• De la part de la princesse morte ; Kenizé Mourad

    «  J'ai vieilli lorsque j'ai découvert que la bonne foi ne sert à rien, que la question n'est pas : "Qu'est-ce qui est vrai ?" mais "Qui est le plus fort ?". De ce moment j'ai cessé de gémir et je me suis juré qu'un jour ce serait moi la plus forte. »

    Couverture De la part de la princesse morte

     

     

     

      Publié en 2019

      Éditions Pocket 

      896 pages 

     

     

     

     

     

     

    Résumé :

    Istamboul, 1911. L'Empire ottoman, ce colosse aux pieds d'argile, n'a plus que quelques années à vivre lorsque naît la princesse Selma, petite-fille de sultan. Elle ne connaîtra que brièvement les fastes du palais, les intrigues de harem : bientôt jetée sur les routes de l'exil, Selma vivra d'autres débâcles, d'autres Empires - qu'elle soit reine ou esclave, libre ou amoureuse, des Indes impériales à Paris sous la menace allemande... C'est sa fille, Kenizé, qui retrace aujourd'hui son exceptionnel destin, tels des mémoires interrompus, « de la part de la princesse morte »...

    Ma Note : ★★★★★★★★★★

    Mon Avis :

    Istanbul, début du XXème siècle, en pleine Première guerre mondiale. Le grand Empire ottoman qui a terrorisé l’Europe pendant des siècles est désormais moribond. Colosse au pied d’argile, on ne l’appelle plus d'ailleurs que « le vieil homme malade » …d’ici quelques années, il sera englouti par les secousses de la Première guerre mondiale, à l’instar des empires allemand et austro-hongrois.
    Mais la famille du sultan continue de vivre comme si rien n’avait changé. Dans le faste des vieux palais de la grande ville à cheval sur le Bosphore, vit une petite princesse rousse, Selma, née en 1911. Elle est la petite-fille du sultan Mourad V, qui n’a régné sur l’empire ottoman que pendant trois mois avant d’être déposé par son frère. La propre mère de Selma, la charismatique Hatidjé Sultane, a connu la captivité après la chute de son père avant de prendre sa revanche. Pleine de vie, la petite Selma, quant à elle, n’a jamais connu qu’une existence insouciante, belle et toute tracée. Pourtant, le bonheur est compté à la famille ottomane qui, dans quelques années, va devoir s’exiler, sous la pression du nouveau pouvoir, personnifié par Mustapha Kemal, le fameux « Atartürk », qui après avoir défendu le pays et dupé le sultan, pousse ce dernier vers la sortie. Pour Selma, sa mère et son frère, direction Beyrouth, au Liban, alors sous protectorat français. Selma, devenue adolescente, laisse derrière elle tout ce qui a fait sa vie jusque-là. Elle ne reverra jamais Istanbul et va devoir, à Beyrouth, composer avec les egos des filles des colons français, avec les humiliations aussi parfois. Elle va se rendre compte que son statut de princesse ottomane, hors des frontières de l’ancien empire, n’est pas un passeport mais plutôt une tare…et surtout, elle doit aussi supporter l’exil, le mal du pays, l’absence de son père…
    Pour fuir cette vie qui ne la satisfait pas, la jeune Selma qui est un vif-argent, croit qu’un mariage la sortira de son mal-être et lui donnera un peu de cette liberté tant recherchée : elle a un peu plus de vingt ans quand elle accepte d’épouser, sans jamais l’avoir vu, Amir, le sultan de Badalpour, en Inde. Selma laisse derrière elle Beyrouth pour toujours, sans savoir qu’elle quitte une vie relativement confortable pour une union mal assortie et qui, malgré de nombreuses tentatives, ne sera jamais heureuse. Bien qu’élevé en Angleterre, le sultan Amir est le garant des traditions de son pays, particulièrement rigoristes et que la colonisation anglaise n'a que partiellement fait disparaître, et Selma découvre avec effarement la vie en Inde, en tant que rani : non seulement elle doit se heurter à l’hostilité de sa belle-sœur mais doit aussi mener une vie retirée et cachée, ce qui va à l’encontre de son tempérament.

    ISTANBUL HIER ET AUJOURD'HUI - ISTANBUL ... LA TURQUIE, PAR LA PHOTO, LA  VIDEO ET LE TEXTE

    Istanbul au XXème siècle


    Selma et Amir sont les parents de Kenizé Mourad. Celle-ci est née en France en 1939 car sa mère, lorsqu’elle découvre sa grossesse, décide de quitter les Indes pour aller accoucher en France, arguant du fait que les structures médicales y sont meilleures qu’aux Indes. En réalité pour Selma qui n’a jamais rêvé que de liberté, c’est une opportunité de quitter l’Inde. Elle n’y reviendra jamais : la princesse Selma, sultane ottomane, rani de Badalpour, meurt à vingt-neuf ans, en janvier 1941 à Paris. Elle est enterrée au cimetière musulman de Bobigny. Sa fille Kenizé avait à peine deux ans lorsqu’elle disparut et l’a donc à peine connue. C’est à l’âge adulte qu’elle décide de partir sur les traces de sa mère, « la princesse morte » comme l’appela un de leurs cousins. Selma, la princesse au destin foudroyé et dont on sait finalement bien peu de choses et dont la fille va recréer la destinée, sous forme de roman, entre vérités historiques et imagination du romancier, pour venir combler les lacunes de l’Histoire.
    De la part de la princesse morte est un bon gros pavé de près de 900 pages : honnêtement, en commençant, je me suis demandé si tout ce volume était nécessaire et, finalement, maintenant que je l’ai terminé, je peux vous dire que oui. Oui, ces presque 900 pages étaient nécessaires, pour parvenir à cerner Selma, à raconter son histoire, certes relativement courte mais malgré remplie par autant de joies que de peines. Selma a vécu intensément, grandement : et pourtant, elle a connu beaucoup de désillusions, beaucoup d’amertume et de renoncements. Mais à côté de ça, son destin, par sa naissance, est extraordinaire : ce n’est pas rien quand même, de naître princesse ottomane, même à l’aube des bouleversements qui vont finir par le renverser…
    Cette petite princesse est décidément bien attachante. On découvre avec intérêt le protocole strict d’une cour figée dans des us et coutumes ancestraux mais qui est ouverte, en même temps, à l’influence européenne toute proche, ce qui fait d’Istanbul une ville au carrefour de plusieurs influences, de plusieurs cultures et au cosmopolitisme bien ancré : j’ai découvert par exemple avec intérêt le rituel du café, celui du hammam typiquement oriental, où la sensualité prend un instant le pas sur la sévérité du quotidien, les quartiers réservés aux femmes du sultan où les princesses vivent entourées de leurs femmes d’honneur et protégées par les eunuques (cadines, odalisques et iqbals vivent dans une promiscuité séculaire au milieu du harem), la religion omniprésente car le sultan ottoman est Gardien de la Foi. Puis on la suit dans des moments moins drôles, quand Selma est confrontée à une vie différente de celle qu’elle connaissait et à des choix qu’elle n’aurait jamais dû faire si l’Empire ottoman n’avait pas disparu. On perçoit assez vite la course à l’abîme qui s’amorce, la furieuse envie de vivre de Selma qui, paradoxalement, l’entraîne peut-être vers le contraire, sa recherche effrénée du bonheur lui faisant finalement plutôt récolter désillusions et malheurs. 
    J’ai beaucoup aimé ce roman : je ne savais pas trop à quoi m’attendre en commençant et puis, ne connaissant pas spécialement bien le contexte et la géopolitique de la Turquie et du Moyen-Orient, mais aussi des Indes, au début du XXème siècle, je me disais que ça allait peut-être être compliqué à suivre, d’autant plus que j’avais lu des commentaires qui allaient dans ce sens. Au final, absolument pas : je me suis même surprise à ne pas être si déroutée que ça et à suivre assez bien les différents événements. En mettant bout à bout des informations glanées ici ou là au gré de mes lectures, j’ai pu assez facilement comprendre de quoi l’auteure parlait. Je ne vous dis pas qu’il ne faut pas un minimum de concentration mais finalement, vu que c’est surtout Selma que l’on suit, le contexte historique est surtout là en soutien, en appui… Si vous voulez vous lancer mais que vous avez un peu peur parce que ce n’est pas la période historique ou la zone géographique que vous connaissez le mieux, il ne faut surtout pas que cela vous fasse peur : ce n’est vraiment pas si compliqué à suivre et cela ne gêne en rien la lecture, je peux vous l’assurer.
    Ce qui m’a aussi beaucoup plu, c’est le point de départ du roman : la démarche de Kenizé Mourad m’a beaucoup émue. Partir ainsi sur les traces de sa mère, qu’elle a à peine connue et lui redonner une voix, c’est un bel hommage, c’est une belle démarche. Tout au long de ma lecture, j’ai pensé à l’émotion qui a dû être la sienne de faire de telles recherches, de faire revivre sa mère dans les pages de son livre et de se dire peut-être : comment cela aurait été si finalement, elle avait vécu ? C’est cela qui me fait dire que De la part de la princesse morte est un roman d’une sincérité absolue et la motivation à son origine, si pure finalement.
    Je pense que c’est le genre de romans qui vous restent dans la tête un petit moment après l’avoir terminé. L’atmosphère qui s’en dégage est belle et douce et si vous aimez les romans historiques assez denses, alors celui-ci devrait certainement vous convenir et j’espère, si vous le lisez, que vous y prendrez autant de plaisir que moi.

    En Bref :

    Les + : une jolie fresque historique et familiale qui nous emmène des rives du Bosphore jusqu'à Beyrouth en passant par les Indes et Paris. La vie de la princesse Selma, mère de Kenizé Mourad, est un roman, pas toujours joyeux mais plein de fulgurances. Un très beau récit et un bel hommage d'une fille à sa mère, qu'elle a si peu connue.
    Les - : aucun point négatif pour moi.


     De la part de la princesse morte ; Kenizé Mourad

     Mémoires de la baronne d'Oberkirch sur la cour de Louis XVI et la société française avant 1789 ; Henriette Louise de Waldner de Freundstein, baronne d'Oberkirch LE SALON DES PRÉCIEUSES EST AUSSI SUR INSTAGRAM @lesbooksdalittle

     


    Tags Tags : , , , , , , ,
  • Commentaires

    Aucun commentaire pour le moment

    Suivre le flux RSS des commentaires


    Ajouter un commentaire

    Nom / Pseudo :

    E-mail (facultatif) :

    Site Web (facultatif) :

    Commentaire :