• Nicolas II et Alexandra de Russie : une tragédie impériale ; Jean des Cars

    « Toute la vie de Nicolas II et des  siens, y compris pendant leur captivité et pratiquement jusqu'à leur exécution, nous est ainsi familière. Des fastes de la Cour à la précarité de leur exil, d'une jeunesse souvent douloureuse à l'épreuve du pouvoir et des drames personnels poignants, on découvre un minutieux et parfois indiscret album de famille. »

     

     

     

     Publié en 2015

     Éditions Perrin (collection Biographies)

     459 pages

     

     

     

     

     

    Résumé :

    Coupable ou martyr ? Coupable et martyr ? Longtemps, l'histoire officielle, d'inspiration marxiste, a accablé Nicolas II, chargé de tous les crimes, accusé de toutes les erreurs. Depuis la chute de l'URSS, la spectaculaire révision de son rôle, de son attitude, de son influence, les drames personnels qu'il a subis et l'engrenage de la Première Guerre mondiale nous montrent un autre souverain, un homme différent de celui qu'on présentait, dépassé par les évènements, miné par la fatalité et finalement broyé par une histoire éminemment tragique. La destinée du dernier tsar, patriote jusqu'au bout, est plus fascinante et bouleversante que celle de ses illustres prédécesseurs parce que, précisément, le pouvoir des Romanov s'achève en tragédie.
    Cent ans plus tard, dans cette biographie inédite et richement illustrée, Jean des Cars dresse le portrait intime du couple formé par Nicolas II et Alexandra Feodorovna, et de leurs enfants: les grandes-duchesses Olga, Tatiana, Maria, Anastasia et le tsarévitch Alexis qui naîtra hémophile - un calvaire pour son entourage, une menace sur la dynastie.
    Du couronnement à l'assassinat de toute la famille, l'auteur nous conte avec son talent coutumier la vie du dernier couple impérial russe, des années de bonheur à l'épreuve de la guerre et des révolutions, des réformes intérieures au pouvoir de Raspoutine, de l'abdication au massacre.

    Ma Note : ★★★★★★★★★★

    Mon Avis :

    Dans la nuit du 17 juillet 1918, la famille Romanov est réveillée brutalement par ses geôliers et sans ménagement conduite jusqu’à la cave de la maison Ipatiev, où elle est détenue depuis quelques semaines. L’avancée des armées royalistes dans la région étant inquiétante, va-t-on les emmener ailleurs, encore une fois : après Tsarskoïe Selo, où la famille a vécu en résidence surveillée, puis Tobolsk, va-t-elle encore devoir gagner une nouvelle prison ? La famille ne sait pas encore qu’elle n’ira plus jamais nulle part, du moins de son vivant. Silencieusement, les Romanov – l’empereur, l’impératrice, leurs quatre filles et le petit Alexis, dans les bras de son père -, descendent les vingt-trois marches qui les mènent vers leur supplice. Ils sont accompagnés du médecin de famille et d’une femme de chambre de l’impératrice. Dans la pièce, ils sont sous la surveillance de leur gardien, le sinistre Iakov Yourovski. C’est lui qui, quelques minutes plus tard, donnera l’ordre à ses soldats de tirer : les Romanov et leurs serviteurs sont assassinés à bout portant. Il n’y aura aucun survivant à cette tuerie qui n’avait pas d’autre but que d’éradiquer purement et simplement la famille du tsar déchu. D’autres membres de la famille seront aussi les victimes du nouveau régime : un peu avant Nicolas II et les siens, son frère le grand-duc Michel a été exécuté, puis ce sera au tour de la grande-duchesse Ella – sœur de l’impératrice et épouse du grand-duc Serge – et de certains cousins de Nicolas II d’être passés par les armes.
    Transportés vers un puits de mine dans une forêt, non loin de la ville d’Ekaterinebourg où la famille était détenue depuis la fin mai à la maison Ipatiev (la maison à destination spéciale), les corps sanglants sont déshabillés, démembrés, jetés pêle-mêle dans le puits. Pour essayer de faire disparaître toute trace du massacre, les soldats de Yourovski finissent par y jeter des grenades qui font exploser les galeries. Sans preuves, personne ne pourra accuser le nouveau régime d’être l’assassin du tsar et de sa famille. Ce mystère entourant la fin des derniers Romanov aura pour conséquence l’apparition dans les années qui suivent d’une fausse Anastasia, qui se révèlera en fait être un imposteur. Aujourd’hui, grâce à des tests ADN, nous savons de manière certaine qu’aucun Romanov n’est sorti vivant de la maison Ipatiev – aujourd’hui rasée, cette dernière a laissé place à une église orthodoxe commémorative.
    La mort de la famille impériale et l’exil des survivants, met fin à un régime autocratique séculaire : hasard macabre, le premier tsar Romanov, Michel, avait tiré de son couvent pour être placé sur le trône en 1613, couvent qui portait le nom…d’Ipatiev. Héritier de figures aussi célèbres que Catherine II ou Pierre le Grand, le futur Nicolas II est né en 1868 : il est le fils d’Alexandre III et de son épouse danoise, la princesse Dagmar de Danemark, devenue la tsarine Maria Feodorovna. Le jeune garçon a treize ans quand, à la fin de l’hiver 1881, son grand-père Alexandre II succombe à une énième attaque à la bombe. Le futur tsar sera profondément choqué devant le corps sanglant et désarticulé de son grand-père, si grièvement blessé aux jambes qu’il ne survivra pas. Alors que son père accède au trône de Russie, Nicolas devient le tsarévitch, l’héritier du trône : on pourrait penser logiquement que toute sa future éducation sera conditionnée par ce statut particulier or, il n’en est rien. Le futur Nicolas II est mal préparé, tenu à l’écart par son père Alexandre III, maintenu dans une sorte d’insouciance enfantine loin des affaires. Nicolas noue une relation avec une jeune danseuse, voyage en Europe et jusqu’au Japon mais n’est pas associé au pouvoir par un père tout-puissant, bienveillant mais qui ne saura pas préparer son fils à la tâche qui l’attend. Alexandre III meurt prématurément à l’âge de 49 ans d’une maladie rénale, laissant l’empire russe à un jeune homme de vingt-quatre ans, épouvanté devant le colosse qu’il s’apprête à porter à bout de bras. Comme Louis XVI qui dira à l’annonce de la mort de son grand-père Louis XV « Mon dieu, protégez-nous, nous régnons trop jeunes. », le cri du cœur spontané qui échappe à Nicolas II est éloquent : « Je n’ai jamais voulu être tsar. » La suite des événements lui prouvera qu’il n’était effectivement pas taillé pour l’être.

     

    La famille impériale est unie et mène une vie relativement simple, quasi bourgeoise : le couple formé par Nicolas et Alexandra est très lié autour de sa progéniture et surtout du petit Alexis. Mais cette entente et cette harmonie familiale ne suffisent pas à les rendre populaires


    Quelques semaines après la mort de son père, le jeune tsar se marie : mauvais présage ? Pour le peuple russe, chez qui grande religiosité et superstitions se mêlent intrinsèquement, cela ne fait pas de doutes, d’autant plus que le choix du jeune tsar s’est porté sur une fille de la famille de Hesse-Darmstadt, la jeune princesse Alix. Il n’est pas le premier empereur russe à choisir une épouse dans cette éminente famille allemande or, à chaque fois, le souverain marié à une princesse de Hesse connaîtra un destin tragique : ainsi, Paul Ier et Alexandre II, tous deux unis à une princesse issue de cette famille seront assassinés. Les parents de Nicolas se montreront réservés à l’annonce de l’intérêt que le jeune homme porte à Alix, petite-fille de la reine Victoria et ne donneront finalement leur accord que lorsque l’état de santé d’Alexandre III deviendra réellement préoccupant. Les Russes se montrent réservés face à cette princesse peu souriante, qui semble hautaine et surtout, souveraine faute, arrive « derrière le cercueil » de son beau-père.
    Heureux et uni, le couple aura cinq enfants : tout d’abord quatre filles, Olga, Tatiana, Maria et Anastasia, entre 1895 et 1901 puis le fils tant désiré, Alexis, en 1904. Dans l’intimité, tout semble aller pour le mieux pour ce couple qui, dans les somptueux palais des tsars, vit de manière relativement simple et bourgeoise, avec leurs enfants auxquels ils portent un sincère intérêt. Le drame de la vie de Nicolas II et d’Alix, devenue l’impératrice Alexandra Feodorovna sera la maladie du petit tsarévitch, découverte quelques semaines après sa naissance, en septembre 1904 : l’enfant est alors victime d’une hémorragie du nombril qui conduit à la pose d’un diagnostic irrévocable. Comme beaucoup de descendants de la reine Victoria, grand-mère de l’Europe, Alexis souffre d’hémophilie, une maladie du sang qui l’empêche de coaguler correctement. De là, on comprend donc aisément ce que risquent les malades : une blessure, des hémorragies soudaines peuvent les emporter en quelques heures. Dès lors, l’enfant va être constamment surveillé, élevé dans une bulle protectrice mais aussi frustrante pour un enfant qui ne peut jouer et se dépenser comme il veut : la moindre entorse, la moindre contusion peut occasionner des hémorragies internes, des hématomes ou des douleurs articulaires terribles, qui laissent l’enfant épuisé et ses parents désemparés. Pour l’impératrice, la peine est double : non seulement elle est condamnée à voir souffrir son fils unique, impuissante à le soulager mais elle doit vivre aussi avec le poids de la culpabilité car c’est elle qui a transmis le mal à Alexis. L’hémophilie a en effet la particularité de se transmettre par les femmes mais uniquement à leurs fils.

     

     

    Les quatre grandes-duchesses (de gauche à droite Maria, Tatiana, Anastasia et Olga) entourant leur petit frère Alexis, né en 1904 : il est atteint d'un mal génétique et incurable, l'hémophilie


    La maladie de l’héritier, incurable et si douloureuse, qui les fait vivre dans une angoisse permanente de l’accident fatal et l’impuissance de la médecine de l’époque, qui soulage l’enfant avec de l’aspirine – on découvrira plus tard que le médicament est complètement contre-indiqué en cas de troubles de la coagulation, ayant pour propriété de fluidifier le sang -, conduisent la tsarine à se réfugier dans une religiosité qui tend rapidement au mysticisme et la rend particulièrement faible face à des gourous et autres thaumaturges prétendant pouvoir soulager le tsarévitch. Le plus célèbre sera le fameux Raspoutine, sous la coupe duquel tombera non seulement l’impératrice mais aussi ses filles et, probablement, l’empereur. Mais peut-on reprocher à des parents désespérés de chercher à soulager les souffrances de leur enfant, d’autant plus que Raspoutine, bien plus que les médecins de la Cour, est le seul à parvenir à endiguer les crises qui engendrent de terribles souffrances chez le petit malade.
    La mauvaise préparation de Nicolas II à la charge qu’il devait occuper, une tsarine mal acceptée par l’opinion qui, à l’instar des Français du XVIIIème siècle qui appelaient Marie-Antoinette « l’Autrichienne », finira par ne plus la qualifier autrement que comme « l’Allemande » puis un contexte social et politique complexe, une guerre mondiale sans précédent, auront finalement raison du régime tsariste et l’émergence d’un autre pouvoir, personnifié notamment par la figure de Lénine.
    On a beaucoup écrit sur les Romanov : de leur fin tragique jusqu’à la spectaculaire contrition du pouvoir soviétique entre les années 1900 et 2000, tout a contribué à faire d’eux un mythe. Ici, Jean des Cars ne s’attache pas à décortiquer la politique malheureuse du dernier tsar : c’est plutôt une biographie domestique que l’auteur nous propose, nous faisant pénétrer dans l’intimité du couple puis de la famille. On découvre ainsi une famille unie, profondément liée par la maladie du tsarévitch et les inquiétudes permanentes induites par sa santé. Les sœurs aînées entourent leur petit frère très aimé de beaucoup d’attentions et de tendresse, elles se montrent protectrices les unes envers les autres mais surtout, toutes les quatre ensemble pour Alexis, tellement fragile. Elles suppléent ainsi leur mère, la tsarine Alexandra, dont la propre santé est rapidement chancelante : celle-ci souffre d’angoisses profondes mais aussi de problèmes circulatoires qui l’empêchent souvent de marcher et de participer aux activités que la famille aime…ainsi, le tsar et ses filles qui sont passionnés de photographie, adorent les activités de pleine nature, les longues marches et même la natation. Leur pratique assidue de la photographie permet aujourd’hui aux historiens d’avoir un accès à des documents inestimables, témoins de la vie quasi-bourgeoise et loin des fastes de la représentation que menaient le couple impérial et ses enfants.
    Et pourtant, la beauté des grandes-duchesses, la maladie d’Alexis, longtemps cachée à l’opinion puis éclipsée par le scandale de l’influence de Raspoutine auprès de la tsarine, ne sauveront pas l’empire. Comme l’empire du Kaiser Guillaume II en Allemagne, l’empire austro-hongrois de Charles Ier et l’empire ottoman, le géant qu’est l’empire russe des tsars sera balayé par le contexte politique puis la Première guerre mondiale : la déconnexion de Nicolas II, le paradoxe entre son éducation et les bouleversements d’une époque qu’il ne comprend pas, la maladie de son fils qui le pousse à se replier sur sa vie domestique au détriment de la politique et du peuple russe qui attend des décisions concrètes de ses dirigeants concourent à faire disparaître un régime séculaire mais dépassé. Nicolas II ne fut pas un bon tsar : de cela aujourd’hui, nous ne pouvons douter. Le couple impérial ne parvint pas ou ne voulut pas comprendre les aspirations d’un peuple fatigué, d’abord par l’inflation et la pauvreté puis par une guerre internationale sans précédent, il laissa pourrir la situation et, par manque de volonté, par faiblesse, se conduisit lui-même au supplice, y entraînant aussi ses enfants. Il ne nous appartient pas aujourd’hui de juger ce qui fut fait hier, nous ne pouvons que l’étudier au mieux, loin des contre-sens que peuvent induire notre manière de pensée appliquée à une époque plus ancienne. Pour autant, humainement, il est difficile de ne pas considérer aujourd’hui la mort de la famille impériale comme une incroyable tragédie, de part probablement le nombre conséquent de sources photographiques qui nous permet de mettre des visages sur des noms et par la proximité de ce drame – à peine une centaine d’années nous séparent des derniers Romanov. Il y a aussi quelque chose d’assez fascinant dans cette tragédie familiale et de suffisamment horrible pour l’entendement pour conduire à de nombreuses rumeurs de survivance (notamment de la grande-duchesse Anastasia, aujourd'hui infirmées par la plupart des historiens), toutes battues en brèche par les analyses génétiques et scientifiques qui ont pu être menées entre la fin des années 1990 et les années 2000. Exhumés du puits de mine de Ganina Yama non loin d’Ekaterinebourg pour être officiellement ré-inhumés avec tous les honneurs à Saint-Pétersbourg, les Romanov sont tous réunis dans la mort depuis quelques années et peuvent enfin reposer en paix. Des lieux de commémoration, des sanctuaires ont été élevés à l’emplacement de la maison Ipatiev, dans la forêt où les corps ont été hâtivement dispersés au matin du 17 juillet 1918…la Russie moderne, au-delà de ses troubles politiques, semble s’être réconciliée avec son passé et l’historiographie actuelle peut étudier les derniers Romanov de manière apaisée, sans se détacher pour autant de la pitié qui nous envahit face aux visages si beaux des grandes-duchesses et de leur petit frère, que l’on voit grandir et s’épanouir sur les clichés de famille tout en sachant que la course à l’abîme est commencée et que le tourbillon les emportera tous, dans la fleur de l’âge : la plus âgée, Olga, allait avoir 23 ans. Son petit frère aurait eu 14 ans moins de quinze jours après la tragédie de la maison Ipatiev.
    Avec beaucoup de chaleur, Jean des Cars fait revivre la dernière famille impériale russe, entre grandes joies et profonds chagrins, jusqu’au drame final. Une lecture passionnante et aussi fascinante que ses sujets d’étude.

     

     Nicolas II et son épouse allemande, Alix de Hesse-Darmstadt : l'impératrice, intransigeante, conservatrice et psychologiquement gouvernée par Raspoutine cristallisera la haine et l'hostilité du peuple russe

    En Bref :

    Les + : un très bon livre qui aborde l'histoire des derniers Romanov du point de vue intime et familial...c'était passionnant et j'ai passé un très bon moment de lecture. Jean des Cars a le don pour rendre l'Histoire accessible et on prend plaisir à lire ce livre, comme un roman, même si l'on connaît déjà l'issue tragique.
    Les - : quelques petites coquilles, probablement dues à des erreurs de frappe, dommage mais pas catastrophique non plus.


    Nicolas II et Alexandra de Russie : une tragédie impériale ; Jean des Cars

     

    Mémoires de la baronne d'Oberkirch sur la cour de Louis XVI et la société française avant 1789 ; Henriette Louise de Waldner de Freundstein, baronne d'Oberkirch LE SALON DES PRÉCIEUSES EST AUSSI SUR INSTAGRAM @lesbooksdalittle 

     

     


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