• La Ferme du Bout du Monde ; Sarah Vaughan

    « On n'a que peu de secondes chances dans une vie et quand elles se présentent il faut parfois les saisir. Tu n'as pas envie de te dire, plus tard : Ah, si seulement...Tu n'as pas envie d'être rongée par le regret. »

    La Ferme du Bout du Monde ; Sarah Vaughan

    Publié en 2016 en Angleterre ; en 2018 en France (pour la présente édition)

    Titre original : The Farm at the Edge of the World

    Editions Le Livre de Poche

    470 pages 

    Résumé : 

    Cornouailles, 1939. Will et Alice trouvent refuge auprès de Maggie, la fille du fermier. Ils vivent une enfance protégée des ravages de la guerre. Jusqu'à cet été 1943 qui bouleverse leur destin. 
    Eté 2014. La jeune Lucy, trompée par son mari, rejoint la ferme de sa grand-mère Maggie. Mais rien ne l'a préparée à ce qu'elle va y découvrir. 
    Deux étés, séparés par un drame inavouable. Peut-on tout réparer soixante-dix ans plus tard ? 
    Destinées prises dans les tourments de la Seconde Guerre mondiale, enfant disparu, paysages envoûtants, un roman vibrant, une saga inoubliable. 

    Ma Note : ★★★★★★★★★

    Mon Avis :

    Entre les années 2010 et le début des années 40, Sarah Vaughan nous emporte dans une saga familiale comme je les aime !
    En 2014, Lucy, jeune infirmière londonienne manque comettre une erreur qui aurait pu être fatale à un petit patient. Plus tard, des soucis dans son couple la poussent à rejoindre pour un été la ferme familiale en Cornouailles, où vivent encore sa grand-mère, Maggie, sa mère Judith et son frère Tom, qui travaillent sur l'exploitation. Une exploitation qui ne va pas très bien mais que la famille est bien déterminée à sauver malgré tout, surtout par fidélité aux différentes générations qui se sont succedées sur ces terres et les lui ont léguée. Et pourtant, les découverts s'accumulent et la ferme se délabre...
    En même temps, on la découvre au début des années 1940, encore florissante. Elle est alors la propriété des parents de Maggie et va servir de refuge pour de petits londoniens, lorsque la ville est assaillie par le Blitz. Là, ils trouvent des familles de substitution avant de pouvoir retrouver leurs parents, vont à l'école avec les enfants de la région et donnent un coup de main aux champs ou à la ferme, comme Will et Alice, le frère et la soeur adolescents installés chez Joe et Evelyn et leur fille Maggie. Les deux petits citadins découvrent, dans cette ferme isolée et battue par les embruns, tout au bord de l'Atlantique, un mode de vie qu'ils ne connaissent pas, loin de la grande ville et de son confinement, une vie en contact permanent avec les animaux et la nature. Et puis le temps passe et les enfants deviennent des adolescents, et les coeurs se mettent à parler, pour le meilleur comme pour le pire...Mais comment tomber amoureux fou en pleine guerre, quand l'avenir est incertain et quand la société réprouve l'amour hors mariage et que le risque, pour les jeunes filles, de se trouver enceinte, entraîne aussi celui d'être renié par sa famille ?
    En 1944, sans explications, Alice quitte la ferme et est relogée plus loin, tandis que son frère Will quitte la ferme pour ne jamais y revenir... Que s'est-il passé ? C'est ce que l'on va découvrir grâce à des aller-retours incessants entre deux époques.
    Soixante-dix ans plus tard, à la faveur d'un événement inattendu, Maggie, alors âgée de quatre-vingt-huit ans et fatiguée par les soucis traversés par l'exploitation de son enfance et qu'elle veut sauver coûte que coûte, va révéler aux siens ce qui s'est passé en ces années 1943-1944 qui a fait basculer leurs vies à tous, alors que la guerre touche à sa fin et que l'espoir renaît...
    En cet été 2014, Lucy va également faire un point sur sa propre vie et découvrir que, comme sa mère et son frère et aussi son père disparu, elle est viscéralement attachée à cette terre qui l'a vue naître, qu'elle a rêvé de quitter plus jeune mais qu'elle n'aspire plus, à trente ans passés, qu'à retrouver définitivement et le nouveau tournant amorcé dans la gestion de la ferme va lui permettre de prendre aussi un nouveau départ.
    Si j'ai peiné à être convaincue dès le départ, ce serait mentir que de dire que ce roman n'est pas captivant. Je pense surtout que ma propre concentration n'était pas forcément extrêmement mobilisée quand j'ai démarré cette lecture et que mon inattention n'est pas forcément imputable au livre en lui-même. En effet, il avait tout pour me plaire et il m'a immédiatement fait penser à un roman de Kate Morton, Les Heures Lointaines, où il est aussi question du Blitz et de l'arrivée d'une jeune citadine dans un grand domaine du Kent. Ensuite, j'ai trouvé que les deux univers, s'ils ont bien sûr des points communs -on est dans un roman à secrets tels que Kate Morton sait les écrire à la perfection-, s'éloignent malgré tout l'un de l'autre et si, chez Morton, les secrets sont parfois assez spectaculaires et ses personnages impressionnants parce que hauts en couleurs, j'ai trouvé chez Sarah Vaughan beaucoup de simplicité, ce qui amène inévitablement authenticité, sincérité et vraisemblance. Ses personnages m'ont tous intéressée, à leur échelle, parce qu'ils sont un échantillon d'une époque : Maggie, adolescente et jeune adulte au milieu des années 1940 est une jeune femme libre et passionnée mais qui fera amèrement l'expérience de la rigidité morale de son époque ; Lucy, quant à elle, est un pur produit de ces années 2010 qui nous sont familières, une jeune femme qui semble bien dans sa vie, qui a rempli plusieurs cases de ce que la bienséance actuelle nous impose plus ou moins tacitement, à commencer par le métier stable, la maison, le mari...Et puis finalement, elle se rend compte, comme beaucoup de gens aujourd'hui, qu'elle n'est pas à l'aise dans cette vie et plusieurs événements perturbateurs vont l'amener à se questionner et à tout envoyer balader pour retrouver plus de sincérité dans une existence qui, au final, en manquait.
    De plus, que ce soient les problèmes rencontrés actuellement par la ruralité, en Grande-Bretagne comme en France, d'ailleurs, parce que les soucis sont les mêmes (perte de rentabilité, des fermes qui sont obligées d'étendre leur gamme de compétences, découverts, problèmes financiers permanents, pression de plus en plus difficile à supporter pour les exploitants etc...) ou bien la guerre, j'ai trouvé que Sarah Vaughan maîtrisait parfaitement bien son sujet. Elle nous emmène au coeur d'une nature encore très sauvage et préservée, qui évoque un peu la Bretagne et ses côtes déchiquetées, qui donnent un effet de bout du monde. Dans ce petit coin verdoyant de l'Angleterre, dans un isolement encore profond en 2014, on fait une pause, une parenthèse iodée et qui sent l'algue, dans le sillage de Lucy. Et puis on y revient en 1943 et 1944, dans les pas de Maggie, qui grandit si vite en l'espace de quelques mois et se heurte à ce qui sera pour elle le drame de toute une vie.
    L'amour ne se termine pas toujours très bien et l'on passe par des événements tragiques ou difficiles mais il est toujours possible de relever la tête même quand on pense qu'on n'y arrivera pas, voilà finalement le message de ce livre, un message d'une simplicité monstre mais qui peut tous nous toucher.
    Je me suis retrouvée dans le personnage de Lucy, un peu plus âgée que moi et n'ayant, au début du roman, pas du tout la même vie que moi. Et petit à petit, quand elle revient sur ses terres d'enfance, je me suis vue en elle, parce que j'ai toujours vécu à la campagne, sur des terres qui appartiennent à la même famille depuis plusieurs générations et que c'est un patrimoine qu'il me semble important de préserver et de sauvegarder.
    J'ai aimé aussi le personnage de Maggie, qui se dévoile petit à petit et qui peut apparaître au départ comme un peu hautaine, se sentant supérieure aux petits citadins émerveillés par la campagne qu'ils découvrent pour la première fois et qui est, pour elle, le quotidien depuis toujours. Et puis la carapace se fendille et nous montre une Maggie bien plus vivante et bien moins corsetée -c'est le moins que l'on puisse dire- que ce que l'on pourrait croire au départ.
    La Ferme du bout du Monde m'a vraiment beaucoup plu et j'ai dévoré ce roman. Je crois que j'y ai tout aimé et que j'ai vraiment voyagé en Cornouailles tout en ressentant beaucoup d'empathie pour ses personnages qui pourraient être réels. Ce ne sont pas des super héros et c'est vraiment ça qui m'a plu chez eux et m'a émue à plusieurs reprises.
    Comme la plupart de ces romans qui ont beaucoup de succès ces dernières années, de Kate Morton à Sarah McCoy en passant par Katherine Webb ou encore Kate Mosse, on ne peut pas dire que La Ferme du bout du Monde révolutionne le genre, non, et une fois que les fils commencent à se dénouer, on pressent rapidement la fin. Et pourtant, je trouve que ce sont des romans qui donnent parfois de l'espoir...oui, certes c'est de la fiction mais souvent, ils démontrent bien que nous sommes dépositaires de notre vie et qu'il n'appartient qu'à nous d'en faire ce que l'on en veut. Souvent, les héros de ces romans arrivent à cette conclusion après avoir percé à jour un secret et, en retour, le livre permet au lecteur de se dire que c'est possible. Alors pourquoi s'en priver ? La Ferme du bout du Monde est à mettre entre toutes les mains. Nul doute que vous passerez un excellent moment dans des paysages verdoyants qui m'ont évoqué la série Poldark

    En Bref :

    Les + : un roman articulé autour d'un secret de famille vieux de soixante-dix ans, comme je les aime, une intrigue touchante et des personnages attachants. Il ne m'en fallait pas plus pour passer un excellent moment. 
    Les - :
    peut-être deux ou trois longueurs, mais sinon rien de grave. C'est un très bon roman.


    Tags Tags : , , ,
  • Commentaires

    1
    Vendredi 3 Janvier 2020 à 13:50

    Je ne le mettrais pas dans mes priorités mais je me dis pourquoi pas... Tu dis qu'il ne révolutionne pas le genre mais c'est justement un genre que je ne lis pas encore alors ce sera une découverte pour ma part ;-)

      • Vendredi 3 Janvier 2020 à 14:19

        J'espère que tu aimeras La Ferme du Bout du Monde. C'est un très beau roman, je l'ai trouvé vraiment émouvant. C'est vrai qu'il ne révolutionne pas du tout le genre mais bon, avec ce type de romans (les romans à secrets, comme je les appelle) on sait en général à quoi s'attendre en commençant. ^^ Il y'a des mécanismes qu'on retrouve d'un roman à un autre et d'un auteur à un autre mais personnellement, ça ne me dérange pas. Et même, je dirais que La Ferme du Bout du Monde était un poil trop court : j'aurais presque apprécié de rester encore un petit moment avec les personnages. ^^

    2
    Mélissa
    Vendredi 3 Janvier 2020 à 15:02
    Salut !
    Je pense un peu comme le commentaire du salon des lettres. J'ai envie de me laisser tenté car je ne lis pas non plus beaucoup de romans qui se passent à cette époque. Ta critique donne bien envie.
      • Vendredi 3 Janvier 2020 à 17:56

        J'ai trouvé que c'était une lecture assez surprenante parce que je ne m'attendais pas à ça et au final l'auteure aborde pleins de sujets : le Blitz, la Seconde Guerre Mondiale mais aussi la ruralité à l'époque contemporaine et les problèmes qu'elle rencontre finalement un peu partout (surendettement, suicide des agriculteurs etc)...surtout, le roman est très simple, les personnages pourraient être toi ou moi et le secret de famille au centre du récit est aussi très vraisemblable. Je pense que c'est pour cela que l'histoire autant fait écho en moi parce que ce n'est pas hyper romanesque : j'aime bien ça chez Kate Morton par exemple, mais j'ai apprécié de découvrir une histoire avec peut-être moins de prétention, chez Sarah Vaughan, qui m'a permis de m'attacher aux personnages très rapidement et d'avoir envie, quand je suis arrivée au point final, de continuer un peu avec eux. J'ai été triste de quitter Lucy mais aussi Maggie... ^^

    Suivre le flux RSS des commentaires


    Ajouter un commentaire

    Nom / Pseudo :

    E-mail (facultatif) :

    Site Web (facultatif) :

    Commentaire :