• Histoire de l'Amérique française ; Gilles Havard et Cécile Vidal

    « L'époque de la Nouvelle-France est devenue aux yeux des nationalistes canadiens-français " le symbole d'une pureté originelle", avec ses gestes fondateurs, ses pionniers héroïques, ses femmes courageuses et ses saints martyrs. »

     

    Histoire de l'Amérique française ; Gilles Havard et Cécile Vidal

     

     

      Publié en 2008

     Editions Flammarion (collection Champs Histoire)

     863 pages 

     

     

     

     

     

     

    Résumé :

    Au début du XVIIIe siècle, la Nouvelle-France s'étendait sur près des deux tiers du continent nord-américain, de Québec à la Nouvelle-Orléans, des forêts glacées du Canada aux bayous de Louisiane, en passant par les prairies du Midwest.
    Un Empire dont la clé de voûte fut l'alliance avec les Indiens, qui permit aux Français de s'implanter et de se maintenir au nez et à la barbe des Anglais, plus nombreux, mais confinés sur le littoral atlantique. Colons, Indiens, esclaves africains composaient, surtout en Louisiane, une Amérique française au visage cosmopolite. Cette Amérique, que notre mémoire a occultée, n'a pas entièrement disparu. Les toponymes en témoignent : New Orleans, Baton Rouge, Saint-Louis, Montréal, etc., de nombreuses villes nord-américaines ont eu pour fondateurs des Français. Des millions d'Américains, aux États-Unis comme au Canada, ont des noms d'origine française. Archambault, Bissonnette, Boucher, Colombe, Dion, Pineaux, Roubideaux : imagine-t-on aujourd'hui que ces patronymes sont portés notamment par des Indiens du Dakota ? Parmi les descendants des colons français, certains parlent toujours la langue de Molière.
    Ce legs, on ne saurait le comprendre sans se glisser, au fil de la lecture, dans une pirogue ou dans un canoë à la recherche d'une histoire ignorée.

    Ma Note : ★★★★★★★★★★

    Mon Avis :

    Quand on pense aujourd'hui à l'Amérique française, on pense au Québec...peut-être, un peu après, aux Cajuns de Louisiane : on s'émerveille ou on s'étonne de ces populations francophones minoritaires dans un monde nord-américain tentaculaire et largement anglophone. Mais on oublie qu'à partir du XVIème siècle, une véritable page française s'est écrite au Nouveau Monde, peut-être parce qu'elle est marquée de nombreux échecs qui mènent finalement sa disparition finale, en comparaison avec les colonisations espagnole ou britannique, qui vont prospérer et s'installer. Ce que l'on a appelé la Nouvelle-France, que Voltaire surnommera avec mépris « ces quelques arpents de neige », disparaît dans le courant du XVIIIème, happée par la guerre de Sept Ans et rattachée au giron britannique, entraînant des traumatismes durables pour certaines populations, comme les Acadiens victimes du Grand Dérangement, qui est ni plus ni moins qu'une vaste campagne de déportation des populations d'origine française.
    Et pourtant, il y'a à dire sur cette Nouvelle-France. La preuve, les deux auteurs, Gilles Havard et Cécile Vidal, tous deux auteurs spécialisés de l'histoire de cette partie du monde à l'époque moderne, ont produit un livre particulièrement riche et ardu à lire, il faut bien le dire, mais passionnant. Ce n'est pas parce que la colonisation française en Amérique s'est soldée par un échec qu'elle n'a pas laissé de traces, ce n'est pas parce qu'elle s'est soldée par un échec qu'il n'est pas intéressant de l'étudier, au contraire. Ne serait-ce que pour comprendre pourquoi cette colonie n'a pu se pérenniser, il faut l'étudier, il faut s'intéresser à ses mécanismes, à sa manière de fonctionner, parfois, il faut remonter dans l'Histoire de France pour comprendre pourquoi à ce moment-là les souverains espagnols ont lancé de grandes campagnes de conquêtes alors que les Français, non -on serait tenté de dire avec pessimisme qu'ils ont raté le coche alors que c'est bien plus compliqué que ça au final. Il faut comparer les institutions et la religion des différentes métropoles, la culture des pays d'origine pour comprendre ce qui va se passer par la suite en Nouvelle-France et en Amérique en général, parce que si on regroupe les mouvements européens qui démarrent à la fin du XVème siècle sous la dénomination globale de colonisation, on se rend bien compte qu'un Britannique, un Espagnol, un Hollandais ou un Français ne s'y prendra pas de la même manière, compte tenu de la culture et de l'héritage nationaux dont chacun est dépositaire.
    En ce qui concerne la Nouvelle-France, il faut l'étudier comme un tout, sans nier pour autant les spécificités du Canada, de l'Acadie et de la Louisiane qui forment, au tournant de l'époque moderne une vaste entité géographique, englobant une grande partie de l'Amérique, depuis le Canada jusqu'au golfe du Mexique, en passant par la région des Grands Lacs, des Rocheuses aux Apalaches. Non, la présence française en Amérique ne fut pas anecdotique et c'était particulièrement passionnant de découvrir la destinée de cette colonie qui disparaît encore jeune, absorbée par une autre plus puissante mais qui, mine de rien, a laissé un héritage linguistique, culturel et toponymique significatif, dans une Amérique du Nord que l'on considère volontiers comme entièrement anglophone voire anglo-hispanophone, à la rigueur.

     

    La Nouvelle-France (le Canada y est marqué en rose ; au sud la Louisiane) sur une carte datant de 1719


    Que ce soit clair, ce livre n'est ni une apologie de la colonisation française en Amérique ni un réquisitoire. C'est un travail d'historien, neutre et nuancé, qui aborde chaque aspect, positif ou négatif de cette colonisation. Si vous n'avez pas peur de l'Histoire scientifique, des chiffres et des pourcentages, alors vous pouvez vous lancer dans cette lecture. Mais il faut que le sujet vous intéresse tout particulièrement, sinon vous allez vous ennuyer. Vous vous en doutez sûrement, ce livre ne se lit pas comme un roman et si certains passages sont relativement faciles à lire et fluides, ce n'est pas le cas de tous. D'où mon sentiment d'avoir eu un rythme de lecture un peu perturbé avec ce livre : d'une centaine de pages avalées par jour je pouvais passer le lendemain à une quarantaine, voire moins, parce que j'abordais un chapitre plus difficile à comprendre ou qui nécessitait plus de concentration pour tout assimiler.
    Mais globalement, ce fut une lecture qui m'a passionnée et qui m'a rappelé un cours de fac que j'avais beaucoup aimé (dans l'ensemble) et pour lequel j'avais d'ailleurs acheté ce livre, qui me servait alors de manuel. Je n'avais pas prévu à ce moment-là de le lire un jour d'un bout à l'autre, l'envie est venue bien après l'arrêt de mes études mais je serais bien incapable de dire pourquoi. Peut-être parce que la lecture de romans se passant aux Amériques à l'époque moderne m'a donné envie d'en savoir plus, je ne sais pas. Toujours est-il que je ne pouvais pas faire de meilleur choix : l'écueil avec des livres traitant de la colonisation, c'est de tomber dans la diabolisation ou dans l'apologie et je ne souhaitais ni l'un ni l'autre. Je voulais une approche juste et cohérente, celle d'historiens neutres et objectifs. Quand je dis cela, n'allez pas vous imaginer que les auteurs cautionnent la violence dont ont pu se rendre coupables certains colons, ou encore l'esclavage. Non. Il ne s'agit pas de cela. Il ne s'agit pas non plus de présenter la présence française en Amérique comme irrémédiablement mauvaise. Il s'agit d'en montrer tous les aspects, des contacts amicaux qui se créent entre Français et Amérindiens jusqu'à la phase plus sombre de l'esclavage en Louisiane. Il s'agit d'en montrer les modes de vie, les institutions, les administrations qui se mettent en place pendant les deux siècles environ de développement de la colonie, du milieu du XVIème jusqu'à la perte définitive au milieu du XVIIIème siècle. Il s'agit de montrer ausis ce que cet héritage a encore de prégnant aujourd'hui, en 2020, au sein de populations américaines assimilées mais qui gardent un fort attachement à leurs racines françaises, que ce soit au Québec mais aussi en Louisiane.
    En conclusion, je dirai que ce livre est intéressant mais peu facile d'accès. Il faudra vous accrocher mais vous en ressortirez avec des connaissances actualisées et riches, qui transcendent la vision traditionnelle que l'on a du colon canadien coureur des bois et chassant le castor dans la vallée du Saint-Laurent. La présence française en Amérique, c'est bien plus que cela et vous pouvez faire confiance à Gilles Havard (chargé de recherches au CNRS) et Cécile Vidal (spécialiste de la Louisiane) : ce sont des spécialistes de cette époque et de cette aire géographique !

    Histoire de l'Amérique française ; Gilles Havard et Cécile Vidal

    Trois personnages qui ont marqué l'histoire de la Nouvelle-France : de gauche à droite, Jean Talon, premier intendant de la Nouvelle-France, Pierre Lemoyne d'Iberville, premier gouverneur de la Louisiane et René-Robert Cavelier de La Salle, explorateur qui prit possession de la Louisiane à la fin du XVIIème siècle.

     

    En Bref :

    Les + : ardu, mais riche et intéressant, ce livre vaut le détour si l'Histoire scientifique ne vous fait pas peur et si l'histoire de la présence française en Amérique vous intéresse. Pour en finir avec les idées reçues et les préjugés, lisez ce livre écrit par deux historiens spécialisés de la période et de cet aire géographique. On en ressort sans nul doute avec des connaissances actualisées.
    Les  - : pour moi aucun, mais il est clair que ce roman n'est pas pas d'un abord forcément simple.

     


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