• Mousseline la Sérieuse ; Sylvie Yvert

    « Le délire des hommes n'a point de limites quand il n'a pas de frein. »

    Mousseline la Sérieuse ; Sylvie Yvert

    Publié en 2016

    Editions Héloïse d'Ormesson

    336 pages

    Résumé :

    Venise, 1850. La duchesse d'Angoulême, fille de Louis XVI et de Marie-Antoinette, entreprend, au couchant de sa vie, de raconter la singulière histoire qui est la sienne.

    Née en 1778, la jeune princesse mène une enfance heureuse au château de Versailles. Mais le 14 juillet 1789, son univers bascule dans les ténèbres de la nuit révolutionnaire. Commence alors pour Marie-Thérèse Charlotte de France un parcours tragique. Son père, sa mère, sa tante sont décapités ; son dernier frère, Louis XVII, meurt peu après. Unique survivante du Temple, son avenir sera ponctué de deuils, d'exils et de trop éphémères bonheurs.

    D'une plume délicate et poignante, Sylvie Yvert se glisse dans les pas de Madame Royale et donne voix à cette femme au destin hors du commun qui traversa les événements avec fierté et détermination. Une plongée dans cette histoire de France que nous croyons connaître.

    Ma Note : ★★★★★★★★★★ 

    Mon Avis :

    En 1850, au soir de sa vie, la duchesse d'Angoulême se retourne sur son passé. Elle a plus de soixante-dix ans et a connu une époque extrêmement troublée. Elle est née en 1778, à Versailles. Premier enfant de Louis XVI et Marie-Antoinette, Marie-Thérèse Charlotte reçoit le titre de Madame Royale. Elle n'est pas destinée à régner mais sera une princesse royale, vouée à devenir une ambassadrice de la France, par sa conduite, comme Madame Élisabeth ou par son mariage. Madame Royale est une princesse comme il y'en a tant en Europe à cette époque. Pourtant, son destin ne sera celui de personne ; ce que Madame Royale va connaître, elle est la seule à l'avoir connu et son personnage, pour l'Histoire, restera façonné et induit par ce destin qui la marquera au fer rouge...
    Elle a dix ans quand éclate la Révolution, treize quand la famille royale est arrêtée à Varennes, elle est orpheline à quinze ans, seule survivante de sa famille à dix-sept... Après sa libération en 1795, elle connaîtra une existence floue, entre exils multiples et retour des Bourbons sur le trône de France. Elle mourra d'ailleurs en Autriche, à Frohsdorf, sans avoir revu le royaume de France, après l'abdication de Charles X et celle de son mari, le duc d'Angoulême. Elle a connu l'Ancien Régime, la République, le Directoire, le Consulat, l'Empire, la Restauration et même...le suffrages universel ! Dernier témoin d'une époque révolue, elle n'en est pourtant pas une relique, participant activement à la politique de son temps, ce qui fera dire à Napoléon Ier qu'elle était le seul homme de sa famille.

    Portrait de  Marie-Thérèse Charlotte à son arrivée en Autriche, en 1795 (tableau Heinrich Friedrich Füger, 1796)


    Humainement, j'ai toujours trouvé infiniment triste le destin de Madame Royale et de son frère, le jeune Dauphin...Et inadmissible... Aucune révolution ne peut se faire sans une goutte de sang versée, je le conçois. Comme une guerre, elle sera sale, injuste et elle fera mal, certes. Mais, à mon sens, rien ne justifie de faire vivre un martyre et un calvaire à des enfants. Et je déplore qu'on ne nous présente, trop souvent, la Révolution que d'une manière unilatérale, en oubliant quelque peu sa part plus sombres : les exactions de Fouché à Lyon, les noyades de Nantes, les horreurs de la Terreur... Cela n'empêche pas de reconnaître ses aspects positifs : on ne peut remettre en cause la liberté et l'égalité en droits, l'abolition des privilèges... Mais il serait bon aussi d'imputer à la République le traitement que l'on infligea aux enfants des souverains détrônés qui, en somme, n'étaient accusés que de la chose dont aucun être humain ne peut être accusé d'être responsable : sa naissance. On a laissé mourir le petit Dauphin Louis, un enfant de dix ans, dans une solitude terrible et dans de longues souffrances, seulement parce que le sort l'avait destiné à hériter du trône de France. On a laissé sa sœur dans l'ignorance de la mort des siens, livrée à elle-même, parce qu'elle était la fille aînée de ceux que l'on ne considérait plus que comme des tyrans. La fin justifiait-elle les moyens et surtout les horreurs endurées par ces deux enfants ?
    Il y'a quelques années, j'avais été touchée et, déjà, révoltée à la lecture de La Princesse Effacée d'Alexandra de Broca et de La Chambre de Françoise Chandernagor où, sans misérabilisme ni faux pathos, les deux auteures parvenaient à retranscrire la captivité des deux enfants royaux.
    Le roman de Sylvie Yvert est à placer au même rang que ces deux-là. Un roman historique intéressant et bien écrit, soucieux avant tout de rendre hommage à un personnage que la postérité a toujours un peu malmené... Madame Royale a toujours été présentée comme une femme austère, bigote, un peu revêche... On oublie trop souvent que ce qu'elle a vécu dans sa jeunesse a conditionné ensuite toute sa vie et que, certainement, on le serait à moins. Personnellement, je l'ai toujours trouvée touchante. Madame Royale fait partie de ces personnages auxquels on peut s'identifier et alors, on se demande : que serais-je devenu dans le même cas ? Qu'aurais-je fait ? Sûrement bien moins qu'elle.
    Et c'est ce qui transparaît dans ce roman : c'est un très bel hommage que Sylvie Yvert rend à la fille de Louis XVI. Et en quelque sorte aussi, elle lui rend justice, nuançant l'image que l'on garde d'elle.
    Au départ, le roman ne m'a pas paru facile d'accès, j'ai même eu peur de ne pas aimer. J'ai mis du temps avant de m'habituer et avant de l'apprécier mais au final, je me suis rendu compte que le roman était très bien écrit. Le style de l'auteure est très fin, il s'adapte et se fait malléable, épousant les sentiments de Madame Royale. Comment ne pas être touché par ce destin glorieux et tragique à la fois ? Comment ne pas s'attacher à cette jeune femme qui a connu les pires horreurs à une époque incertaine, celle de l'adolescence, où l'on se construit, où l'âge adulte se forme et se détermine ? Comment peut-on, encore aujourd'hui, considérer qu'elle fut une femme revêche et bigote, brusque et désagréable quand on sait, grâce aux avancées de la médecine, que le psychique est aussi important voire plus, parfois, que le physique ? Comment ne peut-on pas s'émouvoir devant les blessures d'enfance de Madame Royale ? La plume de Sylvie Yvert, qui sait se faire pudique mais aussi incisive, parvient à nous faire sentir très proche de la princesse et on compatit à ses peines en se mettant à sa place. Avoir choisi d'écrire un récit en forme de Mémoires, de souvenirs, était finalement très habile ! Lire un récit à la première personne permet évidemment de se mettre plus facilement à la place du personnage, de s'en sentir plus proche.
    Il faut savoir que Madame Royale n'a laissé aucun écrit. L'auteure ainsi, n'usurpe rien. A l'exception de quelques feuillets écrits au Temple et que Louis XVIII lui demandera d'ailleurs de reprendre, celle qui allait devenir duchesse d'Angoulême n'a pas laissé de véritables mémoires. En lui prêtant sa plume, l'auteure en quelque sorte lui rend sa voix, perdue, oubliée par l'Histoire.
    Voilà un roman historique comme je les aime, tout en douceur et en finesse, bien écrit et sensible, malgré l'immense tristesse et la mélancolie qu'il recèle.
    Si vous aimez cette période de notre Histoire et les beaux récits, alors n'hésitez plus !

    En Bref :

    Les + : une écriture toute en finesse qui pourrait être celle de Madame Royale ; un récit pudique et bien écrit, qui permet d'entrapercevoir la Révolution française autrement.
    Les - : des premiers chapitres qui ont peiné à me captiver. A part ça, rien à signaler.


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