• Les Femmes de Louis XV ; Cécile Berly

    «  Louis XV aime les femmes. Plus précisément, il a le besoin vital d'une présence féminine à ses côtés, qui lui soit entièrement dévouée et, surtout, fidèle. »

    Les Femmes de Louis XV ; Cécile Berly

     

    Publié en 2018

    Editions Perrin 

    232 pages 

    Résumé : 

    Louis XV aimait les femmes. Dans l'entourage du Bien Aimé, on trouve en premier lieu la reine de France, Marie Leszczynska, imposée par la politique et vite résignée à son sort d'épouse trompée. Puis les Filles de France, huit au total, dont la monarchie ne sait que faire. Des maîtresses et des favorites, enfin. Qu'ont-elles en commun ? D'occuper le lit du roi pour un temps, long ou éphémère. Avec Louis XV, ce qu'il y'a d'inédit et de ô combien sulfureux, c'est que ce privilège-là, après le règne de plus d'une décennie des sœurs de Nesle, n'est plus seulement aristocratique. Madame de Pompadour, bourgeoise mais femme de confiance du roi, reste à la Cour près de vingt ans. Elle ira, en accord avec son amant, jusqu'à contrôler sa sexualité en recrutant de jeunes vierges. Avec la dernière favorite, plus de petites maîtresses, mais une professionnelle du sexe, la comtesse du Barry : le scandale est total. La monarchie semble à bout de souffle. La jeune dauphine Marie-Antoinette, venue d'Autriche, pourrait-elle lui redonner tout son lustre ? 

    Ces femmes, miroirs d'un roi de France complexe, torturé et versatile, incarnent également les paradoxes de la condition féminine à la Cour, dans un XVIIIe siècle troublant et fascinant. 

    Ma Note : ★★★★★★★★★

    Mon Avis :

    Aborder le thème des femmes dans la vie de Louis XV, c'est tout un programme : c'est d'ailleurs ce que m'a dit une lectrice en commentaire sur Instagram et je suis entièrement d'accord avec ça ! Comme Henri IV et Louis XIV, il eut beaucoup de liaisons, beaucoup de femmes marquèrent sa vie. Il n'est peut-être pas ce que l'on peut appeler un homme à femmes mais nul doute qu'elles ont compté pour lui et l'ont influencé, toutes à leur manière. Les a-t-il toutes réellement aimées ? Les a-t-ils consommées -le terme est peut-être un peu raide, mais pour certains rois, ce fut absolument le cas ? Était-il un amoureux de la Femme en général comme François Ier ? Ou plutôt un homme sensuel comme son aïeul le Roi-Soleil ? Ce livre de Cécile Berly permet de dégager plusieurs réponses et c'est vraiment intéressant. 
    Louis XV, qui est né en 1710 et devient roi en septembre 1715, à l'âge de cinq ans et demi, a eu un long règne mais on l'oublie souvent, coincé qu'il est entre celui, flamboyant, de son arrière-grand-père, le Roi-Soleil et celui, tragique et ô combien symbolique, de son petit-fils, Louis XVI. De Louis XV, on retient volontiers le négatif, le côté sombre et impénétrable, qui ont fait de lui, un homme timide et réservé de son vivant, un véritable mystère, un énigme de l'Histoire que l'on accuse parfois de tous les maux, à commencer par celui d'avoir entretenu des relations charnelles avec des jeunes filles à peine nubiles et d'avoir pioché, avec Mesdames de Pompadour et du Barry, dans la roture et même, pour la dernière, dans le ruisseau.
    Louis XV est effectivement un personnage assez mystérieux mais pour lequel j'ai, personnellement, beaucoup d'indulgence. Je ne dirais pas qu'il a été un grand roi même si son règne n'a pas été si désastreux qu'on a bien voulu le dire. Pour moi il est surtout un incompris et un homme qui a rejeté instinctivement une fonction pour laquelle il n'était pas fait. Ses yeux très noirs et les demi sourires qu'il arbore sur ses tableaux et ses portraits nous tiennent aussitôt à distance respectueuse mais ne dévoilent rien. On dirait que Louis, en attente de quelque chose, cherche cependant à se protéger au maximum de ce qui l'entoure, en restant silencieux, distant mais devenant ainsi fin observateur - comme beaucoup de gens timides. Pour moi, il est un homme complexe et intelligent, qui mérite d'être réhabilité sans que ses travers ne soient excusés pour autant.
    Alors justement, son amour des femmes et sa sensualité qui s'éveille dans les bras de son épouse plus âgée, la reine Marie Leszczynska, pour s'épanouir ensuite avec les sœurs de Nesle puis les deux grandes favorites de son règne, la marquise de Pompadour et la comtesse du Barry, fait-il partie de ses travers ? Si on se replace dans le contexte de l'époque, pas forcément. Louis XV n'est pas le premier à avoir des favorites installées, comblées de gratifications et dont les enfants -s'il y'en a- sont reconnus par leur royal paternel. La première favorite connue vivait au XVème siècle, c'était celle du roi Charles VII et il s'agissait d'Agnès Sorel. Autant dire que la fonction, si elle n'est pas vieille comme le monde, ne date pas d'hier non plus et même avant Agnès Sorel, les souverains entretinrent des liaisons plus ou moins connues du public et scandaleuses...

    Description de cette image, également commentée ci-après

    Madame de Châteauroux, Marie-Anne de Nesle, favorite de Louis XV au début des années 1740 (tableau par Jean-Marc Nattier, 1740)


    Mais chez Louis XV apparaissent des nouveautés, des nouveautés condamnables et condamnées et qui marqueront durablement l'image d'un règne que l'on réduit souvent aux seules liaisons du roi. D'abord, Louis XV entretient des relations avec plusieurs des sœurs de Nesle, partageant successivement son lit avec quatre d'entre elles, voire peut-être en même temps. Si les deux premières sœurs, Louise-Julie de Mailly puis Pauline-Félicité de Vintimille sont avant tout des maîtresses -ou un tout petit peu plus-, comme Madame de Lauraguais qui n'a pas marqué les annales, leur cadette, Marie-Anne, titrée duchesse de Châteauroux, saura devenir plus qu'une maîtresse, la première favorite du règne, faisant siennes toutes les prérogatives de la fonction.
    Mais ce qui surprend et choque les contemporains de Louis XV, ce sont les choix qu'il fera ensuite, en choisissant successivement Madame de Pompadour, issue de la bourgeoisie financière parisienne puis Madame du Barry, probablement fille d'un prêtre, recrutée par le duc de Richelieu à la fin des années 1760 et ayant eu un passé plus que léger, pour ne pas dire qu'elle était une prostituée. Quant à la maison du Parc-aux-cerfs qui abritera certaines de ses « petites maîtresses » comme la très jolie Louise O'Murphy, immortalisée en odalisque dénudée par François Boucher, il deviendra très vite dans l'esprit des gens un lupanar où le roi se livre à toutes les débauches, un lieu diabolique et dangereux où peut-être des meurtres même seraient pratiqués, marquant durablement le règne d'une tâche indélébile et mortifère. On a tendance à juger Louis XV au travers des femmes qu'il a aimées et distinguées, en oubliant qu'il a aussi été un souverain, un chef d'Etat qui a régné cinquante-neuf ans sur la France et dont le bilan n'est ni meilleur ni pire que celui d'autres monarques, à commencer par son illustre aïeul, Louis XIV.
    On oublie aussi qu'il n'a pas été qu'un amant mais aussi un père et un mari, plus tard un grand-père également. Et surtout, un fils. Le fils de deux ans d'une duchesse de Bourgogne terrassée en quelques jours, au mois de février 1712, par la rougeole, entraînant dans la mort son mari puis son premier fils, laissant orphelin le petit duc d'Anjou, futur Louis XV. A-t-il eu un manque de cette mère trop tôt partie, un manque inconscient et non formulé qui le pousse alors à rechercher et cultiver la compagnie des femmes ? A-t-il recherché en elles une mère de substitution ? Aujourd'hui, à moins de se livrer à des conclusions psychanalytiques plus que hasardeuses, nous ne pouvons pas le savoir.
    Une chose est sûre, la torture dans laquelle le plonge son comportement, son éloignement de la religion comme s'il avait honte, peuvent nous permettre de penser qu'il était incapable de refréner ses penchants et de brider sa sensualité, comme s'il ne pouvait s'en empêcher tout en étant tiraillé entre ses maîtresses dont il ne peut se passer et l'idée que son comportement, notamment d'un point de vue religieux, est condamnable.
    Décidément, je ne le redirai jamais assez, mais Louis XV est vraiment une énigme qui mériterait qu'on se penche beaucoup plus sur son cas !
    Le livre de Cécile Berly est assez court mais somme toute, plutôt complet et si je n'ai rien appris de nouveau, j'ai pris plaisir à me replonger dans ce XVIIIème siècle français qui me passionne tant.
    Si le livre laisse évidemment la part belle aux diverses maîtresses et liaisons qui ont émaillé la longue vie de Louis XV, il n'oublie pas la reine, Marie Leszczynska, de sept ans son aînée, qui lui donna dix enfants et notamment huit filles. Louis XV fut donc à la tête d'une grande famille et le père de nombreuses filles dont il était plus ou moins proches mais qui, notamment parce qu'elles restèrent célibataires -une seule se maria, l'aînée, Elisabeth, qui devint duchesse de Parme- restèrent donc à Versailles, ont influencé et tenté d'orienter la vie de leur père.
    Cécile Berly conclut ce portrait de femmes avec celui de la jeune Dauphine Marie-Antoinette, arrivée à la Cour en mai 1770 et qui remplit les dernières années du roi vieillissant.
    J'ai été un peu surprise qu'un chapitre n'ait pas été octroyé à Madame de Ventadour, la gouvernante du petit Louis, qui fut la première figure féminine d'une vie qui, par la suite, n'en manqua pas. Elle est citée mais j'aurais aimé qu'elle ait une place à part entière dans ce livre.
    Autrement, j'ai apprécié de le lire, je m'y suis plongée avec intérêt, regrettant un peu qu'il soit court : j'en aurais bien lu un petit peu plus, j'avoue !
    Cela dit, c'est une bonne introduction et si vous ne connaissez pas bien l'époque tout en étant intéressé et sans savoir par quoi commencer, je pourrais vous conseiller de commencer avec le livre de Cecile Berly plutôt qu'avec le gros pavé de Simone Bertière, La Reine et la Favorite, qui est passionnant mais beaucoup plus conséquent.
    Cécile Berly nous livre ici une synthèse assez complète malgré tout et très captivante parce qu'elle saisit en peu de pages toutes les complexités et les paradoxes d'un règne trop souvent dénigré. Elle est historienne de formation et spécialiste du XVIIIème siècle, donc on peut y aller les yeux fermés en étant sûr de trouver un contenu de qualité !
    Sans surprise, j'ai grandement apprécié cette lecture. Ce que je lisais était loin de m'être inconnu mais c'était comme si je redécouvrais cette époque que j'aime tant et dont je ne me lasserai jamais.
    Je ressors de cette lecture avec une amitié renforcée pour Louis XV qui a fait des erreurs mais ne méritait pas d'être jugé aussi durement qu'il l'a été. Madame de Pompadour est décidément toujours aussi digne d'intérêt et d'admiration d'une certaine manière, même si on peut penser un peu cyniquement qu'elle a payé de sa santé et de sa vie une ambition démesurée. Madame du Barry était peut-être une prostituée de modeste extraction, elle n'était pas la créature vulgaire que certains se sont plu à décrire mais elle a adouci dans le particulier les dernières années d'un homme mélancolique et triste de nature.
    Quant à la reine Marie Leszczynska, difficile de la considérer autrement que comme l'une des plus vertueuses reines que la France a connues.
    Bref cette évocation du XVIIIème siècle sous la plume d'une spécialiste passionnée ne peut être qu' intéressante et on passe effectivement un agréable moment !

    Louise O'Murphy, dite « la petite Morphise », maîtresse du Parc-aux-Cerfs (tableau de François Boucher, qui la représente en odalisque, 1751)

    En Bref :

    Les + : une synthèse intéressante, des portraits travaillés, le propos est clair et précis. On en redemande. 
    Les - :
    que le livre ait été si court, donc, au final, ce n'est pas vraiment un bémol !


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