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    Classiques

     

    SOMMAIRE ROMANS CLASSIQUES 

     

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  • « Quand une grande passion prend possession de l'âme, tous les autres sentiments en sont évincés. »

    Couverture Anne, tome 5 : Anne dans sa maison de rêve / Anne et sa maison de rêve

     

     Publié en 2022

     Date de parution originale : 1917

     Titre original : Anne's House of Dreams

     Editions Monsieur Toussaint Louverture

     330 pages 

     Cinquième tome de la saga Anne de Green Gables

     

     

     

     

    Résumé : 

    Après trois années passées à Summerside à faire des rencontres toutes plus surprenantes les unes que les autres, Anne Shirley quitte le lycée dont elle avait la direction et la charmante pension de Windy Willows et s’apprête à entamer un nouveau chapitre de sa vie aux côtés de son fiancé, Gilbert Blythe, à Four Winds, dans un coin de paradis de l’Île-du-Prince-Édouard.

    Ma Note : ★★★★★★★★★★

    Mon Avis :

     Onze années ont passé depuis que la petite Anne Shirley est arrivée par erreur dans le foyer des Cuthbert pour finalement leur plus grand bonheur et le sien. Après avoir été une enfant espiègle et pleine d'imagination puis une adolescente enjouée et toujours émerveillée, Anne a grandi, elle a maintenant vingt-cinq ans et quand le roman s'ouvre, elle s'apprête à vivre l'un des plus beaux moments de sa vie : son mariage avec Gilbert, le jeune homme d'Avonlea qu'elle a finalement accepté d'aimer et d'épouser.
    Alors que Gilbert poursuivait ses études de médecine et qu'Anne se confrontait à l’enseignement puis à la direction d'un lycée à Summerside, les deux continuaient de mener une vie de célibataires mais il est désormais temps de se ranger et de concrétiser leur amour . A l'issue de leurs noces, Anne et Gilbert partent vivre non loin de Glen, où Gilbert a trouvé un poste de médecin. Anne quant à elle, découvre sa première maison de femme mariée, sa maison de rêve, perchée sur une grève dominant la mer et non loin d'un phare. Comme à son habitude, la jeune femme se jette à corps perdu dans les nouvelles aventures que lui propose la vie, noue des amitiés et des liens avec des personnages inoubliables car touchants, émouvants comme Leslie ou encore le Capitaine Jim ou hauts en couleur comme Mademoiselle Cornelia. Mais surtout, Anne apprend à être une épouse, une maîtresse de maison, bientôt aussi peut-être, une mère...
    Nous sommes donc bien loin d'Avonlea et de l'univers du premier tome : et pourtant la petite orpheline aux nattes rousses est toujours là, quelque part, dans cette jeune femme spontanée, passionnée, sincère, toujours aussi brillante et attachante. Anne fait partie de ces personnages solaires qu'on aimerait voir exister et qu'on aimerait sans nul doute avoir pour amis.
    En commençant Anne et sa maison de rêve, j'avais un peu peur qu'à mesure qu'Anne grandit, elle finisse par s'éloigner de son lectorat. C'est paradoxal car on s'attache bien souvent bien plus spontanément à des personnages auxquels on peut s'identifier et il est clair qu'à plus de trente ans, c'est difficile de s'identifier à une petite fille de onze ans - à moins de convoquer ses propres souvenirs de cette période de notre vie, ce que j'aime bien faire, j'avoue, en bonne amatrice de nostalgie heureuse. Et pourtant, la petite fille qu'on découvre dans Anne de Green Gables qui, déjà, à eu son comptant de mauvaises expériences et de malheurs, avait quelque chose de si désarmant qu'il était impossible de ne pas l'aimer. Puis peu à peu, elle grandit de tome en tome, devient une adolescente puis une étudiante et une institutrice, avant de devenir une fiancée, une amoureuse et surtout, une adulte. Et, à tous ces stades de sa vie, on retrouve toujours dans cette Anne qui grandit et devient plus sage, malgré tout, l'enfant qu'elle était et je souhaiterais à chacun d'entre nous, vraiment, de faire comme elle et de ne jamais perdre cette part qui nous permet de nous émerveiller d'un rien et de croquer la vie, même qu'elle nous apparaît bien amère ou bien compliquée...

    Season 3 Will Be The Last For 'Anne With an E' on Netflix | India Forums

    Dans la série Netflix Anne with an e la jeune actrice irlandaise Amybeth McNulty a prêté ses traits à Anne adolescente et jeune adulte 


    Ce cinquième tome était très beau, très touchant, très émouvant. J'avais apprécié Anne de Windy Willows lu en décembre mais je crois que je lui préfère Anne et sa maison de rêve : déjà, nous retrouvons un récit narratif habituel, après les chapitres épistolaires qui pouvaient surprendre dans Windy Willows. Même si j'étais triste de ne pas revenir à Green Gables - ou du moins pas autant qu'on ne le souhaiterait -, j'ai apprécié de découvrir la petite maison de rêve, battue par les vents d'une jolie baie et dominée par le feu rassurant d'un phare, dont le gardien, le vieux Capitaine Jim, véritable somme de souvenirs du village devient l'un des premiers amis du jeune couple d'abord un peu esseulé dans ce nouveau lieu et cette nouvelle vie.
    C'est difficile de vous parler d'un cinquième tome, surtout si vous n'avez pas encore lu Anne de Green Gables parce que forcément, c'est compliqué de parler de son ressenti sans trop en dire. Alors vraiment, si vous ne vous êtes pas encore laissés tenter par cette série, je ne peux que vous conseiller chaleureusement (très, très chaleureusement) de le faire. Vous n'avez rien à perdre : au pire vous ne serez pas conquis, au mieux vous serez charmés par Anne et sa proximité avec le lecteur qui la rend tellement palpable. Elle ne demande qu'à être aimée et nous ne demandons qu'à l'aimer. Et ne craignez pas que son personnage, qui fait tout de même l'unanimité, ne soit trop lisse car ce n'est pas le cas. L'autre point fort de cette série pour moi c'est, sans nul doute, la facilité avec laquelle on s'y plonge : la plume de Lucy Maud Montgomery est belle et maîtrisée tout en étant accessible...Si comme moi vous aimez les classiques mais que vous fuyez les styles trop ampoulés, vous trouverez probablement votre bonheur ici, d'autant plus que l'autrice écrit et aborde pas mal de sujets avec une grande liberté de ton, ce qui fait d'Anne de Green Gables une série certes bien ancrée dans son époque mais aussi tout à fait adaptée à la nôtre

    En Bref :

    Les + : finalement, moi qui avais peur de me sentir de moins en moins proche d'Anne, ce n'est pas le cas ! J'ai vraiment beaucoup aimé Anne et sa maison de rêve : elle a grandi, c'est une adulte maintenant mais elle est toujours aussi attachante et touchante. C'est un très beau tome, dans lequel l'autrice aborde librement beaucoup de sujets universaux et intemporels et cela m'a beaucoup plu. 
    Les - : Aucun, comme d'habitude !

     


    Anne de Green Gables, tome 5, Anne et sa maison de rêve ; Lucy Maud Montgomery

     

    • Envie de découvrir les premières aventures d'Anne ? Découvrez ci-dessous mes avis sur les trois premiers tomes : 

     

     - Anne de Green Gables 

    Anne d'Avonlea

     - Anne de Redmond

    Anne de Windy Willows

     


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  • « Personne n'est jamais trop vieux pour rêver. Et les rêves ne vieillissent jamais. »

     

     Publié en 2022

     Date de publication originale : 1936

     Titre original : Anne of Windy Willows

     Autre titre anglophone : Anne of Windy Poplars

     Éditions Monsieur Toussaint Louverture 

     367 pages 

     Quatrième tome de la saga Anne de Green Gables

     

     

     

    Résumé :

    Anne est restée aussi attachante qu'impulsive mais elle est devenue la directrice de l'école secondaire de Summerside. Elle vit dans une jolie demeure, le Domaine des Peupliers, en compagnie de deux veuves sympathiques, d'un chat et de Rebecca Dew, la ronchonneuse au cœur d'or. Un foyer où l'humour est omniprésent ainsi que la tendresse portée aux petites choses de la vie quotidienne qui font les grands bonheurs.

    Ma Note : ★★★★★★★★★★

    Mon Avis :

    A chaque fois que je referme un tome d’Anne de Green Gables, que je l’ai beaucoup aimé ou un petit peu moins, je me dis que les éditions Monsieur Toussaint Louverture ont eu une très bonne idée de rééditer ces romans et nous font véritablement un très beau cadeau en les rendant de nouveau accessibles au plus grand nombre.
    Je me doute que vous connaissez cette série, même si ce n’est que dans les grandes lignes. Pour brosser un résumé rapide, la série des Anne de Lucy Maud Montgomery, raconte l’histoire d’une petite orpheline canadienne du XIXème siècle, Anne Shirley. Adoptée par les Cuthbert sur l’Île-du-Prince-Édouard à l’âge de onze ans, la jeune fille aura l’occasion de connaître, après une enfance solitaire, l’affection et la chaleur d’un foyer aimant, aux côtés de Marilla et Matthew, à Green Gables (Les Pignons verts). De là, nous découvrons ses aventures de petite fille fantasque et pleine d’imagination, puis Anne grandit, découvre la vie et se dirige vers l’enseignement. Elle doit quitter Green Gables, mais y revient toujours, comme un bateau revient toujours à son port d’attache.
    Dans ce quatrième tome, Anne doit avoir une vingtaine d’années. Étant donné que les romans ne nous donnent pas de chronologie claire, on ne le sait pas exactement : toujours est-il qu’elle est maintenant diplômée de lettres et prend le poste de directrice au lycée de Summerside. Logée chez deux veuves, Tante Kate et Tante Chatty, elle se lie d’amitié avec leur bonne, Rebecca Dew (qui ne cesse par exemple de récriminer après le chat de la maison mais l'aime sans se l'avouer) avant de découvrir les autres habitants de la ville, à commencer par les puissants Pringle, surnommés « La Famille Royale » et qui lui en font voir d’abord de toutes les couleurs. Anne doit aussi affronter l’hostilité de l’une de ses collègues avant de parvenir à briser sa carapace et comprendre ce qui se cache sous son apparente brusquerie.
    Mi-épistolaire (nous lisons des extraits de lettres d'Anne adressées à Gilbert) mi-narratif, ce quatrième tome est un peu surprenant au départ car il est différent des précédents. Je sais que cela a dérouté certains lecteurs mais ça n’a pas été le cas pour moi. Au contraire, une fois passée la première surprise, j’ai même trouvé cela assez plaisant à lire. Lire les mots d’Anne avec sa voix est une chouette expérience, je trouve. C’est vraiment un personnage que je continue à beaucoup aimer, malgré ses changements et ses évolutions. Elle a un côté frais et spontané qui lui, ne change pas et nous la fait toujours retrouver avec plaisir. La Anne de vingt ans n’est plus exactement la Anne de onze ans, arrivant chez les Cuthbert le cœur débordant de possibles. Et pourtant, elle conserve une ingénuité fraîche et un optimisme qui réconforte et donne le sourire. Et si Anne de Green Gables était finalement l’ancêtre de ces « feel-good books » ou « comfort books » qui ont le vent en poupe depuis des années ? On ressort toujours de la lecture de ces livres avec un sentiment de réconfort, de chaleur, comme si la main de quelqu’un que l’on aime serrait notre épaule en guise de consolation. Franchement, si vous n’avez pas trop le moral, lisez un tome d’Anne : je ne vous dis pas que c’est la panacée et que vous en ressortirez complètement débarrassé de vos soucis mais assurément, cette lecture contribuera à vous les faire sentir un peu plus légers.
    Pour autant, Anne n’est pas confrontée qu’à des événements joyeux : très jeune femme nommée à un poste à responsabilités, elle doit gagner la confiance des habitants de Summerside et notamment des Pringle déjà cités, qui n’hésitent pas à lui mener la vie dure au départ. Anne devra aussi la jouer subtilement pour enfin apprivoiser sa réticente et cassante collègue Katherine…et il lui faudra beaucoup de patience pour supporter certaines jeunes voisines écervelées qui la prennent comme confidente et finissent par lui reprocher leurs propres maladresses et bourdes.
    Si certains lecteurs ont trouvé que les personnages secondaires pouvaient être décevants, personnellement je les ai beaucoup appréciés dans l’ensemble et j’ai par exemple beaucoup aimé Mme Gibson, dans tout ce qu’elle a de caricatural et Cousine Ernestine, la pessimiste de service, m’a fait beaucoup rire. Enfin, comment ne pas citer la petite et touchante Elizabeth, la jeune voisine d’Anne à Windy Willows qui mène une enfance morne auprès d’une grand-mère austère et se maintient dans l’espoir d’un Demain meilleur, émouvant pendant de la petite Anne Shirley de onze ans, au cœur gonflé aussi d’espérances et de nouveautés.
    Vous l’aurez certainement compris, Anne de Windy Willows, bien que différent des tomes précédents, m’a tout aussi plu et tout aussi séduite. Personnellement, j’y ai retrouvé tout ce qui fait le sel de cette série et la rend différente des autres, parfois même, un peu au-dessus. N’ayons pas peur de le dire quand on aime, après tout !
    A conseiller encore une fois, et mille et mille fois. C’est avec le sourire aux lèvres que je vous ai écrit cette chronique, encore imprégnée de la magie de cette lecture doudou, douce et agréable comme les bonbons qui ont le goût de l’enfance et de la nostalgie heureuse.

    Anne de Green Gables, tome 4, Anne de Windy Willows ; Lucy Maud Montgomery

    Dans Anne de Windy Willows, Anne est désormais une jeune femme, enseignante, fiancée et amoureuse, au seuil de sa vie d'adulte (dans la série Netflix Anne with an E, l'héroïne est interprétée par Amybeth McNulty)

     

     

     

    En Bref :

    Les + : peut-être un peu moins "riche" que les tomes précédents, Anne de Windy Willows reste pourtant digne de l'univers poétique de cette série. C'est réconfortant, doux et optimiste et...parfait pour la saison ! 
    Les - :
    pour moi, aucun.


    Anne de Green Gables, tome 4, Anne de Windy Willows ; Lucy Maud Montgomery

    Mémoires de la baronne d'Oberkirch sur la cour de Louis XVI et la société française avant 1789 ; Henriette Louise de Waldner de Freundstein, baronne d'Oberkirch LE SALON DES PRÉCIEUSES EST AUSSI SUR INSTAGRAM @lesbooksdalittle 

     

     

    • Envie de découvrir les premières aventures d'Anne ? Découvrez ci-dessous mes avis sur les trois premiers tomes : 

     

              - Anne de Redmond

              

     


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  • « Les pressentiments, les sympathies et les signes sont trois choses étranges qui, ensemble, forment un mystère dont l'humanité n'a pas encore trouvé la clef. »

    Jane Eyre ; Charlotte Brontë

     

     

     Publié en 2020

     Éditions RBA (collection Cranford)

     Date de parution originale : 1847

     Titre original : Jane Eyre

     441 pages 

     

     

     

     

    Résumé :

    Jane Eyre est pauvre, orpheline, pas très jolie. Pourtant, grâce à sa seule force de caractère, et sans faillir à ses principes, elle parviendra à faire sa place dans la société rigide de l'Angleterre victorienne et à trouver l'amour... Une héroïne qui surmonte les épreuves sans perdre foi en son avenir, une intrigue où se succèdent mystères et coups de théâtre, une passion amoureuse qui défie tous les obstacles : le plaisir de lire Jane Eyre est toujours aussi vif. Comme elle, on veut croire que rien n'est écrit d'avance et que la vie réserve des bonheurs imprévus.

    Ma Note : ★★★★★★★★★★

    Mon Avis :

    Pauvre, orpheline, sans famille, Jane Eyre est, en un mot, insignifiante. Confiée à la mort de ses parents à un oncle, elle devient lorsque ce dernier disparaît à son tour, la pupille de sa veuve, Mme Reed. Mais Jane est pour cette tante par alliance plus un boulet qu'une bénédiction et, au château de Gateshead où elle vit avec les Reed, Jane doit faire face à l'indifférence de sa tante et à la méchanceté de ses trois cousins. 
    A dix ans, elle est placée en pension à Lowood, sinistre école pour jeunes filles pauvres, où la bonté des institutrices, à commencer par la douce Mlle Temple, ne compense pas les conditions de vie rudes : les pensionnaires connaissent la faim, le froid et vivent dans une promiscuité qui favorise les maladies et les épidémies. Mais à Lowood, Jane découvre la bienveillance, d'abord en la personne de la directrice du pensionnat, Mlle Temple, qui fait tout son possible pour adoucir le quotidien des pensionnaires et l'amitié, en la personne d'Hélène Burns, une autre élève. Pour la première fois, Jane est acceptée et jugée à sa juste valeur. 
    Elle passe huit ans à Lowood : six en tant que pensionnaire, deux en tant qu'institutrice. Mais Jane, à dix-huit ans, aspire à autre chose. Elle publie donc une annonce dans un journal local pour se placer dans une maison comme gouvernante. C'est alors qu'elle reçoit une lettre d'une certaine Mme Fairfax, lui proposant la place de gouvernante d'une jeune fille, Adèle, au manoir de Thornfield. Jane accepte le poste et déménage à des kilomètres de là, à Thornfield, auprès de sa jeune élève à laquelle elle s'attache bien vite. Quelques semaines après son arrivée, elle fait la connaissance du tuteur de la jeune fille : un certain Edward Rochester, propriétaire de Thornfield. Ombrageux et taciturne, l'homme est étrange, mystérieux. Mais il se prend d'amitié pour Jane, dont il aime la modestie. De conversations en conservations, un doux attachement se créé entre eux. D'abord sans se l'avouer, Jane et Rochester sont attirés l'un par l'autre et tombent amoureux. Mais un secret se cache dans le cœur de Thornfield, un secret qui pourrait bien avoir raison de leur histoire avant même qu'elle ne ne naisse...
    Publié en 1847, Jane Eyre est probablement le roman le plus connu de Charlotte Brontë. S'il n'est pas son unique production romanesque, comme Les Hauts de Hurlevent, le roman de sa sœur Emily, il est souvent celui que l'on associe en premier à son autrice, bien plus que Villette ou Le Professeur, par exemple. 
    Jane Eyre est le tout premier roman des sœurs Brontë que j'ai lu et, pour cela, il garde une place spéciale dans mon cœur. Puis j'ai découvert Anne, la moins connue des trois sœurs avant de lire il y a trois ans Les Hauts de Hurlevent, qui me faisait très peur et que j'ai finalement beaucoup aimé. Mais malgré tout moins que Jane Eyre...si je ne gardais pas un souvenir extrêmement précis de l'oeuvre - pas mal de détails m'étaient sortis de la tête, mais c'est normal -, je me souvenais malgré tout des sensations générées en moi à la découverte de ce récit : les premiers chapitres m'avaient mise mal à l'aise. Ce que Charlotte Brontë décrit n'est plus ni moins, à Gateshead, que des maltraitances domestiques et du harcèlement entre enfants...puis Lowood ne m'avait pas fait spécialement une très bonne impression non plus. Bref, je n'avais pas trop aimé la sensation de malaise née de la lecture de ces premiers chapitres et pourtant, j'avais aimé le roman. J'en gardais un bon souvenir et j'avais envie de le relire, pour voir si, maintenant que je connais mieux les soeurs Brontë, leur univers, leur vie également, que je peux aussi les comparer toutes les trois, j'allais encore aimer ce roman. Ou moins. Ou pas, parce que ça arrive aussi qu'une bonne lecture soit une déception à la relecture, quelques années plus tard. 
    Rien ne s'est passé comme cela pour cette redécouverte de Jane Eyre et j'en suis ravie. Je l'avais aimé en 2009, je l'ai adoré en 2023 et il m'a même, à certains moments, tiré des larmes. Peut-être moins inquiétant et toxique que le Heathcliff d'Emily, Edward Rochester est un personnage masculin, un héros de roman comme on en fait peu et Jane n'est pas en reste non plus. La transformation de la jeune orpheline sans trop de perspectives dans une société où l'on n'est pas grand-chose sans fortune, sans réseau, sans famille, est extraordinaire. Intelligente, capable de réfléchir par elle-même, de s'opposer, Jane n'est pas une oie blanche et je me suis vraiment attachée à elle. J'ai beaucoup aimé cette histoire d'amour, qui craquèle l'armure de l'un et révèle l'autre. Car Jane Eyre n'est pas une héroïne passive, soumise aux désirs et souhaits des hommes. Elle sait se révolter quand il le faut, opposer ses opinions quand il le faut, quitte à renoncer à un confort matériel qui, s'il est important, peut s'avérer bien peu de choses quand il est acquis ou conservé pour les mauvaises raisons.
    Une lectrice avec qui j'ai échangé à propos de Jane Eyre m'a demandé si le roman n'était pas problématique : peut-être n'est-ce qu'un avis subjectif mais pour moi, ce n'est pas le cas. Dans ce cas, bon nombre de romans classiques encensés sont problématiques, mais il ne faut pas oublier non plus l'époque à laquelle ces romans ont été écrits puis publiés. Cependant, je n'ai trouvé aucune toxicité dans les rapports, notamment entre homme et femme, notamment du fait du relief du personnage de Jane. Un autre lecteur pourra peut-être être gêné par la relation qui unit Jane à ses cousins dans leur petite enfance et la méchanceté des trois contre elle seule, mais après tout, ce n'était probablement pas un cas isolé : n'est-ce pas aussi ce que nous raconte Victor Hugo dans Les Misérables, lorsqu'il décrit le quotidien de la petite Cosette chez les Thénardier ?
    Si je devais ne vous donner qu'un conseil, ce serait celui-ci : lisez les soeurs Brontë et faites-vous votre propre opinion, après tout cela ne coûte rien. Bien plus que Jane Austen, pour moi, les autrices incontournables du XIXème siècle britanniques sont bien ces trois soeurs qui ont su décrire et imaginer de magnifiques histoires qui transcendent les années et dans lesquelles déjà (notamment chez Anne et Charlotte) on sent pointer la modernité d'une pensée féminine, qui n'est pas encore féministe mais ne demande qu'à le devenir. Je me rappelais également la jolie plume de Charlotte et je l'ai effectivement retrouvée, avec beaucoup de joie. Inutile de dire que je m'en  suis délectée. Jane Eyre est sans nul doute mon coup de cœur de cette fin d'année.

    Le dévore tant: Jane Eyre 2006

    Souvent adapté à la télévision ou au cinéma, Jane Eyre fait l'objet d'une adaptation par la BBC en 2006 avec Ruth Wilson dans le rôle de Jane et Toby Stephens dans celui d'Edward Rochester

    En Bref :

    Les + : un coup de cœur. Je me suis laissée emporter dans ce roman et j'ai adoré, j'ai été très touchée par le personnage de Jane et son évolution tout au long du roman. 
    Les - :
    Aucun.


    Jane Eyre ; Charlotte Brontë

     Mémoires de la baronne d'Oberkirch sur la cour de Louis XVI et la société française avant 1789 ; Henriette Louise de Waldner de Freundstein, baronne d'Oberkirch LE SALON DES PRÉCIEUSES EST AUSSI SUR INSTAGRAM @lesbooksdalittle 

    • Mon avis sur un autre roman incontournable, Les Hauts de Hurlevent, à retrouver juste ici 

     

    Coup de cœur


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  • « Alors les femmes le mirent dans un panier pour le descendre au moyen d'une corde de la tour et ordonnèrent qu'il soit baptisé du nom de son aïeul maternel qui s'appelait Merlin. »

    Couverture Le roman de l'enchanteur Merlin

     

     

     Publié en 2022

     Éditions Ouest-France

     256 pages 

     

     

     

     

     

    Résumé :

    Appelé Myrrdin dans la mythologie celtique galloise, Merlin est l'un des personnages les plus emblématiques de la légende arthurienne. Dès sa naissance, ce fils d'un démon incube et d'une pucelle ne cesse de démontrer ses dons de clairvoyance grâce à son privilège de connaître le passé et de révéler l'avenir. Par son art de magie, il fait mouvoir depuis l'Irlande les pierres de Stonehenge pour servir de sépulture aux vaillants Bretons massacrés par les Saxons. - Prophète du Saint Graal et de la Table Ronde, Merlin préside à la naissance secrète d'Arthur et à son avènement comme roi des Bretons lors de l'épreuve de l'épée Escalibur. Il le guide dans ses opérations militaires et brandit face à l'ennemi une bannière au dragon vivant cracheur de feu. . Personnage à métamorphoses, il sait se transformer tour à tour en enchanteur, beau ménestrel de harpe ou vieillard bossu à Camaalot. Pour avoir aimé Viviane, l'homme sauvage se retrouve enserré en un château d'invisibilité en Brocéliande par la pucelle à qui il a révélé ses secrets...

    Ma Note : ★★★★★★★★★

    Mon Avis :

    La littérature médiévale peut faire peur parfois et je dois avouer que c'est mon cas : j'ai l'impression de m'attaquer à un gros morceau, un peu trop gros pour moi, comme si je n'en connaissais pas suffisamment bien les codes...j'adore le Moyen Âge et, historiquement, c'est une période que je connais bien et que je maîtrise. Mais quand il s'agit d'aborder sa littérature, c'est un peu plus compliqué. 
    Je crois que mes seules incursions dans le monde de la littérature médiévale se borne à trois ouvrages : les Romans de la Table-Ronde de Chrétien de Troyes, les Lais de Marie de France, une poétesse champenoise du XIIème siècle et le Tristan et Iseult de Béroul, dans sa version médiévale et lacunaire (alors que les deux précédents sont adaptés et étayés d'une présentation contemporaine), que j'avais d'ailleurs beaucoup aimée, mais sans forcément avoir envie de m'intéresser plus que cela aux romans du Moyen Âge. Parfois, je me dis que j'aimerais bien découvrir Christine de Pisan ou encore, le fameux Roman de la rose de Guillaume de Lorris et Jean de Meung...puis je ne le fais pas. Je crois que le côté ardu de la littérature médiévale - ou du moins l'idée que je m'en fais - me freine, peut-être à tort, d'ailleurs
    En tout cas, lorsque je m'intéresse aux livres que j'ai déjà pu lire, un seul lien entre eux me saute aux yeux : la légende arthurienne. Alors, quand je suis tombée sur Le roman de l'enchanteur Merlin, dans une très jolie édition richement illustrée, transcrite et présentée par Gérard Lomenec'h, je me suis dit : pourquoi pas ? 
    Le texte transcrit par Lomenec'h est un texte du XIIIème siècle, écrit par un auteur anonyme mais que l'on appelle pseudo Robert de Boron, car il écrit dans le style ce dernier. Robert de Boron, clerc ou chevalier, est connu pour avoir écrit de nombreux romans inspirés par la légende du roi Arthur et du Graal, au même titre que Chrétien de Troyes, Thomas Malory ou encore Geoffroy de Montmouth, noms incontournables quand il s'agit de chercher des sources médiévales sur ce qu'on a appelé la Matière de Bretagne. 
    Fascinante, foisonnante, sans cesse revisitée et enrichie par les auteurs qui s'y sont frottés, connus comme anonymes, la légende du roi Arthur, roi celtique qui se serait opposé bravement à l'invasion saxonne de la Bretagne (la Grande-Bretagne actuelle), a donné naissance à la littérature de l'Occident, créant un genre nouveau : le roman. 
    Si tous les auteurs qui ont été inspirés par les légendes arthuriennes se sont souvent approprié l'histoire (et c'est encore le cas de nos jours, quand on pense par exemple à la relecture moderne et décalée qu'ont pu faire de ces légendes merveilleuses les Monty Python en Angleterre ou Alexandre Astier en France avec Kaamelott), inventant, tissant, brodant, parfois en contradiction avec les textes précédents, il y a des personnages incontournables et Merlin en est un. 

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    Merlin dictant un poème au clerc Blaise (enluminure française du XIIIème siècle)


    Merlin l'enchanteur, protecteur d'Arthur, avant cela conseiller de son père le roi Uter Pendragon, Merlin qui préside à la naissance d'Arthur en donnant à Pendragon la physionomie de l'époux de la belle Ygerne, que le roi veut séduire...Merlin, le personnage double, né de l'union d'un démon incube et d'une vierge, possédant en lui le paradoxe de sa conception : le Mal, représenté par son père, le Bien, par sa mère. Merlin qui devait devenir l'Antéchrist et retournera finalement contre son père la nature profondément mauvaise que celui-ci lui avait légué, notamment par le biais de ses dons prophétiques, que Merlin mettra à profit pour faire le bien et non pour nuire. 
    Dans ce roman centré sur la figure de l'enchanteur, d'autres personnages incontournables de la légende apparaissent : on découvre la légende arthurienne avant Arthur, avant Camelot, avant les chevaliers et la quête du Graal, avec le règne de Pendragon et la séduction d'Ygerne, duchesse de Cornouailles et qui deviendra la mère d'Arthur. On découvre l'enfance et la jeunesse de celui-ci puis son élection divine, annoncée par Merlin et qui se concrétise par le biais de l'épée Excalibur qu'Arthur se montre le seul à pouvoir extirper du rocher dans lequel elle est fichée. Puis, tout ce qui fait le sel de cette légende qui ne vieillit pas et a traversé les siècles jusqu'à nous : la romance d'Arthur et de Guenièvre, fille du roi de Carmélide, la Table-Ronde et ses chevaliers, la séduction de Merlin par Vivianne qui l'enferme dans un château invisible, en plein cœur de Brocéliande. 
    Très empreint d'imaginaire chevaleresque, des valeurs de la société médiévale et d'une grande religiosité, Le roman de l'enchanteur Merlin s'inscrit bien dans son époque, dans son contexte d'écriture. La transcription, qui a pour mérité de rendre le texte plus accessible, ne le dénature pas et j'ai apprécié cette lecture pour ce qu'elle est : une version d'une légende qui n'a jamais fini de s'étoffer au cours des siècles, sans mourir avec le Moyen Âge, sans jamais se figer. 
    Ainsi, les chevaliers d'Arthur deviennent la personnification de cette figure incontournable de la société du Moyen Âge central, le chevalier, censé être porteur des valeurs de l'altérité, de la générosité, de la bravoure et du courage, le personnage du clerc Blaise peut faire penser aux moines copistes qui, du fond de leur monastère, ont participé à fixer sur parchemin des textes fondateurs, comme Blaise le fait depuis son repaire en forêt de Northumberland, faisant ainsi acte d'historien et Merlin, né pour être l'Antéchrist, s'avère finalement incarner une puissance bienfaitrice contre les forces du Mal qu'elle doit combattre (puissance bienfaitrice que l'Eglise en tant qu'institution se targue également de posséder). Quant à la romance d'Arthur et Guenièvre, elle nous ramène aux plus belles heures du roman courtois et des cours d'amour du XIIème siècle, diffusés notamment par la duchesse d'Aquitaine et reine d'Angleterre Aliénor. 
    J'ai trouvé ce livre passionnant même si parfois un peu ardu. Je ne serais pas honnête si je vous disais que je n'ai pas décroché une ou deux fois...mais globalement, je me suis vraiment sentie captivée par cette lecture où le merveilleux se mêle à des discours bien plus cartésiens - ou peut-être justement se met-il au service de ces derniers pour les diffuser encore plus largement. 
    Une nouvelle lecture dans l'univers de la légende arthurienne qui me donne envie de découvrir celle-ci encore mieux. 

    Gravure en noir et blanc montrant, au fond d'un paysage de ruines de châteaux, un roi et un vieil homme barbu les bras écartés, côte à côte.

    Merlin conseillant Arthur : vision romantique du XIXème siècle que l'on doit à Gustave Doré pour Idylles d'un roi d'Alfred Tennyson (1868)

    En Bref :

    Les + : une plongée dans le monde de la littérature médiévale, rendue accessible par une traduction en français contemporain mais toujours empreint de la magie des textes anciens. Un bon moyen de découvrir la légende arthurienne et l'histoire de l'un de ses personnages les plus célèbres, Merlin.
    Les - : des passages quelque peu ardus et des coquilles : heureusement elles ne sont pas nombreuses mais dans une si jolie édition, c'est un peu dommage. 


    Le roman de l'enchanteur Merlin ; Gérard Lomenec'h

      Mémoires de la baronne d'Oberkirch sur la cour de Louis XVI et la société française avant 1789 ; Henriette Louise de Waldner de Freundstein, baronne d'Oberkirch LE SALON DES PRÉCIEUSES EST AUSSI SUR INSTAGRAM @lesbooksdalittle 


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  • « Adieu, la classe ; adieu, Mademoiselle et son amie ; adieu, féline petite Luce et méchante Anaïs ! Je vais vous quitter pour entrer dans le monde; ça m'étonnera bien si je m'y amuse autant qu'à école. »

     

     

     

     Publié en 2010

     Éditions Le Livre de Poche

     Date de parution originale : 1900

     255 pages 

     

     

     

     

     

    Résumé :

    Un titre bien sage pour un roman qui l'est moins. Claudine le reconnaît : « Vrai, cette école n'est pas banale ! » Comment pourrait-elle l'être ? 
    Les élèves ont des personnalités peu communes : la grande Anaïs que Claudine qualifie de menteuse, filouteuse, flagorneuse, traîtresse, possède en outre « une véritable science du comique » ; les Jaubert sont agaçantes à force de sagesse ; Marie Belhomme « bébête, mais si gaie » ; Luce, charmeuse autant que sournoise ; et les autres, « c'est le vil peuple ». Quant aux maîtresses...Mlle Sergent, « la rousse bien faite », aussi intelligente que laide, est tout yeux pour son assistante, Mlle Aimée, la bien nommée. Ajoutez les instituteurs des garçons, le pâle Duplessis et le vaniteux Rabastens, le médecin scolaire, le Dr Dutertre, aux dents de loup, qui aime s'attarder auprès des grandes...et vous obtenez un mélange détonant. Pour parfaire l'ensemble, c'est une Claudine débordante de vitalité, excessives dans ses élans, qui mène la ronde. 

    Ma Note : ★★★★★★★★★

    Mon Avis :

     Ne vous laissez pas abuser par le titre somme toute naïf et légèrement enfantin de ce premier roman de Colette, publié en 1900. Son contenu est bien moins anodin qu’il n’y paraît.
    Déjà, pour comprendre ce roman, il faut se remettre dans le contexte de son écriture : en 1900, Colette est une jeune mariée. Elle a épousé Henry Gauthier-Villars, dit Willy, en 1893 et a déménagé avec lui à Paris. Là, dans la capitale, ils mènent une vie mondaine mais relativement oisive pour Colette, qui va finir par s’ennuyer. Découvrant le talent d’autrice de son épouse, Willy va l’encourager et la pousser à écrire. Colette s’attelle alors, sous la houlette relativement peu tendre de son époux, à l’écriture de ce qui va devenir son premier succès et un phénomène éditorial : les Claudine. Le premier volume, Claudine à l’école, paraît en 1900. C’est un texte semi-autobiographique, dans lequel Colette, derrière le personnage de la jeune et mutine Claudine, raconte ses souvenirs de jeunesse provinciale à Saint-Sauveur-en-Puisaye, devenu Montigny dans le livre. En 1901, sans la consulter, Willy, qui a joint son nom à celui de Colette, signant une œuvre qu’il n’a pas écrite, cède les droits de Claudine à ses éditeurs. Colette ne lui pardonnera pas cette trahison. Elle écrira à ce propos : « Je le trouve d'une taille, et d'une essence, à inspirer et à supporter la curiosité. Ce qu'il faudrait écrire, c'est le roman de cet homme-là. »
    Dès sa parution, Claudine à l'école rencontre un véritable succès commercial : on s’habille Claudine, avec la popularisation du col Claudine (le col de la robe que Colette porte sur la couverture de l’une des éditions de Claudine à l’école), on mange Claudine puisque des glaces et des gâteaux vont porter son nom, on se parfume Claudine avec la lotion homonyme et le roman sera même adapté au théâtre des Bouffes, l’héroïne de Colette interprétée par la comédienne Polaire.
    Mais alors, Claudine à l’école, ça raconte quoi ? Il s’agit d’un roman au synopsis assez simple puisqu’il s’agit de raconter le quotidien d’une jeune écolière de quinze ans dans l’école de son village. Claudine est une jeune fille espiègle, plus vraiment une enfant et pas encore une jeune femme, pile dans cet « âge ingrat » que l’on n’appelle pas encore l’adolescence. A l’école de Montigny, elle fait la loi car piquante, ayant de l’esprit, elle n’hésite pas à tenir tête aux institutrices, ni même à jouer de nombreux tours à ses camarades.
    Mais loin d’être simplement le portrait d’un quotidien qui pourrait être assez morne, Claudine à l’école raconte aussi ce que les élèves voient. Et comme le dit Claudine elle-même, cette école n’est pas banale, entre la directrice, Mlle Sergent, qui semble éprouver un doux intérêt pour son assistante, la douce Mlle Aimée, les deux instituteurs de l’école des garçons, dont l’un semble lui aussi très épris de la bien-nommée assistante, le médecin scolaire, le Dr Dutertre, qui a les mains baladeuses avec les élèves…
    Connaissant la carrière d’écrivain « polisson » de Willy, on peut légitimement se poser la question : quelle est sa part dans le roman et quelle est celle de Colette ?

     

    Claudine à l'école ; Colette

    L'actrice Polaire incarnant Claudine pour le Théâtre des Bouffes


    Et pourtant, lorsqu’on connaît aussi bien la plume de Colette, on ressent dans ce roman les premières fulgurances d’un style unique et appelé à se développer, à s’étoffer, dans les productions suivantes. La plume sensuelle, très évocatrice du Blé en Herbe, des Vrilles de la Vigne, de Sido…se forme aussi, certes, non sans maladresses mais préfigure déjà la beauté poétique de la suite, dans des paragraphes aux descriptions fines, notamment des paysages. On y trouve aussi le premier personnage animalier, l’altière chatte Fanchette, alter ego de Saha (La Chatte) ou encore de Kiki-la-Doucette (Dialogues de bêtes, Les Vrilles de la Vigne).
    Roman d’apprentissage, Claudine à l’école, sous couvert de fiction, annonce ce que Colette fera si bien dans la suite de son œuvre : se raconter, dans une sorte de nostalgie heureuse qui évoque la vie campagnarde et provinciale de la fin du XIXème siècle et les souvenirs de l’enfance.
    Certes, comme je le disais plus haut, ce n’est pas sans maladresses mais il faut bien garder en mémoire que Claudine à l’école est une première production. Il est normal que ce ne soit pas parfait.
    C’est un peu grivois et peut-être, si c’est quelque chose que vous n’aimez pas forcément dans les romans, cela vous gênera-t-il. Mais Claudine et ses jeunes camarades ont des yeux pour voir et, à quinze ans, ne sont plus si naïves qu’elles ne comprennent pas ce qui se passe entre les adultes. Claudine à l’école peut même être considéré comme avant-gardiste, notamment par sa mise en avant sinon d’amours, du moins d’affections lesbiennes non dissimulées : est-ce un hasard, d’ailleurs, si les premiers élans de cœur, certes informulés et peut-être inconscients mais bien visibles pour le lecteur, pour Claudine, se dirigent vers la charmante Aimée Lanthenay ?
    Pour autant, et c’est d’ailleurs ce que j’avais principalement retenu de ma première lecture de ce roman, Claudine à l’école n’est pas qu’un roman un peu chaud qu’on lirait sous le manteau. C’est aussi une description de l’école d’antan, quand elle n’était pas encore mixte, quand on enseignait aux jeunes filles autant de couture et de cuisine que d’arithmétique, d’histoire ou d’orthographe. C’est l’époque des poêles dans les salles de classe, que l’on doit allumer chaque matin pour espérer se tenir chaud, dans de vieux bâtiments ouverts aux courants d’air. Et, dans les cours d’école, on joue aux billes, tandis que les sabots de bois résonnent sur le sol de la cour de récréation. On écrit au porte-plume et la belle encre épaisse est conservée sur les pupitres de bois, dans des encriers…c’est une école et une époque disparues qui sont décrites ici et, comme Colette aimera à le faire par la suite, on sent qu’elle se délecte de saisir ce prétexte pour dérouler ses propres souvenirs. Ainsi, Claudine et Colette se fondent-elles en un même personnage un peu flou et l’on ne sait plus où commence le roman et où se termine la réalité. Une fusion d’ailleurs, qui finira par peser à l’autrice qui aimerait redevenir elle-même et non pas seulement l’alter ego de Claudine, preuve que ce personnage au départ imaginé par Willy mais développé par le talent de Colette, a dépassé son maître, au point de la dévorer.
    A lire, si vous aimez Colette, mais que l’on comprend peut-être mieux si l’on a lu d’autres œuvres de l’autrice auparavant : l’œuvre de jeunesse prendra alors tout son sens, selon moi. Je me suis d’ailleurs rendu compte qu’avec quinze ans de recul, je n’appréhendais pas la lecture de Claudine à l’école de la même manière qu’à seize ans et je suis ravie de l’avoir relu avec un nouvel éclairage et une meilleure connaissance de l’œuvre de Colette ainsi que de la femme derrière l’autrice.  

    Claudine à l'école ; Colette

    La petite Sidonie-Gabrielle Colette et l'écolière qu'elle a été ont probablement inspiré l'autrice Colette devenue adulte pour imaginer son personnage de Claudine

    En Bref :

    Les + : Derrière un titre un peu naïf, léger et enfantin, ce cache un roman bien moins anodin qu'il n'y paraît...on sent se profiler la plume très sensuelle de Colette, une plume déjà prometteuse dans ce premier livre.
    Les - : des maladresses, des longueurs mais qui se justifient dans le fait que nous sommes là face à un premier roman.


    Claudine à l'école ; Colette

    Mémoires de la baronne d'Oberkirch sur la cour de Louis XVI et la société française avant 1789 ; Henriette Louise de Waldner de Freundstein, baronne d'Oberkirch LE SALON DES PRÉCIEUSES EST AUSSI SUR INSTAGRAM @lesbooksdalittle 


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