• Lebensborn ; Isabelle Maroger

    « Il y avait deux programmes nazis secrets : le premier avait pour but d'exterminer les juifs dans les camps, le second de faire naître des aryens dans des maternités. »

    Couverture Lebensborn

     

     

     Publié en 2024 

     Éditions Bayard (collection Graphic')

     224 pages 

     

     

     

     

     

    Résumé :

    Un matin qu'elle se promène avec son fils, bébé, Isabelle Maroger se fait interpeller par une femme qui la complimente pour ce bel enfant blond aux yeux bleus et ajoute « ça devient rare comme race »... Un choc pour Isabelle, qui réalise qu'il est temps pour elle de raconter son histoire. Car si elle est, elle aussi, grande, blonde et aux yeux bleus, c'est parce qu'elle est à moitié norvégienne. Sa mère est née, pendant la guerre, dans un Lebensborn, ces maternités mises en place par les nazis pour produire à la chaîne de bons petits aryens.

    Ma Note : ★★★★★★★★★★

    Mon Avis :

    Un jour de 2014, alors qu’elle se trouve dans les transports en commun avec son fils de quelques mois, Isabelle Maroger engage la conversation avec une inconnue assise en face d’elle. La dame la complimente sur son bébé, petit blond aux yeux bleus puis prononce une phrase qui pourrait paraître anodine, si elle ne recelait pas une idéologie des plus dangereuse : « Ça devient rare maintenant, comme race. » Au-delà du propos ouvertement raciste et décomplexé, qui fait évidemment référence à l’idéologie nazie de la supériorité d’une supposée race – une idéologie biologiquement complètement fausse puisque l’espèce humaine ne comporte pas de races – , cette phrase résonne chez Isabelle Maroger car elle fait directement écho à sa propre histoire familiale.
    Née en 1979, Isabelle a toujours connu l’histoire de sa mère, Katherine, née en Norvège pendant la Seconde guerre mondiale. Ou du moins, elle a toujours connu une certaine histoire, dont elle était très fière enfant, tout comme son frère et sa sœur : avoir du sang norvégien dans les veines était une véritable fierté pour les trois enfants de Katherine Maroger qui, sans connaître le pays de leur mère, en avait fait la patrie de leurs racines fantasmées.
    Mais peu à peu, Katherine ressent le besoin de retisser son passé : née en Norvège mais adoptée et élevée en France, elle a de plus en plus envie de renouer avec cette vie d’avant, lointaine. Dans les pas de sa fille Isabelle, nous découvrons que Katherine est née en réalité dans l’un des Lebensborn nazi installé en Norvège…sa mère était une jeune femme de la région, Gerda, d’origine norvégienne et suédoise, qui fut séduite par un militaire allemand. Lorsque la jeune femme tomba enceinte, elle fut prise en charge par cette « maternité » où les femmes enceintes de soldats allemands pouvaient être prises en charge pour accoucher puis dans les semaines qui suivaient la naissance. Ces maternités étaient censées participer à la création d’une nouvelle « race » parfaite, la race aryenne : paradoxe d’un régime qui, d’un côté faisait naître des enfants presque à la chaine, tout en exterminant de l’autre tous ceux qui représentaient, aux yeux des nazis, des « sous-hommes », des inférieurs, à commencer par les Juifs, exterminés par millions dans les camps de la mort.
    Katherine Maroger et ses enfants se découvrent une famille toujours vivante en Norvège : une tante, des cousins…mais aussi des secrets et des drames. Ainsi, Katherine apprend que son père est allemand, ce qu’elle aura un peu de mal à accepter, ainsi que ses enfants. Elle découvre le traumatisme insurmontable que fut pour Gerda sa grossesse, puis son séjour au lebensborn et enfin, l’adoption de Katherine en France, dont elle ne se remettra jamais vraiment.
    Hommage à sa mère et à sa grand-mère, Lebensborn est un roman graphique touchant, plein de sincérité, de délicatesse et d’amour. Il aborde aussi un sujet dont on parle de plus en plus aujourd’hui, celui des lebensborn (littéralement les « fontaines de vie ») implantés par le régime nazi dans les pays occupés : ainsi, il y’en eut quinze en Norvège et Gerda, la grand-mère d’Isabelle, accoucha à celui de Hurdal, dont elle finit par s’échapper avec son bébé. On en compte un en France, dans l’Oise, non loin de Paris. Ces institutions ont été créées par Heinrich Himmler en 1935 et avaient, comme nous l’avons dit, pour but d’accélérer la création d’une race parfaitement pure et qui aurait dominé toutes les autres. Les critères bien connus de cette race aryenne prisée par les nazis étaient la blondeur et la couleur claire des yeux. Dans ces maternités, les enfants répondant aux critères biologiques étaient sélectionnés comme du bétail, dans le but d’être mis au service du régime. Ceux qui, en revanche, ne correspondaient pas à l’idéologie, étaient discrètement éliminés, autrement dit, euthanasiés, prouvant - si toutefois on a toujours besoin de preuves - de toute l'horreur de ce régime criminel et raciste. Si l’on connaît bien le fonctionnement des camps de concentration et des camps de la mort, on parle aujourd’hui de plus en plus de ces structures qui font tout aussi froid dans le dos et dans lesquelles étaient souvent prises en charge des jeunes femmes dupées, séduites par des soldats dont c’était la mission – ainsi, Katherine Maroger découvrira que son père biologique faisait partie d’un contingent de la Wehrmacht dont la mission était de séduire les jeunes Norvégiennes et de leur faire des enfants, avant de disparaître une fois que l’enfant était né et placé au lebensborn.
    C’est une histoire difficile que raconte ici Isabelle Maroger mais, comme je le disais, elle le fait avec beaucoup de pudeur et sans pathos. Le roman graphique est fluide et se lit très bien, en quelques heures à peine : non chronologique, il nous fait découvrir les moments forts de la quête de Katherine Maroger, qui y associe ses enfants. Voyages en Norvège sur les traces de la famille de Gerda, puis en Allemagne pour rencontrer Paul, son père biologique…recherches internet qui, en ce début des années 2000 et le « boom » des recherches en ligne, permet d’élargir le champ des possibles et d’élucider des mystères et des secrets familiaux…Isabelle Maroger nous emmène dans ses pas et nous livre aussi le processus de développement de ce roman, l’envie de partager son histoire, de faire la paix avec elle, d’avoir aussi quelque chose à léguer à son fils, né en 2013 et dont c’est l’histoire aussi.
    J’ai été particulièrement intéressée par cette histoire parce que c’est une histoire vraie, racontée avec beaucoup de simplicité et parce qu’elle aborde aussi un sujet que le grand public connaît un peu moins bien. C’était vraiment touchant de suivre Isabelle et sa mère, de découvrir comment elles assimilent, chacune à leur manière, la nouvelle histoire familiale qui se dessine et se reconstitue comme un puzzle, à mesure que les informations se rassemblent et s’assemblent.Je lis peu de romans graphiques en général, notamment par peur de ne pas aimer les dessins : pour moi, c’est primordial quand on lit ce genre de livres. Ici, j’ai apprécié non seulement le graphisme mais aussi le récit en lui-même. Vraiment, c’était super sympa et je ne peux que vous le recommander.

    En Bref :

    Les + : un roman graphique très agréable à lire, on le commence et on le termine dans la foulée, tellement il est fluide et prenant. Le fait que l'autrice raconte son histoire familiale apporte évidemment un surcroît d'authenticité et de sincérité. C'est écrit sans pathos mais avec beaucoup d'amour.
    Les - : aucun point négatif à soulever.


    Lebensborn ; Isabelle Maroger

      Mémoires de la baronne d'Oberkirch sur la cour de Louis XVI et la société française avant 1789 ; Henriette Louise de Waldner de Freundstein, baronne d'Oberkirch LE SALON DES PRÉCIEUSES EST AUSSI SUR INSTAGRAM @lesbooksdalittle  


    Tags Tags : , , , ,
  • Commentaires

    Aucun commentaire pour le moment

    Suivre le flux RSS des commentaires


    Ajouter un commentaire

    Nom / Pseudo :

    E-mail (facultatif) :

    Site Web (facultatif) :

    Commentaire :