• Mille femmes blanches ; Jim Fergus

    « Il faut vivre chaque journée comme elle vient, et refuser tant les regrets que les inquiétudes pour l'avenir. »

     

     

      Publié en 1998 aux Etats-Unis

      En 2018 en France (pour la présente édition)

      Titre original : One Thousand White Women

      Editions Pocket

      494 pages 

      Premier tome de la saga Mille femmes blanches 

     

     

     

     

     

    Résumé :

    En 1874, à Washington, le président Grant accepte la proposition incroyable du chef indien Little Wolf : troquer mille femmes blanches contre chevaux et bisons pour favoriser l'intégration du peuple indien. Si quelques femmes se portent volontaires, la plupart viennent des pénitenciers et des asiles... L'une d'elles, May Dodd, apprend sa nouvelle vie de squaw et les rites des Indiens. Mariée à un puissant guerrier, elle découvre les combats violents entre tribus et les ravages provoqués par l'alcool. Aux côtés de femmes de toutes origines, elle assiste à l'agonie de son peuple d'adoption...

    Ma Note : ★★★★★★★★

    Mon Avis :

    En 1874 à Washington, le président des Etats-Unis, Ulysses S. Grant reçoit le chef cheyenne Little Wolf. Les deux hommes scellent un pacte des plus surprenants : contre mille chevaux cédés par les Amérindiens aux « Blancs », ces derniers enverront mille femmes blanches chez les Cheyennes, dans le but d’accroître la natalité de ce peuple indien mais aussi, de commencer l’insertion dans le monde « civilisés » des peuples Natifs.
    Le programme BFI (« Brides for Indians ») est donc mis en place dans le plus grand secret : sur la base du volontariat, plusieurs femmes, au printemps 1875, prennent le chemin de l’ouest américain, où elles vont épouser des Indiens cheyennes et s’insérer dans leur communauté. Mais, officieusement, elles sont là pour servir le gouvernement américain et tenter d’amener leurs maris à se soumettre aux volontés de Washington : au 1er février 1876, tous les peuples indiens devront avoir rejoint les Agences (doux euphémisme pour ne pas parler de « réserves ») où seront mis à leur disposition un territoire, des maisons et la perspective d’une éducation à l’américaine pour leurs enfants, notamment ceux nés des femmes blanches et destinés à créer un véritable trait d’union entre leurs deux cultures.
    Parmi ces volontaires, May Dodd, une jeune femme originaire de Chicago. La jeune femme voit dans ce programme gouvernemental la possibilité de recouvrer la liberté, après avoir été enfermée arbitrairement par sa famille bourgeoise à l’asile, sous prétexte que May avait choisi une voie non-conventionnelle et eu des enfants hors mariage, avec un homme qui n’était pas issu de son milieu. Sans hésiter, mais non sans appréhension, May prend donc le chemin du sud-ouest des Etats-Unis, le pays des Grandes Plaines, encore sauvage et où vivent les Indiens. May sera choisie comme épouse par Little Wolf, le chef des Cheyennes du Nord.
    A ses côtés, des femmes de milieux et d’horizons différents : Gretchen, une jeune Suissesse dont les parents fermiers avaient émigré aux Etats-Unis et qui est habituée à une vie campagnarde et rude, Meggie et Suzie Kelly, deux petites frappes irlandaises originaires de Chicago et qui ont trempé dans des affaires louches, Ada Ware, qui a connu l’asile comme May, Martha, timide mais déterminée à trouver une vie meilleure ailleurs, Daisy, une jeune femme du Sud pleine de préjugés mais qui tombera bien vite le masque, Helen Flight, une jeune Anglaise excentrique et avide d’aventures…en tout, c’est une quarantaine de femmes qui rejoint la tribu de Little Wolf et découvre la vie des Amérindiens, si différente de celle qu’elles ont connue jusque-là.
    Au XIXe siècle, l’assimilation des peuples Amérindiens n’en est qu’à ses débuts. Ceux-ci continuent de vivre de manière ancestrale, dans les grands territoires qui ont toujours été les leurs. Chasseurs et cueilleurs, les Cheyennes sont nomades et se déplacent tout au long de l’année au gré de la circulation des bisons, qu’ils chassent pour leurs peaux et pour leurs viandes.
    Pour May et ses compagnes, le dépaysement est total. Tout d’abord, les nouvelles épouses sont confrontées aux rites et coutumes d’un peuple qui, parfois, se heurtent à leurs propres valeurs ou à leur manière de pensée. Par exemple, May n’est pas l’unique épouse de Little Wolf : elle doit ainsi partager sa « loge » avec deux autres femmes et les enfants de ces dernières. Si la première épouse se montre d’ailleurs assez hostile, May finit par nouer des liens d’amitié avec la plus jeune, Feather on Head.
    Peu à peu, les femmes Blanches s’intègrent à cette nouvelle vie…et pourtant, le compte à rebours commence et les rares liens conservés avec la civilisation blanche, notamment par le biais des campements militaires basés dans le Wyoming ou le Nebraska, ne sont pas sans le leur rappeler : l’hiver prochain, les Indiens devront avoir rejoint les Agences mises à leur disposition. Sinon, ils seront considérés comme hostiles et les Américains leur déclareront la guerre. Enceintes, la plupart des épouses se retrouvent donc écartelées entre leur pays d’origine, pour lequel elle se sont engagées dans cette mission, et leur peuple d’adoption qui, s’il continue de les choquer par certains aspects de sa culture, a su aussi les intégrer et leur faire une place.
    Nous découvrons cette histoire à travers les journaux et les lettres de May Dodd, désireuse de laisser sur papier la trace de son aventure indienne. Peu à peu, la jeune femme se dévoile et nous la suivons dans son nouveau quotidien indien, dépouillé de toutes les fioritures de la civilisation, plus simple, plus proche de la nature et de ses cycles. Les jeunes Américaines découvrent une population à la société parfois plus égalitaire que celle qu’elles ont pu connaître chez les « Blancs » : ainsi, la principale conseillère de Little Wolf est une femme, une sorte de chamane…
    Surtout, elles se rendent vite compte que le gouvernement de Grant les a totalement abandonnées : le programme BFI n’ira jamais à son terme et les milles femmes blanches promises ne viendront jamais, à l’exception des quarantaines déjà « livrées », pour parler trivialement. Dès lors, que faire ? Prendre fait et cause pour les Indiens ou tenter malgré tout et malgré la répulsion qu’elles peuvent éprouver pour la mission qu’on leur a assignée, de mener celle-ci à bien ? N’est-ce pas d’ores et déjà voué à l’échec ?

    Tout ce que vous ne savez pas sur les Indiens d'Amérique - Ça m'intéresse

    Photographie d'Amérindiens, au XIXe siècle : leur société est alors encore préservée et très ancestrale. 


    Si des programmes assez similaires à celui du BFI ont réellement existé (les Filles du Roi, en France qui, au XVIIe siècle, étaient envoyées dans les colonies ; les Britanniques envoyées au XIXe siècle en Australie et en Nouvelle-Zélande pour y contracter des mariages et peupler ces nouvelles terres), ce dernier est totalement fictionnel et implique des mariages mixtes, ce qui n'était pas le cas pour les Filles du Roi, qui partaient dans les colonies épouser des compatriotes, tout comme les jeunes Britanniques recrutées pour aller se marier en Océanie. Toutefois, l’auteur s’est appuyé sur des faits historiques authentiques : on sait par exemple que le président Grant eut un entretien à Washington avec Little Wolf, le chef des Cheyennes du Nord, en 1874. On ne sait pas cependant ce qu’ils ont pu se dire à cette occasion. Toujours est-il que c’est à cette même époque que sont développées les réserves, promises à un triste mais pérenne avenir, puisqu’elles existent encore aujourd’hui. Partant de là, Jim Fergus a imaginé un cynique échange et un moyen machiavélique des Américains pour circonvenir les Indiens en leur donnant des femmes blanches et, de fait, de futurs enfants métis qui doivent devenir les porte-paroles, comme leurs mères, de nouvelles manières de vivre.
    Ce roman a été beaucoup vu, beaucoup lu. J’hésitais donc depuis longtemps à me lancer à mon tour et c’est donc après maintes tergiversations que je me suis enfin lancée dans Mille femmes blanches. Au cours de ma lecture, j’ai lu par curiosité quelques critiques d’autres lecteurs et j’en suis arrivée à la conclusion que Mille femmes blanches est assez clivant. Fascinant et excellent pour certains, il est aussi l’objet d’avis bien plus réservés voire négatifs. Si je ne partage pas l’avis catégorique de certains lecteurs qui parlent d’un roman raciste et misogyne (peut-être Mille femmes blanches véhicule-t-il des idées qui peuvent aujourd’hui nous choquer, mais il ne faut pas oublier que son intrigue se passe 150 ans en arrière, dans un contexte qui n’est plus du tout le nôtre – et en aucun cas je n’ai eu l’impression que Jim Fergus diffusait ici ses propres idées), je ne ferai pas non plus partie des lecteurs complètement conquis par ce roman. Je m’explique…
    Avant de le lire, j’ai eu l’impression que ce roman rencontrait un succès fou et fascinait beaucoup. Il est vrai qu’il aborde des sujets intéressants et qui font réfléchir : des « Blancs » ou des Amérindiens, qui est véritablement le sauvage ? Le volontariat des femmes blanches – et donc, par là même, leur consentement – est-il véritablement une réalité ou une pure mystification ? Le roman confronte aussi une civilisation occidentale déjà tentaculaire à ses propres limites.
    Pour autant, je n’ai pas du tout eu l’impression que Mille femmes blanches était un roman vraiment révolutionnaire ou extraordinaire, dans le sens littéral du terme. J’ai eu l’impression de lire un roman qui, certes, aborde des sujets percutants (consentement, féminisme, colonisation) mais qui est un roman historique assez traditionnel dans sa forme et qui ne m’a pas plus surprise ni plus bousculée que ça. Ai-je eu le grand roman que j’attendais ? Non, peut-être pas. Cependant, j’ai vraiment beaucoup aimé les descriptions des paysages, de cette nature encore préservée et grandiose, l’immersion dans le quotidien des Amérindiens, loin de tous les clichés éculés que l’on peut lire sur eux : je sais que certains lecteurs ont reproché à Fergus une vision perçue comme offensante des Indiens d’Amérique. Pour ma part, j’ai eu l’impression qu’au contraire, l’auteur livre une vision assez nuancée, sans tomber dans la complaisance mais sans faire siens pour autant les arguments racistes qui voulaient que les Indiens soient des « barbares » ou des « sauvages » qu’il fallait sauver par la civilisation – car après tout, qu’est-ce que la civilisation ? Vaste sujet. Et si, au départ, les jeunes femmes blanches peuvent encore réfléchir de cette manière, imprégnées qu’elles sont par leur culture d’origine, elles finissent aussi par changer peu à peu d’opinion, au contact de ces hommes et de ces femmes, somme toute pas si différents, qui ne vivent certes pas comme elles mais connaissent les mêmes sentiments, les mêmes joies ou les mêmes peines – c’est seulement la manière de les exprimer qui est différente. J’ai eu l’impression que le roman célébrait aussi l’universalité des sentiments humains et la communauté que nous pourrions trouver avec l’autre, si nous parvenions à nous dépouiller entièrement de tous nos préjugés ou idées préconçues.
    Enfin, même si cela n’est pas directement imputable au romancier, je soulèverais un petit bémol : la façon dont ce roman est présenté laisse entendre que ce qui est raconté dans le roman est une histoire vraie, ce qui est entièrement faux. Certes, l’auteur s’est inspiré de personnages historiques (Ulysses S. Grant est bien président des Etats-Unis à cette époque, le chef cheyenne Little Wolf a existé également même si Fergus en fait ici un personnage romancé) et d’événements (batailles, traités) authentiques mais je trouve dommage qu’aucun avertissement véritable clair ne soit pas présenté au début du roman, afin d’éclairer le lecteur sur ce qu’il va y trouver. Alors bien sûr, on peut se douter qu’un tel échange (des femmes contre des chevaux) est particulièrement cynique, mais quand il s’agit d’arriver à leurs fins, les politiques sont capables de faire preuve d’une imagination débordante, alors, pourquoi pas ?
    Pour conclure, je dirais que, malgré quelques réserves, je ressors de cette lecture convaincue. Je craignais de ne pas aimer et finalement, ce ne fut pas le cas, même si je n’ai pas particulièrement adhéré aux personnages, notamment à May Dodd, ce qui est dommage puisqu’elle est la narratrice. Je regrette aussi que la charge émotionnelle des derniers chapitres n’ait pas été plus présente dans le reste du roman. Peut-être peut-on reprocher quelque peu sa froideur, par moments, à Mille femmes blanches. Pour autant, c’est avec plaisir et curiosité que je lirai la suite et je ne peux évidemment que vous recommander de le lire si vous aussi, vous êtes intrigués.

    Cheyenne - Les Indiens d'Amérique du Nord

    En Bref :

    Les + : un roman historique qui a le mérite de mettre en avant une histoire assez méconnue et traumatique, celle des Amérindiens que l'on va confiner dans des réserves au nom d'une prétendue mission civilisatrice. 
    Les - : un manque cruel d'empathie pour les personnages, c'est dommage.  


    Mille femmes blanches ; Jim Fergus

     

      Mémoires de la baronne d'Oberkirch sur la cour de Louis XVI et la société française avant 1789 ; Henriette Louise de Waldner de Freundstein, baronne d'Oberkirch LE SALON DES PRÉCIEUSES EST AUSSI SUR INSTAGRAM @lesbooksdalittle 


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