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Amour et amitié ; Jane Austen
« Prends garde aux effets de pâmoison... Quoiqu'ils puissent être rafraichissants et agréables sur le moment, ils feront à la longue , crois-moi, la ruine de ta constitution s'ils se répètent trop souvent et en des heures inopportunes... »
Publié en 2021
Éditions RBA (collection Cranford)
Date de parution originale : 1790
Titre original : Love and Friendship / Juvenilia
356 pages
Résumé :
La vocation de Jane Austen fut précoce : à peine sortie de l'enfance, elle faisait les délices du cercle familial par de désopilantes parodies du roman sensationnel alors en vogue. Écrit à l'âge de quinze ans, Amour et amitié est, comme le soulignait Chesterton dans sa préface de 1922, l'une des plus grandes réussites de cette oeuvre de jeunesse. Les tribulations délirantes de la belle Laura, fanatiquement éprise de beaux sentiments et égoïste jusqu'à l'absurde, y sont narrées avec le sens aigu de l'invraisemblance et la lucidité ironique qui caractériseront les romans de la maturité. Mais c'est d'abord une farce étourdissante, volontiers sardonique, qui illustre avec éclat l'audace et l'insolence qu'Austen devait plus tard mettre en sourdine : cette jeune fille de quinze ans, remarquerait Virginia Woolf plus tard, « s'y rit du monde dans son coin ».
Ma Note : ★★★★★★★★★★
Mon Avis :
On le sait, Jane Austen est une autrice talentueuse, qui a laissé des œuvres intemporelles au patrimoine littéraire britannique et même mondial, avec des romans comme Orgueil et Préjugés, Raison et Sentiments ou encore Emma, Northanger Abbey, Persuasion, Mansfield Park. Elle est une autrice incontournable de l'ère géorgienne, quant ses compatriotes, les sœurs Brontë ou encore Elizabeth Gaskell sont plutôt des représentantes de l'époque victorienne.
Ce que l'on sait peut-être moins, c'est que Jane Austen est un talent précoce et qu'elle va s'essayer à l'écriture, pour ne plus jamais la quitter, assez tôt : on possède ainsi des traces de textes écrits dès la fin des années 1780, alors que Jane Austen a une douzaine d'années. Et certaines de ces productions sont rassemblées dans un recueil appelé Juvenilia, que j'ai eu la surprise de découvrir avec cette édition d'Amour et amitié, l'un de ses romans les plus confidentiels, publié en 1790 sous le titre Love and Freindship (oui, oui, vous avez bien lu) et qui fait lui-même partie de ses œuvres de jeunesse. On suppose qu'Amour et amitié a été inspiré à la jeune Jane Austen de quinze ans par l'une de ses cousines germaines appelée dans le recueil Madame la comtesse de Feuillide, née Eliza Hancock.
Écrit sous forme épistolaire, comme le sera plus tard Lady Susan, on pense que ce court texte avait été produit pour l'amusement de la famille, qui aimait à se réunir lors de lectures communes pendant lesquelles la jeune fille présentait certains de ses écrits à ses proches. Ce petit roman est clairement un pastiche des livres très romanesques et parfois un peu fantaisistes que pouvait lire Jane Austen dans son enfance. L'autrice prend plaisir à introduire dans son récit, qui peut ressembler dans sa forme à un conte de fées, des retours de fortune ou autres extraordinaires coïncidences, destinée à se moquer des conventions des histoires romanesques de l'époque - comme les évanouissements récurrents des personnages féminins par exemple.
L'humour, l'ironie et le ton sarcastique qui feront la marque de fabrique de l’œuvre de la maturité de Jane Austen, se trouvent déjà en germe dans ce petit roman épistolaire plein de rebondissements et dans les autres textes du recueil : nouvelles, petites pièces de théâtre et autres textes inachevés (parfois volontairement) nous donnent en effet à voir que Jane Austen, encore adolescente, était déjà une autrice confirmée, qui savait manier habilement la plume et se montrait à l'aise autant en poésie, théâtre et récits romanesques.Sur ce portrait d'adolescence, Jane Austen est en réalité déjà une autrice prolifique et talentueuse
J'avoue que je ne connaissais pas vraiment les œuvres de jeunesse de Jane Austen et encore moins Amour et amitié, supplanté par ses romans plus connus et surtout, plus récents, rédigés notamment au début du XIXème siècle, alors que Jane Austen est une adulte. C'est donc avec beaucoup de curiosité que j'ai découvert ce livre assez conséquent : plus de 350 pages tout de même ! J'avoue que, outre le fait qu'il est intéressant de voir dans quel terreau fertile l’œuvre de la maturité s'est développée, je ne resterai probablement pas marquée à vie par ces textes, qui se veulent des parodies de la littérature de l'époque, éprouvée par Austen en tant que lectrice et qu'elle semblait prendre beaucoup de plaisir à tourner en dérision - comme elle le fera par exemple dans Northanger Abbey en se moquant ironiquement de la vogue des romans gothiques. Certes, c'est assez fou de se dire qu'à quinze ans et même un peu avant, Jane Austen avait la maturité intellectuelle nécessaire et aussi le talent pour pasticher tous ces romans à la mode en son temps, n'hésitant pas à se moquer avec plaisir de leurs petits travers - et par là, des petits travers de la société géorgienne dans laquelle elle évolue.
Mais le fait de forcer le trait rend les textes parfois peu crédibles et, même si c'est voulu, j'avoue que je n'y ai pas été très sensible et je ne me suis pas toujours sentie très convaincue par ce que je lisais - c'est peut-être aussi pour ça que j'ai mis autant de temps à le lire, l'abandonnant parfois pendant plusieurs jours avant de le reprendre.
Pour autant, ce n'est pas désagréable à lire et on constate que, si on connaît essentiellement Jane Austen comme romancière, elle fut aussi poétesse et dramaturge avec tout autant de facilité (et même un peu historienne, une historienne peu fiable cependant quand elle s’attelle avec plaisir à nous raconter l'histoire des rois d'Angleterre depuis la fin du Moyen Âge). Un classique à découvrir sans nul doute si vous vous intéressez à toutes les facettes de l’œuvre d'Austen, même celles qui sont plus confidentielles.En Bref :
Les + : le style de l'autrice, déjà bien maîtrisé, la multiplicité des textes qui nous font passer de nouvelles à des poèmes en passant par de petites pièces de théâtre.
Les - : des textes parfois toujours très crédibles et même si c'est voulu, j'avoue ne pas avoir toujours été convaincue.
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Tags : Classiques, XIXème siècle, Recueil, Théâtre, Nouvelles, Roman épistolaire, Textes de jeunesse, Littérature britannique