« Elle était convaincue que toute énigme avait une réponse, à condition qu'on accepte de la chercher assez longtemps. »

     Publié en 2022

  Éditions Pocket

  530 pages 

Résumé :

Peut-on parler aux esprits ? 
New-York, 1888. Jenny Marton est une jeune prestidigitatrice de rue qui vit avec sa mère, son lapin et sa colombe. Elle est engagée par Robert Pinkerton, de la fameuse agence de détectives privés du même nom, pour enquêter sur le phénomène des sœurs Fox. Ces trois femmes sont à l'origine du mouvement spirite qui a révolutionné la société américaine puis européenne à partir des années 1850 en y amenant la communication avec les défunts. L'experte en illusionnisme se trouve entraînée dans une aventure pleine de surprises qui déterminera le futur du mouvement et qui l'aidera enfin à résoudre les mystères de son passé. La magicienne arrivera-t-elle à élucider le secret le mieux gardé du siècle ? 

Ma Note : ★★★★★★★★★★

Mon Avis :

1888. A New-York, Jenny est une jeune prestidigitatrice de rue qui vit modestement de ses spectacles d'illusionniste. Mais voilà qu'elle est approchée par la célèbre agence de détectives privés, les Pinkerton, pour enquêter sur un phénomène, celui des sœurs Fox, qui dure depuis quarante ans. 
Peut-être n'avez-vous jamais entendu parler de ces trois femmes, qui ont vécu à la fin du XIXème siècle ? Nées dans une petite bourgade rurale de l’État de New-York, Leah, Margaret et Kate Fox sont nées respectivement en 1813, 1833 et 1837. Alors que les cadettes sont encore très jeunes, leurs parents déménagent dans une ferme de Hydesville. On dit que la maison est hantée et la mère de famille, bientôt, se sent mal dans cette nouvelle demeure. Décidant de lui jouer un tour, les deux jeunes filles s'amusent de sa peur, faisant résonner des bruits en apparence inexpliqués (les deux jeunes filles attachaient une pomme à un fil puis, en faisant jouer celui-ci, tapaient la pomme contre le sol ce qui provoquait des coups sourds). Mais un soir de mars 1848, la farce semble se retourner contre elles lorsqu'elles présentent comme des signes de possession, un esprit semblant parler par leur biais. Il annonce avoir été assassiné plusieurs années auparavant et que son corps a été enterré dans la cave de la maison des Fox. Les voisins se chargeront des fouilles, durant lesquelles ils trouveront bien des ossements mais sans pouvoir assurer qu'ils proviennent bien d'un squelette humain...toujours est-il que le phénomène des sœurs Fox vient de commencer. 
Flairant quelque chose, l'aînée de Margaret et Kate, Leah, qui a déjà quitté la maison familiale, décide de prendre en charge ses deux jeunes cadettes. Elle va se servir d'elles et de leurs dons supposés pour développer l'un des plus grands mouvements au monde, celui du spiritisme, qui en une quarantaine d'années va faire des milliers d'adeptes aux États-Unis et se diffuser largement, notamment en Europe. Quarante ans plus tard, elles révèleront la supercherie qui les a rendues célèbres : des claquements qu'elles parvenaient à émettre avec leurs corps, en faisant notamment craquer leurs articulations, ce qui permettait au public, lors de leurs numéros, de ne jamais se rendre compte du « truc » et de se convaincre alors du don des médiums supposées.
Si Jenny est un personnage imaginaire, les autres personnages centraux du roman, les Pinkerton, sont aussi des personnages authentiques historiquement : la célèbre agence de détectives privés avait été fondée en 1850 par un émigré écossais, Allan Pinkerton. L'agence se distinguera notamment pendant la guerre de Sécession, en protégeant le président Abraham Lincoln.
C'est une véritable lutte que se livrent ici, d'un côté les détectives, qui semblent incarner le pragmatisme et la raison et les sœurs Fox d'un autre, qui incarnent le spirituel, la croyance, l'inexpliqué et l’inexplicable.
Le but de ce roman n'est pas de dénigrer le spiritisme ou de le faire passer pour une supercherie moralement discutable, même s'il est avéré que la médiumnité des sœurs Fox, du moins des deux cadettes, reposait au départ sur une farce et une duperie.

Pour autant, quelque part il questionne nos propres croyances, nos a priori et nos préjugés. Est-il plus surprenant de croire à une possible existence de quelque chose après la mort ou d'une possible communication entre le monde des vivants et le monde des esprits que de croire en Dieu ? Est-ce possible ? Là n'est pas la question. Le roman est plutôt constitué comme une enquête, la jeune Jenny se voyant confier la mission d'infiltrer le mouvement (car en tant que magicienne elle est censée tout connaître de l’illusionnisme) et de se rapprocher des sœurs, afin de découvrir leurs secrets.
Et ce que la jeune femme découvre n'a finalement rien de très fascinant - ce qui est assez paradoxal quand on songe qu'encore aujourd'hui, plus de cent-soixante ans après la création du mouvement spirite, celui-ci exerce encore un véritable magnétisme, c'est le cas de le dire, sur de nombreux adeptes : on y découvre deux sœurs soumises à leur écrasante aînée, qui a trouvé le moyen d'accéder à la richesse et à la notoriété en exploitant ses sœurs pendant quarante ans, au détriment de l'équilibre et de la santé mentale de ces dernières. Ainsi, Kate mourra seule et sans le sou, de l'alcoolisme qui la rongeait, en 1892. Pour autant, un instant, ses certitudes seront bousculées par l'aura que Margaret et Kate ont fini par s'approprier, au point de se demander si les deux femmes n'ont pas véritablement un don. Et si, finalement, nous avions tous en nous des ressources insoupçonnées ?
Là où les esprits ne dorment jamais est un premier roman et, en cela, il n'est pas parfait mais pour un premier essai, il est quand même plutôt réussi. Pour être honnête, je dois vous dire que je n'ai pas été pleinement convaincue, peut-être parce que je ne m'attendais pas exactement à ça. J'ai trouvé que le roman mettait du temps à se mettre en place et manquait un peu de rythme. Je me suis parfois ennuyée et je déplore de ne pas m'être plus attachée aux personnages, mais je n'ai pas détesté pour autant, j'ai même globalement passé un bon moment avec ce livre, qui a au moins le mérite de nous faire nous questionner sur nos croyances les plus profondes, les plus ancrées - et je ne parle pas ici de religion ou de croire aux esprits, mais peut-être ce roman nous invite-t-il quelque part à prendre conscience qu'il peut peut-être y avoir plusieurs visions du monde qui cohabitent harmonieusement, à condition que l'une ne soit pas fondée sur une tromperie et sur une volonté d'enrichissement personnel, comme l'était le mouvement des sœurs Fox ou plutôt, devrait-on dire, de Leah Fox, car elle est finalement la seule instigatrice de cette vaste farce.
L'auteur a une belle plume, ce qui ne gâche rien et j'ai aimé la forme du roman, entre un récit traditionnel au narrateur omniscient et des chapitres plus biographiques ou explicatifs, qui nous en apprennent un peu plus sur la famille Fox et le fonctionnement de l'agence Pinkerton. L'univers de Jonathan Werber (le fils de Bernard Werber) est prometteur et ne demande qu'à s'affirmer. Même si je n'ai pas été pleinement convaincue par Là où les esprits ne dorment jamais et que j'escomptais aimer un peu plus, je vais surveiller ses futures productions de près.

En Bref :

Les + : pas mal du tout pour un premier roman, maîtrisé par son auteur et cohérent. Jonathan a aussi une belle plume, ce qui ne gâche rien.
Les - : un petit manque de rythme et des longueurs. Des personnages peu attachants également, dommage.

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