long de son œuvre, sont ici inextricablement mêlés. La Vagabonde est le roman de la désillusion, de la nostalgie, mais aussi celui du combat intérieur et de la victoire sur soi.
Ma Note : ★★★★★★★★★★
Mon Avis :
Chez Colette, la littérature se nourrit du vécu, de l'expérience et cela n'a jamais été aussi vrai que dans La Vagabonde, un roman intimiste dans lequel l'autrice a mis beaucoup d'elle-même. Dans ce roman gouailleur mais aussi profondément mélancolique, la romancière fait naître Renée, une jeune Parisienne mime dans les cafés-concerts (les fameux « caf' conc' »). Si Renée s'accommode de cette vie étrange sans habitudes, sans routine, instable et imprévisible, c'est qu'elle n'a pas vraiment le choix...car à presque 34 ans, Renée s'est séparée de son époux, le peintre réputé Adolphe Taillandy. À force d'endurer ses maîtresses, ses tromperies, ses manières brusques, Renée est partie. Mais une femme seule dans les années 1910, ce n'est pas facile et il faut bien vivre...et personne n'est mieux placée que Colette pour connaître cela, puisque l'autrice au même moment se sépare de son mari et s'engage dans une carrière de mime, apparaissant souvent peu vêtue dans des spectacles qui feront scandale comme Rêve d'Egypte en 1907, où elle partage l'affiche avec son amante Mathilde de Morny, dite Missy : cette dernière incarne un scientifique tandis que Colette campe le rôle d'une momie revenue à la vie.
Renée Néré, autrement dit La Vagabonde, est donc un double, un miroir où il nous semble que Colette se mire, usant d'un nom d'emprunt pour parler plus librement de l'échec de son mariage avec Henry Gautier-Villars, dit Willy : Colette est encore très jeune, très provinciale, lorsqu'elle rencontre à l'age de vingt ans ce Parisien pur jus, de quatorze ans son aîné. C'est en mettant en nourrice un enfant qu'il a eu d'une femme mariée, dans le village même où Colette réside, qu'il commence à fréquenter la future autrice des Claudine. Gautier-Villars, dit Willy, ne sera que le mauvais ange de Colette, même s'il est clair que la jeune femme est, dans les premières années de leur mariage, sous emprise : il sera celui qui lui fera découvrir la vie parisienne et ses plaisirs et celui qui la poussera aussi à prendre la plume, à écrire..mais dans leur vie de couple, rien n'est simple et Colette doit supporter les écarts fréquents et de moins en moins discrets de Willy, jusqu'au divorce en 1910 - précédé déjà de cinq ans de séparation. Elle finira de régler ses comptes avec lui dans Mes apprentissages mais si La Vagabonde n'est pas une catharsis, alors je ne sais pas ce que c'est. Dans le roman, Renée doit se battre entre ses vieux démons, la menace toujours planante de ce mariage raté dans lequel elle s'est perdue, dans lequel elle ne s'est pas sentie respectée et la possibilité d'un avenir, d'un nouvel amour, d'un homme amoureux et qu'elle voudrait aimer mais pour la femme blessée, le gouffre est vertigineux. Mieux vaut-il ne pas fuir pour toujours, plutôt que de prendre le risque d'être aimée et d'aimer à nouveau ? Renée apparaît d'abord solide, gouailleuse comme ce monde du music-hall qu'elle fréquente au plus près, mais on découvre au fil des pages une femme blessée, fragilisée, incapable d'aimer à nouveau sans avoir son mauvais ange - Taillandy, l'alter ego de Willy donc - qui resurgit, rouvrant ainsi l'ancienne plaie, ravivant les vieux traumatismes...
Si j'avais eu besoin de me prouver que Colette est définitivement mon autrice favorite, ce livre me l'aurait confirmé. La plume lente et mélancolique, toujours visuelle et pleine d'images m'a emportée dans les pas espiègles mais alourdis d'une imperceptible gravité, de son héroïne inoubliable, Renée Néré.En Bref :
Les + : une plume mélancolique et un roman intimiste dans lequel Colette n'a jamais semblé plus proche de son lectorat.
Les - : aucun point négatif à soulever.
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- Envie d'en savoir plus sur Colette ? Je vous propose quelques autres chroniques de ses livres :
Je vous propose ici le portrait que je lui avais consacré le 8 mars 2021 à l'occasion de la Journée internationale des Droits des Femmes juste ici.
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Par ALittleBit le 6 Août 2024 à 14:19
« Prends garde aux effets de pâmoison... Quoiqu'ils puissent être rafraichissants et agréables sur le moment, ils feront à la longue , crois-moi, la ruine de ta constitution s'ils se répètent trop souvent et en des heures inopportunes... »
Publié en 2021
Éditions RBA (collection Cranford)
Date de parution originale : 1790
Titre original : Love and Friendship / Juvenilia
356 pages
Résumé :
La vocation de Jane Austen fut précoce : à peine sortie de l'enfance, elle faisait les délices du cercle familial par de désopilantes parodies du roman sensationnel alors en vogue. Écrit à l'âge de quinze ans, Amour et amitié est, comme le soulignait Chesterton dans sa préface de 1922, l'une des plus grandes réussites de cette oeuvre de jeunesse. Les tribulations délirantes de la belle Laura, fanatiquement éprise de beaux sentiments et égoïste jusqu'à l'absurde, y sont narrées avec le sens aigu de l'invraisemblance et la lucidité ironique qui caractériseront les romans de la maturité. Mais c'est d'abord une farce étourdissante, volontiers sardonique, qui illustre avec éclat l'audace et l'insolence qu'Austen devait plus tard mettre en sourdine : cette jeune fille de quinze ans, remarquerait Virginia Woolf plus tard, « s'y rit du monde dans son coin ».
Ma Note : ★★★★★★★★★★
Mon Avis :
On le sait, Jane Austen est une autrice talentueuse, qui a laissé des œuvres intemporelles au patrimoine littéraire britannique et même mondial, avec des romans comme Orgueil et Préjugés, Raison et Sentiments ou encore Emma, Northanger Abbey, Persuasion, Mansfield Park. Elle est une autrice incontournable de l'ère géorgienne, quant ses compatriotes, les sœurs Brontë ou encore Elizabeth Gaskell sont plutôt des représentantes de l'époque victorienne.
Ce que l'on sait peut-être moins, c'est que Jane Austen est un talent précoce et qu'elle va s'essayer à l'écriture, pour ne plus jamais la quitter, assez tôt : on possède ainsi des traces de textes écrits dès la fin des années 1780, alors que Jane Austen a une douzaine d'années. Et certaines de ces productions sont rassemblées dans un recueil appelé Juvenilia, que j'ai eu la surprise de découvrir avec cette édition d'Amour et amitié, l'un de ses romans les plus confidentiels, publié en 1790 sous le titre Love and Freindship (oui, oui, vous avez bien lu) et qui fait lui-même partie de ses œuvres de jeunesse. On suppose qu'Amour et amitié a été inspiré à la jeune Jane Austen de quinze ans par l'une de ses cousines germaines appelée dans le recueil Madame la comtesse de Feuillide, née Eliza Hancock.
Écrit sous forme épistolaire, comme le sera plus tard Lady Susan, on pense que ce court texte avait été produit pour l'amusement de la famille, qui aimait à se réunir lors de lectures communes pendant lesquelles la jeune fille présentait certains de ses écrits à ses proches. Ce petit roman est clairement un pastiche des livres très romanesques et parfois un peu fantaisistes que pouvait lire Jane Austen dans son enfance. L'autrice prend plaisir à introduire dans son récit, qui peut ressembler dans sa forme à un conte de fées, des retours de fortune ou autres extraordinaires coïncidences, destinée à se moquer des conventions des histoires romanesques de l'époque - comme les évanouissements récurrents des personnages féminins par exemple.
L'humour, l'ironie et le ton sarcastique qui feront la marque de fabrique de l’œuvre de la maturité de Jane Austen, se trouvent déjà en germe dans ce petit roman épistolaire plein de rebondissements et dans les autres textes du recueil : nouvelles, petites pièces de théâtre et autres textes inachevés (parfois volontairement) nous donnent en effet à voir que Jane Austen, encore adolescente, était déjà une autrice confirmée, qui savait manier habilement la plume et se montrait à l'aise autant en poésie, théâtre et récits romanesques.Sur ce portrait d'adolescence, Jane Austen est en réalité déjà une autrice prolifique et talentueuse
J'avoue que je ne connaissais pas vraiment les œuvres de jeunesse de Jane Austen et encore moins Amour et amitié, supplanté par ses romans plus connus et surtout, plus récents, rédigés notamment au début du XIXème siècle, alors que Jane Austen est une adulte. C'est donc avec beaucoup de curiosité que j'ai découvert ce livre assez conséquent : plus de 350 pages tout de même ! J'avoue que, outre le fait qu'il est intéressant de voir dans quel terreau fertile l’œuvre de la maturité s'est développée, je ne resterai probablement pas marquée à vie par ces textes, qui se veulent des parodies de la littérature de l'époque, éprouvée par Austen en tant que lectrice et qu'elle semblait prendre beaucoup de plaisir à tourner en dérision - comme elle le fera par exemple dans Northanger Abbey en se moquant ironiquement de la vogue des romans gothiques. Certes, c'est assez fou de se dire qu'à quinze ans et même un peu avant, Jane Austen avait la maturité intellectuelle nécessaire et aussi le talent pour pasticher tous ces romans à la mode en son temps, n'hésitant pas à se moquer avec plaisir de leurs petits travers - et par là, des petits travers de la société géorgienne dans laquelle elle évolue.
Mais le fait de forcer le trait rend les textes parfois peu crédibles et, même si c'est voulu, j'avoue que je n'y ai pas été très sensible et je ne me suis pas toujours sentie très convaincue par ce que je lisais - c'est peut-être aussi pour ça que j'ai mis autant de temps à le lire, l'abandonnant parfois pendant plusieurs jours avant de le reprendre.
Pour autant, ce n'est pas désagréable à lire et on constate que, si on connaît essentiellement Jane Austen comme romancière, elle fut aussi poétesse et dramaturge avec tout autant de facilité (et même un peu historienne, une historienne peu fiable cependant quand elle s’attelle avec plaisir à nous raconter l'histoire des rois d'Angleterre depuis la fin du Moyen Âge). Un classique à découvrir sans nul doute si vous vous intéressez à toutes les facettes de l’œuvre d'Austen, même celles qui sont plus confidentielles.En Bref :
Les + : le style de l'autrice, déjà bien maîtrisé, la multiplicité des textes qui nous font passer de nouvelles à des poèmes en passant par de petites pièces de théâtre.
Les - : des textes parfois toujours très crédibles et même si c'est voulu, j'avoue ne pas avoir toujours été convaincue.
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