« Lorsqu'on a envie de détester quelqu'un, on n'est jamais à court de raisons pour cela. » [LADY SUSAN]

 Publié en 2021

 Éditions RBA (collection Romans Éternels)

 Date de parution originale : 1885

 Titre original : Lady Susan, The Watsons and           Sanditon 

 263 pages

Résumé :

Lady Susan était resté inédit du vivant de Jane Austen. L'intrigue est entièrement bâtie autour des lettres échangées entre les différents protagonistes : Susan, ravissante veuve d'environ trente-cinq ans, en est le personnage central. Ses agissements volages engendrent bien des critiques. Cette femme spirituelle et sans le sou s'est en effet installée chez son beau-frère, un riche banquier. Est-elle dénuée de scrupules, prête à tout pour faire un beau mariage, ou simplement une coquette qui veut s'amuser ? Le jeune Réginald risque de payer cher la réponse à cette question... Ce texte est suivi de deux fragments inachevés rédigés, l'un au milieu de sa vie, et l'autre juste avant sa mort. Au-delà de leur intérêt documentaire, ils valent par leur qualité littéraire et le plaisir de lecture qu'ils procurent.

Ma Note : ★★★★★★★★★★

Mon Avis :

Réunis pour la première fois dans un recueil en 1885, Lady Susan, Les Watson et Sanditon sont des productions atypiques dans l'oeuvre de Jane Austen. L'un, Lady Susan, est un écrit de jeunesse, rédigé au début des années 1790, alors que Jane Austen a dix-huit ou dix-neuf ans. Il est probable qu'elle ait puisé son inspiration dans le roman de Pierre Choderlos de Laclos sorti en 1782, Les liaisons dangereuses. Dans Lady Susan, elle met en scène une veuve encore jeune et belle, manipulatrice, hypocrite et calculatrice que l'on adore détester. Style acéré et mordant, Lady Susan préfigure le reste de l'oeuvre austenienne. 
Plus récents, Les Watson (1804) et Sanditon (1817) sont deux romans inachevés, qui prennent ici la forme de nouvelles. Abandonné quelques mois après le début de sa rédaction, après la mort de l'autrice (Les Watson) ou alors que sa santé commence à se dégrader (Sanditon) alors elle les abandonnera et n'aura pas le temps (ou la force) de les reprendre - elle décède en effet prématurément en juillet 1817, à l'âge de 42 ans. 
Ce recueil n'est pas une complète découverte puisque j'avais lu Lady Susan il y a quelques années mais je crois m'être bien plus délectée de la plume cette fois-ci. Décidément, cette Susan Vernon fait tout pour qu'on la déteste et pourtant, elle a malgré elle quelque chose, non pas d'attachant, mais de terriblement attractif. C'est le genre de personnages pas trop lisses que l'on aime bien retrouver de temps en temps, justement parce qu'on adore les détester. 
Si j'ai moins aimé Sanditon, Les Watson était un roman prometteur, dans la veine des grands romans d'Austen que l'on connaît si bien. D'ailleurs, la recette n'est pas loin d'être la même et j'imagine que, si l'autrice avait eu le temps de le terminer, il se serait achevé par un mariage - n'est-ce pas ce que l'on attend, de toute façon, quand on lit Austen ? 
Sanditon (j'ai enfin compris ce titre qui me posait question : il s'agit en fait du nom d'une station balnéaire en vogue à l'époque, réputée pour ses bains de mer thérapeutiques) est un peu court pour pouvoir apprécier pleinement l'intrigue qui s'arrête abruptement. Alors qu'une note à la fin des Watson nous permet de savoir quel tour devait prendre l'oeuvre, il n'en est rien pour Sanditon qui reste donc mystérieux et complètement inachevé. 

Après avoir interprété Emma dans l'adaptation du roman éponyme en 1996, l'actrice Kate Beckinsale campe Lady Susan dans Love and Friendship en 2016

Certains lecteurs ont exprimé leur frustration face à ces œuvres incomplètes et je les comprends. Effectivement, j'ai trouvé que c'était difficile d'en prendre la mesure puisque nous n'avons pas toutes les clefs en main. Pour autant, j'ai aimé cette présentation lacunaire car elle présente finalement les œuvres dans ce qui fait leur originalité. A leur manière, elle raconte une histoire...pas celle que l'autrice envisageait au départ mais une histoire tout de même, celle de Jane Austen rattrapée par la maladie puis par la mort et qui laissera ces manuscrits inachevés. Il est clair que, en tant que lecteurs, notre curiosité nous pousse plus loin que ce que l'on nous donne...que serait-il arrivé à Emma Watson si Austen avait pu nous en raconter toute l'histoire ? Aurais-je compris les liens pas forcément évidents des divers protagonistes de Sanditon qui m'ont eu l'air d'évoluer les uns à côté des autres sans que je comprenne forcément toujours pour quelle raison ils agissent de telle manière et quel devait être le dénouement de tout cela ? Probablement. 
Retrouver Austen est malgré tout un plaisir. Il est clair que cette autrice géorgienne a une plume inimitable et très moderne. Lire un roman de Jane Austen n'est pas très ardu, contrairement à d'autres auteurs classiques dont le style est complexe et alambiqué - je pense notamment à Nathaniel Hawthorne dont j'ai lu La lettre écarlate dernièrement. Certes, le style n'est pas aussi abordable que celui d'un auteur contemporain mais je trouve qu'il est assez facile d'entrer dans ses récits, une fois tous les personnages (car souvent ils sont nombreux) bien identifiés ainsi que leurs différents liens entre eux. 
Roman épistolaire qui détonne dans l'oeuvre de Jane Austen, Lady Susan est certainement la production qui, dans ce recueil, retiendra le plus mon attention. Badine, mondaine, furieusement détestable, cette Susan Vernon n'a pas fini de séduire de nombreux lecteurs. J'ai eu moins d'intérêt pour Sanditon, qui reste assez hermétique pour moi, en revanche, j'ai beaucoup aimé découvrir Les Watson qui, à mon sens, aurait pu donner, complètement achevé, un grand roman au même titre que Orgueil et Préjugés, Emma ou encore, Raison et Sentiments. 

Dans Bienvenue à Sanditon, série librement inspirée du roman inachevé, les actrices Crystal Clarke et Rose Williams interprètent respectivement Georgiana Lambe et Charlotte Heywood

En Bref :

Les + : La plume de Jane Austen est toujours aussi savoureuse et son style piquant semble atteindre son acmé dans Lady Susan, qu'on adore détester
Les - : ce n'est bien sûr pas imputable à l'autrice mais l'inachèvement des Watson et de Sanditon créé une certaine frustration chez le lecteur, d'autant plus forte qu'elle ne peut être inassouvie. Dommage, j'aurais aimé savoir le fin mot de Sanditon.

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