• Souvenirs d'enfance, tome 2, Le château de ma mère ; Marcel Pagnol

    « Telle est la vie des hommes. Quelques joies, très vite effacées par d'inoubliables chagrins. Il n'est pas nécessaire de le dire aux enfants. »

     

     

     

        Publié en 2005

      Éditions de Fallois (collection Fortunio)

      217 pages 

      Deuxième tome de la saga Souvenirs d'enfance

     

     

     

     

     

    Résumé :

    Le plus beau livre sur l'amitié enfantine : un matin de chasse dans les collines, Marcel rencontre le petit paysan, Lili des Bellons. Ses vacances et sa vie entière en seront illuminées. 

    Un an après La Gloire de mon père, Marcel Pagnol pensait conclure ses Souvenirs d'enfance avec ce Château de ma mère (1958), deuxième volet de ce qu'il considérait comme un diptyque, s'achevant sur la scène célèbre du féroce gardien effrayant la timide Augustine. Le petit Marcel, après la tendresse familiale, a découvert l'amitié avec le merveilleux Lili, sans doute le plus attachant de ses personnages. Le livre se clôt sur un épilogue mélancolique, poignante élégie au temps qui a passé. Pagnol y fait vibrer les cordes d'une gravité à laquelle il a rarement habitué ses lecteurs. 

    Ma Note : ★★★★★★★★★★

    Mon Avis :

    Ce deuxième tome des Souvenirs d’enfance devait à l’origine conclure un diptyque et cela se sent.  Il y a quelque chose de mélancolique dans ce petit livre d’un peu plus de 200 pages, que j’ai refermé les larmes au bord des yeux.
    On retrouve Marcel et toute la famille Pagnol là où on les avait laissés à la fin du premier tome, c’est-à-dire, juste après la mémorable chasse aux bartavelles dans les collines derrière la maison. L’automne est là et avec lui approche la rentrée des classes, perspective peu réjouissante pour Marcel et son petit frère Paul, mais attendue des adultes (les « traîtres » qui se réjouissent, comme Joseph Pagnol de retrouver son train-train quotidien ou la tante Rose, à qui l’accès au gaz a manqué, dans la vieille maison des collines).
    Mais Marcel repart, en cette fin de vacances, avec un nouvel ami, le tout premier, qui l’arrache pour la première fois à l’affection exclusive et familiale. Jusqu’ici, le compagnon de jeux avait été principalement le petit frère Paul, avec lequel il a attrapé les cigales, joué au cow-boy et aux indiens dans le jardin en friche de la maison de vacances…mais cette fois, lors de la chasse dans les collines, alors que Marcel joue le rôle de rabatteur de gibier pour son oncles Jules et pour son père, voilà qu’il croise un petit paysan du coin, le fameux Lili des Bellons, qui deviendra l’ami d’enfance, l’ami exclusif, celui avec lequel Marcel va explorer la nature environnante, découvrir comment piéger le gibier avec des collets, enfin, l’ami qui va attendre les Pagnol au village, à chaque début de vacances, heureux de les retrouver mais affirmant, dans un sursaut d’orgueil, qu’il passait juste par là quand l’omnibus est arrivé.
    Ode aux premières amitiés, parfois aussi fulgurantes et mémorables que les premières amours, Le château de ma mère semble être aussi (même si personne ne le sait encore) le dernier moment de l’insouciance,
    avant l'entrée en « secondaire » pour laquelle Marcel doit travailler férocement toute une année, afin de réussir ses examens, avant les épreuves de la vie. C’est ce que la fin du livre nous laisse entrevoir, dans un beau passage qui convoque les souvenirs et, notamment, des disparus, à commencer par les parents (Marcel perdra sa mère jeune, à l’âge de quinze ans).
    Si on retrouve le style chantant et sautillant du premier tome, Le château de ma mère n’est pas dénué d’une certaine gravité émouvante qui lui donne du corps et une autre teneur.
    Pour autant, j’ai retrouvé avec plaisir ce que j’avais aimé dans La Gloire de mon père : la façon de raconter l’enfance de Pagnol est inimitable et on sent chez lui un œil très averti – peut-être celui du cinéaste qu’il a été ? – qui lui permet de décrire avec une précision très sensorielle la nature, les éléments, les lieux…la scène de l’orage dans les collines, auquel Marcel assiste auprès de Lili, avec une certaine angoisse alors que le petit paysan, lui, semble serein face au déchaînement des éléments, est très vivante, on s’y croirait : le nuage de pluie que l’on voit arriver progressivement, menaçant, le roulement du tonnerre qui se répercute sur la roche, le vent qui se lève et bruisse dans les arbres… c’est une lecture très immersive et qui peut, en cela, autant parler aux enfants qu’aux adultes.

    En 1990, Yves Robert adapte au cinéma les Souvenirs d'enfance de Pagnol, une douzaine d'années après sa mort : Philippe Caubère campe Joseph Pagnol tandis que Marcel est interprété par Julien Ciamaca


    Lire les Souvenirs d’enfance à l’âge adulte, c’est convoquer ses propres souvenirs, sourire devant les bêtises de Marcel, son courage inné de petit garçon, lorsque la famille, pour gagner du temps sur le trajet entre la ville et la maison des collines, passe par un chemin interdit et sur lequel peuvent surgir de féroces gardiens et que Marcel, en tant que fils aîné, se promet de protéger sa mère envers et contre tout. C’est se rappeler aussi les premières amitiés, la découverte de la différence chez l’autre : ici, Marcel et Lili sont différents socialement et pourtant, ils vont se découvrir et s’adopter mutuellement. Marcel, c’est le petit garçon de la ville, fils de l’instituteur, considéré à l’époque comme un notable, au même titre que le maire ou le médecin…Lili, lui, c’est le fils de paysan, vivant au grand air, connaissant de façon presque innée l’environnement qui l’entoure et sachant en tirer des ressources, que ce soit le gibier, les baies, les plantes, l’eau pure des sources, à la grande admiration de Marcel, qui ne vit pas comme ça et connait le confort naissant de la vie citadine.
    Comme je vous le disais plus haut, Le château de ma mère a une gravité bien marquée, moins présente dans le premier tome – du moins est-ce l’impression que j’ai eue. Au détour d’une phrase, on prend soudain conscience que ces enfants qui jouent, font les quatre-cents coups dans les collines de Provence et vivent une vie relativement préservée, seront les mêmes qui, à peine leurs vingt ans fêtés, feront la guerre dans les tranchées (mobilisé en 1914, Pagnol sera finalement réformé l'année suivante). Et l’on semble découvrir, comme Marcel soudain, qui se projette vers son adolescence et la perte tragique d’Augustine Pagnol, qui meurt à l’âge de trente-cinq ans, que si la vie est souvent jolie, elle est semée de pertes irrémédiables.
    Frais et léger, mais aussi sensible et empreint de nostalgie, ce deuxième tome m’aura autant enchantée que le premier. Je comprends pourquoi les Souvenirs d’enfance sont affectionnés par tant de lecteurs – pour la plupart, ces livres font d’ailleurs partie des propres souvenirs d’enfance puisqu’on les lit bien souvent à l’école – et pourquoi ils ont été élevés au rang de classiques : parce qu'ils parlent à tout le monde. Une bien belle découverte estivale.

    En direct | Pour "Le Temps des secrets", le Sud a la priorité | La Provence

    Lili des Bellons et Marcel dans Le Temps des Secrets, film de 2016 réalisé par Christophe Barratier

    En Bref :

    Les + : plus mélancolique que le premier, Le château de ma mère semble enterrer l'insouciance d'une enfance simple dans la Provence des années 1900...et pourtant, c'est à nouveau une petite douceur, que l'on croque comme un bonbon.
    Les - :
    Aucun.


    Souvenirs d'enfance, tome 2, Le château de ma mère ; Marcel Pagnol

    Mémoires de la baronne d'Oberkirch sur la cour de Louis XVI et la société française avant 1789 ; Henriette Louise de Waldner de Freundstein, baronne d'Oberkirch LE SALON DES PRÉCIEUSES EST AUSSI SUR INSTAGRAM @lesbooksdalittle  

    • Découvrez mon billet sur La Gloire de mon père, premier tome des Souvenirs d'enfance :

    La gloire de mon père

     


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