• Médiévales ; Maryvonne Noblet

    « L'on doit faire abstraction de ses incertitudes et ne songer qu'au seul contentement de ceux qu'on aime. »

    Médiévales ; Maryvonne Noblet

    Publié en 2012

    Editions Michel de Maule

    284 pages

     

    Résumé :

    La France pendant la guerre de Cent Ans. Isabelle a 22 ans quand disparaît son époux François. En ces temps troublés, elle doit assumer seule la charge du fief de Beaurepaire ainsi que l’éducation de ses deux enfants Jeanne et Thibault. Femme courageuse et déterminée, elle croisera les grandes figures de son temps comme Yolande d’Aragon, Jacques Coeur, Agnès Sorel ou Louis de Beauvau, déjouera les plans machiavéliques de son beau-frère et vivra sa passion dans les bras du beau et courageux chevalier Pierre de Brézé.
    C’est à travers le regard fasciné du nain Triboulet que le lecteur accompagnera Isabelle dans les fêtes somptueuses des châteaux royaux comme dans l’accomplissement quotidien de ses devoirs de dame de Beaurepaire.

    Ma Note : ★★★★★★★★★★

    Mon Avis :

    Médiévales est un roman relativement peu connu et je dois bien avouer que je ne nourrissais pas d'attentes particulières en le commençant...Cela dit, j'étais curieuse de le découvrir et je dois dire que j'ai été très agréablement surprise. Déjà, par le narrateur que Maryvonne Noblet a choisi pour son récit : il est écrit à la première personne et son personnage central n'est pas la dame de Beaurepaire, Isabelle, qui pourrait être l'héroïne, mais son nain, Triboulet. A l'époque, en effet, il n'était pas rare que rois et grands seigneurs possèdent un nain, ou plusieurs, d'ailleurs. Cette mode va perdurer jusqu'au XVIIème siècle puisque des reines comme Anne ou Marie-Thérèse d'Autriche eurent, dans leur ménagerie, des nains et naines qu'elles avaient parfois, notamment pour la seconde, amené d'Espagne -la présence des nains dans l'entourage des Habsbourg était alors très forte.
    Triboulet est le nom général que l'on donnait aux nains à l'époque. Il y'en eut ainsi plusieurs : on peut retenir le Triboulet du roi René d'Anjou, qui fut dramaturge mais aussi le plus célèbre, Nicolas Ferrial, qui fut le bouffon des rois Louis XII et François Ier et portait également ce sobriquet. Cela dit, la présence des nains ou des fous n'est pas nouvelle, puisque c'est une pratique courant depuis l'Antiquité. On s'entourait de ces êtres humains présentant des malformations physiques ou des retards mentaux -les fous, donc, d'où le nom de fou du roi-, ces monstres -on les appelait ainsi puisqu'on était souvent incapable d'expliquer d'où venaient les maux dont ils souffraient-, avant tout pour se divertir. Ainsi, la naissance d'un enfant nain, si elle pouvait inquiéter, parce que toute malformation faisait peur, elle pouvait aussi devenir une bénédiction pour la famille, si elle trouvait à placer son enfant dans l'entourage royal ou auprès d'un grand seigneur : certains parents n'hésitaient d'ailleurs pas à céder leur enfant.
    C'est le cas du Triboulet d'Isabelle de Beaurepaire, rencontré par le père de cette dernière alors qu'il mendiait et que son père laissa sans hésiter aux soins du seigneur. Par la suite, le jeune homme, qui a été instruit avec la fille du domaine, s'attache à sa suite et devient son confident lorsqu'elle se marie et de vient la dame de Beaurepaire. Ainsi, à travers les yeux de ce personnage pour le moins inattendu mais très attachant, c'est la chronique d'un domaine seigneurial à la fin du Moyen Âge mais aussi d'une époque très troublée qui se déroule sous nos yeux. En effet, la décennie de 1430 touche doucement à sa fin et le roi Charles VII continue de reconquérir pied à pied son royaume sur les Anglais. On s'achemine doucement vers l'issue de cette guerre qui dure depuis 1337 mais aussi vers la fin d'une époque...Le Moyen Âge tardif connait ainsi des évolutions qui préfigurent la Renaissance toute proche mais la France se trouve encore déchirée entre Français et Anglais qui se disputent ses plus riches régions, saignée aux quatre veines également par les bandes de routiers qui ont repris du service depuis le début du siècle après avoir matées par Bertran du Guesclin.
    En Anjou, où se déroule l'intrigue de Médiévales, la vie y est relativement plus douce qu'ailleurs. Sous l'impulsion de souverains aussi intelligents que raffinés, comme Yolande d'Aragon ou son fils, René d'Anjou, la région se développe et surtout, semble plutôt à l'abri de ces sanglants combats qui continuent d'opposer Charles VII et son cousin, le roi britannique. Isabelle, dont Triboulet nous raconte l'existence, est veuve depuis quelques années et se consacre à la gestion du domaine que lui a laissé son époux et à l'éducation de ses deux enfants, Jeanne et Thibault. Mais c'est aussi la vie d'une cité en général que Triboulet nous conte, à travers un récit plein de tendresse pour ses protagonistes.
    Ce que j'ai beaucoup aimé dans ce roman, c'est, avant tout, le narrateur. Le parti-pris est franchement original mais très bien trouvé ! Choisir un nain, c'était assurément innover et personnellement, j'ai vraiment beaucoup aimé parce que je me suis tout de suite attachée à ce personnage haut en couleur, malgré sa taille et plein d'affection et de reconnaissance envers son entourage. Triboulet est lucide sur son sort : il sait que, si, alors qu'il était enfant, le père d'Isabelle, le seigneur du Plessis-Coudray ne l'avait pas recueilli et proposé à son père de le prendre auprès de lui, il aurait connu une existence malheureuse faite de mendicité et d'indigence. Il sait que l'époque n'est facile pour personne et encore moins pour les personnages souffrant, comme lui, de différences, qu'elles soient physiques ou mentales. Alors il décrit sa vie relativement confortable, comparée à d'autres, dans le giron de cette veuve érudite et déterminée qu'est dame Isabelle, personnage qui suscite aussi beaucoup d'affection chez le lecteur. 

    Médiévales m'a un peu fait penser à La Chambre des Dames, la fameuse saga de Jeanne Bourin, les lourdeurs de style en moins. Comme chez Jeanne Bourin, nous sommes ici dans une peinture exhaustive et sincère d'une époque, d'une façon de vivre. Et même si nous sommes là chez des nobles et non pas des bourgeois, des provinciaux et non pas des Parisiens, au milieu du XVème siècle et non pas au XIIIème, on retrouve un peu l'ambiance des romans médiévaux de Jeanne Bourin dans l'ouvrage de Maryvonne Noblet. Je ne me suis pas ennuyée une seule seconde, j'ai été complètement surprise par ce petit roman rafraîchissant finalement et très bien documenté, si bien documenté qu'on a vraiment l'impression d'amorcer un retour dans le temps ! Maryvonne Noblet a fait plus de dix ans de recherches afin de se lancer dans l'écriture de son livre : ça se sent. Les informations, faits et dates sont là et un véritable effort est fait pour intégrer la petite histoire au contexte plus général du royaume de France en ces années cruciales. 
    Un roman à conseiller aux amoureux du Moyen Âge et aux autres aussi, rien que pour l'originalité du récit mais aussi, toutes ses autres qualités, à commencer par les personnages !

    En Bref :

    Les + : un personnage principal des plus inattendus mais très attachant, un récit pas forcément spectaculaire mais qui suscite l'intérêt.
    Les - :
    que le livre n'ait pas été un peu plus long.


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  • Commentaires

    1
    Mardi 10 Mars 2015 à 11:09

    C'est vrai que c'est original de mettre en scène comme personnage principal un nain... Je ne connaissais pas dut out le roman ni l'auteure avant de lire ta chronique mais je dois avouer que tu as attisé ma curiosité, d'autant que j'aime bien comme cadre historique la Guerre de Cent Ans...

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