« Le problème n'est pas tant ce que l'on part chercher que ce que l'on laisse derrière soi. »

       Publié en 2013 aux États-Unis

   En 2014 en France (pour la présente édition)

   Titre original : Letters from Skye

   Editions Presses de la Cité 

   282 pages 

Résumé :

Mars 1912. La jeune et obscure poétesse Elspeth Dunn ne connaît d’autres horizons que celui de l’île de Skye, au large de l’Ecosse. Aussi est-elle à la fois étonnée et ravie de recevoir sa première lettre de fan de David Graham, un étudiant originaire de la lointaine Amérique. Tous deux entament alors une correspondance. Ils se confient leurs auteurs préférés, leurs espoirs les plus fous et leurs secrets les plus chers. Très vite, cet échange épistolaire donne naissance à une amitié profonde qui a tout d’un amour inavoué. Mais lorsque la Première Guerre Mondiale éclate et que David se porte volontaire comme ambulancier, Elspeth ne peut que l’attendre sur son île en espérant qu’il survivra, à moins de forcer le destin… Juillet 1940, Edimbourg est bombardé. Dans l’appartement familial dévasté, Margaret découvre des dizaines de lettres adressées à une certaine Sue. Le lendemain, sa mère a disparu et il lui reste pour seul indice une unique lettre d’amour. En partant à sa recherche, Margaret va petit à petit lever le voile sur les mystères qui entourent sa famille et ce père dont on refuse de lui parler.

Ma Note : ★★★★★★★★★★ 

Mon Avis :

1912. Un jeune étudiant américain, David, adresse une lettre à la poétesse écossaise Elsepth Dunn, dont il vient de découvrir le dernier recueil, lui exprimant toute son admiration. Depuis son refuge de l’île de Skye, la jeune femme lui répond. Commence alors une longue correspondance dans laquelle David comme Elsepth – qu’il surnomme Sue –, se dévoilent et partagent peu à peu leurs secrets ou leurs rêves : son avenir tout tracé pour lui, par un père qui veut qu’il marche dans ses pas et ne tolère aucune fantaisie, ce qui ne convient pas au caractère fantasque et artiste de David, sa passion pour la géologie pour elle, dont elle aurait pu faire son métier si elle avait eu la possibilité de faire des études, sa vie rude à Skye où Elspeth, malgré son succès littéraire, continue de vivre…séparés par un océan mais par lettres interposées, David et Elsepth apprennent à se connaître et à s’apprécier.
1940. Alors que la Grande-Bretagne se prépare à la guerre et que ses grandes villes sont bombardées par l’aviation allemande, la jeune Margaret s’occupe d’emmener des petits citadins dans des refuges à la campagne, loin des leurs mais en sécurité. Un soir, alors qu’elle se trouve chez sa mère à Édimbourg, elle découvre une correspondance que celle-ci a gardé secrète et sur laquelle elle ne veut rien lui dire. Le lendemain matin, Margaret découvre que sa mère est partie, sans laisser de traces, emmenant sa précieuse – et mystérieuse – correspondance.
Parce qu’elle a toujours refusé de partager son passé avec Margaret, celle-ci va partir à la recherche des secrets de sa mère et, de fait, de sa propre histoire. Sa quête l’emmènera jusqu’à Skye…
Roman purement épistolaire, Une lettre de vous entremêle en fait plusieurs correspondances : celle, principale d’Elsepth et de David dans les années qui précèdent la Grande Guerre puis au cœur de celle-ci, lorsque le jeune homme s’engage comme ambulancier, touchant alors au plus près les horreurs de la guerre de tranchées. Leur amitié profonde, née de leurs mots, a évolue vers un amour qui ne veut pas dire son nom : parce que David est loin et que son avenir est incertain…parce qu’Elsepth est mariée…pourtant, leurs sentiments n’en sont pas moins forts et invincibles. Et il y a aussi une deuxième correspondance, articulée autour de Margaret et de sa quête qui, en pleine guerre, doit l’emmener à découvrir ce que sa mère n’a jamais voulu partager avec elle, alors même qu’il s’agit du passé et de la propre histoire de la jeune femme qui ne souhaite qu’une chose : retrouver sa mère et lui prendre une part du poids des regrets et des non-dits du passé.
Lecture assez prévisible en elle-même, Une lettre de vous n’en est pas moins un roman étonnant car peut-être pas aussi facile qu’on ne pourrait le croire de prime abord. La romance y est certes omniprésente mais elle a du relief, elle est bien dosée et ne verse pas dans le mièvre sirupeux, que je n'aime pas - la romance d'accord, mais sans exagération, sinon je décroche. J’ai trouvé l’histoire d’Elsepth et David vraiment belle et originale. C’est certes de la fiction ici mais celle-ci témoigne assez bien de l’improbabilité de certaines rencontres, qui parfois laissent place au doute : et si tout n’était pas dû au hasard, finalement ? La rencontre de certains êtres est-elle écrite de longue date, quelque part ?
Ce roman m’a un peu fait penser à Petites recettes de Bonheur pour les Temps Difficiles, de Suzanne Hayes et Lorette Nyhan, où deux femmes en pleine Seconde guerre mondiale, commencent à échanger des lettres pour tromper leur solitude et leur inquiétude et finissent par nouer une amitié très forte, qui se joue de la distance et des différences, sociales ou personnelles. Une lettre innocemment envoyée au départ, peut être le point de départ de toute une vie. Comment ne pas penser aussi au classique du genre, le fameux Cercle littéraire des amateurs d'épluchures de patates, de Mary-Ann Shaffer et Annie Barrows ?
Comme je le disais plus haut, le roman est sans surprise, vu que l’on devine assez vite où l’autrice veut en venir. Je sais que, parfois, cela peut gêner certains lecteurs de percer à jour les intentions de l’auteur. Pour ma part, ça ne me dérange pas, si le roman à côté de ça parvient à me captiver et ce fut le cas ici. Je ne rejoins pas non plus les lecteurs qui ont trouvé que les réactions d’Elsepth, femme du début du XXème siècle, n’étaient pas toujours crédibles. Pour créer le progrès, il faut qu’il y ait des précédents, alors non, les réactions d’Elsepth ne m’ont pas paru incohérentes. Au contraire, pour moi, elles reflètent ce que l’amour, le vrai, peut faire faire, en dépit des conventions, en dépit de la raison.
Bien écrit, assez touchant et émouvant, Une lettre de vous m’aura agréablement étonnée dans la mesure où je ne m’attendais peut-être pas à une telle densité en en démarrant la lecture. Si le déroulé du récit est effectivement assez attendu et qu’on sent arriver à plein nez le « happy end », c’est pourtant avec le cœur palpitant légèrement plus fort que d’habitude qu’on referme ce roman, porté par deux personnages aux belles âmes, Elsepth et David. L'autrice, en fin de roman, avoue qu'elle a du mal à réaliser que ses deux héros soient devenus aussi réels pour d'autres qu'elle : qu'elle se rassure, c'est effectivement le cas et, le temps d'un roman, on partage avec joie leur quotidien et leur histoire.

En Bref :

Les + : une belle découverte, un roman épistolaire et historique, un roman familial aussi, où une jeune femme découvre 20 ans plus tard les secrets de sa mère et par là, sa propre histoire...La romance est omniprésente mais elle a du relief et n'est pas terne, ni mièvre, c'est pour moi un assez gros point fort car on peut vite tomber dans les écueils de la guimauve épaisse et indigeste.
Les - : peut-être le côté un peu prévisible du roman pourra décevoir certains lecteurs même si, selon moi, ça n'est pas vraiment dérangeant.

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