• Le livre des heures ; Anne Delaflotte Mehdevi

    « Il n'y a jamais excès de couleur. L'excès de couleur ne signifie rien d'ailleurs, comment pourrait-il y avoir excès de vie ? »

     

     

     

     

         Publié en 2023

      Éditions Folio

      211 pages

     

     

     

     

     

    Résumé :

    « Marguerite se transporte dans le coin de l'atelier où peint son grand-père. Elle aime qu'il feigne de ne pas l'avoir vue. Elle l'observe manier le pinceau, poser la couleur, et les mains la démangent. »

    Marguerite vit sur le pont Notre-Dame. Sa famille y tient l'échoppe d'enluminure la plus célèbre de Paris. Irrésistiblement attirée par l'atelier et ses couleurs flamboyantes, la jeune fille contemple les livres ornementés que fabrique son grand-père et se rêve artiste à son tour. Au fil du temps, Marguerite, libre et talentueuse, parvient à gagner sa place dans ce domaine réservé aux hommes. Mais au Moyen Âge, qu'il s'agisse d'amour ou de vocation, une femme peut-elle échapper à sa condition ?

    Ma Note : ★★★★★★★★★★ 

    Mon Avis :

    Marguerite est parisienne. Elle vit sur le Pont Notre-Dame avec sa famille, à la fin du XVème siècle, avec ses parents, son grand-père et son frère jumeau Jacquot, atteint du « mal de Saint-Jean » autrement dit, l’épilepsie. La jeune fille vit entre une mère indifférente, qui lui en veut d’être en bonne santé quand son fils souffre d’un mal incurable et un père et un grand-père dont elle proche car ils partagent la même passion : le père de Marguerite et son propre père sont enlumineurs et possèdent leur propre atelier. Marguerite, toute fille qu’elle est, veut devenir « enlumineresse » et ne vit que pour les couleurs, la peinture, les enluminures à la grande colère de la mère, qui voudrait que sa fille se marie, qui voudrait que son fils guérisse et court les routes avec lui pour se rendre à tel ou tel pèlerinage pour évoquer le patronage de tel ou tel saint thaumaturge. Seulement, rien n’y fait et parfois, Dieu n’est pas bon médecin. Et la mère, de retour à Paris, désemparée de ne pas pouvoir soulager son fils, s’en prend à la seule enfant en bonne santé qui lui reste mais qui ne veut pas marcher dans ses pas et ne veut pas choisir un destin conventionnel et tout tracé, celui d’une femme de son temps.
    A douze ans, Marguerite devient apprentie dans l’atelier de son grand-père. Apprentie au même titre que les autres, tous des garçons, qui travaillent et apprennent sous le même toit. La jeune fille se familiarise avec les couleurs, les mélanges, le traçage des lettrines, le maniement des pinceaux et des colles. Elle ne choisira le mariage que par défaut, sans amour, avec un homme plus âgé qu’elle et dont elle est veuve tôt. Marguerite ne vit et ne vibre que pour une chose, la peinture et l’enluminure et pourtant, en cette fin de siècle, cet art magnifique et millénaire, si consubstantiel au Moyen Âge, est menacé par une toute nouvelle invention : l’imprimerie. Mais, là où on gagne en rapidité et en efficacité grâce à la mécanisation, on perd en émotion et en beauté. Là où l’imprimerie est standardisée, l’enluminure elle, porte la trace humaine de l’artiste et son souvenir, sa marque. Et Marguerite ne cesse d’apprendre et d’aimer, d’aimer follement. Marguerite est une passionnée. Et grâce à son art, elle s’ouvre des possibles auxquels les autres femmes de son temps qui ont une vie conventionnelle ne peuvent pas prétendre.
    En 1492, Marguerite a vingt-quatre ans. Talentueuse, elle poursuit un projet qui lui tient à cœur : un livre d’heures, qu’elle enlumine et écrit elle-même. Un livre d’heures qui ressemble à un journal intime. Pour l’atelier de son père, où elle a désormais toute sa place malgré la désapprobation de sa mère, Marguerite continue d’aller chercher les couleurs chez l’apothicaire…un jour, elle y rencontre un jeune homme qui se fait appeler Giovanni mais arrive en réalité de Grenade. En cette année où Christophe Colomb s’est lancé sur les mers pour ouvrir une nouvelle route par l’ouest vers les épices d’Asie, les souverains catholiques d’Espagne ont aussi repris aux musulmans leur dernier bastion de la péninsule ibérique : Grenade. Giovanni, né de mère toscane mais convertie, s’appelle en fait Daoud. Il est musulman et représente pour une jeune chrétienne parisienne des années 1490 l’Infidèle, le mécréant, l'ennemi héréditaire contre qui se sont battus les Croisés - et ne parle-t-on pas de la levée d'une nouvelle armée sainte par le roi Charles VIII ? Pourtant, Marguerite et Daoud se comprennent et leurs yeux se parlent, encore mieux que des mots. Marguerite, qui n’a jamais été amoureuse, découvre combien la passion peut consumer. Elle qui n’avait connu la passion que pour son métier, pour son art, découvre soudainement la passion des sens, la communion charnelle. Mais Daoud n’est en France que pour se protéger des répressions que les Rois-Catholiques envisagent contre les populations juives et musulmanes de Grenade. Il ne compte pas y faire sa vie et son grand rêve et de rejoindre les expéditions de Colomb vers l’Asie – personne ne le sait encore mais en 1492, ce n’est pas au Japon que l’explorateur missionné par Isabelle de Castille et Ferdinand d’Aragon a accosté, mais à Cuba. Par amour, Marguerite se devra de le laisser partir…
    Le livre des heures est un ovni, un roman atypique et difficilement descriptible. Et je crois que j’aime de plus en plus ces romans un peu hybrides, qui mêlent plusieurs styles, plusieurs influences et m’évoquent au cours de ma lecture, successivement, d’autres livres, d’autres auteurs, d’autres univers. Chez Anne Delaflotte Mehdevi, j’ai retrouvé Carole Martinez (Du domaine des murmures), Stefan Hertmans (Le cœur converti), Christine Machureau (Mémoire froissée), Bernard Tirtiaux (Le passeur de lumière)…mais j’ai aussi découvert un roman profondément humain et en cela, unique et donc, incomparable.
    Le livre des heures est court et pourtant, il m’a profondément touchée, sans que je puisse expliquer pourquoi. J’ai lu des romans plus émouvants et qui, pourtant, ne m’ont pas plus profondément bouleversée. J’ai fermé ce roman avec des larmes aux yeux, touchée, cueillie et la même émotion me revient en écrivant cette chronique, comme si je n'arrivais pas à me débarrasser des sentiments nés à la lecture de ce roman. J’ai éprouvé un coup de cœur inattendu mais vraiment intense pour ce petit roman que j’aurais lu en un peu plus de vingt-quatre heures mais qui me marquera comme s’il m’avait accompagnée pendant des semaines. Je crois que c’est surtout dû à l’écriture, qui m’a absolument régalée. Comme tout lecteur, j’aime me délecter d’une plume, en savourer les mots. C’est exactement ce qui est arrivé ici.
    J’ai commencé un roman sans savoir exactement à quelle époque nous nous situions. Pour moi, l’enluminure est très associée au Moyen Âge, cela ne m’aurait donc pas surprise que nous soyons au XIIème siècle ou au XIIIème. Puis, l’autrice distille des pistes, des clefs. J’ai compris que nous étions en réalité dans la seconde moitié du XVème siècle. Le Moyen Âge est finissant, déjà la Renaissance étend son influence sur l’Europe, on commence à parler d’humanisme, dont l’Italie est devenue le creuset. Le monde oscille entre l’époque médiévale des chevaliers et celle, plus moderne, des arts et des lettres. Ici, l’imprimerie sert de trait d’union entre ses deux époques, si proches et si différentes à la fois. Ce contexte historique passionnant, marqué par la fin de la guerre de Cent Ans, la prise de Constantinople en 1453 puis la chute de Grenade en 1492, les débuts des expéditions de Colomb vers un Nouveau Monde encore insoupçonné est sans nul doute un gros point fort de ce roman.
    Je ne peux donc que vous conseiller de lire ce roman qui est sans nul doute une véritable expérience. Il y a quelque chose qui ne laisse pas indifférent dans Le livre des heures.

    En Bref :

    Les + : un réel coup de cœur inattendu pour ce roman, certes court mais tellement ciselé et d'une grande richesse. J'ai ressenti beaucoup d'émotions à la lecture de ce roman tout en douceur et en pudeur.
    Les - : pour moi, absolument aucun.


    Le livre des heures ; Anne Delaflotte Mehdevi

     Mémoires de la baronne d'Oberkirch sur la cour de Louis XVI et la société française avant 1789 ; Henriette Louise de Waldner de Freundstein, baronne d'Oberkirch LE SALON DES PRÉCIEUSES EST AUSSI SUR INSTAGRAM @lesbooksdalittle  

     

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