• La dame aux camélias ; Alexandre Dumas fils

    « C’est que depuis que je vous ai vue, je ne sais comment ni pourquoi, vous avez pris une place dans ma vie, c’est que j’ai eu beau chasser votre image de ma pensée, elle y est toujours revenue, c’est qu’aujourd’hui quand je vous ai rencontrée, après être resté si longtemps sans vous voir, vous avez pris sur mon cœur et mon esprit un ascendant plus grand encore, c’est qu’enfin, maintenant que je vous connais, vous m’êtes devenu indispensable, et que je deviendrais fou, non pas seulement si vous ne m’aimez pas, mais si vous ne me laissez pas vous aimer. »

    La dame aux camélias ; Alexandre Dumas fils

     

     

     

        Publié en 2021

       Date de publication originale : 1848

       Éditions RBA (collection Romans Éternels)

       251 pages 

     

     

     

     

    Résumé :

    Ce roman, dont Alexandre Dumas fils tira aussi un drame, est inspiré de l'existence authentique de Marie Duplessis. Merveilleusement belle et intelligente, cette courtisane fut adorée du Tout-Paris et de l'auteur lui-même. Il dut renoncer à elle, car il n'était pas assez riche. Verdi fit de ce drame un opéra sublime, La Traviata.
    Armand et Marguerite vivent un amour immense qui survit à tous les obstacles et à toutes les tromperies. Le père d'Armand interdit cet amour inconvenant. Mais rien n'aura empêché le bonheur d'aimer, la virginité retrouvée, l'argent et les conventions dédaignés. L'amour véritable, c'était pour Marguerite l'espoir, le rêve et le pardon de sa vie. Tout lui fut donné, mais à quel prix !

    Ma Note : ★★★★★★★★★★

    Mon Avis :

    Le postulat de départ de La dame aux camélias est simple comme bonjour : un jeune homme remarque au théâtre une jeune femme. Elle lui plaît, on la lui présente. La belle affecte une moquerie espiègle et une indifférence de façade. Le jeune homme est tout à fait charmé. Il veut la voir, ils se revoient, elle tombe sous le charme à son tour et succombe.
    Sauf que voilà : si Armand, le jeune héros du roman est un pur produit de ce XIXème siècle français, issu d'une famille provinciale respectable, à l'aise sans être opulente, a tout du bon parti et ferait un gendre tout à fait convenable, il n'en va pas de même pour l'objet de ses désirs, la piquante Marguerite Gautier.
    Car Marguerite (qui a pris pour habitude de porter à son corsage des camélias blancs lorsqu'elle est disponible pour ses amants, rouges lorsqu'elle est indisposée et ne peut donc recevoir) n'est pas ce que l'on pourrait qualifier de femme comme il faut. Elle est ce que l'on va qualifier pudiquement, avec euphémisme, une femme entretenue. Une demi-mondaine, une cocotte ou, plus crument, une « grande horizontale », comme on pouvait appeler ces femmes qui, dans la seconde moitié du XIXème siècle, firent fortune en monnayant leurs charmes. Marguerite a donc des protecteurs qui la font vivre et lui permettent de mener grand train : elle a un attelage qui lui permet d'aller se promener aux Champs-Élysées et de se montrer, elle vit dans un appartement confortable et n'a besoin de rien. En somme, Marguerite a su s'élever de la condition modeste qui était la sienne dans son enfance et sa prime jeunesse, même si c'est au détriment de sa réputation car, dans une époque corsetée et rigide, une femme entretenue est une femme perdue. 
    Mais Armand est amoureux, d'un amour passionnel, dévorant : pour Marguerite, il est prêt à tout, sauf à la partager. Sauf que pour continuer à vivre comme elle le fait, à l'abri du besoin, sortant chaque soir, mangeant les mets les plus fins, Marguerite ne peut quitter ses protecteurs, souvent des nobles, qui financent les moindres de ses caprices. Cyniques, les cocottes ? Plutôt pragmatiques. Mais parce que même la femme revenue de tout est capable un jour d'amour pur et désintéressé, Marguerite finit par s'éprendre elle aussi d'Armand et se trouve alors écartelée entre le désir de la vie rangée et respectable qu'il lui propose et les étourdissements de la vie mondaine qu'elle mène depuis de nombreuses années. Et peu importe que cette vie ait peu à peu consumé ses forces car la beauté éthérée de Marguerite, loin d'être naturelle,  est surtout la conséquence de la maladie pulmonaire qui lui consume les bronches et la fait cracher le sang...
    Tout semble donc se liguer contre les amoureux : le passé de Marguerite est une tâche indélébile, la famille bourgeoise d'Armand est un obstacle et surtout, la maladie insidieuse, qui fait son œuvre lentement, scelle d'elle-même la destinée des deux amants. Armand et Marguerite s'aimeront, sincèrement, fiévreusement, mais ils ne s'aimeront pas longtemps parce que l'univers entier a comploté contre eux pour les séparer irrémédiablement.
    Raconté par deux narrateurs (un narrateur anonyme, qui découvre l'histoire de Marguerite Gautier après la mort de cette dernière, alors que ses biens sont vendus aux enchères puis par Armand lui-même), La dame aux camélias est un roman intéressant, sans jugement et qui n'est pas sans rappeler, dans certains de ses aspects, le Nana de Zola, qui dépeint lui aussi l'existence d'une courtisane de luxe, Anna Coupeau, dite Nana, dans le Paris de la seconde moitié du XIXème siècle. Il est très probable que ce soit un roman fortement autobiographique (« N'ayant pas encore l'âge où l'on invente, je me contente de raconter. » dit-il au début du roman), Alexandre Dumas fils y décrivant pudiquement et sous couvert d'une histoire de fiction, sa propre liaison avec Marie Duplessis, qui serait le modèle de Marguerite : née en 1824, morte à vingt-trois ans comme l'héroïne du roman, Marie entretiendra une relation avec Alexandre Dumas fils entre septembre 1844 et août 1845. En 1846, elle épouse l'un de ses protecteurs sincèrement épris d'elle,  le comte de Perregaux, mais ne peut renoncer à sa vie passée. Elle mourra finalement indigente à Paris en février 1847.

     

    Portrait de Marie Duplessis, amante d'Alexandre Dumas fils de 1844 à 1845 et probable modèle de Marguerite Gautier


    Il y a quelque chose de tragique dans ce roman car il commence par la fin : je ne vous divulgue rien en vous disant que le roman s'ouvre sur la dispersion aux enchères des biens d'une demi-mondaine récemment décédée, afin d'éponger ses dettes. C'est autour de cet événement tragique que tout le reste du roman s'articule, le narrateur anonyme étant finalement amené à rencontrer Armand, l'amant inconsolable et pour qui le regret est d'autant plus amer qu'il avait touché du doigt le rêve d'offrir à Marguerite une vie respectable. On sait donc dès le départ que cet amour est voué à l'échec et que toutes les préventions sociales qu'auront à affronter les deux amoureux ne sont rien face à la mort qui broie tout et sépare tout. Le temps de Marguerite est compté et ses hésitations lui en font perdre d'autant plus. Pourtant Armand, dans l'exaltation de l'amoureux, ne doutera jamais. La chute n'en sera que plus dure pour lui.
    La dame aux camélias est un roman mélancolique mais sans pathos, la description d'un monde qui n'est pas respectable à l'époque mais qui se fait ici sans jugement. Jamais un seul mot dur n'est dit contre Marguerite ou contre ces femmes qui gagnent leur vie en vendant leurs charmes. Au contraire même, c'est presque avec un regard indulgent, celui d'un homme probablement séduit lui-même par une de ces cocottes, qu'Alexandre Dumas nous raconte Marguerite, la rendant ainsi attachante. Celle-ci n'est ni une créature vénale ni une femme cruelle, ni même une débauchée de la pire espèce. Marguerite est une femme qui a fait des choix de vie, ne les regrette pas et s'y tient, malgré l'opprobre de la société. En cela, elle est en quelque sorte une femme émancipée pour son temps mais aussi, paradoxalement, tenue sans cesse sous la coupe d'hommes puissants puisque dépendant d'eux pour vivre.
    Quand on connaît Alexandre Dumas père et son œuvre enlevée, pleine du souffle de la grande Histoire, qu'il prend toujours plaisir à distordre et à remanier pour les besoins de ses intrigues, on peut être surpris par l'oeuvre plus conventionnelle du fils, qui n'en est pas moins intéressante. D'ailleurs, la postérité ne s'y est pas trompée, offrant dans de nombreuses adaptations, le rôle de Marguerite à des actrices aussi réputées que Sarah Bernhardt, Isabelle Adjani, Isabelle Huppert ou encore Greta Garbo. Enfin, le roman de Dumas fils inspirera au célèbre Verdi l'une de ses oeuvres d'opéra les plus connues, La Traviata, en 1853.

    En Bref :

    Les + : le récit d'une très belle histoire d'amour, sans aucun jugement. Marguerite est certes une mondaine et une femme entretenue, mais elle n'en est pas moins une femme. J'ai aussi beaucoup aimé la plume de l'auteur. 
    Les - :
    j'aurais aimé en savoir plus sur le passé de Marguerite et sa jeunesse, avant qu'elle ne devienne courtisane, ce qui l'aurait rendue je pense, encore plus attachante. 


     Mémoires de la baronne d'Oberkirch sur la cour de Louis XVI et la société française avant 1789 ; Henriette Louise de Waldner de Freundstein, baronne d'Oberkirch LE SALON DES PRÉCIEUSES EST AUSSI SUR INSTAGRAM @lesbooksdalittle

     

     


  • Commentaires

    1
    Lundi 6 Février 2023 à 10:45

    Je me disais récemment qu'il faudrait enfin que je me plonge dans cette oeuvre... qui est dans ma PAL depuis des lustres ! Je ne savais pas de quoi le livre parlait jusqu'ici. Je pense que cette histoire devrait pas mal me captiver...

    Bien vu pour ton challenge perso ! Pour ma part c'est aussi un peu ça, ne pas oublier de lire des classiques de temps en temps... entre deux cosy mystery (mon genre préféré du moment) :-)

      • Mardi 7 Février 2023 à 18:53

        Je crois que je me faisais une fausse idée de ce roman...je ne sais pas si j'en attendais autre chose, peut-être que oui, finalement. ^^ Mais je n'ai pas détesté non plus, c'était une lecture différente de ce à quoi je m'attendais mais c'était agréable. Et, pour un classique, assez facile, fluide à lire (ce qui n'est pas toujours le cas).

        J'espère que tu aimeras, en tout cas. happy Et  bonnes lectures : les cosy mysteries, c'est vrai que c'est une valeur sûre, aussi. J'adore ce genre moi aussi depuis quelques temps. sarcastic

    2
    Renaud
    Lundi 6 Février 2023 à 14:50

    Belle critique bien écrite. Je me serais à priori pas intéressé à ce genre de littérature mais en lisant ce que vous avez écrit, ça a l'air intéressant.

      • Mardi 7 Février 2023 à 18:54

        Merci beaucoup pour ce commentaire, c'est très gentil. happy Si je vous ai donné envie de découvrir La dame aux camélias alors qu'au départ, cela ne vous emballait pas plus que ça, alors en tant que lectrice passionnée, j'ai tout gagné. wink2

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