• Les Suprêmes ; Edward Kelsey Moore

    « La vie. C'est comme si on ajoutait une touche jour après jour. Tu poses les couleurs les unes après les autres, en t'efforçant de faire quelque chose de joli avant qu'il n'y ait plus de place. »

     

    Couverture Les Suprêmes, tome 1

     

         Publié en 2013 aux Etats-Unis 

      En 2015 en France 

      Titre original : The supremes at Earl's all-you-      can-eat

      Editions Babel 

      414 pages 

      Premier tome de la saga Les Suprêmes

     

     

     

     

    Résumé :

    Elles se sont rencontrées à la fin des années 1960 et ne se sont plus quittées : tout le monde les appelle les Suprêmes, en référence au célèbre groupe de chanteuses des seventies. L'intrépide Odette converse avec les fantômes et soigne son cancer à la marijuana sur les conseils avisés de sa défunte mère, tandis que la saga Clarice endure les frasques de son volage époux pour gagner sa part de ciel. Toutes deux ont pris sous leur aile Barbara Jean, éternelle bombe sexuelle que l'existence n'a cessé de meurtrir. Complices dans le bonheur comme dans l'adversité, ces trois irrésistibles quinquas afro-américaines se retrouvent tous les dimanches dans l'un des restaurants de leur petite ville de l'Indiana : entre commérages et confidences, rire et larmes, elles se gavent de poulet de frit en élaborant leurs stratégies de survie. 
    Invitation à une lecture aussi décalée que féconde de la problématique raciale aux Etats-Unis, ce formidable roman de l'amitié et de la résilience s'affirme comme une exemplaire défense et illustration de l'humanisme conçu comme la plus réjouissante des insurrections. 

    Ma Note : ★★★★★★★★★★ 

    Mon Avis :

    Les Suprêmes est un magnifique roman d'amitié, dans l'Amérique des années 2000. Odette, Clarice et Barbara Jean se connaissent depuis leurs années lycée, à la fin des années 1960 : inspérables, on a fini par les surnommer les Suprêmes, en référence au fameux groupe de Diana Ross. Très différentes les unes des autres mais unies par un lien indéfectible, les trois amies ont traversé les années, connu des joies, des peines, des drames, des désillusions. Mais chacune a toujours trouvé le réconfort ou le soutien dont elle avait besoin dans l'écoute des deux autres. Dévouées les unes aux autres, les trois Suprêmes traversent la vie main dans la main.
    Odette, la narratrice, est décalée et possède un franc-parler qui effraie parfois : parlant avec les fantômes, elle découvre fin 2004 qu'elle est atteinte d'un cancer qu'elle va combattre à force de ténacité et grâce au soutien de son époux James et de ses deux amies (et d'un peu de cannabis, il est vrai).
    Clarice mène une vie lambda : mère de trois grands enfants qui ont fait leur vie aux quatre coins du pays, elle partage sa vie avec son grand amour de jeunesse, le beau Richmond et s'efforce de faire comme si elle ne voyait pas ses multiples incartades et infidélités.
    Enfin, Barbara Jean, qui a grandi dans un environnement malsain auprès d'une mère instable qui meurt trop jeune, épouse à la fin du lycée un homme plus âgé qu'elle mais qui lui assure le confort matériel dont elle a toujours manqué. Très belle et très attirante, toujours vêtue de manière extravagante et colorée, Barbara Jean n'en cache pas moins une tristesse terrible et une blessure qui ne cicatrisera jamais, conséquence d'un drame affreux survenu dans les années 1970 et qui l'a amputée d'une partie d'elle-même.
    Le roman démarre au milieu des années 2000, à Plainview, petite ville tranquille et sans histoire de l'Indiana. Odette, Clarice et Barbara Jean ont une cinquantaine d'années, une vie bien remplie derrière elles mais encore plein d'énergie et de bonne humeur à revendre. Le ton est décalé, plein d'humour, Odette, la narratrice principale ne se prend pas au sérieux et son phrasé percutant m'a rappelé celui des héroïnes de Kathryn Stockett dans La Couleur des Sentiments, notamment Minnie. J'ai souvent souri, j'ai même ri parfois devant ses uppercuts verbaux qui font toujours mouche ! J'ai aimé Clarice aussi, plus conventionnelle mais intéressante et Barbara Jean m'a attirée par sa fragilité, sa sensibilité à fleur de peau que l'on comprend petit à petit, à mesure que l'histoire se dévoile, attirant immanquablement la compassion et l'empathie du lecteur.
    En faisant de fréquents retours en arrière, l'auteur nous amène à comprendre comment le trio s'est formé en 1967, comment Clarice et Odette, qui se connaissaient déjà, ont fini par prendre la fragile Barbara Jean sous leur aile, après la mort de sa mère, nous amène aussi à comprendre comment leurs choix de jeunesse impactent encore leur vie actuelle (par exemple, Clarice, très amoureuse de Richmond, n'a pas voulu entendre les avertissements bienveillants de ses proches et doit, quarante ans plus tard, supporter en faisant comme si elle ne voyait rien, les nombreuses aventures d'un mari trop beau et trop volage mais qu'elle aime encore). Comédie légère et décalée, unique en son genre, Les Suprêmes, comme toute bonne comédie qui se respecte, n'en possède pas moins sa part de gravité et de drames. Les Suprêmes, comme le groupe de musique éponyme, sont trois Afro-américaines. Elles sont nées en 1950, elles étaient enfants quand Rosa Parks refuse de laisser sa place à un Blanc dans un bus de Montgomery, elles étaient adolescentes dans les années 1960 quand se développe la lutte pour les droits civiques, quand Martin Luther King est assassiné...
    Etat du Midwest, l'Indiana est, dans les années 1960, relativement conservateur. Les Blancs et les Noirs vivent dans les mêmes villes mais pas dans les mêmes quartiers et pas forcément en harmonie. Autrement dit, dans les années 1960/1970, être Noir à Plainview est dangereux : on s'expose au racisme verbal voire à la violence. Les couples mixtes sont mal vus et le mariage d'un Blanc et d'un Noir n'est pas toléré...
    On comprend rapidement que, derrière le discours en apparence relativement léger et plein d'humour il y'a en fait un message beaucoup plus sérieux et, malheureusement toujours d'actualité et qui n'est d'ailleurs pas propre aux Etats-Unis : le racisme est un fléau mondial et qui ne cesse de prendre de l'ampleur, il n'y a qu'à voir les actualités de ces dernières semaines. J'avais prévu de lire Les Suprêmes depuis longtemps, bien avant l'affaire George Floyd qui a enflammé le monde entier, mais j'ai trouvé ce roman particulièrement juste et actuel et du coup, assez salutaire. S'il y'a eu des avancées depuis les années 1960 elles ne sont pas, cependant, assez nombreuses, pour combattre les inégalités, les injustices et l'intolérance.
    Mais en même temps, Les Suprêmes est porteur d'espoir, c'est un roman positif qui donne le sourire. Une lecture pétillante mais pas trop, qui n'est jamais superficielle et cache, sous ses airs sautillants, un vrai message. Voilà pourquoi j'ai tant aimé ce roman, après avoir été extrêmement surprise par les premiers chapitres. Pour cette raison, ce ne sera pas un coup de cœur mais c'est une merveilleuse lecture, d'autant meilleure que je ne m'attendais pas à ça en la commençant. Vous savez quoi ? Je n'ai maintenant plus qu'une hâte : lire la suite

    En Bref :

    Les + : belle histoire bien construite, pleine d'humour et de légèreté avec malgré tout un propos plus grave en arrière-plan, un propos encore d'actualité aujourd'hui. Les Suprêmes peut nous permettre de prendre conscience de beaucoup de choses, c'est certain. 
    Les - :
    des premiers chapitres un peu déroutant, qui m'ont donné le sentiment que je ne savais pas où j'allais...et puis la sensation se dissipe vite, pour notre plus grand plaisir !

     


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