• Peyton Place ; Grace Metalious

    « Une année, dans les premiers jours d'octobre, l'été indien apparut ainsi dans une petite ville appelée Peyton Place. Comme une femme jolie et rieuse, il s'étendit sur la campagne et rendit toutes choses si belles que les yeux en étaient éblouis. »

    Couverture Peyton Place, tome 1

     

     

     

         Publié en 1956 aux Etats-Unis

      En 2016 en France (pour la présente édition)

      Titre original : Peyton Place

      Editions 10/18

      Premier tome de la saga Peyton Place

     

     

     

     

    Résumé :

    Etats-Unis, années 40. Peyton Place est une petite ville aux apparences tranquilles. Mais derrière les façades proprettes des demeures victoriennes ou celles plus vétustes des maisons des faubourgs, des drames se jouent. Dans les beaux quartiers, Allison ignore tout du secret qui entoure sa naissance et du passé sulfureux de sa mère. Tout ce qui lui importe pour le moment est l'amitié de la jolie Selena Cross, issue des taudis de la ville, qui subit les violences d'un beau-père alcoolique...

    Chronique au vitriol d'une petite ville américaine, Peyton Place fit scandale lorsqu'il parut en 1956. Il est aujourd'hui devenu un best-seller international.  

    Ma Note : ★★★★★★★★★

    Mon Avis :

    Ouvrir Peyton Place, c'est avoir le sentiment de se placer dans les pas de générations entières de lecteurs qui, en faisant la même chose, ont eu l'impression de braver un interdit, de lire un roman scandaleux, qui a fait couler beaucoup d'encre à sa sortie.
    Peyton Place, c'est la chronique, sur plusieurs années, d'une petite ville de la Nouvelle Angleterre, entre 1939 et 1944. Une petite ville de province, sans histoires, loin de la vie trépidante des mégapoles américaines. Une petite ville perdue dans la campagne, sillonnée par la Connecticut River, qui la sépare de l'État de Vermont voisin. Une petite ville à trois heures à peine de la frontière canadienne. Une petite ville avec ses habitants qui prennent un malin plaisir à découvrir et savoir tout ce qui peut être découvert et su sur leurs voisins.
    En somme, rien de bien scandaleux, me direz-vous. C'est vrai qu'à la lecture de ce résumé, on peut se demander où se trouve la chronique au vitriol annoncée par la quatrième de couverture. Eh bien... il faut tout simplement dépasser les premiers chapitres du roman, dont la subversion ne saute pas spontanément aux yeux, il faut aller au bout de sa lecture, fermer le roman, se retourner dessus et là, on prend soudain toute la mesure du scandale que recèle ce roman, écrit dans les années 50 par une jeune mère et épouse de trente-deux ans, mariée à un directeur d'école primaire et qui vit dans une maison modeste, dans laquelle règne un bordel sans nom, sauf dans l'espace scrupuleusement réservé à la machine à écrire. La machine à écrire où elle rédigera Peyton Place mais aussi de nombreuses nouvelles. Grace Metalious n'est pas à proprement parler une auteur par qui on attendrait que le scandale arrive. Et pourtant cette jeune femme qui ne semble pas fréquenter les milieux intellectuels de son époque, qui semble vivre en retrait de l'actualité de son époque, porte un regard juste, lucide, sur ses pairs et sur la décennie précédente, marquée par une guerre mondiale, mais pas que... Elle aborde des sujets qui sont des non-sujets au moment où elle écrit et qui donc, choquent ses contemporains. En lisant Peyton Place, on prend la mesure de son étonnante modernité : ce roman qui a plus de soixante ans l'est parfois plus que certains romans contemporains et pourrait aisément transposé en 2020 à tel point que j'ai parfois eu du mal à imaginer des personnages ayant vécu dans les années 40, pendant la Seconde guerre mondiale !!
    À travers ses personnages masculins et féminins, qui ne sont pas stéréotypés mais représentatifs, Grace Metalious brosse à grands traits acerbes et violents le quotidien de cette petite bourgade de la conservatrice Nouvelle Angleterre : l'alcoolisme, la pauvreté, le sexe, la richesse et j'en passe, deviennent des sujets comme les autres, des sujets ni plus ni moins scandaleux que d'autres mais surtout ni plus ni moins dignes d'être intégrés à un roman et ça, c'est vraiment novateur ! Bien sûr que l'on peut comprendre le tollé que suscita le roman à sa sortie, en 1956, même si les sujets que Grace Metalious aborde ne sont plus vraiment subversifs pour nous : en tout cas, elle a sûrement participé, avec son roman, à une nouvelle manière de raconter et d'articuler un roman.
    Mais surtout, ce qui est important, c'est que le roman, loin d'être une simple chronique un peu linéaire, une relation de la vie quotidienne et sans trop d'éclat d'une petite ville américaine, recèle un message et une dénonciation.
    Je vais être honnête, je pense que j'ai commis un véritable contresens en me disant (comme beaucoup), au début de ma lecture de Peyton Place : « Bon, ça doit ressembler un peu à La Vallée des Poupées ». Mais la différence entre le roman de Jacqueline Susann et celui de Grace Metalious, c'est que l'un décrit un système qui broie, nous fait découvrir les coulisses de la célébrité des années 40 aux années 60, dans une Amérique qui vit à mille à l'heure mais ne fait pas passer de vrai message, alors que l'autre oui, clairement. Dans Peyton Place, pas de scandale gratuit, pas de volonté de choquer juste pour choquer mais pour dénoncer, parler de ces sujets qui mettent mal à l'aise, le viol par exemple ou encore l'inceste ou l'avortement. Et ce qui est assez extraordinaire, c'est qu'un auteur d'aujourd'hui, peut-être plus au fait de ces questions que ne l'était Grace Metalious dans les années 50, n'écrirait peut-être pas aussi bien qu'elle ne l'a fait.
    Peyton Place est vraiment un roman étrange, je ne vous dirais pas le contraire. Il a même fallu que je dépasse largement le milieu du roman pour avoir l'impression d'être totalement captée, captivée. Jusque là, je n'avais pas encore vraiment déterminé si j'aimais le roman ou pas, c'était bizarre mais surtout pas très bon signe (même si j'avoue que j'ai aimé tout de suite la plume de l'auteure) ! Et puis au final, si, je peux dire que j'ai aimé Peyton Place et que j'ai eu le sentiment de lire un livre hors norme, assez inclassable et indéfinissable. Je pense cela dit que j'ai lu un véritable classique de la littérature américaine (et mondiale) qui divise encore aujourd'hui et qu'on ne cesse d'étudier : après tout, n'est-ce pas le privilège des grandes œuvres de faire parler d'elles ?

    En Bref :

    Les + : chronique caustique servie par une plume acérée, Peyton Place est d'une grande modernité, c'en est presque incroyable. C'est un roman courageux, dans lequel son auteure a choisi de dénoncer plutôt que de décrire platement. Et c'est vraiment bien écrit, ce qui ne gâche rien.
    Les - :
    ce n'est évidemment qu'un ressenti personnel mais le début a peiné à me convaincre : je ne comprenais pas exactement où l'on allait et où l'auteure voulait nous emmener. Heureusement, ce sentiment s'est vite dissipé.


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  • Commentaires

    1
    Vendredi 18 Septembre 2020 à 10:49

    Quelle chronique ! Je ne connais pas du tout ce titre ni l'auteure mais je suis très curieuse de les découvrir tous deux. Je comprends tes arguments de déception car je les ai déjà connu mais j'espère que je me laisserai happer par le récit...

      • Vendredi 18 Septembre 2020 à 12:03

        Je te remercie ! happy Après avoir lu l'excellent postface écrit par Ardis Cameron, professeure de lettres américaine qui connaît carrément son sujet, je me suis dit que ma chronique ne pourrait que faire pâle figure. J'ai essayé de mettre les mots les plus justes sur mon ressenti, ce qui n'était pas évident parce que, comme tu as pu le voir, il m'a fallu un bon moment pour être absolument sûre d'aimer ce livre... 

        Au final, ce fut une très bonne surprise, je recommande vraiment ce livre... s'il n'est plus aussi sulfureux qu'il a pu l'être à sa sortie en 1956, malgré tout, on a le sentiment de lire une oeuvre absolument inclassable et hors normes. Rien que pour ça, Peyton Place en vaut vraiment la peine !! wink2

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