• La maîtresse du peintre ; Simone van der Vlugt

    « Le bonheur n'est pas éternel. Dès que vous commencez à vous y habituer, que vous le considérez comme naturel, prenez garde : il vous échappe déjà. »

    Couverture La maîtresse du peintre

     

     

         Publié en 2019 aux Pays-Bas

      En 2021 en France (pour la présente édition)

      Titre original : Schilderslief

      Éditions 10/18

      312 pages

     

     

     

     

     

    Résumé :

    Juillet 1650. Geertje Dircx est arrêtée et conduite dans une maison de correction, condamnée à y passer douze ans. A l'origine de cette peine, le peintre Rembrandt. De sa cellule, la prisonnière revient sur les années qui ont précédé et sur son idylle avec le peintre. De milieu modeste, Geertje entre à tout juste trente ans au service de Rembrandt, en tant que nourrice de son fils. La mort de la femme de l'artiste fait de Geertje la maîtresse de maison, et la cohabitation laisse vite place à l'amour. Les deux amants vivent une relation scandaleuse, hors mariage, jusqu'à la terrible trahison de Rembrandt...

    Ma Note : ★★★★★★★★★

    Mon Avis :

    Un jour de juillet, alors qu’elle rentre tranquillement chez elle, Geertje Dircx est brutalement arrêtée et conduite à la maison d’arrêt pour femmes de Gouda. Là, elle apprend qu’elle a été condamnée à douze ans de réclusion, une peine exceptionnelle, dont elle ne purgera finalement que quatre ans. Très vite, Geertje soupçonne celui qu’elle a aimé follement d’être à l’origine de son arrestation. Celui qu’elle a aimé et avec lequel elle s’est déchirée. Désespérée, Geertje entreprend de raconter son histoire.
    Née à Edam dans un milieu modeste et sans perspective, Geertje a très vite des envies d’ailleurs. D’abord, elle quitte son village natal pour la proche ville de Hoorn, où elle va trouver une place de servante d’auberge. Là, elle rencontre un marin qui deviendra son époux. Mais il disparaît en mer quelques mois après leur mariage et Geertje va devoir trouver un nouveau travail : elle entre au service d’une famille aisée de la ville, les Beets, dont elle devient la gouvernante, s'occupant de la gestion de la maisonnée et surtout, des soins quotidiens apportés aux nombreux enfants. Se faisant au fil des ans une place au sein de la famille, Geertje doit pourtant quitter ses employeurs lorsque les enfants ont grandi et que leur situation financière se dégrade.
    Mais sa bonne réputation la précède et, alors que Geertje se trouve sans emploi, on lui parle d’un couple d’Amsterdam ayant besoin d’une nourrice pour leur petit garçon d’à peine un an. La mère est malade et moribonde, il ne lui reste plus longtemps à vivre et le père, peintre réputé, ne peut s’occuper seul de l’enfant. C’est ainsi que Geertje va faire la connaissance de Rembrandt van Rijn, l’un des peintres hollandais du XVIIème siècle les plus connus. D’abord, c’est auprès de son épouse, la jolie mais faible Saskia, rongée par la phtisie, que Geertje travaille, prenant soin de la jeune femme et surtout de son bébé, le petit Titus. Comme chez les Beets, Geertje devient presque indispensable au ménage et plus encore quand Saskia disparaît : elle prend alors le rôle de mère de substitution auprès de l’enfant et dirige la maison pendant que la maître peint pour gagner sa vie.
    Au départ, leur relation est distante, celle d’un maître et de sa gouvernante, une relation certes de confiance mais qui s’arrête là. Et puis, petit à petit, elle va évoluer : après avoir progressivement pris la place de sa mère auprès du petit Titus, veillant sur lui avec dévouement, c’est aussi la place de Saskia dans le lit de Rembrandt que Geertje va occuper. Ils vivront ainsi plusieurs années, comme mari et femme : mais dans la société conservatrice et protestante des Pays-Bas du XVIIème siècle, leur relation fait scandale et seule la renommée de Rembrandt les protège un peu de l’hostilité croissante qui les entoure.

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    Jeune femme nue dans un lit (1645) : ce tableau de Rembrandt pourrait être un portrait de Geertje Dircx


    Mais très vite, leurs relations se dégradent : en embauchant une nouvelle servante, Geertje fait entrer le loup dans la bergerie. Rembrandt s’éloigne d’elle mais Geertje se raccroche aux promesses de mariage que le peintre lui a faites. Pourtant, la séparation est inéluctable et, bientôt, le couple se déchire avec violence. Aucune solution ne sera jamais trouvée, conduisant à la séparation pure et simple, au départ de Geertje d’Amsterdam puis, quelques années plus tard, à son arrestation et à son incarcération à la Spinhuis (la prison pour femmes) de Gouda.
    Dans une ambiance feutrée et en clair-obscur qui rappellent les glorieuses heures du Siècle d’or hollandais, Simone van der Vlugt, romancière néerlandaise dont la renommée internationale est grandissante, nous raconte ici le destin authentique de Geertje Dircx, une jeune néerlandaise devenue maîtresse de Rembrandt et pour lequel elle aurait servi de modèle (ainsi, les spécialistes émettent l’hypothèse que Geertje aurait prêté son visage à la Danaé de Rembrandt, qui remplacera la figure de sa défunte épouse Saskia après son décès ; elle aurait été aussi le modèle de jeune femme nue du tableau Jeune femme au lit, datant de 1645). Si elle est relativement méconnue aujourd’hui hors des frontières néerlandaises, une légende noire tenace la poursuit, faisant d’elle le mauvais ange de Rembrandt, une femme intéressée, vénale et antipathique, qu’elle n’est probablement pas.
    Partant en quête d’archives, Simone van der Vlugt a fait un formidable travail de recherches pour étayer son roman et essayer de brosser un portrait nuancé de Geertje. Elle ne cherche pas à la réhabiliter ni même à prendre un contre-pied absolu de ce qui a pu être dit ou écrit précédemment, au risque de tomber à son tour dans l’écueil du contre-sens. La motivation de l’autrice ici est d’apporter une nuance à la mauvaise réputation forgée post-mortem à Geertje qui est, en face de Rembrandt, bien peu de chose et dont on ternira l’image pour que celle du maître en sorte grandie et sans taches. Et parce que, pendant longtemps, les historiens ont été des hommes, Simone van der Vlugt cherche aussi à opposer à des poncifs misogynes qui ont la vie dure un portrait un peu moins négatif de Geertje dont, au fond, on ne sait pas grand-chose, les textes étant lacunaires ou se contredisant.
    On ne sait pas et on ne saura probablement jamais si les accusations de Rembrandt envers son ancienne maîtresse sont vraies ou fausses. L’incarcération de Geertje a-t-elle été abusive ? Rembrandt a-t-il menti ou bien Geertje s’est-elle en effet rendue coupable de mensonges et de chantage ? Tout cela, nous ne le saurons probablement jamais. Pour autant, le destin de cette femme, qui fut très certainement une victime d’une société profondément inégalitaire et phallocrate, est édifiant. Quels qu’aient été les agissements de Geertje au sein du couple qu’elle forma avec Rembrandt, méritait-elle pour autant une peine aussi lourde, souvent même pas prononcée pour un crime plus grave ?
    J’ai vraiment apprécié cette lecture, malgré les réserves de certains autres lecteurs, que j’avais en tête au moment de commencer la lecture de ce roman : au final, les quelques bémols soulevés par certains ne m’ont pas gênée et j’ai trouvé que cette lecture se déroulait avec fluidité. Le récit se lit avec aisance et l’on suit avec beaucoup d’intérêt le destin de Geertje, de sa jeunesse modeste dans un village de pêcheur jusqu’à son arrivée à Amsterdam. Je regrette juste que l’accent n’ait pas plus été mis, par moments, sur la peinture de Rembrandt, comme Tracy Chevalier avait pu le faire par exemple dans La jeune fille à la perle, donnant certes la parole à la petite Griet, servante des Vermeer mais orientant aussi le regard du lecteur vers l’activité du peintre, son atelier, sa façon de travailler – quand on a lu La jeune fille à la perle, difficile par exemple d’oublier l’initiation au mélange des pigments dispensé par Vermeer à une Griet timide et impressionnée. Ici, hormis quelques allusions à la peinture de La Ronde de Nuit, probablement l’un des tableaux les plus connus du XVIIème siècle néerlandais, à l’atelier du peintre où apprennent de jeunes garçons de tous horizons et au tableau Jeune femme nue dans un lit, qui serait un portrait de Geertje, l’activité de peintre de Rembrandt est absente. Peut-être à dessein, pour laisser la part belle de Geertje, mais malgré tout j’ai été un peu frustrée de ne pas avoir aussi cet angle de vue dans le roman ou disons, pas assez.
    La maîtresse du peintre n’est malgré tout pas une mauvaise découverte et c’est un roman historique efficace. J’ai passé un bon moment et la plume de l’autrice n’est pas désagréable. J’ai maintenant bien envie de découvrir d’autres romans de Simone van der Vlugt et de continuer ainsi mon incursion dans la littérature néerlandaise contemporaine que je connais très mal.  

    Amsterdam au XVIIème siècle est une ville commerciale mais aussi considérée comme capitale de la peinture

    En Bref :

    Les + : bien écrit et bien documenté ce roman redonne une voix à un personnage oublié ou maltraité par l'histoire, Geertje, maîtresse de Rembrandt et qui fut condamné à plusieurs années de prison à l'instigation du peintre. Une plongée feutrée et en clair-obscur dans le Siècle d'or hollandais dont Rembrandt est l'un des fers de lance
    Les - : j'ai été un peu frustrée que le roman n'aborde pas plus la peinture de Rembrandt, mais ceci n'est qu'un ressenti personnel.


    La maîtresse du peintre ; Simone van der Vlugt

       Mémoires de la baronne d'Oberkirch sur la cour de Louis XVI et la société française avant 1789 ; Henriette Louise de Waldner de Freundstein, baronne d'Oberkirch LE SALON DES PRÉCIEUSES EST AUSSI SUR INSTAGRAM @lesbooksdalittle

     


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