• Marie-Louise ; Charles-Éloi Vial

    «  Marie-Louise aura donc surtout eu pour elle d'avoir toute sa vie su jouer le rôle qu'on attendait d'elle. »

    Couverture Marie-Louise

     

     

     

      Publié en 2017

      Éditions Perrin (collection Biographies)

      448 pages 

     

     

     

     

     

     

    Résumé : 

    A l'instar de sa tante Marie-Antoinette, Marie-Louise de Habsbourg-Lorraine a été victime de sa légende noire. En 1810, son mariage avec Napoléon fait d'elle un symbole de la paix fragile entre la France et l'Autriche. Mère de l'héritier du trône impérial, elle soutient Napoléon malgré ses premières défaites. 

    Pourtant, dès 1814, lorsqu'elle refuse de rejoindre son mari à l'île d'Elbe, le regard change et l'épouse modèle se transforme en traîtresse. Depuis lors, elle passe pour une femme égoïste, futile, infidèle et nymphomane. 

    En s'appuyant sur des archives inédites, Charles-Éloi Vial s'applique avec talent à restituer la personnalité de cette princesse cultivée au tempérament d'artiste, dévouée à sa famille et à ses enfants. Devenue duchesse de Parme grâce au soutien des Alliés, elle joue aussi un rôle majeur sur l'échiquier diplomatique européen pendant trois décennies. Au fil des pages, nous découvrons ainsi un destin hors du commun et une personnalité ignorée, révélée par un historien d'envergure.

    Ma Note : ★★★★★★★★★★ 

    Mon Avis :

    Au mieux oubliée, au pire traînant une légende noire tenace depuis le XIXème siècle, Marie-Louise d’Autriche reste relativement méconnue. Impératrice éphémère d’un empire déclinant, elle n’a pas eu le temps de se faire aimer des Français, ni même de se faire connaître d’eux. Depuis plus de deux cents ans, une historiographie « à charge » a véhiculé l’image d’une femme terne, manipulée et traîtresse, qui a tourné le dos à Napoléon Ier au moment de l’abdication de 1814, jetant dos à dos un Empereur déchu et souffrant de son isolement à l’île d’Elbe, appelant de ses vœux la venue de son épouse et de son fils, tandis que l’ingrate filtrait ses courriers, se réinstallant dans une douce oisiveté à Vienne qu’elle ne voulait plus quitter pour aller vivre sur un petit caillou de la Méditerranée. Sa relation hors mariage avec Neipperg, qu’elle épousera après la mort de Napoléon et avec lequel elle eut deux enfants, Albertine et Guillaume, finit de ternir l’image d’une femme qui n’en méritait sûrement pas tant. Par chance, l’historiographie actuelle est bien plus nuancée et objective qu’il y a encore quelques décennies, désormais on n’enquête plus « à charge » et on ne colporte plus rumeurs et autres témoignages orientés sans avoir pris le temps de les confronter et de les resituer dans leur contexte. Tant mieux, car cela permet de réhabiliter des figures de l’Histoire que l’on a parfois préféré oublier ou sur lesquelles les légendes noires ont fini par devenir des vérités.
    Grâce à des sources parfois inédites, disséminées aux quatre coins du monde, de l’Italie à l’Autriche en passant par la France et les États-Unis, à de nombreux témoignages décortiqués et passés au crible de l’historien, Charles-Eloi Vial, archiviste et paléographe signe une biographie vivante, nuancée et actualisée de la petite-nièce de Marie-Antoinette et seconde épouse de Napoléon Ier.
    Marie-Louise d’Autriche naît à Vienne en 1791, deux ans avant l’exécution de sa tante la reine de France, qu’elle ne connaîtra donc jamais. Fille de l’empereur François II du Saint-Empire (devenu François Ier d’Autriche), Marie-Louise et ses frères et sœurs seront cependant élevés dans le souvenir des souverains français considérés comme des martyrs : ainsi, sur un tableau de famille où l’on peut apercevoir l’empereur, son épouse, la jeune Marie-Louise et ses cadets dans une paisible scène familiale, on voit également accrochés au mur derrière eux deux portraits où se distinguent les profils de Marie-Antoinette et Louis XVI. La petite Marie-Louise n’a pas cinq ans quand sa cousine Marie-Thérèse Charlotte arrive en Autriche : dernière survivante de la famille royale, marquée par les traumatismes répétés vécus au cours des années précédentes, la jeune fille n’a sûrement pas manqué de frapper négativement l’esprit de sa toute jeune cousine. Cette dernière et ses frères et sœurs se retrouveront même confrontés directement aux conflits opposant l’Autriche au Premier Empire, devant fuir plusieurs fois devant l’avancée des troupes françaises. Pour Marie-Louise et les autres petits archiducs, très vite, Napoléon Ier devient « l’Ogre », un danger impalpable pour eux mais toujours présent dans leurs esprits.
    En 1809, soucieux de consolider sa dynastie, Napoléon se résigne à divorcer de son grand amour, l’impératrice Joséphine, avec laquelle il n’a pas pu avoir d’enfant. Commence alors une course au mariage et aux princesses européennes, pour rattacher la toute nouvelle lignée des Bonaparte aux plus illustres familles princières de l’Europe. Après deux conflits avec l’Autriche, l’Empereur a l’idée de réactiver le renversement des alliances voulu par Louis XV en 1756 et dont Marie-Antoinette fut le gage. Quarante ans plus tard, la petite-nièce devient à son tour une garantie de paix : à sa grande épouvante, Marie-Louise est promise contre son gré à l’Empereur des Français. Telle une Iphigénie moderne, la jeune archiduchesse est donc sacrifiée pour la paix et doit prendre la route vers la France, vers son avenir.

    L'impératrice Marie-Louise (1791-1847) - napoleon.org

     

    Napoléon, Marie-Louise et leur fils, le roi de Rome, surnommé l'Aiglon : élevé en Autriche et titré duc de Reichstadt, le jeune homme disparaît prématurément à 21 ans, en 1832


    Contre toute attente, le mariage entre Napoléon Ier et Marie-Louise, de vingt-deux ans sa cadette, sera harmonieux et relativement heureux. Face à elle, la jeune archiduchesse découvre un homme d’une quarantaine d’années, encore fringant et au charisme certain, qui sait la mettre en confiance et la séduire. Quant à Napoléon, il est agréablement surpris par cette jeune fille de dix-neuf ans, charmante sans être d’une grande beauté, à la carnation claire et aux yeux bleus. Enceinte dès la première année de son mariage, Marie-Louise réussit là où Joséphine avait échoué, puisqu’elle accouche d’un fils, le petit « roi de Rome », le 20 mars 1811. Tout pourrait sourire à ce couple disparate qui a provoqué la stupeur de l’Europe mais ne s’entend, somme toute, pas si mal que cela. Mais déjà, l’Empire décline : les campagnes glorieuses de Napoléon sont derrière lui. En 1812, il se lance dans la désastreuse campagne de Russie, laissant la régence entre les mains de Marie-Louise qui apprend peu à peu son métier d’impératrice et le fait plutôt bien. Mais les mauvaises nouvelles s’accumulent, après la Russie, Napoléon Ier doit affronter les campagnes d’Allemagne puis de France et Marie-Louise doit fuir le palais des Tuileries pour aller se réfugier, d’abord à Rambouillet puis à Blois, où elle apprend avec horreur l’abdication de son époux à Fontainebleau, en avril 1814.
    Quatre ans après son arrivée en France, Marie-Louise fait le trajet en sens inverse : mise sous la protection de son père, l’empereur d’Autriche, la jeune femme et son fils le roi de Rome quittent la France pour Vienne, où Marie-Louise se réinstalle dans les palais de son enfance, retrouvant avec joie ses frères et ses sœurs. C’est à partir de là que va commencer à se forger la terrible réputation de Marie-Louise, qui n’aura jamais plus sa place nulle part, soupçonnée par les Autrichiens de chercher à rejoindre Napoléon, accusée par les bonapartistes d’avoir abandonné l’Empereur, suspectée également par les monarchistes, qui espionnent ses moindres et faits et gestes et la considèrent comme dangereuse alors que la jeune femme n'aspire plus qu'à vivre sa vie. Marie-Louise a-t-elle été coupable comme on l’a dit d’avoir abandonné l’Empereur ? Certes, elle ne fit rien, après son retour à Vienne, pour rejoindre l’île d’Elbe, servant ainsi les intérêts de l’Autriche et des alliés. Mais elle fut aussi, très certainement, manipulée par eux et, comme on s’emploiera par la suite à faire oublier au petit roi de Rome son passé français, on fit tout ce qui était possible pour détacher Marie-Louise d’un époux qu’elle n’avait pas choisi mais qu’elle n’aurait sûrement pas abandonné de son plein gré.
    Héritant du duché de Parme après le congrès de Vienne de 1815, Marie-Louise y vécut heureuse, gouvernant habilement ce petit État italien satellite de l’Autriche et y vivant une histoire d’amour sincère – et choisie – avec Adam Albert de Neipperg, qui était devenu son chaperon à Vienne, puis son principal conseiller à Parme avant de devenir son époux en 1821, quelques semaines après la mort de Napoléon.
    Monstre femelle, mère dénaturée, nymphomane, laide et prématurément vieillie, souvent aussi décrite comme sotte, Marie-Louise cumule en apparence les défauts, qu’une étude objective et nuancée peut démonter un à un. Certes, comme n’importe quel autre être humain, Marie-Louise n’est pas exempte d’erreurs ou de mauvais jugements. Mais elle était une femme, donc jugée plus durement que ses contemporains masculins et, face à l’image de l’Empereur déchu, il fut facile de charger celle de cette épouse qui s’était si vite remise de la séparation et ne souhaitait plus le retrouver. Peut-on aujourd’hui lui jeter la pierre ? Marie-Louise sut aussi plus qu’adroitement assurer son avenir et celui de son fils, devenu duc de Reichstadt. Elle avait peut-être compris, même avant tout le monde, que cet avenir se ferait au prix de sa renonciation à sa vie conjugale avec Napoléon : le destin finit de s’en mêler en mettant sur sa route Neipperg, dont elle tomba sincèrement amoureuse et avec lequel elle connut une vie maritale saine, voulue et apaisée. L’autre prix à payer fut celui du tribut face à l’Histoire.

    L'impératrice Marie-Louise (1791-1847) - napoleon.org

     

    L'un des portraits les plus célèbres de Marie-Louise, par le peintre français François Gérard 


    Dans les pas de l’historienne Geneviève Chastenet, qui a signé il y a déjà plusieurs années une biographie où une image objective de Marie-Louise était présentée, Charles-Eloi Vial nous propose ici un ouvrage intéressant, bien documenté et accessible, écrit d’une plume chaleureuse et inspirée. L’auteur nous place au plus près de Marie-Louise, des palais viennois, des ors de Schönbrunn, jusqu’aux salons des Tuileries, où elle fut pendant quatre ans l’atout charme d’un Empire dont les velléités étaient de se placer au même niveau que les plus anciennes dynasties européennes, rien de moins. Puis nous découvrons l’administratrice avisée et habile dans son écrin de Parme, où elle mourut en 1847, après y avoir passé plus de vingt ans, y avoir contracté deux mariages – celui avec Neipperg puis celui avec Charles-René de Bombelles – et y avoir mis au monde deux enfants, dont elle ne put jamais s’occuper au vu et au su de tous mais dont elle se chargea d’assurer l’avenir avec beaucoup d’à-propos.
    Marie-Louise souffrira probablement toujours de cette tenace légende noire qui lui colle à la peau comme la tunique de Nessus. On ne cessera probablement jamais de lui renvoyer, comme en miroir, l’image glorieuse de son premier mari, alors qu’elle ne fut elle-même que l’incarnation de la médiocrité et de la faiblesse. Toutes les biographies la réhabilitant n’y feront certainement rien, peut-être adouciront-elles tout juste un jugement au vitriol. Mais malgré tout, elles apportent un peu d’eau au moulin et diluent peu à peu la mauvaise image de l’impératrice, apportant des arguments contraires et étayés par des sources et des documents historiques fiables qui nous font entrevoir un caractère bien plus complexe qu’il n’y paraît au premier abord.
    Agréable à lire et facile d’accès, cette biographie saura ravir tous les amoureux d’Histoire et même si vous n’êtes pas fan de Napoléon Ier, comme c’est mon cas, probablement vous sentirez-vous proches de cette jeune impératrice inexpérimentée mais qui gagne en relief d’année en année. Si les Bonapartistes ont volontiers colporté l’idée que Marie-Louise était bien loin de pouvoir rivaliser avec « l’incomparable » Joséphine, cette biographie nous confortera dans l’idée contraire.

    En Bref :

    Les + : une biographie véritablement passionnante, écrite d'une plume inspirée et chaleureuse. On découvre ou redécouvre le destin de la deuxième épouse de Napoléon Ier, poursuivie par une légende noire implacable qui nous fait oublier la véritable Marie-Louise. Une lecture que tous les amoureux d'Histoire savoureront comme il se doit.
    Les - : Aucun.


     Marie-Louise ; Charles-Éloi Vial

    Mémoires de la baronne d'Oberkirch sur la cour de Louis XVI et la société française avant 1789 ; Henriette Louise de Waldner de Freundstein, baronne d'Oberkirch LE SALON DES PRÉCIEUSES EST AUSSI SUR INSTAGRAM @lesbooksdalittle  

     

     


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  • Commentaires

    1
    Samedi 6 Juillet à 12:04

    La période de Napoléon n'est pas ma préférée mais cette figure m'intrigue car j'en ai peu entendu parler... Je note donc ce titre, me fiant à ton avis :-))

      • Dimanche 7 Juillet à 10:02

        Moi non plus, j'avoue que la période napoléonienne ne me passionne pas plus que ça...enfin, disons que la figure de Napoléon ne me plaît pas des masses ! Je sais qu'il est encensé comme un héros de la Nation mais moi, j'ai du mal...donc c'est vrai que je ne vais pas aller spontanément me renseigner à son sujet. En revanche, les destinées des femmes de son entourage m'ont toujours plus intéressée...cette biographie était très intéressante et écrite qui plus est par un jeune historien au style parfois plus accessible que celui de ses aînés. Je ne regrette pas cette lecture ! happy

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