• #43 [SPÉCIAL HALLOWEEN] Le vampire, de l'horreur au glamour : histoire d'un mythe

    #43 [SPÉCIAL HALLOWEEN] Le vampire de l'horreur au glamour : histoire d'un mythe 

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    Imaginez...une créature vêtue de noir, sortant de son tombeau au crépuscule pour aller se nourrir du sang de ses victimes. Le vampire se faufile dans la chambre d'un humain endormi et le mord au cou pour se nourrir de son fluide vital.
    La figure du vampire est probablement l'une des créatures du folklore les plus connues, popularisée notamment par des romans ou des films. Le vampire est aussi le nom que l'on donne aux grandes chauve-souris d'Amérique du Sud qui sucent le sang du bétail.
    C'est un personnage noir, inquiétant, qui suscite immédiatement la crainte mais peut aussi receler un potentiel de séduction certain : la morsure au cou, la lascivité des vampires féminins, comme les trois femmes du château de Dracula qui séduisent tout autant qu'elles font peur à Jonathan Harker...tout s'allie pour faire du vampire une créature dont la vision évolue de siècle en siècle, tantôt être ni tout à fait vivant ni mort, objet de terreur et de répulsion dont il faut absolument se prémunir, jusqu'à devenir un être immortel mais attirant, comme chez Anne Rice.
    C'est Halloween, découvrons ensemble...l'histoire du vampire.

     

    I. A l'origine du mythe du vampire : premières religions et antiquité gréco-romaine


    Si une créature buveuse de sang est commune à de nombreuses civilisations à travers le monde et renvoie souvent à des divinités anciennes, le mot vampire quant à lui est issu des langues slaves : en effet, en Europe orientale, la figure du vampire, provoquant terreur et dégoût, est très présente et ce n'est peut-être pas un hasard si Bram Stoker au XIXe siècle, situera l'intrigue de son roman Dracula en plein cœur de la région des Carpates, rurale, reculée et encore marquée par de fortes croyances païennes et superstitions.
    En Inde, on peut ainsi associer le vampire à la figure de la déeesse Kâlî, qui se repaît du sang des humains, mais aussi aux vetalas, sortes de goules qui prennent possession des corps et que l'on retrouve mentionnées dans des textes anciens. L'Antiquité perse a elle aussi ses vampires : des tessons de poterie représentant des créatures buveuses de sang ont ainsi été retrouvées. En Egypte ancienne, on peut rapprocher la figure du vampire de celle de la déesse Sekhmet, qui prend la forme d'une lionne et terrifie la population.
    Les mythologies grecques et romaines - dont on sait que la seconde découle quasiment en droite de la première - ne sont pas non plus dénuées de leurs vampires : ainsi, en Grèce comme à Rome, on parle d'empusa, de lamia ou encore de stryge. Ce mot s'est d'ailleurs popularisé pour arriver jusqu'à nous : dans les croyances anciennes, la stryge est un être hybride, mi-oiseau mi-homme, avides de sang et qui s'attaquaient aux enfants. L'empusa quant à elle, est la fille de la déesse Hécate, divinité sombre, associée à la lune et figure tutélaire de la magie. L'empusa s'introduit dans les maisons la nuit et suce le sang des personnes endormies tandis que la lamia s'attaquait quant à elle uniquement aux enfants.
    Des figures connues des mythes greco-romains peuvent être associées aux vampires, telles Circé - aussi considérée parfois comme la première sorcière - qui prépare des philtres à base de sang humain ou encore Médée, épouse de Jason et magicienne, usant d'un philtre rajeunissant lui aussi préparé avec du sang. Ainsi, en Grèce antique, on pense que les ombres et spectres qui vivent aux Enfers sont friands de sang, comme l'évoque Homère dans l'Odyssée. Comme plus tard les chrétiens qui craindront l'errance de l'âme des enfants qui n'ont pas eu le temps d'être baptisés ou des suicidés, les Grecs de l'Antiquité ont peur de l'errance de leur âme sur Terre, sans possibilité pour elle de trouver le repos : ainsi, un corps auquel on refuse une sépulture, comme celui de Polynice dans l'Antigone de Sophocle, peut devenir une âme errante et sans repos, qui peut alors se laisser attirer par l'odeur du sang. Les philosophes antiques, tels Aristée, Platon ou Démocrite débattirent très sérieusement de ce sujet. Le poète grec Théocrite comme plus tard Ovide, mentionne dans son oeuvre les empuses, spectres polymorphes pouvant tantôt se muer en créatures repoussantes et violentes soit en créatures attirantes et lascives que l'on appelle alors démons de midi.
    La naissance de cette crainte d'un être pas tout à fait mort, mais plus tout à fait vivant non plus et qui reviendrait hanter le monde terrestre, va conduire à chercher des solutions pour s'en prémunir : ainsi, en Crète, il n'est pas rare qu'un clou soit enfoncé dans le crâne d'un défunt, pour l'empêcher de revenir.
    Rome, à son tour, va chercher à se protéger du vampire, figure menaçante et insaisissable : pour ce faire, le Jus Pontificum, droit réglementant le culte et la religion romaine, stipule que les corps ne doivent en aucun cas être laissés sans sépultures. Les tombes doivent être protégées, contre les voleurs et les profanateurs, qu'ils soient naturels ou surnaturels. A Rome, la figure du vampire est associé au personnage féminin de la lamia, sorte de goule qui dévore les fœtus et effraie les enfants dans leur sommeil. La lamia est ambivalente, comme les empuses grecques : soit monstrueuse, présentant des pieds de cheval et des yeux de dragons, soit lascives, séduisante et avide de stupre, séduisant et attirant les hommes par divers artifices et maléfices.
    La stryge, démon femelle ailé et muni de serres mais aussi les onoscèles, démons aux pieds d'âne qui s'attaquent aux voyageurs sont connues à Rome et partagent des caractéristiques similaires avec la lamia.
    L'Antiquité tardive est marquée par l'expansion du culte chrétien qui, d'abord réprimé au Ier siècle de notre ère, devient religion impériale par l'édit de Milan de 313. La Bible elle aussi à son vampire, en la personne de Lilith - même si celle-ci n'y est mentionnée qu'une fois, dans le Livre d'Isaïe -, démon féminin de la tradition juive, présentée comme la première épouse d'Adam. Née comme lui du limon, elle fut finalement remplacée par Ève, après avoir refusé de se soumettre à l'autorité de son époux. Le personnage inspirera énormément le courant romantique : ainsi, poètes, auteurs et peintres s'inspireront de Lilith, dont on retrouve la trace dans d'autres civilisations, comme chez les Akkadiens ou dans la région de l'Euphrate.

                                            undefined    Circe invidiosa — Wikipédia   undefined

    La lamia, la magicienne Circé ou encore le personnage de Lilith, issu de la mythologie juive sont des inspirations anciennes et primitives du vampire


    II. La figure du vampire au Moyen Âge et pendant la Renaissance


    L'Antiquité tardive et le début de l'ère médiévale marquent en Europe la régression des croyances anciennes et des mythes païens au profit d'une christianisation presque totale des sociétés : pour autant, dans certaines régions, les croyances ancestrales ne disparaissent pas. C'est ainsi le cas en Europe de l'Est, où la mythologie slave s'efface devant la religion chrétienne, mais connaît de nombreuses résurgences. Ainsi, on retrouve dans ces régions les figures démoniaques et éthérées des Domovoï (un esprit du foyer), Rusalka (une sorte de naïade), Vila (une nymphe proche de la nature), Kikimora (un esprit de la maison aux pieds de poule, parfois présent comme le pendant féminin du Domovoï), Poludnitsa (un esprit de la nature que l'on peut rapprocher des fées ou des lutins) ou encore Vodianoï (un être qui vit dans les eaux), qui peuvent interagir avec le monde des vivants. Ces créatures étranges et malfaisantes peuvent apparaître sous des formes diverses et sont réputées pour aspirer l'énergie vitale, notamment en consommant le sang des vivants. Mais le Domovoï comme la Kikimora peuvent aussi se montrer bons : ainsi, dans une maison bien tenue, la Kikimora s'occupera de la basse-cour, tandis qu'elle prendra un malin plaisir à effrayer les enfants la nuit si la tenue de la maison ne lui convient pas.
    Ainsi, dans les croyances slaves, l'âme du défunt persiste après la mort et peut évoluer sur terre pendant quarante jours avant de rejoindre l'au-delà. Pour cette raison, en Europe orientale, on laisse ouverte une porte ou une fenêtre après un décès pour que l'âme puisse s'échapper librement et ne reste pas prisonnière. Toutefois, si tous les rituels funèbres ne sont pas respectés, l'âme est supposée avoir le pouvoir de réintégrer le corps ou de revenir hanter les vivants. Des rites précis d'enterrement permettent alors de se protéger d'une telle éventualité.
    L'esprit médiéval est confronté à un véritable problème avec le cas des morts violentes : un enfant non-baptisé, un décès subit sans avoir reçu les derniers sacrements ou celui d'un pécheur n'ayant pu faire acte de contrition (un meurtrier ou un sorcier par exemple) sont autant de cas où l'âme va refuser de quitter le corps et peut revenir hanter les vivants. On croit également en la possibilité d'une possession d'un vivant par une âme en peine qui cherche à se venger. De toutes ces superstitions va bientôt découler l'image du vampire, manifestation d'une âme en peine possédant un corps. Bien souvent, on voit le vampire comme un être horrible, un corps en décomposition mais doué d'une forme de vie, se levant la nuit de son tombeau pour venir visiter les vivants et aspirer leur énergie vitale en les mordant au cou. Très souvent, le potentiel vampire est celui qui, de son vivant, a mené une mauvaise vie. Malfaisant dans la mort, le vampire revient pour se venger de la communauté, du village dont il est issu.
    Le Moyen Âge est également en proie à des épidémies, souvent soudaines et très meurtrières, du fait de l'absence de traitements efficaces. Ainsi, l'épidémie de Peste Noire au XVIe siècle fera des millions de morts partout en Europe : les périodes d'épidémie coïncident souvent avec une frénésie anti-vampire. Mal comprises, ces épidémies qui sont souvent considérées comme des châtiments divins -on ne connaît pas alors la notion de contagion et de propagation de germes pathogènes - conduisent les populations apeurées à chercher des coupables dont peuvent faire partie les vampires, accusés de répandre le mal. Des tombes sont ainsi forcées et des corps mutilés post-mortem.
    Au Moyen Âge, on a aussi peur du manducator (littéralement le « mâcheur »), un être repoussant connu pour dévorer son linge mortuaire en produisant un bruit de mastication inquiétant. Il semblerait que ce personnage en particulier ait abouti à la fixation du mythe du vampire tel qu'on le connaît aujourd'hui. Le manducator est lui aussi souvent lié à des périodes d'épidémies, notamment de peste.
    Si l'Occident médiéval est marqué par des cas de croyances dans les vampires, en Europe ou en Allemagne, c'est sans commune mesure avec les croyances qui restent vivaces en Europe de l'Est (Bohême, Moravie, région de la Bulgarie actuelle etc.)
    Est-ce donc un hasard si les deux figures historiques authentiques que l'on associe souvent au mythe du vampire viennent de cette région ?. On peut citer bien entendu le fameux Vlad Tepes Dracul, dit « l'empaleur », qui vécut dans les Carpates au XVe siècle mais aussi la terrifiante Élisabeth Báthory, dite « la comtesse sanglante ».
    Historiquement, Vlad III Basarab est un prince chrétien orthodoxe fils de Vlad II dit le Dragon - il était melbre de l'Ordre du Dragon, d'où ce surnom, prononcé " dracul " en ancien roumain. La famille règne sur la principauté de Valachie et Vlad III est connu pour une certaine violence, dont son surnom d'empaleur est le reflet : il était réputé en effet pour empaler ses ennemis sur des pieux affutés - l'image cruelle du prince de Valachie est aujourd'hui nuancée toutefois. C'est le roman de Bram Stoker, Dracula, qui a créé au XIXe siècle un amalgame entre cette figure historique authentique et documentée (il vécut entre 1429 et 1476) et la figure mythique de Dracula. Ainsi, Vlad Tepes Dracul ne fut jamais un prince des Carpates ou de Transylvanie, ni même le propriétaire du fabuleux château de Bran, souvent considéré comme le château de Dracula. Cela n'a aucune valeur historique.
    Au XVIe siècle, une aristocrate hongroise aux pratiques plus que douteuses a défrayé la chronique et nourri la tradition vampire : Elisabeth (ou Erzsébet en hongrois) Bathory est née vers 1560 en Hongrie actuelle. Après son mariage avec Ferenc Nadasdy, ce dernier lui offre le château de Čachtice, près de la ville de Trenčín. C'est là qu'Elisabeth va se livrer à une véritable tuerie de masse, pour laquelle elle sera d'ailleurs condamnée à un emprisonnement à perpétuité. La comtesse, que l'on appelera bientôt plus que « la Comtesse Sanglante » aurait attiré chez elle de nombreuses jeunes filles de la région, peut-être pour leur proposer un poste à son service. Une fois prisonnières de la comtesse, les infortunées, étaient assassinées et disparaissaient tout simplement de la ciruclation. Certains témoignages rapportent que la " Comtesse Sanglante " commettait ces meurtres afin de recueillir le sang des jeunes filles dans lequel elle se baignait pour conserver sa jeunesse. S'il semble que les meurtres aient une certaine authenticité historique, la plupart des historiens réfutent aujourd'hui la croyance des bains de jouvence dans le sang de jeunes filles vierges. Pour autant, la légende a la vie dure et associe durablement la figure de la comtesse Bathory au mythe du vampire.

                                         Vlad Tepes bust statue also know as Dracul Dracula Photos | Adobe Stock  Élisabeth Báthory — Wikipédia

    Le prince de Valachie Vlad III Tepes et la comtesse hongroise Elisabeth Bathory sont deux figures historiques authentiques ayant alimenté le mythe du vampire 


    III. Au XVIIIe siècle, l'Europe centrale en proie à la fièvre vampirique

    Lithographie Le Vampire par René de Moraine, pour la couverture du roman de Paul féval


    Au XVIIIe siècle, avec l’avènement des Lumières qui se piquent de rationalité, on pourrait imaginer que les mythes et superstitions anciennes disparaissent, mais ce n'est pas le cas - paradoxalement, c'est justement à ce moment-là que les croyances dans les vampires sont les plus tenaces.
    Ainsi, si l'Europe de l'Ouest reste toujours peu marquée par les croyances vampiriques - même si on constate quelques cas ici ou là, ces superstitions ancestrales sont notamment battues en brèche par les philosophes qui se piquent de rationalité - l'Europe orientale est toujours secouée par des affaires semblant impliquer des vampires. Ainsi, dans les années 1720 en Autriche, le paysan Arnold Paole serait mort dans son champ, où il faisait les foins, après avoir été attaqué par un vampire. Après sa mort, de nombreuses personnes dans les environs décèdent à leur tour, suscitant une psychose. On pense que ces personne ont été victimes de l'esprit de Paole venu se venger. Cette affaire donne lieu à deux véritables « épidémies » de vampirisme, qui remonteront jusqu'à l'Empereur lui-même, puisqu'on sait que Charles VI de Hasbourg suivra attentivement l'affaire.
    C'est au XVIIIe siècle aussi que le mot vampire, notamment en Angleterre, prend son sens politique, le mot désignant un tyran suçant le sang de son peuple. Pour Voltaire, le terme prend un tour nettement anticlérical avant l'heure, le philosophe assimilant le vampire aux moines qui mangent, aux dépends des rois et des peuples.
    Il semblerait que l'Europe centrale ait été une région propice au développement de telles croyances - ou à leur survivance - du fait des nombreux conflits qui l'ensanglantèrent entre les XVIIe et XVIIIe siècles : en effet, le Saint-Empire romain germanique et les régions voisines furent souvent le théâtre de batailles violentes et de conflits longs, comme la Guerre de Trente Ans, la Guerre de Succession d'Espagne, ou encore, les Guerre de Succession de Pologne ou d'Autriche, qui entraînèrent la mort de nombreuses personnes. Les cadavres ne pouvaient pas tous recevoir de sépulture décentes et les populations étaient alors confrontées à des manifestations étranges qu'elles ne comprenaient pas alors et qui ont depuis était expliquées et rationnalisées par la médecine légale. Si l'ensevelissement rapide des victimes de ces batailles pouvait parfois conduire à l'inhumation par erreur de personnes encore vivantes - selon des médecins, il est possible de survivre encore plusieurs heures sous terre avant de mourir asphyxié - et donc à des cris étouffés ou des bruits sourds qui faisaient peur car on ne pouvait les expliquer, il est aussi avéré que le processus de décomposition d'un corps entraîne la dégradation des tissus et donc la production de gaz qui peuvent donner l'illusion d'une manifestation vitale avec des tissus qui semblent bouger... On peut aussi constater sur un cadavre du sang qui suinte, ce qui, pour les populations à l'époque, était un signe évident de vie, d'où la terreur de voir un corps mort doté d'une certaine form de vie. Le vampire devient donc l'explication toute trouvée pour justifier ces manifestations, parfaitement explicables aujourd'hui mais totalement mystérieuses et, on s'en doute, terrifiantes à l'époque. Des cas de vampirisme sont mentionnés tardivement, jusqu'à l'époque du règne de Marie-Thérèse d'Autriche, la mère de Marie-Antoinette (entre 1755 et 1780).
    Aujourd'hui, la médecine avance également comme explications la méconnaissance de certaines maladies et leur origine, comme la tuberculose, la rage ou encore, la porphyrie, trouble du métabolisme qui se caractérise notamment par des douleurs abdominales mais aussi des troubles nerveux et psychiques et qui auraient pu alimenter ce mythe du vampire, tout comme le vampirisme clinique, avéré, qui affecte certains tueurs en série.


    IV. Popularisation de la figure du vampire : Sheridan Le Fanu et Bram Stoker s'emparent du mythe

    Carmilla — Wikipédia

    Gravure illustrant le roman Carmila de John Sheridan Le Fanu : il met en scène une femme vampire et, au-delà d'aborder le mythe, le roman s'intéresse aussi aux amours féminines et lesbiennes


    Au XIXe siècle, la littérature et les arts s'emparent de la figure de vampire. On l'a vu ainsi avec le courant romantique qui s'inspire notamment du personnage de Lilith.
    Deux auteurs britanniques vont particulièrement populariser la figure du vampire dans les romans : il s'agit de Bram Stoker et de Sheridan Le Fanu, qui signent respectivement Dracula (1897) et Carmilla (1872).
    Né en 1814 à Dublin, Joseph Sheridan Le Fanu est un écrivain irlandais réputé pour ses romans et nouvelles fantastiques. Son roman Carmilla est donc l'une des premières histoires de vampire, bien avant Bram Stoker ou encore, Anne Rice.
    Publié en 1872 dans le recueil In a Glass Darkly (Les créatures du miroir), Carmilla est un court roman appartenant au mouvement gothique très en vogue au Royaume-Uni depuis le XVIIIe siècle et dont l'héroïne est une vampire.
    La fille unique d'un gentilhomme anglais installé en Styrie, du nom de Laura, recueille avec bonté une jeune fille du nom de Carmilla, à la suite d'un accident. Laura tombe sous le charme de la vénéneuse Carmilla, tandis que des signes vampiriques apparaissent dans la région...inquiet pour sa fille, l'aristocrate anglais déploie de nombreux efforts pour tenter de soustraire sa fille à ce charme maléfique mais en vain : Laura devient de plus en plus apathique, paralysée par l'amour délétère de Carmilla, monstre mi-femme mi-vampire qui la tue lentement...
    L'oeuvre est alors l'un des romans gothiques - et vampires - les plus connus, vantée notamment pour son atmosphère très puissante et mystérieuse. Laura y incarne la parfaite héroïne gothique, connue pour sa naïveté. Carmilla, quant à elle, est un personnage ambivalent, énigmatique et dangereux, au potentiel sexuel très fort. Dans son roman, au-delà du mythe du vampire, Sheridan Le Fanu aborde également la question de l'homosexualité féminine, présentée ici comme sombre, venimeuse et exaltée.
    Carmilla et Sheridan Le Fanu, qui précèdent de peu Bram Stoker ont inspiré le romancier irlandais - compatriote et quasi-contemporain de Le Fanu donc - pour la rédaction de son fameux roman Dracula, devenu aujourd'hui un classique de la littérature fantastique et horrifique. Né à Dublin, Bram Stoker passe plusieurs années de sa petite enfance alité, à cause d'une maladie invalidante mais inconnue, dont il guérira étrangement au seuil de l'adolescence. Immobilisé malgré lui, l'enfant développe un imaginaire puissant, notamment nourri par les histoires que lui raconte sa mère, où il est question de maladies - l'épidémie de choléra de 1832 avait durement touché l'Irlande - mais aussi de légendes.
    Devenu adulte, Bram Stoker visite la ville de Whitby, au nord de l'Angleterre. La cité est agréable, construite en bord de mer et surplombée par les ruines d'une très vieille abbaye. A la bibliothèque de la ville, Stoker découvre un vieux texte qui le captive : il y est question d'un prince de la fin du Moyen Âge, voïvode de Valachie, le fameux Vlad Tepes Dracul, dont nous avons déjà parlé. L'imagination de l'auteur se met en branle : Vlad Tepes devient Dracula, un mystérieux comte transylvanien qui accueille en son château un jeune notaire anglais, Jonathan Harker, qui sera témoin de mystérieuses manifestations et troublé par le potentiel de séduction de trois stryges, aussi attirantes que dangereuses. A Whitby, contemplant le port, Bram Stoker a l'idée de l'arrivée d'un vaisseau fantôme, le Demeter, dont l'équipage a été décimé par Dracula lui-même. La présence d'un chien noir sur le port fait naître alors la métamorphose du comte, qui débarque sur le sol anglais sous cette forme, tandis que c'est sur un petit banc face à la jetée que Dracula séduit la jeune Lucy Westenra, amie de Mina Harker.
    Le roman est assis sur une base solide de recherches effectuées par l'auteur, pour décrire au plus près la vie quotidienne, les croyances et le folklore des Carpates, où il n'est jamais allé.
    Son roman rencontre un succès certain et sera à l'origine de nombreux films de vampires qui, au XXe siècle, s'inspireront plus ou moins de l'oeuvre de Stoker. Récemment, Dracula été doté d'une suite, rédigée par des descendants de Stoker : Dracula l'Immortel, écrite par l’arrière-petit-neveu de Bram Stoker et un préquel, intitulé Dracula, les origines signé également par l'arrière-petit-neveu de l'auteur.

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    Le Dracula de Bram Stoker publié en 1897 et qui connut depuis un succès sans cesse renouvelé est sans nul doute l'histoire de vampire la plus connue au monde, maintes fois adaptée


    V. Vision moderne du vampire : entre répulsion et glamour, le vampire séduit autant qu'il inquiète

    Nosferatu le vampire—Mucem

    L'acteur Max Schreck incarne l'inquiétant vampire de Nosferatu le vampire, le film de Murnau en 1922


    Au XXe siècle, c'est le cinéma qui s'empare de la figure du vampire et relativement tôt d'ailleurs. Après des adaptations théâtrales, notamment du Dracula de Stoker, le cinéaste autrichien Friedrich Murnau produit ainsi son Nosferatu le vampire en 1922. Dix ans plus tard, on peut citer le film du danois Carl Theodor Dreyer, Vampyr, ou l'étrange aventure de David Gray : un certain Allan Gray s'installe un soir dans l'auberge du village de Courtempierre où, pendant la nuit, il reçoit la visite d'un mystérieux vieillard qui lui confie un grimoire traitant de vampirisme et les moyens de s'en protéger. Dès lors, le héros va être aux prises avec une femme vampire dont il doit déjouer les pièges.
    Mais l'un des plus célèbres interprètes de vampires au début du XXe siècle est probablement l'acteur américano-hongrois Bela Lugosi, qui renouvelle le genre avec son interprétation dans l'adaptation de Dracula par Tod Browning.
    Le cinéma s'est donc emparé de la figure du vampire et ne la lâchera plus, produisant ainsi de manière régulière et avec plus ou moins de succès de nombreux films dont la plupart puisent leurs sources dans l'oeuvre de Stoker, devenue un incontournable. En 1992, Francis Ford Coppola, le réalisateur d'Apocalypse Now, signe probablement l'adaptation la plus connue de Dracula, avec Gary Oldman dans le rôle du comte Dracula. L'atrice Monica Bellucci y tient le rôle de l'une des stryges sensuelles, concubines de Dracula, qui tentent de séduire Jonathan Harker (Keanu Reeves) dans le château inquiétant du comte en Transylvanie.
    Mais le XXe siècle compte aussi ses romans de vampires, qui participeront d'ailleurs à la « glamourisation » d'un personnage noir, sombre et suscitant le dégoût : l’interprétation des personnages par Brad Pitt et Tom Cruise dans l'adaptation cinématographique d'Entretien avec un vampire n'y est peut-être pas pour rien.
    Entretien avec un vampire est un roman de l'autrice américaine Anne Rice (1941- 2021), connue pour ses romans fantastiques et nouvelles érotiques entre autres. Elle se fait connaître en 1976 avec le roman Entretien avec un vampire, qui renouvelle le genre. Entretien avec un vampire est doté d'une suite en plusieurs tomes. Les romans d'Anne Rice sont vendus à près de 100 millions d'exemplaires, partout dans le monde.
    De nos jours, à San Francisco, un jeune homme, journaliste de formation, est convoqué dans une chambre d'hôtel pour y entendre le plus mystérieux des récits : Louis de Pointe du Lac, un vampire qui a traversé les siècles, se propose de lui raconter son incroyable histoire et sa rencontre avec Lestat de Lioncourt. Le roman est adapté en 1994 par Neil Jordan : Louis de Pointe du Lac est interprété par Brad Pitt, Lestat par Tom Cruise.
    Les oeuvres de fiction ayant des vampires comme héros ne s'arrête pas là. Ainsi, dans les années 2000, les adolescents dévorent-ils la série Buffy contre les vampires, racontant la lutte d'une jeune lycéenne américaine contre des créatures maléfiques et l'autrice Stephenie Meyer renouvelle-t-elle à son tour le genre en signant sa saga Twiligth, portée à l'écran avec Robert Pattinson dans le rôle d'Edward Cullen, un vampire qui séduit la jeune Bella Swann.
    Actuellement, l'image du vampire est orientée vers une vision bien plus aseptisée et lisse que celle que percevaient nos lointains ancêtres, pour qui le vampire était un être redoutable, dont il fallait absolument se protéger - d'où ces tombes parfois recouvertes de grilles ou ces squelettes que l'on retrouve les pieds et les mains liés ou bien une brique enfoncée dans la bouche.
    Toujours est-il qu'il s'agit de l'une des plus lointaines croyances au monde, qui puise ses sources dans des religions très anciennes, bien antérieures aux premiers monothéismes et même aux mythologies antiques et qui ne cessa jamais d'évoluer dans le temps. Contrairement aux croyances dans les elfes, les fées et autres créatures fantastiques, le vampire est bien plus tangible et, quelque part, beaucoup moins imaginaire. Aujourd'hui, nous savons que cette croyance est médicalement explicable et acceptable, notamment du fait d'un contexte historique propice au développement de telles légendes, notamment dans des territoires marqués par des conflits récurrents et très violents.

    Entretien avec un vampire»: 30 ans après le film avec Tom Cruise et Brad  Pitt, que vaut la nouvelle adaptation du roman d'Anne Rice?

    Dans les années 1990, Brad Pitt et Tom Cruise interprètent respectivement Louis de Pointe du Lac et Lestat de Lioncourt dans le film Entretien avec un vampire de Neil Jordan

     

     


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