• Les Romanov, une dynastie sous le règne du sang ; Hélène Carrère d'Encausse

    « Les Romanov, une histoire longue de trois siècles, scandés par douze règnes, une série de monarques intermittents, de faux tsars, des coups d'Etat, des complots, des meurtres : ne dirait-on pas là un extraordinaire roman policier ? »

    Les Romanov, une dynastie sous le règne du sang

     

    Publié en 2013

    Editions Le Club Histoire (collection Le Grand Livre du Mois)

    442 pages

    Résumé :

    En 1613, les Romanov ont été portés sur le trône de Russie à l'issue de siècles tragiques où le pouvoir a été transmis ou conquis par le meurtre. De 1613 à 1917, quinze souverains dont trois femmes ont incarné la dynastie. Les Romanov ont gouverné un empire devenu le pays le plus étendu du monde - ce qu'il est encore en 2013.                                                                                             Cette dynastie exceptionnellement brillante, certains empereurs -Pierre le Grand, Catherine II, Alexandre II- comptent parmi les plus hautes figures de l'histoire universelle, a permis à la Russie de devenir une très grande puissance européenne puis mondiale. Pourtant, le sang n'a cessé de couler au pied du trône. De là, trois questions, l'histoire russe a-t-elle créé les conditions de cette violence ininterrompue ? Le destin tragique de cette dynastie était-il écrit dans son passé : invasions, cultures, religions diverses qui se mêlaient sur la terre russe ? Ce rapport inédit du pouvoir légitime et de la violence conduisaient-ils inéluctablement à la tragédie finale et au système totalitaire dont la capacité de durer et la violence furent non moins exceptionnelles ?   

    Ma Note : ★★★★★★★★★

    Mon Avis :

    Pierre le Grand, fondateur de Saint-Pétersbourg

    Les Romanov sont aujourd'hui indissociables de l'Histoire russe et pourtant, ils ne régnèrent sur ce grand empire eurasien que pendant trois siècles, de 1613 à 1917, avant que la Russie ne bascule dans l'ère du communisme. Mais cette dynastie, riche d'une histoire à part entière, faite de meurtres, de complots, de sang, est aussi une dynastie flamboyante, qui a livré au pays de grands souverains tels Pierre le Grand, contemporain de Louis XIV et Louis XV, Catherine II, Alexandre Ier, Alexandre II, qui abolit le servage dans la seconde moitié du XIXème siècle.
    Cette lignée est riche aussi en destins foudroyés qu'on pourrait presque croire inhérents à l'Histoire russe, tant celle-ci regorge de meurtres et autres morts plus ou moins violentes. Les Romanov, bien que se distinguant par certains aspects de leurs croyances et de leur administration, ne sont en fait que les successeurs des Riurikides, qui ont régné sur la Russie du IXème au XVIème siècle dont ils vont, peut-être inconsciemment s'inspirer. Les premiers, qui symbolisent la vieille Russie, ancestrale et traditionaliste ne manqueront jamais de réapparaître dans la façon de gouverner des seconds, comme autant de rappels du passé. Ainsi, même les plus éclairés des souverains Romanov, comme Pierre le Grand et Catherine II, définitivement tournés vers l'Occident, n'échapperont pas, parfois, à des accès d'obscurantisme qui ne sont pas sans rappeler les premiers tsars qui gouvernèrent dans la violence et le sang -on peut penser par exemple à l'emblématique figure d'Ivan le Terrible, avec qui s'achèvera d'ailleurs la dynastie des Riurikides, le tsar ayant, dans un accès de colère, assassiner son fils et héritier.

    Catherine II (Fiodor Rokotov, 1770)


    Les Romanov vont monter sur le trône après une période que les historiens appellent le Temps des Troubles et qui suivit la mort d'Ivan IV à la fin du XVIème siècle. Michel Ier fera figure d'un souverain réformateur, stable, qui apporta à son pays un apaisement bienvenu après le règne bouleversé de Boris Goudounov et le surgissement d'une multitude de faux tsarévitch Dimitri -le malchanceux fils d'Ivan IV. Ce mythe de la survivance, éminemment russe et que l'on retrouvera même à l'époque contemporaine, avec les pseudo-Anastasia, ne cessera jamais de réapparaître au cours des siècles, comme les sursauts de l'Eglise ou des paysans, tenants de la vieille Russie, face aux tsars Romanov qui s'occidentalisent de plus en plus.
    Hélène Carrère d'Encausse, de l'Académie Française et historienne réputée de la Russie, nous livre ici un livre intéressant et complet. En forme d'essai, découpé en plusieurs chapitres biographiques et chronologiques, nous y retrouvons des portraits des empereurs mais aussi tous les éléments géopolitiques et événements importants de leurs règnes respectifs : cet aspect là est d'ailleurs plus développé que les portraits disons plus privés des différents empereurs. On peut déplorer quelques passages un peu techniques parfois et qui peuvent nous paraître un peu confus mais ce livre permet aussi de prendre conscience d'une chose : c'est que la Russie, qui est pourtant notre voisine, reste un pays à part. Déjà, de part sa superficie, l'empire russe fut soumis et cela, depuis ses origines, à des influences diverses, au sein même de ses frontières. Et si l'ouest lorgne vers l'Occident, son grand rêve, le reste du pays, sauvage et souvent peuplé de rebelles, lorgne plutôt vers l'Asie et même l'Amérique -il ne faut pas oublier que seul le détroit de Behring sépare l'est de la Russie de l'Alaska. Si la religion orthodoxe et donc, l'héritage grec et byzantin persistent dans les croyances russes, les Romanov et leurs sujets devront aussi affronter des fois dissidentes, comme le catholicisme, le protestantisme et l'islam. Ouverte sur le monde qui l'entoure tout en se recroquevillant aussi sur son passé, les origines qui font son essence, la Russie est un pays ambivalent et définitivement différent des autres. Si on peut retrouver des analogies entre les développements des autres pays d'Europe, ce n'est pas le cas de ce grand empire du nord. Mais l'histoire de la Russie n'en est pas moins intéressante et, à travers les descriptions des règnes des Romanov, c'est aussi le portrait d'un grand pays qui s'esquisse, un pays à l'identité forte et marquée qui n'en reste pas moins écartelé entre ses désirs d'expansion et sa crispation instinctive sur ses traditions.
    Enfin, on ne peut que s'émouvoir de la montée du terrorisme politique qui coûta si tragiquement la vie à Alexandre II et à son petit-fils -ainsi qu'à toute la famille de celui-ci ainsi que ses serviteurs-, Nicolas II. Et si Pierre le Grand, sa fille Elisabeth Ière, l'inévitable Catherine II ou encore Alexandre Ier, vainqueur de Napoléon en 1812, personnifient l'aspect glorieux et flamboyant, d'autres, comme Pierre III, son fils Paul Ier, le malheureux Ivan VI ainsi qu'Alexandre II et Nicolas II, précédemment cités, symbolisent plutôt cette violence latente qui a agité la société russe, société qui n'hésite pas à recourir au meurtre pour faire entendre ses idées. Ce livre est intéressant, bien écrit, dépaysant et exotique par certains côtés. A conseiller aux amoureux d'Histoire en général et à ceux qui aiment la Russie en particulier.


    Nicolas II, l'impératrice Alexandra Feodorovna et leurs enfants, Alexis, Olga, Maria, Anastasia et Tatiana

    En Bref :

    Les + : un essai historique et biographique bien tourné, synthétique tout en étant complet et exhaustif.
    Les - : des passages un peu trop techniques.


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