• La reine oubliée, tome 1, Les enfants d'Alexandrie ; Françoise Chandernagor

    «  La fin est dans le commencement. Cachée au coeur du commencement. Comme une malédiction génétique, la mort croît avec la vie. Combien de temps avant que le mal paraisse et devienne irréfutable ? Irrémédiable, il l'est déjà. Depuis le début. »

     

     

         Publié en 2011

      Éditions Albin Michel

      400 pages 

      Premier tome de la saga La reine oubliée 

     

     

     

     

    Résumé :

    En ce temps-là, le monde était jeune, et Alexandrie, la plus belle ville du monde. Au ras des flots, la Très Brillante éblouissait par sa blancheur. Blanches, les terrasses de pierre tendre, les colonnes d'albâtre, les avenues pavées de marbre, et blanc, le grand Phare... Alexandrie : joyau d'un empire qu'Antoine et Cléopâtre vont entraîner dans leur chute. 

    Des amours de l'Imperator et de la reine d'Egypte étaient nés trois enfants : des jumeaux magnifiques, fille et garçon, brune et blond, puis un bébé fragile. Princes éphémères, qui grandissaient dans l'or et la pourpre du Quartier-Royal auprès de leur demi-frère aîné, l'enfant-pharaon né de César et de Cléopâtre. Tous si jeunes encore, si protégés, si confiants, quand la tourmente s'abattit sur eux. Quatre enfants au destin tragique.

    Âgée de dix ans lors de la prise de la ville et du suicide de ses parents, la petite Séléné, unique rescapée de cette illustre famille, n'oubliera jamais l'anéantissement de son royaume, de sa dynastie, de ses dieux. Prisonnière en terre étrangère, elle va vivre désormais pour venger ses frères et faire survivre dans le monde des vainqueurs la lignée des vaincus. 

    Avec la sensibilité d'écriture et la force romanesque qui ont de L'allée du Roi un classique, Françoise Chandernagor s'empare de la vie méconnue de la dernière des Ptolémées, la Reine oubliée. Explorant vérités et silences de l'Histoire, elle questionne un passé deux fois millénaire. Un récit singulier, haletant. Une fresque grandiose. 

    Ma Note : ★★★★★★★★★★

    Mon Avis :

    Premier siècle avant notre ère. L’Égypte et sa reine charismatique, Cléopâtre, ne le savent pas encore mais leur temps est compté. Dans une dizaine d’années, l’Egypte des Ptolémées sera engloutie par la République romaine et en deviendra une province. Mais avant cela, le pays s’étourdit une dernière fois dans les fêtes et les richesses.
    Après avoir été la maîtresse de César, assassiné en -44 et dont elle a eu un fils, Césarion, promis au trône d’Égypte, Cléopâtre a cherché l’appui de Rome en la personne de Marc-Antoine, ancien compagnon de César qui vengea sa mort sur le champ de bataille et triumvir d’Orient. De leur union naîtront trois enfants : des jumeaux vers -40, Alexandre et Cléopâtre, qui recevront de leur père les surnoms d’Hélios (le Soleil) et Séléné (la Lune) puis un jeune garçon à la santé fragile, Ptolémée surnommé Philadelphe.
    Les enfants de Cléopâtre auront un destin grandiose tout autant que tragique. Ils naissent princes, dans une Égypte aussi métissée qu’eux, où se mêlent des influences et des cultures diverses, comme les sangs grecs et romains se mélangent dans leurs veines. L’Égypte des années 40 et 30 avant notre ère, n’a presque plus rien à voir avec le grand empire des Pharaons : certes, on continue d’y adorer un panthéon de dieux à têtes d’animaux, d’y momifier les morts et d’y vénérer les chats. Mais on y parle plus volontiers le grec que l’égyptien, on fait des offrandes tout autant à Sérapis et Isis qu’à Dionysos ou Apollon… et si la famille des Lagides, dont est issue Cléopâtre, a su délicieusement s’acculturer, elle n’en reste pas moins une famille grecque, illustre descendante d’un ancien compagnon d’Alexandre le Grand, fondateur de la blanche Alexandrie que borde la Méditerranée et qui est le berceau des petits princes, à moitié grecs, à moitié égyptiens et à moitié romains.
    Des quatre enfants de Cléopâtre, nés de deux pères différents, seuls les enfants qu’elle eut d’Antoine sortiront vivants du désastre qui coûtera la vie à Marc Antoine et à la reine d’Égypte, en -30 : après la défaite d’Actium puis l’invasion de la ville d’Alexandrie par les troupes d’Octave (le futur Auguste), la reine défaite et son époux (Cléopâtre épousera Antoine entre -40 et -37) se suicident pour échapper au vainqueur. On retiendra la légende du suicide grandiose de Cléopâtre, retranchée dans son mausolée et qui se serait fait livrer un panier de figues dans lequel se trouvait un aspic qui l’aurait très à-propos mordue au bras ou sein, empoisonnant ainsi la reine de son venin, tandis qu’Antoine est mort quelques jours plus tôt, après s’être transpercé de son épée. Césarion, fils de César et promis au trône d’Égypte, est probablement assassiné au cours de la conquête de l’Égypte : seul fils légitime et biologique de César, il représentait en effet un dangereux rival pour Octave, qui n’était que le petit-neveu de César. 
    Alexandre-Hélios, sa sœur Cléopâtre-Séléné et leur benjamin Ptolémée-Philadelphe, après la mort de leurs parents, seront emmenés à Rome, où ils feront partie du Triomphe d’Octave. Les enfants, comme Vercingétorix après sa défaite d’Alésia et bien d’autres rois soumis par Rome, y apparaîtront au milieu des troupes victorieuses, vivants symboles de la reddition de l’Égypte.
    Épargnés, les enfants seront pris en charge à Rome par Octavie, sœur d’Auguste et veuve d’Antoine. On sait que les deux garçons passeront ensuite quelques temps auprès de leur sœur en Maurétanie, après qu’elle en aura épousé le roi, Juba II. C’est là que l’on perd leur trace. Vraisemblablement, l’unique fille de la fratrie sera la seule à atteindre l’âge adulte. C’est, du moins, celle sur laquelle on a le plus d’informations, après la chute de l’Egypte, la disparition de leurs parents et la captivité à Rome.

    Marc Antoine et Cléopâtre, une passion politique

    L'arrivée de Cléopâtre à Tarse (tableau de Lawrence Alma-Taderna, 1883)


    Si Les enfants d’Alexandrie se conclut dans les larmes, le sang et le chaos, il commence dans les chants, les fêtes et les richesses. Nés d’une reine, les enfants de Cléopâtre grandissent dans de luxueux palais, ils ont à leur service nourrices, esclaves et pédagogues qui prennent soin d’eux, de leur santé, de leurs études. Ils sont tous promis à de grands destins et de grands mariages, destinés à renforcer la politique menée par leurs ambitieux parents. Ce n’est tout de même pas rien d’avoir pour géniteurs le grand César, le rusé Marc Antoine et la très politique Cléopâtre qui, loin d’être la femme fatale et nymphomane popularisée par les écrits puis par la fiction cinématographique, étaient en réalité un véritable chef d’État, un animal politique capable d’en remontrer à bien des hommes.
    Pourtant, déjà, les nuages s’amoncèlent à l’horizon. Des défaites, des revers, en Occident l’ascension d’Octave, menacent le pouvoir et l’influence de Cléopâtre et Antoine. Insouciants, les enfants continuent de grandir dans une joyeuse ambiance et pourtant, eux aussi, leur temps est compté…le bonheur dans leur vie, ne sera qu’une brève parenthèse d’une dizaine d’années, dans le charme et la chaleur d’Alexandrie, alanguie sous les flabellums.
    Quel bonheur de retrouver Françoise Chandernagor : alors que j’avais attendu désespérément pendant de nombreuses années la sortie des deux derniers tomes de cette série, j’avais fini par me dire qu’elle resterait inachevée. Finalement, ça n’est pas le cas et le quatrième et ultime volume est finalement sorti en fin d’année dernière. La Reine Oubliée, en quatre volumes, nous raconte donc le destin de Cléopâtre-Séléné, unique enfant de la reine Cléopâtre à être probablement parvenue à l’âge adulte, qui se maria et fit souche en Maurétanie (royaume aujourd’hui disparu qui correspond à peu près au Maroc et à l’Algérie actuels) après son mariage avec Juba II, roi de Numidie de -30 à -25 puis de Maurétanie de -25 à -23. Son destin fut grandiose autant que tragique. Par-delà les siècles, Françoise Chandernagor lui redonne une voix, lui redonne une vie. Sous sa plume, l’Égypte de la fin du Ier siècle avant notre ère reprend vie : on y sent les odeurs, la caresse du soleil égyptien, on suit dans la pénombre des palais les pas des enfants qui grandissent et s’amusent…dans une opulence princière mais loin des parents, comme c’est souvent le lot des enfants royaux.
    Ça fait des années que je lis Françoise Chandernagor et elle ne m’a jamais déçue : que ce soit avec son grandiose L’allée du roi, biographie romancée de Françoise d’Aubigné future Madame de Maintenon, avec le très nuancé L’enfant des Lumières ou encore, le poignant La chambre, qui décrit la captivité au Temple du petit Louis XVII, Chandernagor m’a toujours enchantée.
    Je dois dire que, en reprenant La Reine Oubliée, je craignais un peu que l’enthousiasme de la découverte soit un peu retombé. Ça faisait onze ans que j’avais lu les premiers tomes et, en onze ans, il s’en passe des choses dans la vie d’un lecteur. Parfois même, nos goûts changent et des livres qu’on a beaucoup aimés ne nous feront pas le même effet ou, au contraire, des déceptions pourront s’avérer être de belles redécouvertes…
    Je suis donc ravie de vous dire que cette redécouverte m’a autant régalée que la découverte en 2012. J’ai dévoré ce roman et je me suis délectée de la plume, du style, qui est certes particulier et ne plaira peut-être pas à tout le monde mais qui, pour moi, a fonctionné particulièrement bien. Maîtrisant à la perfection le roman historique et ses codes, Françoise Chandernagor se faufile dans les lacunes de l’Histoire tout en la respectant au plus près. Ce n’est pas facile de restituer une époque si lointaine et sur laquelle les spécialistes n’ont pas toujours de certitudes. Et pourtant, l’autrice y arrive magistralement, dans un premier tome qui ressemble à un péplum superbement maîtrisé et cohérent.

    Mort de Cléopâtre — Wikipédia

     La mort de Cléopâtre et de ses suivantes en août -30 par Jean-André Rixens (1874)

    En Bref :

    Les + : une grande fresque moderne mais qui nous parle d'Antiquité à la manière d'un péplum formidablement bien documenté.
    Les - :
    Aucun.


    La reine oubliée, tome 1, Les enfants d'Alexandrie ; Françoise Chandernagor

                                                          Mémoires de la baronne d'Oberkirch sur la cour de Louis XVI et la société française avant 1789 ; Henriette Louise de Waldner de Freundstein, baronne d'Oberkirch LE SALON DES PRÉCIEUSES EST AUSSI SUR INSTAGRAM @lesbooksdalittle

     


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  • Commentaires

    1
    Vendredi 14 Juillet 2023 à 16:36

    Je suis dans une période où j'ai envie de me consacrer à l'Égypte ancienne (et à l'archéologie) alors ta chronique tombe à pic ! Je ne m'étais jamais demandée si Cléopâtre, illustre personnage historique, avait eu des enfants. Je suis hyper enthousiaste vis-à-vis de ce livre - que je m'empresse de noter dans ma wish-list. Voilà une découverte prometteuse ! :-))

      • Vendredi 14 Juillet 2023 à 22:06

        J'avais adoré les premiers tomes de cette série quand je les avais lus il y a une dizaine d'années. Tout le monde n'aime pas le style de Chandernagor, qui peut être assez particulier et c'est le cas ici mais vraiment si tu t'intéresses à l’Égypte antique et plus particulièrement à Cléopâtre, alors ces romans devraient être faits pour toi. Je suis ravie que les deux derniers soient enfin sortis, je vais les lire dans les semaines à venir. happy

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