• Claudine à l'école ; Colette

    « Adieu, la classe ; adieu, Mademoiselle et son amie ; adieu, féline petite Luce et méchante Anaïs ! Je vais vous quitter pour entrer dans le monde; ça m'étonnera bien si je m'y amuse autant qu'à école. »

     

     

     

     Publié en 2010

     Éditions Le Livre de Poche

     Date de parution originale : 1900

     255 pages 

     

     

     

     

     

    Résumé :

    Un titre bien sage pour un roman qui l'est moins. Claudine le reconnaît : « Vrai, cette école n'est pas banale ! » Comment pourrait-elle l'être ? 
    Les élèves ont des personnalités peu communes : la grande Anaïs que Claudine qualifie de menteuse, filouteuse, flagorneuse, traîtresse, possède en outre « une véritable science du comique » ; les Jaubert sont agaçantes à force de sagesse ; Marie Belhomme « bébête, mais si gaie » ; Luce, charmeuse autant que sournoise ; et les autres, « c'est le vil peuple ». Quant aux maîtresses...Mlle Sergent, « la rousse bien faite », aussi intelligente que laide, est tout yeux pour son assistante, Mlle Aimée, la bien nommée. Ajoutez les instituteurs des garçons, le pâle Duplessis et le vaniteux Rabastens, le médecin scolaire, le Dr Dutertre, aux dents de loup, qui aime s'attarder auprès des grandes...et vous obtenez un mélange détonant. Pour parfaire l'ensemble, c'est une Claudine débordante de vitalité, excessives dans ses élans, qui mène la ronde. 

    Ma Note : ★★★★★★★★★

    Mon Avis :

     Ne vous laissez pas abuser par le titre somme toute naïf et légèrement enfantin de ce premier roman de Colette, publié en 1900. Son contenu est bien moins anodin qu’il n’y paraît.
    Déjà, pour comprendre ce roman, il faut se remettre dans le contexte de son écriture : en 1900, Colette est une jeune mariée. Elle a épousé Henry Gauthier-Villars, dit Willy, en 1893 et a déménagé avec lui à Paris. Là, dans la capitale, ils mènent une vie mondaine mais relativement oisive pour Colette, qui va finir par s’ennuyer. Découvrant le talent d’autrice de son épouse, Willy va l’encourager et la pousser à écrire. Colette s’attelle alors, sous la houlette relativement peu tendre de son époux, à l’écriture de ce qui va devenir son premier succès et un phénomène éditorial : les Claudine. Le premier volume, Claudine à l’école, paraît en 1900. C’est un texte semi-autobiographique, dans lequel Colette, derrière le personnage de la jeune et mutine Claudine, raconte ses souvenirs de jeunesse provinciale à Saint-Sauveur-en-Puisaye, devenu Montigny dans le livre. En 1901, sans la consulter, Willy, qui a joint son nom à celui de Colette, signant une œuvre qu’il n’a pas écrite, cède les droits de Claudine à ses éditeurs. Colette ne lui pardonnera pas cette trahison. Elle écrira à ce propos : « Je le trouve d'une taille, et d'une essence, à inspirer et à supporter la curiosité. Ce qu'il faudrait écrire, c'est le roman de cet homme-là. »
    Dès sa parution, Claudine à l'école rencontre un véritable succès commercial : on s’habille Claudine, avec la popularisation du col Claudine (le col de la robe que Colette porte sur la couverture de l’une des éditions de Claudine à l’école), on mange Claudine puisque des glaces et des gâteaux vont porter son nom, on se parfume Claudine avec la lotion homonyme et le roman sera même adapté au théâtre des Bouffes, l’héroïne de Colette interprétée par la comédienne Polaire.
    Mais alors, Claudine à l’école, ça raconte quoi ? Il s’agit d’un roman au synopsis assez simple puisqu’il s’agit de raconter le quotidien d’une jeune écolière de quinze ans dans l’école de son village. Claudine est une jeune fille espiègle, plus vraiment une enfant et pas encore une jeune femme, pile dans cet « âge ingrat » que l’on n’appelle pas encore l’adolescence. A l’école de Montigny, elle fait la loi car piquante, ayant de l’esprit, elle n’hésite pas à tenir tête aux institutrices, ni même à jouer de nombreux tours à ses camarades.
    Mais loin d’être simplement le portrait d’un quotidien qui pourrait être assez morne, Claudine à l’école raconte aussi ce que les élèves voient. Et comme le dit Claudine elle-même, cette école n’est pas banale, entre la directrice, Mlle Sergent, qui semble éprouver un doux intérêt pour son assistante, la douce Mlle Aimée, les deux instituteurs de l’école des garçons, dont l’un semble lui aussi très épris de la bien-nommée assistante, le médecin scolaire, le Dr Dutertre, qui a les mains baladeuses avec les élèves…
    Connaissant la carrière d’écrivain « polisson » de Willy, on peut légitimement se poser la question : quelle est sa part dans le roman et quelle est celle de Colette ?

     

    Claudine à l'école ; Colette

    L'actrice Polaire incarnant Claudine pour le Théâtre des Bouffes


    Et pourtant, lorsqu’on connaît aussi bien la plume de Colette, on ressent dans ce roman les premières fulgurances d’un style unique et appelé à se développer, à s’étoffer, dans les productions suivantes. La plume sensuelle, très évocatrice du Blé en Herbe, des Vrilles de la Vigne, de Sido…se forme aussi, certes, non sans maladresses mais préfigure déjà la beauté poétique de la suite, dans des paragraphes aux descriptions fines, notamment des paysages. On y trouve aussi le premier personnage animalier, l’altière chatte Fanchette, alter ego de Saha (La Chatte) ou encore de Kiki-la-Doucette (Dialogues de bêtes, Les Vrilles de la Vigne).
    Roman d’apprentissage, Claudine à l’école, sous couvert de fiction, annonce ce que Colette fera si bien dans la suite de son œuvre : se raconter, dans une sorte de nostalgie heureuse qui évoque la vie campagnarde et provinciale de la fin du XIXème siècle et les souvenirs de l’enfance.
    Certes, comme je le disais plus haut, ce n’est pas sans maladresses mais il faut bien garder en mémoire que Claudine à l’école est une première production. Il est normal que ce ne soit pas parfait.
    C’est un peu grivois et peut-être, si c’est quelque chose que vous n’aimez pas forcément dans les romans, cela vous gênera-t-il. Mais Claudine et ses jeunes camarades ont des yeux pour voir et, à quinze ans, ne sont plus si naïves qu’elles ne comprennent pas ce qui se passe entre les adultes. Claudine à l’école peut même être considéré comme avant-gardiste, notamment par sa mise en avant sinon d’amours, du moins d’affections lesbiennes non dissimulées : est-ce un hasard, d’ailleurs, si les premiers élans de cœur, certes informulés et peut-être inconscients mais bien visibles pour le lecteur, pour Claudine, se dirigent vers la charmante Aimée Lanthenay ?
    Pour autant, et c’est d’ailleurs ce que j’avais principalement retenu de ma première lecture de ce roman, Claudine à l’école n’est pas qu’un roman un peu chaud qu’on lirait sous le manteau. C’est aussi une description de l’école d’antan, quand elle n’était pas encore mixte, quand on enseignait aux jeunes filles autant de couture et de cuisine que d’arithmétique, d’histoire ou d’orthographe. C’est l’époque des poêles dans les salles de classe, que l’on doit allumer chaque matin pour espérer se tenir chaud, dans de vieux bâtiments ouverts aux courants d’air. Et, dans les cours d’école, on joue aux billes, tandis que les sabots de bois résonnent sur le sol de la cour de récréation. On écrit au porte-plume et la belle encre épaisse est conservée sur les pupitres de bois, dans des encriers…c’est une école et une époque disparues qui sont décrites ici et, comme Colette aimera à le faire par la suite, on sent qu’elle se délecte de saisir ce prétexte pour dérouler ses propres souvenirs. Ainsi, Claudine et Colette se fondent-elles en un même personnage un peu flou et l’on ne sait plus où commence le roman et où se termine la réalité. Une fusion d’ailleurs, qui finira par peser à l’autrice qui aimerait redevenir elle-même et non pas seulement l’alter ego de Claudine, preuve que ce personnage au départ imaginé par Willy mais développé par le talent de Colette, a dépassé son maître, au point de la dévorer.
    A lire, si vous aimez Colette, mais que l’on comprend peut-être mieux si l’on a lu d’autres œuvres de l’autrice auparavant : l’œuvre de jeunesse prendra alors tout son sens, selon moi. Je me suis d’ailleurs rendu compte qu’avec quinze ans de recul, je n’appréhendais pas la lecture de Claudine à l’école de la même manière qu’à seize ans et je suis ravie de l’avoir relu avec un nouvel éclairage et une meilleure connaissance de l’œuvre de Colette ainsi que de la femme derrière l’autrice.  

    Claudine à l'école ; Colette

    La petite Sidonie-Gabrielle Colette et l'écolière qu'elle a été ont probablement inspiré l'autrice Colette devenue adulte pour imaginer son personnage de Claudine

    En Bref :

    Les + : Derrière un titre un peu naïf, léger et enfantin, ce cache un roman bien moins anodin qu'il n'y paraît...on sent se profiler la plume très sensuelle de Colette, une plume déjà prometteuse dans ce premier livre.
    Les - : des maladresses, des longueurs mais qui se justifient dans le fait que nous sommes là face à un premier roman.


    Claudine à l'école ; Colette

    Mémoires de la baronne d'Oberkirch sur la cour de Louis XVI et la société française avant 1789 ; Henriette Louise de Waldner de Freundstein, baronne d'Oberkirch LE SALON DES PRÉCIEUSES EST AUSSI SUR INSTAGRAM @lesbooksdalittle 


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  • Commentaires

    1
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