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La mare au diable ; George Sand
« Quand je l’eus regardé labourer assez longtemps, je me demandai pourquoi son histoire ne serait pas écrite, quoique ce fût une histoire aussi simple, aussi droite et aussi peu ornée que le sillon qu’il traçait avec sa charrue. »
Publié en 1999
Éditions Flammarion
Date de parution originale : 1846
190 pages
Résumé :
De grands écrivains, George Sand en particulier, ne sont ce qu'ils sont que pour avoir jalousement préservé, dans un coin de leur âme, malgré les pourritures de la maturité, les grâces exquises de leur enfance ou de leur adolescence, c'est-à-dire ces rêves azuréens d'avenir dont ils ont enchanté un présent noir ou gris. Le miracle de La Mare au diable, n'est-ce pas cela ? A la faveur d'un souvenir ancien, c'est le rêve évangélique d'une pureté d'adolescente possédant, avec le respect de soi, le besoin de servir et d'aimer, la vraie noblesse et la vraie distinction - qui vient, après tant de calamités et, peut-être, de noirceurs, promettre le salut à cette femme de lettres, qu'on avait nommée Aurore.
Ma Note : ★★★★★★★★★★
Mon Avis :
Si un livre n'a jamais aussi mal porté son nom, c'est bien celui-là car il n'y a absolument rien de diabolique dans La mare au diable, bien au contraire.
Dans ce court récit datant de 1846, George Sand a voulu rendre un hommage tendre et touchant au monde paysan et à son pays de cœur, le Berry, où elle possède une maison dans le bourg de Nohant. Faisant de très fréquents séjours dans la région, mais aussi dans la Creuse, George Sand a su se faire adopter de ce pays où l'on dit que les légendes sont encore bien vivaces.
Ici, l'autrice nous livre un roman champêtre comme elle en a le secret, dans la lignée de La petite Fadette ou encore, de François le Champi. La mare au diable pourrait être considéré comme une sorte de roman régionaliste avant la lettre, où les gens simples sont les véritables héros. Mais nous sommes loin du roman social d'un Zola, où la vie campagnarde s'accompagne d'une sourde violence dans La Terre et où les paysans sont des personnages frustes et brutaux. Aucune commune mesure non plus avec un Eugène Le Roy, qui dépeint avec force drame le quotidien des paysans périgourdins du début du XIXe siècle dans Jacquou le Croquant.
Ici, le récit est empreint de douceur et d'une certaine beauté naïve. Nous sommes dans un petit village du Berry, donc. Le narrateur, peut-être George Sand elle-même, évoque un tableau de Holbein, représentant un laboureur harassé derrière sa charrue, traînée par des chevaux étiques aiguillonnés par un squelette qui bondit dans le sillon voisin. De là va naître dans son esprit l'histoire de Germain, un jeune paysan berrichon du début du XIXe siècle. Par chance, le jeune homme est bien plus heureux que le laboureur fatigué de Holbein...pourtant, l'histoire commence alors que Germain est convoqué par son beau-père, le père de sa défunte épouse Catherine. Morte depuis deux ans, celle-ci a laissé Germain avec leurs trois jeunes enfants. Comme c'était souvent le cas à l'époque, plusieurs générations cohabitent sous le toit du père Maurice et de son épouse...et parce que la vie de paysan est rude, soumise aux cycles de la nature et à ses aléas le père Maurice incite son gendre, pour lequel il a beaucoup d'affection, à reprendre femme, afin de donner une mère à ses petits. Le vieil homme, en réalité, a déjà une idée en tête et lui soumet le nom d'une riche veuve de son âge, qui vit dans un village proche. Malgré ses réticences à se remarier, Germain décide d'obéir au père Maurice et d'aller rencontrer celle qui pourrait devenir sa femme. Mais rien ne va se passer comme prévu...
Répondant à la sollicitation d'une vieille amie de ses beaux-parents, Germain accepte d'accompagner sa fille, la jeune Marie, chez ses nouveaux patrons, dans une ferme à quelques kilomètres de là. Sur le chemin, Germain rencontre son fils aîné, qui veut absolument accompagner son père chez sa future fiancée...le trio s'engage alors dans une forêt épaisse où il se perd...contraints de dormir à la belle étoile, Germain, Marie et le petit Pierre campent non loin de la mare au diable, que l'on dit ensorcelée dans le pays et qui est l'objet de multiples légendes.
Mais non loin de la mare, c'est un bien plus doux sentiment qui va s'ouvrir dans le cœur de Germain, pour sa jeune compagne, qui le repousse pourtant...
Si, aujourd'hui, La mare au diable est peut-être moins connu, il a rencontré un grand succès public dès sa sortie à la fin des années 1840 et a contribué à forger la réputation de George Sand.
Portrait circonstancié de la vie paysanne dans un temps donné, mais aussi hymne à la nature (et j'ai déjà eu l'occasion de me rendre compte que George Sand avait une sorte de conscience écologique, pour autant que ce terme soit anachronique ainsi appliqué à une autrice du XIXe siècle), La mare au diable est aussi le roman du renouveau et des amours simples. Les personnages y sont attachants et l'autrice y décrit avec passion, on le sent, les paysages des campagnes de ce Berry qu'elle aime tant.Encore très rural, le Berry a avait su séduire George Sand qui s'y établit durablement : c'est encore aujourd'hui le cas. La région mise de plus en plus sur le « slow » tourisme.
On a aussi le sentiment que George Sand, née en 1804, morte en 1876, est la contemporaine d'un siècle où les événements soudain s'accélèrent. Elle le dit d'ailleurs elle-même, lorsqu'elle souligne que les progrès de son siècle sont au moins aussi importants que ceux qu'avaient connus la France dans tous les siècles précédant la Révolution. Aux premières loges de la révolution industrielle qui va faire entrer l'occident de plain-pied dans une modernité galopante, George Sand, adepte d'une vie plus simple, plus dépouillée, est aussi la spectatrice des profondes mutations que cette nouvelle société est en passe d'opérer sur des mondes (celui de la campagne, de la paysannerie) qui jusqu'ici, avaient été peu touchés. On sent que l'autrice, avec une certaine urgence, peut-être, veut coucher sur le papier, conserver, peut-être avant qu'elles ne disparaissent, des coutumes ancestrales.
Ce faisant, elle nous livre un récit qui peut apparaître comme un peu naïf...ou prévisible. Certes. Il n'en est pas pour autant désagréable. Assez poétique, la plume de George Sand se lit toutefois très bien et le roman est fluide et accessible. Quelque part, on peut dire aussi que La mare au diable est un récit intemporel, car les thèmes qui y sont abordés résonnent encore aujourd'hui, peut-être justement parce que nous connaissons depuis quelques années un retour à la nature après des décennies de progrès mais aussi de destruction de l'habitat et de la qualité de vie - et le roman nous invite aussi à découvrir ou redécouvrir la beauté de la campagne française. Alors certes, celle que George Sand a connue n'existe plus vraiment, pour autant, nous pouvons encore aujourd'hui en profiter ou, du moins, faire en sorte d'en profiter encore longtemps en protégeant ce qui peut encore l'être, comme l'autrice nous enjoint de manière détournée à le faire. Roman optimiste, on ressort de la lecture de La mare au diable avec un sentiment que tout n'est pas perdu et qu'il suffit d'y croire. On dit que tant qu'il y a de la vie il y a de l'espoir. Quand on a lu La mare au diable, on peut dire aussi que quand il y a de l'espoir, forcément, il y a de la vie.
Une chouette lecture, qui m'a très agréablement surprise car elle ne m'a pas offert ce que j'attendais, mais j'ai malgré tout beaucoup aimé, tant le style que la petite histoire, qui ne paye pas de mine mais qui justement, n'en est que plus agréables.Gravure du XIXe siècle pour une édition de La mare au diable : on peut y voir Germain, son fils Petit-Pierre, sur le dos de la jument, et la jeune Marie.
En Bref :
Les + : récit intemporel et bien écrit, d'une plume maîtrisée et poétique, La mare au diable est un petit roman simple mais qui porte en lui beaucoup de sentiments et d'espoir.
Les - : l'histoire est peut-être un peu trop prévisible.
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Tags : Roman, Classiques, Roman régionaliste, XIXème siècle, Littérature française
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