• Une famille française, tome 1 ; Jean-Paul Malaval

    « La terre lui avait forgé ce caractère, comme il avait forgé le relief de son domaine, sans pitié. »

    Une famille française (1)

     

     

     

      Publié en 2012

      Éditions Pocket

      428 pages 

      Premier tome de la saga Une famille française

     

     

     

     

     

    Résumé :

    A Saint-Ségur, en Corrèze, les Monestier règnent sur la Renaudière depuis le XVe siècle. En cet été 1910, Angel, le patriarche, compte sur le riche mariage de sa fille Clémence pour assurer l'avenir. Et puis, le temps venu, Paul, l'aîné, prendra la relève...Mais la Grande Guerre vient bouleverser la paisible destinée du domaine. Et les temps changent : l'évolution des mentalités, les progrès techniques, la nouvelle économie obligent l'intransigeant Angel Monestier à s'adapter à ce monde qu lui échappe. La prospérité de la Renaudière est à ce prix...

    Ma Note : ★★★★★★★★★★

    Mon Avis :

    1910. Le roman s’ouvre sur le mariage de Clémence, la fille du patriarche de La Renaudière, Angel Monestier. Et pour sa première fille mariée, ce dernier a voulu mettre les petits plats dans les grands. On ne regarde pas à la dépense, surtout s’il s’agit d’en remontrer à la belle-famille, ces Brillat qui ne valent pas les Monestier car, sur ces terres corréziennes de Saint-Ségur, on a beau être paysan, on n’en respecte pas moins une certaine hiérarchie : le paysan aisé regardera de haut le cultivateur modeste qui lui-même ne fraiera pas avec le métayer, qui dépend d’une terre qui n’est pas à lui. Et quand sa famille est propriétaire de la même ferme depuis le XVème siècle, comme c’est le cas d’Angel, on ferait presque partie des notables du village, presque à égalité avec le maire, l’instituteur et le médecin.
    La Corrèze du début du XXème siècle est une terre rurale et paysanne. L’exode rural n’est pas encore massif, les villages sont peuplés, dynamiques, vivants. Le métier d’agriculteur est encore peu mécanisé, assez identique à ce qu’il était au siècle dernier mais les rendements sont au rendez-vous : on vit avec peu, on vit avec moins qu’aujourd’hui. Les crises financières ne sont pas encore passées par là, l’inflation non plus. Plusieurs générations vivent souvent sous le même toit et vivent du même produit de la terre.
    Mais, quand commence le roman, si ce monde rural et paysan n’a jamais semblé si puissant et si immuable, il est pourtant en train de pousser son chant du cygne. Dans quatre ans, la conflagration de la Grande Guerre de Quatorze va ébranler le monde entier sur ses bases et toutes les terres françaises, jusqu’aux plus reculées, comme ici au cœur de la Corrèze. Les hommes partent, mobilisés pour défendre la patrie : aux fourches et aux bêches, sont substitués des fusils. A défaut de travailler la terre, on s’enterre dans les tranchées et on s’y fait, bien souvent, trouer la peau. A la campagne il faut s’organiser : les plus âgés et les plus jeunes se mettent au travail, deux fois plus. Et surtout, les femmes qui, en plus des tâches domestiques, reprennent à bout de bras les exploitations, travaillant comme les hommes et permettant aux fermes de perdurer.
    La fin de la guerre amènera – pour certains – le retour des hommes, parfois aussi un retour aux vieilles habitudes patriarcales : les hommes retrouvent leurs champs, les femmes leur cuisine et l’éducation des enfants, remâchant amèrement une émancipation qu’on leur dénie maintenant qu’on n’a plus besoin d’elle. Mais une graine de progrès est plantée : pour les femmes, une envie de liberté plus grande, pour les plus jeunes, un appel de plus en plus irrépressible de la ville et un changement de mentalité qui fait qu’on ne pense plus forcément à devenir paysan parce que ses parents l’ont été avant soi. Et le fossé entre les générations, jusque là plutôt ténu, se creuse progressivement. Les envies, les aspirations ne sont plus les mêmes. Et gare à celui qui ne peut – ou ne veut – prendre le coche du progrès : ses roues le broieront sans aucun état d’âme. Si, dans les villes, on s'étourdit, dans ces années 1920 devenues les Années Folles, elles n'ont justement rien de fou au fin fond des campagnes, où le contre-coup du conflit est rude. 

     

    1914-1918 - Les femmes au travail dans la Grande Guerre - Herodote.net

     

    Des femmes travaillant aux champs pour remplacer les hommes pendant la Grande Guerre


    Ce premier tome de la duologie Une famille française, de Jean-Paul Malaval, se situe à un moment charnière de notre histoire contemporaine, marqué par l’horreur des tranchées et de cette Guerre mondiale après laquelle rien ne sera jamais plus comme avant. Les campagnes, peut-être plus que les villes, vont connaître une mutation profonde et parfois violente et le grand domaine de La Renaudière en est un bon exemple : encore prospère et florissant au début du siècle, géré comme il l’avait toujours été sans encombre, pour la première fois, il va connaître des difficultés financières dues aux lacunes de son propriétaire qui ne sait pas s’adapter. De plus en plus, des compétences particulières vont être nécessaires pour gérer une exploitation : savoir compter en arpents ou en litres de lait ne suffira plus pour la gestion comptable d’une ferme. Le matériel rudimentaire et la force humaine ne suffiront plus à travailler des champs plus grands, sur lesquels il va falloir plus produire, pour plus rapporter…le changement ne se fait pas en quelques années, cela se fera progressivement et celui-ci connaîtra encore un autre essor après la Seconde guerre mondiale, jusqu’à aboutir à l’agriculture productiviste que nous connaissons aujourd’hui. Mais déjà, on sent un vent nouveau, des changements peut-être imperceptibles pour les contemporains mais qui, mis bout à bout, vont aboutir à une profonde mutation d’une société qui semble inchangée depuis des siècles.
    A l’instar de Troyat (Les Semailles et les moissons), Michelet (Des grives aux loups), Signol ou encore Peyramaure, Malaval chante ici son amour à sa terre natale, la Corrèze dans un roman de terroir plutôt bien mené, pas révolutionnaire en soi mais qui utilise habilement les codes du genre. Bien souvent appuyé sur une solide trame historique, le roman de terroir est aussi l’occasion de parler d’un contexte en particulier, ici celui de la fin de la Belle Epoque puis l’entre-deux-guerres, vu par des paysans prospères des alentours de Brive, entre 1910 et 1935. Il semblerait que la Corrèze soit une terre à romans régionalistes, bien souvent mise en valeur par ces auteurs, à commencer par Christian Signol, le plus connu d’entre eux.
    Il y a une dizaine d’années, j’avais lu un premier roman de Jean-Paul Malaval, Soleil d’octobre, qui avait peiné à me convaincre. En retrouvant mon avis sur Livraddict, qui date de l’automne 2012, je me suis rendu compte que j’avais écrit ce qui suit : « Le roman est une suite de platitudes » (j'étais manifestement moins mesurée à l'époque qu'aujourd'hui). Et effectivement, c’est le sentiment que j’avais eu à la lecture de cette histoire qui se passe justement en Corrèze à la veille de la Grande guerre (encore une fois). Mais je me souviens aussi que j’avais aimé le traitement de l’histoire entre les deux personnages principaux, qui m’avait beaucoup plu.
    Mon avis concernant ce premier tome d’Une famille française sera bien plus nuancé. En effet, j’ai passé plutôt un bon moment de lecture : la plume est belle, le roman est bien documenté (même si ce n’est pas un roman historique à proprement parler, c’est bien tout de même de ne pas dire de bêtises). Le gros bémol pour moi ? Le manque flagrant d’empathie envers les personnages, que j’ai suivis certes sans déplaisir mais sans plaisir non plus. Ils ne sont absolument pas attachants et même parfois, assez antipathiques. La véritable émotion, sincère et authentique, arrive aussi un peu tard, dans les derniers chapitres et j’ai trouvé ça un peu dommage mais pour le reste, dans l’ensemble, le roman tient ses promesses.
    Les Monestier, malgré leurs défauts, sont représentatifs de cette France d’antan, plus rurale que citadine. Une France des fermes, dont l’expansion et la prospérité sont le produit du travail de plusieurs générations. Beaucoup de familles ont encore, dans leurs tiroirs ou leurs vieilles armoires, ces albums remplis de vieilles photos jaunies qui rappellent cette vie, pas si lointaine de la nôtre chronologiquement, mais qui en est tellement éloignée socialement parlant. Combien de Français aujourd’hui, à moins d’être citadin sur plusieurs générations, a comme ancêtre plus ou moins lointain un paysan, un cultivateur ? Pas mal d’entre nous, je pense. Je suis donc persuadée ce roman vous parlera quoi qu’il arrive, à plus forte raison si vous avez connu ce monde. 
    Le roman régionaliste se traîne une réputation d’être quelque peu ringard mais je crois que parfois, si on est curieux, il faut leur laisser une chance. On peut être agréablement surpris. Car, malgré les bémols soulevés plus haut, ce manque d’attachement aux personnages qui, vraiment, m’a frustrée, j’ai passé un bon moment. C’était une lecture agréable et qui me laissera, je crois, un bon souvenir. 

    ARCHIVES. Plongée au cœur de l'Aube rurale avant la Première Guerre mondiale

     

    Un village français d'avant Guerre, dans l'Aube (années 1910)

    En Bref :

    Les + : un roman de terroir au cœur de la Corrèze du début du XXème siècle. Dans la veine de Des grives aux loups ou Les semailles et les moissons, Malaval signe ici un bel hommage à sa terre natale. 
    Les - : le gros bémol ? Des personnages peu attachants et une émotion véritable qui arrive un peu tard. Dommage.


    Une famille française, tome 1 ; Jean-Paul Malaval 

    Mémoires de la baronne d'Oberkirch sur la cour de Louis XVI et la société française avant 1789 ; Henriette Louise de Waldner de Freundstein, baronne d'Oberkirch LE SALON DES PRÉCIEUSES EST AUSSI SUR INSTAGRAM @lesbooksdalittle  


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