• Hamnet ; Maggie O'Farrell

    « Ce qui est donné peut être repris, à n'importe quel moment. La cruauté la dévastation vous guettent, tapies dans les coffres, derrière les portes, elles peuvent vous sauter dessus à tout moment, comme une bande de brigands. La seule parade est de ne jamais baisser la garde. Ne jamais se croire à l'abri. Ne jamais tenir pour acquis que le cœur de vos enfants bat, qu'ils boivent leur lait, respirent, marchent, parlent, sourient, se chamaillent, jouent. Ne jamais, pas même un instant, oublier qu'ils peuvent partir, vous être enlevés, comme ça, être emportés par le vent tel le duvet des chardons. »

    Couverture Hamnet

     

     

         Publié en 2020 en Angleterre 

      En 2022 en France (pour la présente édition)

      Editions Pocket

      Titre original : Hamnet 

      480 pages 

     

     

     

     

     

    Résumé :

    Un jour d'été 1596, dans la campagne anglaise, une petite fille tombe gravement malade. Son frère jumeau, Hamnet, part chercher de l'aide. Agnes, leur mère, cueille des herbes médicinales dans les champs, et leur père est à Londres pour son travail. Tous deux sont inconscients de cette maladie, de cette ombre qui plane sur leur famille et menace de tout engloutir...

    Une écriture splendide pour une histoire bouleversante. Celle d'un frère et d'une soeur unis par un lien indéfectible, d'un couple atypique marqué par un deuil impossible, d'une maladie « pestilentielle » qui se propage. Mais surtout, tendre portrait d'un petit garçon qui inspira à son père, William Shakespeare, sa pièce la plus célèbre.

    Ma Note : ★★★★★★★★★

    Mon Avis :

    Un jour d'été 1596, une petite fille de onze ans, Judith, tombe malade. Personne ne le sait encore mais l'enfant a été contaminée par la peste, fléau qui revient régulièrement par vagues particulièrement meurtrières à une époque où les antibiotiques n'existent pas et où la peste ne se soigne pas - ceux qui survivent ont beaucoup de chance. 
    Seule à la maison avec son frère jumeau, la petite est vouée à une mort certaine si on ne lui porte pas secours. Effrayé, désespéré, son frère part chercher de l'aide. 
    Ce jour d'été étouffant, alors que tous les adultes semblent si absorbés par leurs tâches pour ne pas voir le drame qui se joue près d'eux, à leur insu, marque un tournant pour la famille de Judith et Hamnet. Plus rien ne sera jamais comme avant. Parce que la maladie de Judith aura une issue funeste, mais contre toute attente, pas celle que tout le monde croyait. 
    Hamnet est le récit d'un cataclysme au sein d'une cellule familiale : la maladie brutale d'un enfant, se soldant par sa mort. L'impuissance des adultes, en premier lieu de la mère, guérisseuse, qui a tout tenté pour le maintenir en vie. L'horreur du père, parti au loin pour son travail et qui revient alors que l'enfant gît déjà sans son linceul. La détresse des sœurs, en particulier de la plus proche, la plus semblable, la plus fragile...Judith...
    Magnifique récit inspiré, d'une grande puissance et empreint d'une profonde tristesse, ce roman de la romancière Maggie O'Farrell raconte une histoire vraie : celle de la famille de William Shakespeare, à qui la mort de son unique fils inspirera en 1600 l'une de ses plus belles pièces, Hamlet
    Réflexion juste et touchante sur le deuil et notamment le deuil maternel, Hamnet ne vous laissera pas indifférent. Passée la surprise des premières pages, un peu abruptes, c'est une magnifique histoire qui s'ouvre à vous, racontée avec beaucoup de pudeur. J'ai senti mon coeur se briser plusieurs fois devant la pureté juvénile d'Hamnet, sa détresse devant la souffrance de sa jumelle Judith. Et l'ironie du sort qui, jusque dans la mort, se plaira à confondre les deux enfants...
    Le roman aborde aussi la manière dont chacun a de répondre à un deuil aussi brutal que celui qui touche la famille Shakespeare cette année-là : comment affronter la mort d'un enfant de onze ans qui avait toute la vie devant lui et qui, quelques jours plus tôt, jouait dans les rues avec ses camarades de classe ? Comment, passé le choc de la disparition soudaine, vivre avec le manque, avec l'absence qui, eux, ne cicatrisent pas ? 

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    Portrait ancien d'Anne Hathaway (parfois appelée Agnes), l'épouse de Shakespeare


    Il y a la mère bien sûr, Agnes. La mort qui se trouve à quelques kilomètres seulement lorsque sa fille tombe malade mais qui n'est pas là. Qui fera tout ce qu'elle peut mais ne pourra jamais s'empêcher de penser qu'elle l'a fait trop tard. Le père, sonné, averti par une lettre de la maladie de sa fille et qui revient à Stratford pour la trouver en pleine santé, mais son fils disparu...le père qui fuit, parce que la douleur est insupportable. L'incompréhension, qui naît de cette fuite, quand l'homme s'en va et que l'épouse reste, vissée aux lieux du drame, où elle ne cesse d'entrevoir le fantôme de cet enfant qu'elle a perdu. Une famille qui peu à peu se déchire, sans éclats et sans disputes, seulement parce que ce n'est plus la vie qui les lie tous entre eux mais cette mort que personne ne comprend et ne peut accepter. 
    Certes, ce roman n'est pas des plus gais. Vous ne vous évaderez pas en le lisant et c'est probablement le cœur lourd que vous le refermerez et non pas le coeur léger. Mais assurément, Hamnet fait partie de ces romans que l'on n'oublie pas. 
    J'espère fort, si vous le lisez, que vous l'aimerez autant que moi et que vous ne ferez pas partie des lecteurs qui n'ont pu dépasser les premières pages car c'est bien dommage - même si je peux le comprendre. 
    L'univers de ce roman est très riche, servi par une très belle plume. Originale, atypique, mais vraiment très belle. 
    A l'aide de flash-backs, nous découvrons aussi comment cette famille s'est construite, la jeunesse de Shakespeare, sans qu'il ne soit jamais nommé, celle de son épouse Agnes (souvent appelée dans les textes Anne Hathaway, que je croyais actrice comme son époux alors qu'il n'en est rien) dans un village non loin de la ville de Stratford, où l'ancien prestige de la famille Shakespeare est quelque peu terni par le père John, violent, alcoolique et adepte des trafics. La rencontre, alors que Shakespeare, à dix-huit ans, est précepteur des jeunes demi-frères d'Agnes, sauvageonne qui s'est élevée sans mère, détentrice, on le comprend, d'un don thaumaturgique et médiumnique qui la fait voir, au pire comme une sorcière, au mieux comme une femme bizarre dont on se méfie. Le mariage, précipité parce que, comme souvent, la jeune femme est enceinte...la naissance des enfants, l'amour inconditionnel, profond, qu'elle leur voue, l'enfance qui se passe, dans une relative quiétude, jusqu'à ce que le mal frappe, alors que l'attention s'est relâchée, qu'on a tourné la tête une seconde de trop. 
    L'autre personnage de l'oeuvre, plus que Shakespeare finalement, dont on raconte l'histoire mais qui en est finalement assez absent (il n'est d'ailleurs jamais nommé : il est le fils, le précepteur, le mari, mais jamais William, ni Shakespeare), c'est donc Agnes, cette Agnes dont on sait peu de choses, sur laquelle les textes ne sont pas d'accord, l'appelant alternativement Anne ou Agnes. Si Hamnet et Judith forment un duo indissoluble du fait de leur gémellité et du partage du même ventre au même moment, partageant une même vie avant de venir au monde, le véritable couple ici est celui formé par la mère et le fils. Agnes et Hamnet sont clairement les héros du roman et, dans sa réflexion sur le deuil en général, Maggie O'Farrell semble se focaliser plus précisément sur le deuil de la mère, terrible, profond, sans répit : l'horreur, pour Agnes, de voir l'ordre des choses renversé et son enfant partir avant elle, se traduit aussi par le sentiment de voir une partie d'elle qu'elle a échoué à sauver s'en aller. Le deuil d'Agnes est animal, viscéral, une béance qui ne peut cicatriser ni se réparer. Et la profondeur, la violence du deuil de la mère devient incompréhensible pour ceux qui l'entourent et dont la douleur s'estompe avec le temps. Parce que, comme le lui dit son époux, ce qui est terrible, mais aussi vrai, la vie continue... Pourtant, Agnes ne pourra jamais s'arrêter de pleurer l'être qu'elle n'a pas pu sauver, parce qu'elle a failli dans l'idée qu'elle se faisait du rôle d'une mère. 
    Je ne peux rien vous dire de plus hormis : lisez Hamnet. Probablement, vous en ressortirez bouleversé, mais cela fait du bien aussi de tomber sur des romans aussi aboutis, maîtrisés, qui parlent à tous. Car même si l'histoire se déroule il y a plus de quatre cents ans, ce qu'ont vécu William Shakespeare et les siens n'est malheureusement ni plus ni moins que ce qui frappe encore, terriblement, de trop nombreuses familles. Hamnet est un bel hommage, pudique et doux, à tous ces enfants qui ont quitté le monde bien trop tôt

    Shakespeare célébré à Stratford

    Maison natale de William Shakespeare à Stratford

    En Bref :

    Les + : roman sur le deuil, d'une grande tristesse mais aussi d'une grande beauté, Hamnet raconte l'histoire d'une famille mais ce pourrait être celle de millions d'autres...malgré les premières pages, abruptes et surprenantes qui ont déconcerté de nombreux lecteurs, la magie a opéré pour moi, j'ai lu ce livre en retenant mon souffle et mes larmes, le cœur serré.
    Les - : Aucun.


    Hamnet ; Maggie O'Farrell

     Mémoires de la baronne d'Oberkirch sur la cour de Louis XVI et la société française avant 1789 ; Henriette Louise de Waldner de Freundstein, baronne d'Oberkirch LE SALON DES PRÉCIEUSES EST AUSSI SUR INSTAGRAM @lesbooksdalittle  

     

     

     

     


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  • Commentaires

    1
    Mercredi 23 Août 2023 à 11:36

    Wow ! Ta chronique est très touchante... Je suis plus qu'intéressée par ce livre du coup, dont le nom fait évidemment penser à "Hamlet", car je ne connais pas grand-chose de Shakespeare. Je pense que je vais bien aimer ce livre !

      • Jeudi 24 Août 2023 à 10:46

        Merci beaucoup. ^^ Je ne savais pas si mes mots parviendraient à rendre justice à ce roman que j'ai vraiment, vraiment beaucoup aimé. Avant de le commencer, j'étais tombée (coup du sort) sur deux ou trois chroniques sur Instagram qui parlaient d'un abandon, d'un début difficile, d'un style peu facile d'accès de prime abord. Personnellement, cela ne m'a pas gênée, au contraire. J'ai trouvé le style de Maggie O'Farrell très fin...cela m'a donné envie de découvrir certains de ses autres romans, notamment son dernier, qui est consacré à Lucrèce Borgia si je me souviens bien. 

        Ce n'est pas du tout un roman gai, c'est même assez triste, vu que le livre tourne essentiellement autour du deuil mais c'est si beau...j'ai souvent eu les larmes aux yeux et, même si je n'ai pas d'enfants, j'ai pu me mettre aisément à la place d'Agnes et j'ai ressenti sa douloureuse culpabilité. Vraiment une belle expérience : ce roman est un peu comme une genèse d'Hamlet, puisqu'on apprend à la fin du roman que la pièce éponyme a été probablement inspirée à Shakespeare par la mort tragique de son fils. 

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