• Tsars sans empire : les Romanov en exil 1919-1992 ; Boris Prassoloff

    « La destinée des Romanov n'est pas un long fleuve tranquille. Bien avant la fin tragique de la famille impériale en 1918, parricides, assassinats, trahisons, conspirations et révolutions de palais ont scandé l'histoire de cette dynastie qui se perpétue sous le règne du sang. »

    Couverture Tsars sans empire : Les prétendants Romanov en exil (1919-1992)

     

     

     

        Publié en 2024

      Éditions Perrin 

      416 pages 

     

     

     

     

     

    Résumé :

    La dynastie des Romanov n’a pas été anéantie par le massacre du tsar et de la famille impériale en 1918. Après avoir échappé à la révolution, les membres de la famille cadette et rivale de Nicolas II ont émigré en France et ont tout fait pour revenir au pouvoir. Le chef de cette branche des Wladimirovitch, le grand-duc Cyrille, cousin du tsar et premier Romanov à faire allégeance au nouveau pouvoir en février 1917, a rallié autour de lui une partie de l’importante émigration russe et s’est autoproclamé en 1924 empereur de Russie. Après son décès, son fils le grand-duc Vladimir a appelé en juin 1941 à soutenir les Allemands qui venaient d’attaquer l’Union soviétique et leur a fait en vain des offres de service. Après la Libération, il se réfugie chez Franco et demeure interdit de territoire français jusqu’en 1956 pour « activité proallemande durant l’Occupation ». Il foule le sol russe pour la première fois en 1991, au moment où la Russie se désagrège, et meurt l’année suivante, alors que Boris Eltsine envisage de le placer sur le trône d’un pays en plein désarroi.
    Fort de témoignages d’époque et de nombreuses sources russes, l’auteur retrace avec brio l’histoire diplomatique de la Russie, du XIXe siècle à la révolution de 1917, décrit les diverses branches des Romanov, retrace leur exil, leur vie quotidienne – à Paris, en Bretagne, sur la Riviera –, les violentes rivalités au sein de l’émigration, révèle l’extraordinaire pénétration de l’émigration russe en France par les services secrets soviétiques et brosse un portrait saisissant du grand-duc Vladimir, né en exil, envisagé par les Allemands avant-guerre comme éventuel « tsar d’Ukraine » et promoteur d’une « croisade » nazie contre les bolcheviks.
    Une histoire passionnante, tragique et romanesque, brillamment racontée par Boris Prassoloff, fils de Russes blancs émigrés en 1917.

    Ma Note : ★★★★★★★★★★

    Mon Avis :

    Souvent, l'histoire officielle des Romanov s'achève en juillet 1918, avec la mort de Nicolas II de sa famille à Ekaterinebourg. On aborde rapidement les membres de la famille qui ont pu fuir mais on parle peu de l'après, de ceux qui restent et qui deviennent des prétendants.
    A l'heure actuelle, comme la famille d'Orléans en France qui prétend au trône - si une monarchie devait être rétablie - une branche de la famille Romanov prétend au trône de ses ancêtres : le chef de la maison aujourd'hui, est une femme, Maria Vladimirovna Romanov, née en 1953. Elle est la fille du Grand-Duc Vladimir Kyrillovitch, né en Finlande en 1917 et qui succéda à son père le Grand-Duc Cyrille en tant que prétendant. Mais la famille Romanov est immense, ramifiée comme un vieil arbre et les actuelles querelles familiales s'expliquent et se comprennent beaucoup mieux à la lecture de ce livre.
    Le livre s'ouvre donc au début du XXème siècle, alors que Nicolas II règne encore, tout en étant de plus en plus contesté. La Russie des années 1900 ne va plus très bien et le pouvoir tsariste, corseté dans des traditions d'un autre âge, représenté par un tsar faible et mal préparé et par une tsarine dont le peuple se méfie, ne récolte pas les suffrages. Les Russes ont faim, les conditions de vie et de travail sont dures mais le peuple n'a pas l'écoute des élites et commence à gronder. Comme les empires d'Allemagne, d'Autriche-Hongrie et Ottoman, la grande Russie des tsars, sur laquelle les Romanov règnent depuis 1613 est sur le point d'être emportée par la tourmente d'une guerre mondiale.
    Boris Prassoloff nous décrit surtout une lignée gangrénée de l'intérieur par des querelles de préséance, des règles strictes dont font les frais les Grands-ducs et Grandes-duchesses, princes et princesses qui s'écartent du rang. Malheur à celui ou celle qui épouse une personne qui ne convient pas au tsar - à plus forte raison si la personne en question est une roturière. A la faveur d'une réforme opérée à la fin du XIXème siècle, on découvre aussi que les tsars ont limité la famille active, privant ainsi certaines branches cadettes de la famille de leur statut : certains s'en accomoderont très bien car pourront ainsi jouir d'une certaine liberté mais cette réforme aura aussi pour travers de développer des jalousies et des rancœurs.
    Comme la France d'avant 1789, on découvre que les premières contestations ne viennent pas forcément du peuple, mais bien de l'intérieur : comme Marie-Antoinette avait pu être surnommée méchamment l'Autrichienne par ses grands-tantes, les Grands-Ducs n'ont pas de mots assez durs envers l'épouse de Nicolas II, la princesse Alix de Hesse devenue la tsarine Alexandra Feodorovna : cette dernière, timide, effacée, amère, sombre dans un mysticisme forcené après l'annonce de la maladie de son petit Alexis, le tsarévitch. Un peu avant la Révolution de 1917, elle tombe sous la coupe du célèbre Raspoutine, dont elle ne pardonnera pas la mort aux princes et Grands-ducs qui la fomenteront, en 1916. On se rend compte aussi que les oncles ou cousins du tsar sont relativement critiques envers son pouvoir, lorgnant ce dernier et n'hésitant pas, pour certains, à se positionner contre lui dès lors que la Révolution démarre. Le prince Cyrille Wladimirovitch sera de ceux-ci.

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    Cyrille Wladimirovitch, son épouse Victoria-Mélita de Grande-Bretagne et leurs enfants : Kira, Maria et le petit Vladimir dans les bras de son père (entre 1917 et 1918)


    C'est donc la destinée de ses descendants que nous découvrons dans ce livre : Cyrille, qui avait eu maille à partir avec son cousin le tsar parce qu'il avait épousé une femme divorcée et que le tsar n'acceptait pas - Victoria-Mélita du Royaume-Uni, soeur de la reine Marie de Roumanie et ex-épouse de Louis de Hesse -, se positionne rapidement dès lors que le pouvoir tsariste vacille. On lui en voudra, d'ailleurs, de s'être répandu dans les journaux contre son cousin Nicolas II, le Grand-Duc n'hésitant pas à enfoncer un homme déjà à terre. Prenant parti pour la Révolution que certains princes de la famille Romanov voient comme un moyen de réformer le pouvoir, la plupart seront malgré tout broyés par elle. Cyrille devra fuir avec sa famille et c'est pourquoi son fils Vladimir, qui naît après deux filles, Maria et Kira, voit le jour en 1917 en Finlande - autant dire en exil.
    Beaucoup d'émigrés russes, Romanov ou seulement issus de grandes lignées princières, s'installeront en France, où il recréeront tant bien que mal le monde de luxe un peu futile qu'ils avaient connu en Russie. Entre Paris et la Côte d'Azur, les Russes Blancs tentent de vivre comme si la Révolution n'avait pas eu lieu, menant une existence mondaine et parfois légèrement oisive. Le Grand-Duc Cyrille et sa famille s'installent notamment en Bretagne, dans le petit village de Saint-Briac, où des souvenirs de leur passage subsistent encore.
    On le sait, les Romanov n'ont jamais repris leur trône et il est fort peu probable que cela arrive un jour. Pour autant, tout le XXème siècle est jalonné par l'organisation d'une politique ordonnée et cohérente - mais toujours efficace - qui ne poursuit que ce but. Le fils de Cyrille traînera jusqu'à la fin de sa vie la tâche d'avoir eu des accointances suspectes avec les autorités nazies, durant l'Occupation - ce qui lui vaudra d'ailleurs de la part de ses parents une véritable hostilité, ceux-ci remettant en cause la légitimité de sa prétention au trône. A la fin des années 1940, le Grand-Duc Vladimir épousera en Espagne une jeune femme qui ne plaît pas à la famille, qui la considère comme une aventurière. Mais le jeune homme passe outre, accélérant encore un peu plus la fracture entre les Romanov survivants. L'affaire Anna Anderson - la fausse Anastasia - sera aussi une source de discorde et de mésentente au sein de la famille, se partageant alors entre ceux qui sont convaincus qu'Anna est bien la plus jeune fille de Nicolas II, qui aurait miraculeusement survécu au massacre des siens et ceux qui ne considèrent la jeune femme que comme un imposteur - grâce à des tests ADN effectués quelques années après sa mort, on s'apercevera en effet qu'Anna Anderson n'avait aucun lien génétique avec Nicolas II.

    Marie de Russie, l'héritière de l'Empire russe née à Madrid ...

     

    Mariage de Maria Vladimirovna en 1976 avec Franz Wilhelm de Hohenzollern : ils auront un fils unique, Georges né en 1981


    Ce qui ressort de ce livre est une famille profondément affaiblie et fracturée et cela, bien avant les débuts de la Révolution. Comme souvent, les contestations, bien que larvées, étaient les plus violentes au sein même de la cellule familiale. Le pouvoir de Nicolas II a été sans nul doute fragilisé par les ambitions et la popularité de ses parents, en plus bien sûr de son incapacité à s'adapter à une nouvelle modernité, à sortir du carcan de l'autocratie comme ses ancêtres l'avait théorisée.
    Le livre est dense et exigeant et je pense qu'en le lisant, il faut accepter parfois de se sentir largué parce que c'est difficile à suivre, et à tout bien comprendre pour des lecteurs du XXIème siècle. J'avoue que les différents courants politiques m'ont parfois un peu perdue mais avec quelques recherches, ça allait vite mieux. Oui, c'est technique, il ne faut pas le perdre de vue : ce livre est plus un essai qu'une biographie et il faut suivre. Un conseil, gardez à portée de main un arbre généalogique pour vous repérer entre les différents protagonistes cités ici. On le comprend, l'auteur ne peut pas rappeler qui est qui sans arrêt, donc il faut parfois faire une petite recherche pour se situer mais après tout, n'est-ce pas aussi le bonheur de ces lectures, certes assez complexes mais en même temps passionnantes ?
    J'ai toujours été plutôt passionnée par l'histoire des tsars et plus particulièrement des Romanov, même si depuis quelques temps, j'aimerais aussi découvrir l'histoire médiévale de la Russie. Mais je me suis aperçue que la plupart des livres s'arrêtent après 1918 et n'abordent bien souvent que la contrition publique de la Russie d'Eltsine à la fin des années 1990, au moment des commémorations pour les 80 ans de la mort de la famille impériale puis le processus de réhabilitation de cette dernière. Mais que s'est-il passé entre-temps ? Boris Prassoloff comble les lacunes avec son livre, en décrivant l'existence de ces tsars sans empire et souvent sans appui, sur près d'un siècle et quel siècle, marqué par deux guerres mondiales puis par une modernité galopante qui emporte encore un peu plus ces vieilles dynasties surannées et un peu dépassées.

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    Le Grand-Duc Vladimir Kyrillovitch : né en Finlande en 1917, il est le père de l'actuelle chef de la maison Romanov, Maria Vladimirovna

     

    COLLABORATION COMMERCIALE NON RÉMUNÉRÉE - LIVRE OFFERT (MERCI AUX ÉDITIONS PERRIN POUR CET ENVOI)

     

     

    En Bref :

    Les + : passionnant, dense, technique et exigeant mais d'une richesse folle ! On ressort de ce livre en ayant appris beaucoup de choses.
    Les - : quelques notions politiques purement russes un peu difficiles à comprendre même si dans l'ensemble, le livre est relativement intelligible.


    Tsars sans empire : les Romanov en exil 1919-1992 ; Boris Prassoloff 

          Mémoires de la baronne d'Oberkirch sur la cour de Louis XVI et la société française avant 1789 ; Henriette Louise de Waldner de Freundstein, baronne d'Oberkirch LE SALON DES PRÉCIEUSES EST AUSSI SUR INSTAGRAM @lesbooksdalittle 


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