• Les Nuits Blanches de Lena ; Madeleine Mansiet-Berthaud

    «  Le monde se remet toujours debout. Quoi qu'il arrive, il renaît de ses cendres. Les catastrophes ont été de tous les temps. »

    Les Nuits Blanches de Lena ; Madeleine Mansiet-Berthaud

     

    Publié en 2016

    Editions Presses de la Cité

    493 pages 

    Résumé : 

    A la suite d'une déception amoureuse, Lena décide de tout quitter : Paris, son métier d'infirmière à l'Hôtel-Dieu. Encouragée en cela par sa mère, d'origine russe, la jeune femme part pour Saint-Pétersbourg au printemps 1914. Dans la famille du prince Noboranski, où elle est préceptrice, Lena découvre le faste et la misère de la Russie des tsars. En même temps qu'elle éprouve une attraction croissante pour ce pays qui fut celui de son arrière grand-père cosaque, elle voit venir les troubles annonciateurs d'une révolution. La jeune femme est en proie à de nombreux doutes. Saura-t-elle résister au charme du prince, dont les sentiments se révèlent au grand jour ? Qui est ce mystérieux docteur Anton rencontré à l'hôpital, que l'on dit proche des bolcheviks ? Devrait-elle fuir ce vieux monde qui bascule sous ses yeux ? Le courage et l'amour vont lui apporter les réponses qu'elle attend...

    Ma Note : ★★★★★★★★★★

    Mon Avis :

    Au printemps 1914, Lena est une jeune parisienne, infirmière à l'Hôtel-Dieu. Elle fait la connaissance d'un jeune homme mais, suite à une déception amoureuse, la jeune femme décide, sur un coup de tête, de quitter la France pour la Russie, dont sa mère est originaire et qui a gardé une véritable nostalgie des années passées là-bas.
    A Saint-Pétersbourg, la capitale des tsars, Lena devient préceptrice auprès des enfants du ministre de la Justice, Boris Noboranski. Elle découvre un monde incroyable, figé dans des traditions et des convenances séculaires mais qui vacillent déjà depuis plusieurs années sur leurs bases, car le temps de la Russie des tsars est compté. Quelques mois plus tard, à la suite de l'attentat de Sarajevo, les puissances européennes sont entraînées par le jeu des alliances dans un conflit sanglant sans précédent, un conflit qui va fragiliser encore le grand empire des steppes jusqu'à conduire à une révolution dont le régime tsariste ne se relèvera pas et qui jettera des milliers de Russes sur les routes de l'exil, pour certains définitif.
    Mais lorsque Lena arrive en Russie, elle découvre un pays immense, grandiose, superbe, qui la séduit entièrement : les grandes étendues, les hivers spectaculaires, les étés où le soleil ne se couche pas (les fameuses nuits blanches), la grande ville du tsar Pierre Ier construite dans le delta marécageux de la Neva, les immenses palais aux façades colorées, les églises aux bulbes dorés...un pays où rien ne semble pouvoir changer jamais...
    Auprès des Noboranski, elle découvre le train de vie d'une famille princière russe au début du XXème siècle, une famille qui mène grand train et possède une flopée de serviteurs dévoués et de biens, une famille qui n'a jamais appris à compter parce qu'elle n'en a pas besoin et qui est proche de la famille impériale...une famille qui, malgré cela, a aussi connu les revers de ce bonheur qui semble complet, parce que Gricha, le petit héritier dont Lena devient la préceptrice, a hérité d'une maladie incurable qui obscurcit de culpabilité et de tristesse l'avenir de ses parents, Boris et Natalya. Petit à petit, Lena se fait une place dans cette famille, s'attache aux enfants et leur enseigne le français, l'écriture et les chiffres.
    Mais les nuages noirs s'amoncellent et bientôt, les Noboranski se trouvent à la croisée des chemins, obligés de faire un choix et de sauver leur peau, quand la Révolution bolchevique éclate au début de l'année 1917. Partir et risquer de ne plus jamais revoir la mère patrue ou rester et mettre en danger sa vie, voilà la douloureuse alternative de bien des familles bourgeoises ou nobles, prises dans un tourbillon qui les dépasse. Lena découvre alors les failles de ce grand pays qui l'a séduite, l'impuissance du tsar, la maladie du petit tsarévitch Alexis, la nationalité de l'impératrice, allemande de naissance, ce qui provoque une certaine crispation en pleine guerre contre l'Allemagne, la pauvreté du peuple et le dénuement des paysans, certes délivrés du servage depuis 1861 mais laissés pour certains livrés à eux-mêmes dans une extrême pauvreté et souvent tributaires de leurs maîtres malgré leur liberté toute neuve... un pays à bout de souffle et au système obsolète et gangréné par les revendications d'un peuple prêt à tout. Alors, bien que Française, Lena devra elle aussi faire des choix, soutenir les Noboranski auxquels elle s'est attachée, mais aussi se sauver elle-même, ce qui ne sera pas évident, d'autant plus qu'en Russie, elle a posé les yeux sur le séduisant docteur Anton, qui est loin de la laisser indifférente et qui, par son mystère savemment cultivé, ne cesse de la faire s'interroger...

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    La ville de Saint-Pétersbourg sous la neige. 


    Les Nuits Blanches de Lena est un roman extrêmement dépaysant qui nous emmène à la rencontre d'un pays sur le point de basculer radicalement, un pays fragile mais encore grandiose, qui parvient à sauver la face jusqu'au bout, derrière les riches façades de ses palais et à l'ombre de ses églises richement décorées. Dans le sillage de l'héroïne, vraiment attachante, on découvre la vie de ces grands aristocrates qui, pour la plupart, ne voient pas le cataclysme qui les menace ou, pour les plus clairvoyants, le pressentent tout en étant impuissants. Au sein de la famille Noboranski, Lena côtoie le prince Boris, ministre de Nicolas II qui assiste aux premières loges au naufrage du tsar, miné par la maladie de son unique fils, sous l'influence de Raspoutine et incapable de mener à bien des réformes dont le pays aurait pourtant grand besoin et qui s'enlise en plus dans un conflit hors normes ; elle a aussi l'occasion d'échanger avec la princesse douairière, Anna, particulièrement fine et qui, sentant approcher la catastrophe, tente comme elle peut d'accoutumer les siens à une vie bien différente de celle qu'ils ont menée jusque là.
    Avec ce roman j'ai littéralement voyagé et j'ai eu l'impression moi aussi de découvrir cette Russie si proche et pourtant si différente, aux coutumes et traditions marquées par l'Orient comme par l'Europe. C'était dépaysant et en cela, le roman comble parfaitement bien nos attentes.
    Les personnages eux aussi sont attachants... Lena m'a beaucoup plu même si ce n'était pas forcément évident au départ. Finalement, son caractère s'affirme au fur et à mesure que se développe le récit et on découvre une jeune femme équilibrée, qui sait ce qu'elle veut et prend les bonnes décisions au bon moment. Les Noboranski eux aussi sont attachants à leur manière, même Natalya qui peut parfois se montrer excessive voire désagréable...j'ai aimé le personnage de Gricha, qui a sept ou huit ans quand Lena arrive en Russie mais qui aborde déjà la vie du haut d'une maturité que lui confère sa maladie, qu'il sait incurable et qui le handicape quotidiennement. J'ai trouvé ce petit garçon vraiment touchant et il incarne bien l'injustice de la maladie touchant un enfant condamné à ne jamais connaître l'insouciance propre à cet âge de la vie. J'ai beaucoup aimé Anna également, cette femme d'une autre époque mais qui est la seule à s'efforcer de modifier son train de vie et ses privilèges, pressentant que la classe aisée n'en profite plus pour bien longtemps. Quant au prince Boris, il ne laissera assurément pas indifférentes les lectrices de ce roman, comme il attire vaguement Lena à son arrivée sous son toit.
    J'ai été un peu moins séduite par le style de l'auteure, surtout les dialogues. J'aime quand ceux-ci sont fluides ce qui n'est pas vraiment le cas ici...on ressent beaucoup trop qu'ils sont écrits et on peine à les imaginer dans la bouche de quelqu'un, ils ne sont pas vraiment naturels, ce qui est dommage parce que cela m'a empêchée d'apprécier d'emblée ma lecture. Il m'a fallu un petit moment avant de m'habituer et de passer au-dessus de cette petite faiblesse.
    Dans l'ensemble cependant, Les Nuits Blanches de Lena est un roman historique comme je les aime et qui a en plus eu le mérite de me faire voyager. On sent que Madeleine Mansiet-Berthaud s'est documentée et renseignée pour nous livrer la meilleure description possible de Saint-Pétersbourg et du mode de vie de ses habitants au début du XXème siècle et les faits historiques ne sont pas laissés de côté, loin de là. On les vit avec ferveur, aux côtés des personnages. Je ne connais pas suffisamment l'histoire russe pour savoir si l'auteure a pris quelques libertés -dans l'ensemble je ne crois pas, à l'exception du prince Noboranski, ministre du tsar, alors que c'est un personnage fictif- ou des raccourcis, mais j'ai trouvé que cela apportait un plus au récit, une teneur certaine et bienvenue qui l'empêche justement de tomber dans le gros cliché de la romance historique un peu trop évidente. Je ne vais pas vous cacher que les sentiments des personnages sont malgré tout au centre du récit, mais celui-ci ne tourne pas qu'autour de ça ce qui est malgré tout appréciable. Il aurait été dommage que l'auteure ne se serve pas du contexte riche dans lequel elle situe son intrigue et qui la sert parfaitement bien.
    Ce roman n'a pas été un coup de cœur, il m'a manqué d'être immédiatement séduite par la plume de l'auteure mais j'ai trouvé ce récit vraiment très beau, plein de souffle et de vie. Il nous fait passer par tout un tas d'émotions, du début à la fin et là où Madeleine Mansiet-Berthaud aurait pu céder à la facilité, elle ne le fait pas, ce qui est tout à son honneur. Pour moi, ce roman est une réussite malgré quelques petites inégalités. Si vous aimez les romans historiques, comme moi et si vous aimez vous dépayser, alors ce roman est fait pour vous.

    En Bref :

    Les + : une belle histoire, dans le sillage d'une héroïne attachante, Lena, attachée à deux patries et qui découvre, fascinée, la grande Russie des tsars. Le roman est dépaysant, plein de souffle et de vie. 
    Les - :
    des dialogues pas vraiment naturels, des passages un peu lourds...

     

    Les Enquêtes de Quentin du Mesnil, Maître d'Hôtel à la Cour de François Ier, tome 1, Le Sang de l'Hermine ; Michèle Barrière 

    Thème de décembre, « Voyage chez Baba Yaga », 12/12


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