• Un An Après ; Anne Wiazemsky

    « Quand le hasard lui fait rencontrer cette moitié de lui-même, son complément, l'amoureux est saisi d'un sentiment d'amitié, de familiarité, d'amour, et ne veut plus le quitter. »

     

    Un An Après ; Anne Wiazemsky

     

     

     

     Publié en 2016

     Editions Folio 

     232 pages 

     

     

     

     

     

     

     

    Résumé :

    « La traque des étudiants se poursuivait boulevard Saint-Germain et rue Saint-Jacques. Des groupes de jeunes, garçons et filles mélangés, se battaient à mains nues contre les matraques des policiers, d’autres lançaient différents objets ramassés sur les trottoirs. Parfois, des fumées m’empêchaient de distinguer qui attaquait qui. Nous apprendrions plus tard qu’il s’agissait de gaz lacrymogènes.
    Le téléphone sonna.
    C’était Jean-Luc, très inquiet, qui craignait que je n’aie pas eu le temps de regagner notre appartement. "Écoute Europe numéro 1, ça barde au Quartier latin!" Nous étions le 3 mai 1968. »


    Anne Wiazemsky. 

    Ma Note : ★★★★★★★★★

    Mon Avis :

    Un An Après se passe chronologiquement juste après Une Année Studieuse, dans lequel Anne Wiazemsky nous racontait sa rencontre avec Godard, de dix-sept ans son aîné, leur idylle puis leur mariage.
    Dans Un An après, nous sommes en 1968, Anne a vingt-et-un ans, c'est une jeune mariée qui découvre la vie de couple et la vie en général. Ancienne étudiante en philosophie à la Sorbonne, elle a laissé tomber ses études juste avant l'examen final pour se consacrer au cinéma et a déjà joué dans quelques films, notamment La Chinoise, de Godard justement. Par son mariage, elle fréquente le beau monde du cinéma français, acteurs, réalisateurs, producteurs et découvre un univers particulier tandis qu'elle-même est issue d'une famille où l'émulation créatrice et les convictions se transmettent de génération en génération : pour moi, les Wiazemsky-Mauriac, c'est une famille bourgeoise mais pas que, elle est un peu artiste, un peu bohème aussi -ou disons qu'elle le devient. Il y'a le grand-père, François Mauriac, écrivain bourgeois et quelque peu conservateur installé dans sa propriété du Bordelais ; il y'a la mère, Claire, qui s'est engagée comme ambulancière en 1945 et a rencontré son futur époux dans les décombres de Berlin ; il y'a Pierre, le frère qui, en 1968 passe son bac et se mariera, onze ans plus tard, avec une romancière à la bibliographie plutôt sulfureuse, Régine Deforges, avec qui il aura une fille, Léa. Pierre qui, aujourd'hui, est connu sous le surnom de Wiaz est un dessinateur de presse reconnu. Il y'a Jean-Luc, le mari, déjà un cinéaste de renom, ami de Truffaut et de la star montante française, Jean-Pierre Léaud, artiste et créateur, on pourrait même dire, inventeur d'un nouveau genre. C'est surtout une famille terriblement attachante, dont Anne est un représentant pudique et tendre et je crois que c'est pour cela qu'elle a su capter mon intérêt tout de suite avec ses livres autobiographiques dans lesquels elle se dévoile sans trop en dire, racontant plus une époque à travers son expérience que le contraire.
    Quelques mois seulement après son mariage, Anne demande à Jean-Luc de déménager et de quitter la proximité de la place Beauvau pour le Quartier Latin. Sa raison est simple, la proximité du ministère de l'Intérieur et de l'Elysée pèse à la jeune femme qui en a marre de voir tous ces flics partout. Direction la rue Saint-Jacques, dans le quartier des étudiants, non loin de la Sorbonne. Elle ne sait pas que quelques semaines plus tard, le quartier sera cerné par des cordons de CRS et en proie à une véritable guérilla urbaine, menée par les étudiants du Quartier Latin, en révolte ouverte contre le pouvoir du général de Gaulle et qui vont bientôt entraîner tout un pays dans leur colère : on retiendra par exemple les ouvriers des usines Renault de Boulogne-Billancourt et de Flins, très présents dans les manifestations, ainsi que les nombreux syndicats, qui s'emparent à leur tour de la cause.

    Décès d'Anne Wiazemsky, romancière et actrice, ex-épouse de Jean ...

    Anne Wiazemsky et Jean-Luc Godard


    Mai-68 est un événement fondateur de notre Histoire contemporaine, c'est un événement important, qu'on le cautionne ou pas. Ces manifestations qui ont jalonné le mois de mai et paralysé la France (Anne Wiazemsky décrit bien le pays à l'arrêt, faute de carburant, de transports, de ravitaillement dans les supermarchés) ont marqué toute une époque...elles ont donné le coup d'envoi des mouvements hippies et libertaires des années 70, elles ont entériné et donné de l'élan aux revendications des femmes. Encore aujourd'hui, et ce n'est sûrement pas un hasard, on associe souvent les revendications populaires à celles de mai-68, c'est une référence familière et qui parle à tout le monde, qu'on l'ait vécue ou non.
    Découvrir ce qu'une jeune femme de vingt ans en 1968, menant déjà une vie bien remplie et pas forcément conventionnelle est intéressant. Anne Wiazemsky a été un témoin de premier plan de l'époque, déjà parce que les fenêtres de son appartement ouvrait sur ce Quartier Latin qui va s'embraser le premier, avec en point de mire la faculté de la Sorbonne. Pendant ses études à Nanterre, autre foyer de la contestation, elle avait croisé un futur leader de mai-68, Daniel Cohn-Bendit, avec lequel elle avait sympathisé, d'ailleurs. De part son mariage avec Godard, qui profite de l'agitation pour tenter de révolutionner le monde du cinéma, elle découvre une autre lutte, celles des artistes, des cinéastes, des acteurs tandis que son jeune frère Pierre, avec l'exaltation de ses dix-huit ans, se jette à corps perdu dans les manifestations avec ses amis lycéens.
    Plusieurs fois, la femme qu'elle est devenue et qui écrit à la fin de sa vie, se souvient de la peur qui a été celle de la jeune femme qu'elle était alors, devant une situation sans précédent. Comment imaginer de véritables scènes de violence guerrière dans un Paris de la fin des années 1960, les rues dépavées, les voitures incendiées, les vitrines cassées...? Anne, à vingt ans, découvre l'envers pas toujours très beau, d'une vie qu'elle a menée jusqu'ici de manière relativement protégée.
    En parallèle, ses premiers pas dans le monde du cinéma continuent et elle accompagne souvent son mari sur certains de ses projets : ainsi, au printemps 1968, elle rencontre les Beatles dans leurs fameux studio d'Abbey Road, à Londres puis assiste au tournage de Godard avec les Rolling Stones, rencontre Marianne Faithfull et Anita Pallenberg, leurs muses...en Italie, la petite Française se fait un nom, en tournant notamment avec Bertolucci. Doucement aussi, les liens amoureux avec Godard évoluent, se détendent : les accrochages dans le couple se font plus nombreux, l'incompréhension aussi. Avec une lucidité criante et les aspirations libertaires qui sont bien de son temps, Anne, à l'ombre d'un mari d'une autre génération se rend bien compte qu'aimer et se marier, c'est perdre un peu de son indépendance...Récit d'une vie et d'une carrière, récit historique aussi parce que l'auteure fixe sur papier son témoignage sur un événement exceptionnel et qui bouleversa la fin des années 60 français, Un An Après est un livre complet et de qualité.
    Parce qu'Anne Wiazemsky sait se raconter sans trop en dire, sans se dévoiler impudiquement, parce qu'elle nous fait partager, au-delà de sa vie sociale et professionnelle bien remplie et bien différente de celle des jeunes femmes de son temps et de son âge, les préoccupations qui sont celles d'une jeune femme de vingt ans, qu'elle soit mariée ou pas, en couple ou pas, les questions qu'une jeune femme de vingt ans se posera de toute façon, qu'elle les ait en 1968 ou en 2020. Cette proximité la rend attachante et petit à petit, au cours de notre lecture, un étrange transfert se crée et ses mots deviennent les nôtres.
    Je ne saurais pas dire d'où vient ma tendresse pour l'oeuvre littéraire d'Anne Wiazemsky, mais ce que je peux vous dire, c'est qu'elle est là, elle est bien présente et qu'Un An Après n'aura pas déçu mes attentes. Après avoir découvert Mon Enfant de Berlin puis son histoire avec Godard, je pense que je lirais le récit de son adolescence, Jeune Fille

    Ja, Godard” [RECENZJA]: pstryczek w nos. Hazanavicius wszedł z ...

    Dans le film Le Redoutable, de Michel Hazanavicius, Louis Garrel et Stacy Martin interprètent Godard et Anne

    En Bref :

    Les + : Malgré son aspect autobiographique, l'auteure a su préserver son intimité et sa vie privée, nous la livrant presque comme un roman. J'ai préféré Mon enfant de Berlin mais Une année studieuse et cette suite auront su me séduire. 
    Les - :
    Aucun. Ma tendresse pour l'oeuvre d'Anne Wiazemsky est intacte.


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