• Petite ; Edward Carey

    «  La cire protège l'intimité. Elle scelle les lettres, conserve les mots du monde à leur bonne place, jusqu'à ce que de justes mains leur permettent de sortir. »

    Couverture Petite

     

     

      Publié en 2018 en Angleterre

        En 2022 en France (pour la présente édition)

      Titre original : Little

      Editions Pocket

      560 pages  

     

     

     

     

     

    Résumé :

    Marie Grosholtz est si petite qu'on l'appellera Petite. Née en Alsace en 1761, l'orpheline ne trouve sa place dans la vie qu'au service du Dr Curtius, sculpteur sur cire. On s'arrache alors, dans la bonne société, ces portraits confondants de ressemblance. La mode est telle que les petits pas de Marie la mèneront à Versailles, auprès d'Elisabeth, sœur du roi. Las, la Révolution, elle aussi, a ses têtes - et elle veut les faire tomber. Marie échappera à la guillotine en confectionnant les masques mortuaires des plus grands, Louis XVI, Marat, Robespierre... Le sang coule et Marie pétrit la cire : un destin qu'elle poursuivra jusqu'à Londres, sous le nom de... Mme Tussaud ! 

    Ma Note : ★★★★★★★★

    Mon Avis :

    Petite, c’est l’histoire de Marie Grosholtz, plus connue sous son nom de Madame Tussaud, qu’elle laissera au célèbre musée londonien Madame Tussaud’s.
    On oublierait presque que Marie Grosholtz est en fait née à Strasbourg en 1761 et passera de longues années en France. A sa naissance, l’Alsace est alors terre d’Empire : son père, Joseph Grosholtz est un soldat originaire de Francfort et de sa mère, Anne Marie Walder, on ne sait rien ou presque. Dans le roman, Edward Carey la présente comme une jeune femme modeste de dix-huit ans à la naissance de sa fille, mariée à un homme beaucoup plus âgé. Une fois veuve, Anne Marie Walder doit quitter sa région pour Berne, où elle entre au service du docteur Philip Curtius, qui sera l’initiateur de Marie et lui apprendra à modeler la cire.
    En 1765, le docteur Curtius quitte Berne pour Paris, où il fera venir Marie et sa mère deux ans plus tard. En 1770, il expose pour la première fois ses statues de cire et enseigne en parallèle son savoir-faire à la jeune fille, faisant d’elle une sorte d’assistante. En 1776, l’exposition des personnages de cire de Curtius est déplacée au Palais-Royal. La première réalisation personnelle de Marie est le visage de Voltaire, en 1777. Elle modèle ensuite celui de Rousseau, l’année suivante et même, le portrait de Benjamin Franklin, alors en voyage en France.  L’hypothèse que Marie Grosholtz ait été pendant un temps professeur de Madame Elisabeth de 1780 à 1788, sœur de Louis XVI, lui enseignant l’art des moulages en cire et, en parallèle, un peu des rudiments d’anatomie acquis auprès de Curtius, n’est pas assurée (il se pourrait qu’elle ait enjolivé ses Mémoires et imaginé cet épisode de sa vie).
    Au début des années 1780, Philip Curtius expose des bustes de personnalités, boulevard du Temple et notamment les bustes de criminels, présentés dans une « Caverne des Grands Voleurs », qui inspirera par la suite Marie Tussaud pour sa Chambre des horreurs.

    Mais en ces dernières années de la monarchie, le tonnerre gronde et le royaume vacille sur ses bases : bientôt, Marie et Curtius sont emportés par la tourmente révolutionnaire et les torrents de sang qu’elle verse dans les rues de la capitale.
    Toujours selon ses Mémoires, probablement très romancés, Marie aurait été arrêtée sous la Terreur, peut-être dénoncée par un concurrent, Jacques Dutruy, aide du bourreau de Paris Samson. Jetée en prison, attendant son jugement, elle aurait partagé la cellule d’une certaine créole, Rose Tascher de La Pagerie, future impératrice Joséphine. Sauvée par l’intervention du peintre Jacques-Louis David, Marie reprend ses activités de sculptrice sur cire : elle réalise ainsi les masques mortuaires de Marat et de l’ancienne reine Marie-Antoinette, en juillet et octobre 1793 puis de Robespierre, après le 9-Thermidor.
    En 1794, Philip Curtius meurt, léguant toute sa collection à Marie. L’année suivante, alors que les horreurs de la Terreur ont laissé la place aux fastes extravagants du Directoire, Marie épouse François Tussaud, dont elle aura trois enfants : une fille, mort-née et deux garçons, Joseph et François.
    A la suite de la paix d’Amiens, en 1802, qui met fin à la Deuxième Coalition, Marie se voit invitée à Londres par le magicien Paul Philidor, qui lui fait signer un contrat d’association. Elle quitte alors son mari et la France pour la capitale britannique, en compagnie de son fils aîné Joseph, alors âgé de 4 ans. Elle ne rentrera jamais et entame alors une tournée dans toutes les îles britanniques avec son musée de cire itinérant, attirant notamment un public nombreux grâce à ses œuvres sur le thème de la Révolution française et plus particulièrement de la Terreur, pendant laquelle elle aurait d’ailleurs été emprisonnée et promise à la guillotine. Ce sont les prémices de ce que seront un jour les musées Madame Tussaud’s, que l’on retrouve encore aujourd’hui à Londres mais aussi aux Etats-Unis (New York, Las Vegas) ou encore, en Asie (Hong Kong). Le groupe Tussaud, racheté en 2007 par Merlin Entertainments est le second groupe de loisirs au monde après le groupe Disney.

    Madame Tussaud, age 42.jpg

    Marie Tussaud à l'âge de 42 ans : portrait par John Theodore Tussaud, daté de 1921


    Celle que l’on appellera plus que Madame Tussaud s’éteint dans son sommeil en avril 1850, à l’âge de 88 ans : née alors que les fastes de la monarchie française connaissent leur apogée et amorcent sans le savoir leur déclin, Marie Grosholtz meurt à l’ère de la révolution industrielle, alors que les cheminées d’usine barrent l’horizon et que les trains à vapeur sillonnent les territoires, appelés un jour à remplacer les berlines à cheval. Trait d’union entre les temps anciens et l’époque contemporaine, Marie Grosholtz a pourtant sombré dans l’oubli de l’Histoire. Car si le musée londonien Madame Tussaud’s évoque vaguement quelque chose, que sait-on de celle qui se cache derrière sa création ?
    Petite, d’Edward Carey, rend sa voix et son enveloppe humaine à un personnage historique mais aussi, à une femme, aucunement destinée lorsqu'elle vient au monde à devenir quelqu'un. C’est très romancé mais aussi, très plaisant à lire : et pourtant, lorsque j’ai commencé ma lecture, j’étais loin de le penser. Alors que j’attendais de lire ce roman depuis longtemps (j’avais déjà envisagé de le lire pour le Pumpkin Autumn Challenge l’année dernière mais au final, je ne me l’étais pas procuré à temps), voilà que les premiers chapitres me mettent mal à l’aise…très mal à l'aise. Littéralement, le livre me tombe presque des mains et je suis déçue de sentir que je passe à côté. Je me dis que c’est dommage, vu que j’attendais ce livre depuis longtemps.
    Et puis finalement, c’est juste que la rencontre a mis un peu de temps à se faire, voilà tout et je ne regrette pas d’avoir suivi les conseils d’une autre lectrice qui m’avait confié avoir ressenti la même chose que moi mais avait persévéré et beaucoup plus aimé par la suite. Effectivement, c’est aussi ce qu’il s’est passé pour moi et, pour mon plus grand plaisir, le reste du roman a su me convaincre et me captiver. Mais je tiens à vous prévenir : Petite n'est pas d'un abord facile et si vous aimez vous attacher, vous identifier aux personnages de vos lectures, ici, c'est relativement difficile.
    Toutes les rencontres ne sont pas des coups de foudre : il y a des romans qui vous happeront dès les premiers mots et c’est plaisant de pressentir le coup de cœur final dès les premières pages. Mais parfois, il faut un peu plus de temps pour apprivoiser un livre et c’est tant mieux, même si on ressent quelques sueurs froides.
    L’ambiance de Petite est vraiment particulière et nécessite un temps d’adaptation : je crois que c’est ça qui m’a fait penser que je n’aimerais pas. J’avoue que je ne sais pas trop où j’allais dans les premiers chapitres…certes, l’écriture est excellente, les personnages mystérieux et l’ambiance « cabinet de curiosités » interpelle…et en même temps, à mesure que j’enchaîne les pages, je ne me sens pas à l’aise. Puis petit à petit, ce sentiment s’est dissipé même si le roman devient violent et sanglant, notamment tous les chapitres traitant de la Révolution française. Edward Carey ne met pas les formes, c’est certain et c’est parfois sale, parfois grossier, parfois trivial à l’image d’un siècle où les plus grands raffinements côtoient la fange la plus grasse.
    Suivre Marie tout au long de son existence à l’incroyable longévité (pour l’époque) c’est découvrir un destin non conventionnel, hors des normes et surtout éloigné de ce qui est en général la destinée commune des femmes au XVIIIème siècle – même si elle sera mère et épouse. En devenant la jeune assistante du Dr Curtius, Marie se voit ouvrir les portes d’un monde insoupçonné : elle acquiert rapidement des notions d’anatomie, ce qui lui confère forcément une bonne connaissance du corps humain et de son fonctionnement. En parallèle, elle découvre aussi le métier de sculpteur sur cire, exerçant ses mains et son regard, car comme n’importe quelle activité artistique, celle-ci nécessite une grande sensibilité et un regard aiguisé. Mais ici l’art, souvent synonyme de raffinement et de beauté, s’associe à la laideur de la violence et du sang, dans une société qui convulse sous les assauts meurtriers d’une Révolution qui ne connaît plus de limites.
    Petite est un ovni littéraire. S’il est logique de le rattacher au genre historique, malgré tout, je ne sais pas exactement ce que j’ai lu. Une chose est sûre en tous cas, j’ai lu un livre à part, un roman qui n’est pas complètement différent mais pas tout à fait identique non plus à ce que j’ai l’habitude de lire. Petite me laisse un sentiment étrange, alors que je l’ai déjà terminé depuis plusieurs jours.
    Je ne peux que vous le conseiller… n’ayez surtout pas peur si le coup de cœur n’est pas au rendez-vous de suite, si vous peinez à entrer dans l’intrigue et que vous vous demandez où vous allez et ce que vous faites dans cette galère. Petit à petit, l’intrigue suivant son cours, tout devient plus fluide et on évite les écueils avec facilité. Il y a des romans qui nous attirent instantanément, parce que le résumé, parce que la couverture et on finit par être déçu. Et il y en a d’autres qui nous font peur, qu’on aurait presque envie de reposer et qui, pourtant, ne demandent qu’à être découverts. C’est le cas de Petite : laissez sa chance à Marie Grosholtz, comme je l’ai fait et comme d’autres lecteurs l’ont fait aussi et j’espère que vous serez tout aussi enchantés que moi en tournant la dernière page. Même si le coup de cœur n’a pas été au rendez-vous, j’ai terminé cette lecture enthousiaste et heureuse d’avoir fait une si jolie rencontre, d’autant plus belle qu’entre nous, ça partait mal.
    Petite est un roman idéal pour l’automne et la période d’Halloween : se balader dans le musée du Dr Curtius, c’est comme découvrir un musée « des horreurs » où l’on s’attend à chaque instant que les bustes en cire s’animent et reprennent vie. A la frontière du réel, ce roman s’accorde bien aux mystères de la saison.

    Madame Tussauds : le célèbre musée de cire de Londres - Bons Plans Londres

    Statue de cire et masque mortuaire de Marie Tussaud, au musée Madame Tussaud's de Londres

    En Bref :

    Les + : l'ambiance sombre et feutrée évoquant un cabinet de curiosités et le style de l'auteur, absolument excellent.
    Les - :
    de prime abord, un livre assez difficile d'accès (ceci est bien évidemment subjectif : je vous souhaite d'être happé dès les premières pages). 


     Petite ; Edward Carey

       Mémoires de la baronne d'Oberkirch sur la cour de Louis XVI et la société française avant 1789 ; Henriette Louise de Waldner de Freundstein, baronne d'Oberkirch LE SALON DES PRÉCIEUSES EST AUSSI SUR INSTAGRAM @lesbooksdalittle


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