• Marion des Pierres, tome 1, Pèlerins des Ténèbres ; Serge Brussolo

    « Les gens d'église prétendent combattre le diable, mais ils n'existent que par lui. S'il était effectivement vaincu, ils perdraient du même coup toute raison d'exister.  »

    Marion des Pierres, tome 1, Pèlerins des Ténèbres ; Serge Brussolo

    Publié en 2003

    Editions Le Livre de Poche (collection Policier)

    286 pages

    Premier tome de la saga Marion des Pierres

    Résumé :

    Enfermé dans une cage de fer, dans les oubliettes d'une abbaye, un moine dément raconte que le pèlerinage dont il avait la charge s'est terminé en enfer. Le diable, affirme-t-il, a emporté tous ceux qui l'accompagnaient.
    Que se passe-t-il en réalité dans les montagnes où serpente l'interminable route menant aux reliques de saint Gaudémon, martyr jadis supplicié par Caligula, l'empereur fou ? Une chose est sûre, beaucoup de gens disparaissent et les sommets semblent habités par des créatures de légende qui ont fait des pèlerins leur gibier quotidien.
    Quel secret, quel complot hérétique tente-t-on de dissimuler sous le masque de la superstition ? Marion, la jeune tailleuse d'ex-voto, sera-t-elle plus chanceuse que ceux qui l'ont précédée sur les chemins du mystère... ou succombera-t-elle, à son tour, aux sortilèges du pèlerinage maudit ?

    Ma Note : ★★★★★★★★★★

    Mon Avis :

    A la fin du Moyen Âge, quelque part dans le royaume de France -aucune information spatio-temporelle ne nous permet de nous situer exactement dans une époque et une région-, on murmure que le pèlerinage de saint Gaudémon, martyr des premiers siècles chrétiens qu'il faut aller adorer dans la montagne, est maudit. Des cohortes entières de pérégrins ont quitté la vallée pour s'enfoncer dans les brumes des montagnes sans jamais en revenir et un moine fou, revenu, lui, du fatal pèlerinage, ressasse sa terreur dans les oubliettes de l'abbaye dédiée au saint, au point d'en inquiéter les moines et le père supérieur. Et si, comme on le dit, le pèlerinage était réellement touché par une malédiction ? Et si la montagne libérait, par ses failles, le Diable et ses démons pour emporter les innocents venus prier le saint thaumaturge ? Et si, comme cela se murmure de plus en plus souvent, notamment sous l'influence de l'Inquisition, de plus en plus présente, Gaudémon n'était-il pas vraiment un saint chrétien mais rien d'autre qu'un magicien des temps anciens, adoré par des hérétiques
    Marion, qui vit dans la vallée avec ses parents, a vu sa sœur aînée, Yolande, partir et ne jamais revenir. La jeune femme avait décidé d'entamer le pèlerinage pour prier le saint de guérir leur père, qu'un bloc de pierre avait blessé aux jambes. Alors, quand le père supérieur de l'abbaye lui demande de se joindre à une prochaine cohorte souhaitant se rendre sur la tombe de saint Gaudémon et d'enquêter pour lui sur les mystères de la montagne, en partie pour faire la lumière sur la tragédie qui est arrivée à sa sœur mais aussi pour montrer à tous ces hommes qui dénigrent les femmes et les considèrent comme moins encore que des nouveau-nés, leur déniant toute intelligence, savoir-faire ou libre arbitre, elle va accepter la mission qu'on lui confie et essayer de lever le voile sur les terribles choses qui se passent dans la montagne, les pèlerins une fois perdus dans ses brumes dangereuses. Ce qu'elle va y trouver est peut-être loin d'égaler les peurs superstitieuses des habitants de la vallée, certes, mais n'en est pas moins étonnant voire terrifiant.
    Ils sont rares, les auteurs qui parviennent à donner autant de relief au Moyen Âge dans leurs romans. Serge Brussolo s'en tire avec brio et son univers, très sombre, m'a rappelé celui d'Andrea H. Japp ou encore, l'ambiance très particulière du Nom de la Rose, de Eco. On n'est bien sûr pas du tout dans la même situation, mais la terreur qui plane sur l'abbaye du Nom de la Rose, avec le sentiment d'une menace proche mais invisible mais ô combien puissante, on la retrouve aussi dans ce roman et elle finit par se communiquer au lecteur : on tourne les pages le cœur battant et la gorge serrée ! ! On n'est pas dans un huis-clos mais presque...et, paradoxalement, la sensation est provoquée justement par l'absence de murs, de limites, par l'immensité même de la montagne, qui effraie et donne, dans sa désolation, un sentiment de solitude et d'enfermement. Quant à Andrea H. Japp, j'ai fait le parallèle pour ce qui est de la noirceur, de la touffeur que l'on retrouve dans ses romans comme dans Pèlerins des Ténèbres mais aussi ce Moyen Âge superstitieux, encore empreint de sorcellerie et de croyances démoniaques qui est caractéristique des deux auteurs. Il est clair que, dans l'oeuvre de l'un comme dans l'oeuvre de l'autre, on est bien loin du Moyen Âge flamboyant et courtois de l'époque des troubadours et des cours d'amour. Mais c'est justement ça aussi qui fait tout l'intérêt du roman et captive dès le début. Au même titre que les différents protagonistes qui ont un intérêt, personnel ou plus général, à découvrir enfin ce qui se passe dans la montagne et pourquoi des centaines de pèlerins n'en sont jamais revenus et n'ont jamais été retrouvés, on veut savoir ! ! On veut enfin comprendre...et même si, lecteurs contemporains et avertis, on ne croit plus ni à la sorcellerie ni aux démons, ce côté un peu fantastique et inexplicable plaît, quoi qu'il en soit et fait palpiter !
    Certains passages sont carrément flippants, je me suis parfois surprise à être autant captivée et stressée que si la scène se déroulait devant moi, dans un film. Le suspense fait naître une angoisse latente qui fluctue au grès des pages et, en cela, j'ai retrouvé aussi un parallèle avec l'atmosphère très particulière du Chien des Baskerville, de Conan Doyle : certes, les montagnes inhospitalières de la fin du Moyen Âge n'ont rien à voir avec les plaines opulentes du Dartmoor anglais, mais il y'a, dans les deux, cette absence humaine, cette force instinctive de la nature qui nous fait sentir tout petit et le sentiment qu'à tout moment, une menace qu'on n'aurait pas soupçonnée peut nous tomber dessus sans crier gare.
    La fin est particulière, et certains lecteurs l'ont d'ailleurs trouvée un peu trop romanesque voire grotesque...pour ma part, je n'ai absolument pas ressenti cela, bien au contraire. Serge Brussolo raconte avec beaucoup de justesse -et en forçant un peu le trait, peut-être, effectivement-, ce que toute dérive sectaire peut entraîner : l'obéissance sans limite, le libre-arbitre foudroyé, la manipulation d'un seul être charismatique sur tout un groupe, l'exclusion systématique, par n'importe quel moyen, du sceptique qui menace de mettre à mal l'édifice. Pour ma part, j'ai d'ailleurs été assez fascinée par cette fin et son universalité : les sectes sont, comme bien d'autres choses, inhérentes au genre humain et ce, depuis ses débuts. Elles existaient au Moyen Âge, elles existent encore de nos jours -elles ont d'ailleurs connu une certaines recrudescence il y'a quelques dizaines d'années- et, même si on ne les appréhendait pas de la même manière à l'époque qu'aujourd'hui, les codes en sont cependant les mêmes.
    J'ai donc trouvé ce roman vraiment, vraiment captivant ! Je ne connaissais pas Brussolo, en dehors de ses romans jeunesse comme la saga des Peggy Sue, lue il y'a bien longtemps, et je dois dire que je ne suis pas déçue ! Ce Moyen Âge violent et cru, parfois repoussant, loin de me dégoûter pourtant m'a complètement happée. J'ai aimé le style juste et percutant, très dynamique et le seul bémol que je soulèverais est, finalement, l'omniprésence du sexe, l'obsession de la fornication, qui finissent par être redondants et peut-être un peu lassants. Certes, on sait aujourd'hui que le Moyen Âge, malgré le fort ascendant de la religion dans la vie de chacun, n'était pas aussi prude qu'on a bien voulu le croire. Mais certains passages un peu crus auraient pu être évités à mon sens sans rien enlever à l'intrigue.
    A part ça, j'avoue avoir été très agréablement surprise. Une bonne lecture.

    En Bref :

    Les + : une intrigue flippante mais tellement captivante, des personnages charismatiques, un style dynamique.
    Les - : des scènes crues, de sexe ou parlant de sexe qui auraient pu être évitées.  

     


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  • Commentaires

    1
    Samedi 7 Mai 2016 à 00:07

    COmment ne pas se laisser tenter ?

      • Samedi 7 Mai 2016 à 19:43

        Je te le conseille, je l'ai vraiment beaucoup aimé ! C'est cru et violent mais ça se lit quand même sans trop de problème...on n'en sort pas complètement dégoûté, en tous cas. 

        Si tu te laisses tenter, Tachas, j'espère qu'il te plaira ! 

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