• « Je ne prétends pas qu'on me comprenne, chacun de nous est sa propre énigme.»

    La Longue Attente de l'Ange ; Melania G. Mazucco

    Publié en 2011 en Italie ;  en 2013 en France (pour la présente édition)

    Titre original : La lunga attesa dell'angelo

    Editions Flammarion 

    448 pages

    Résumé :

    Venise à la fin du XVIe siècle. Le Tintoret, peintre volcanique, anticonformiste et plein d'ambition, s'est battu par tous les moyens pour asseoir sa réputation. A l'approche de la mort, il s'interroge sur son existence en tant qu'artiste et sa vie familiale mouvementée. Au cœur de ses pensées se trouve sa fille illégitime adorée, qui a appris la musique et la peinture à ses côtés : Marietta, l'incarnation de ses rêves et son oeuvre la plus réussie.
    Dans une Sérénissime au décor singulier se nouent une foule d'histoires merveilleuses habitées par des personnages inoubliables, parmi lesquels se détache la figure solitaire et émouvante de Marietta.  

    Ma Note : ★★★★★★★★★

    Mon Avis :

    En mai 1594, Le Tintoret est à l'article de la mort et même si ses médecins lui affirment le contraire, il sait que la fièvre dont il souffre sera mortelle. Vient alors pour lui le temps de se pencher sur sa longue existence. Vient le temps des souvenirs, des regrets et des dernières joies. Par dessus tout, c'est à l'enfant illégitime qu'il eut en 1554 d'une courtisane allemande, qu'il pense le plus. Marietta Robusti, peintre comme lui et surnommée à Venise La Tintoretta est morte quatre ans auparavant et, à l'heure de rencontrer Son Créateur, le père se rappelle des sentiments particulièrement forts qui l'unirent à cette enfant qui fut son double, son alter ego, bref, n'ayons pas peur de le dire, en un mot, son âme soeur mais aussi la femme de sa vie.
    Vaste sujet d'inspiration pour les romanciers que les relations parents/enfants qui ne sont jamais comme on l'espère ni même comme on l'imagine. Complexes, soumises aux idées reçues et jugées dès qu'elles s'écartent de ce qu'on considère comme la norme, elles vont déterminer les êtres qui, devenant parents à leur tour, seront influencés par leur propre expérience, la relation qu'eux-mêmes ont eu plus jeunes avec leurs propres parents... bref il y'a de quoi dire et de quoi faire et c'est un amour fort et hors du commun qui peut être intéressant à décortiquer et à analyser et c'est ce que fait l'auteure dans son livre, en parallèle d'un portrait du peintre que fut Le Tintoret, ancien élève du grand Titien, dans cette Venise de la fin du XVIeme siècle.
    Avec sa femme légitime Faustina, qui aurait elle-même pu être sa fille puisqu'elle avait vingt-six ans de moins que lui, Le Tintoret eut une grande et belle famille mais, à l'aube de la mort, c'est assurément à l'enfant préférée qu'il s'adresse, cette Marietta qui est née alors que le peintre ne l'attendait pas et de qui il va s'enticher jusqu'à la fin. Si l'amour des mères sans être systématique, est souvent plus évident, les relations du père à son ou ses enfants sont souvent plus complexes qu'il n'y paraît. Ici, le peintre aimera sa fille illégitime jusqu'à négliger ses autres enfants -ce dont il prend conscience et se repent, mais bien trop tard-, susciter la jalousie de son épouse de dix ans seulement plus âgée que Marietta. Effrayé par la perspective de la voir grandir et s'envoler, il repoussera longtemps le moment de la marier, jusqu'à ce que Venise murmure que Le Tintoret entretient une relation incestueuse avec sa fille aînée. Ce ne fut pas le cas, même si le récit de Melania G. Mazzucco flirte aussi avec l'interdit et la transgression, l'amour paternel, parfois, glissant dangereusement vers un désir qui n'a rien à faire dans une relation père/fille et qui s'installe pourtant malgré tout, Marietta étant la femme de sa vie pour Le Tintoret et lui l'homme de sa vie pour elle -le fait qu'elle soit orpheline de mère joue aussi beaucoup dans le cas de Marietta.
    Au-delà de ça, j'ai aimé la dimension plus universelle du roman. C'est quelque chose qui revient souvent dans mes chroniques et que j'ai tendance à chercher dans mes lectures : j'aime ces romans historiques où, paradoxalement, l'aspect purement historique, justement, cède quelque peu la place à une dimension plus humaine et se partage la vedette avec elle et c'est le cas dans ce roman. J'aime l'idée qu'une certaine similitude lie l'espèce humaine, quels que soient le pays, l'époque, le siècle, la confession religieuse, le milieu social où l'on vit. J'aime cette idée que certaines choses sont immuables et se sont développées en même temps que les Hommes. Se retrouver dans un personnage mort en 1594 comme Le Tintoret est très forte comme impression, je trouve ! À presque 430 ans d'intervalle on peut faire un parallèle entre l'existence de cet homme et la nôtre qui ne peuvent pourtant pas être plus éloignées. Et pourtant certaines choses sont vieilles comme le monde : le travail, la quête du succès, l'ambition, les relations humaines, la famille. Tout est abordé de façon très juste par l'auteure de manière très juste : certes, elle écrit de nos jours et on peut penser que les mots qu'elle met dans la bouche du peintre sont anachroniques et reflètent notre époque mais je suis convaincue du contraire. Je suis sûre que bien des choses nous lient à nos ancêtres comme à nos descendants et que ces choses là dont plus fortes que nous et se transcendent au-delà des époques, des nations etc... les réflexions du Tintoret à l'aube de sa mort sont celles d'un homme de la Renaissance comme de notre époque. Ses regrets sont les mêmes, ses satisfactions et ses fiertés de même. Je me suis vraiment retrouvée dans cette universalité et elle a sans nul doute permis d'éveiller mon intérêt pour le roman.
    À part ça, Melania G. Mazzucco ne choisit pas n'importe qui comme objet d'étude mais un peintre relativement célèbre de la Renaissance italienne, le vénitien Tintoret, ancien élève de Titien. Partant de là, le côté historique et l'aspect technique ne peuvent être totalement occultés. Le peintre nous parle en effet de ses œuvres, de sa technique personnelle, quelque peut différente de celle de ses pairs, ce qui lui vaudra un succès relatif tout au long de son existence. La preuve, on a retenu le nom de Titien, nettement moins celui du Tintoret. Né en 1518, mort en 1594, Le Tintoret -il doit son surnom à l'activité de son père qui était teinturier- traverse un siècle riche en émulation artistique. C'est le siècle de Michel-Ange, de Titien, du Caravage... l'Italie en premier puis l'Europe se couvrent de chefs d'oeuvre, les artistes de cette époque sont destinés à voir leurs noms à jamais encensés mais voient aussi leurs œuvres soumises à la censure rigoureuse de l'après Concile de Trente. La carrière du Tintoret est moins facile : le peintre ne connait pas un succès fulgurant : encore aujourd'hui, si son nom nous évoque quelque chose, aucune oeuvre majeure ne nous vient spontanément à l'esprit. Le Tintoret a été supplanté par Titien ou Véronèse, deux compatriotes dont l'un, le premier, va d'ailleurs s’ingénier à lui mettre des bâtons dans les roues.

    La Longue Attente de l'Ange ; Melania G. Mazucco

     

    Le Tintoret (autoportrait) et Marietta Robusti, dite La Tintoretta (autoportrait)


    Sa fille Marietta aussi sera peintre tout comme deux de ses fils légitimes. Surnommée la Tintoretta, la jeune femme connaîtra un succès plutôt important à une époque où une femme qui peint fleure le scandale et la provocation. Née en 1554, elle passera toute sa vie auprès de son père, son mentor et son compagnon le plus cher. Je me suis surprise à voir Marietta très rapidement à travers les yeux du peintre et donc à l'aimer... cette jeune femme qui meurt à trente-six ans entre les bras de son père est très émouvante et je me suis énormément attachée à ce personnage féminin auquel je ne m'identifie pas mais qui m'a beaucoup touchée. J'ai aussi aimé la figure du Tintoret, personnage brut comme du granit mal taillé, inflexible et injuste parfois, notamment avec ses enfants mais profondément humain, aussi et surtout, dans ses défauts. Car plus que nos qualités se sont essentiellement nos imperfections qui font notre essence.
    Pour parler maintenant de la forme du livre, j'ai été très agréablement surprise. À croire que l'Histoire des Arts inspire les écrivains ! Après les découvertes, qui se sont avérées très bonnes, des romans de Mathias Enard (Parle-leur de rois, de batailles et d'éléphants), d'Alexandra Lapierre (Artemisia) de Leonor de Recondo (Pietra Viva), de Dominique Fernandez (La Course à l'Abîme), de Sophie Chauveau (La Passion Lippi ; Le Rêve Botticcelli), je dois dire qu'encore une fois je n'ai pas été déçue ! On dirait que la peinture et l'art font ressortir un côté poétique chez les romanciers qui nous livrent alors des textes vraiment agréables et qu'on prend plaisir à découvrir. Alors c'est vrai que le style de Melania G. Mazzucco est peut-être un peu ampoulé par moments mais pour être honnête cela ne m'a pas gênée, au contraire, j'ai même bien aimé cet aspect-là de son univers. Le début n'a pas été évident, il est vrai et il m'a fallu vraiment entrer dans le récit pour me sentir un peu plus investie. J'ai parfois été gênée au cours de la lecture par le manque d'indications chronologiques, une légère confusion parfois dans les dates et les événements qui se suivent parfois sans suite logique apparente. Mais ceci peut aussi s'expliquer par le fait que le peintre lui-même relate ses souvenirs et, s'il y'a bien une chose d'absolument pas linéaire, c'est bien la mémoire humaine, donc ce ne serait qu'un tout petit bémol !
    Quoi qu'il en soit ce roman est une oeuvre qui mérite à être connue : j'ai passé un moment de lecture incroyable avec un livre dans lequel s’entremêlent mon intérêt pour les jolis mots et mon amour de l'art. Personnellement, il ne m'en a pas fallu plus pour être séduite.

    En Bref :

    Les + : une belle réflexion sur l'art et sur l'humain, un style riche et intéressant.
    Les :
     un début dans lequel il est difficile d'entrer. 


    2 commentaires
  • « Dans ce monde, il n'est pas de bonheur possible. Le croire est une illusion. »

    La Part des Flammes ; Gaëlle Nohant

    Publié en 2016

    Editions Le Livre de Poche

    552 pages

    Résumé : 

    Mai 1897. Le Tout-Paris se presse à la plus mondaine des ventes de charité. La charismatique duchesse d'Alençon, petite sœur de Sissi, a pris deux jeunes femmes sous sa protection en dépit du qu'en-dira-t-on. Scellant le destin de ces trois héroïnes, l'incendie du Bazar de la Charité bouscule ce monde cruel et raffiné et plonge Paris dans le deuil. Mais il permet aussi des amours et des rapprochements imprévus, des solidarités nouvelles, des libertés inespérées. Car naître à soi-même demande parfois d'en passer par le feu.

    Ma Note : ★★★★★★★★★

    Mon Avis :

    En mai 1897, se tient à Paris le fameux Bazar de la Charité, créé en 1885 par Henri Blount, un financier et présidée par le baron de Mackau. Oeuvre de bienfaisance, elle était animée par des dames patronnesses, parfois de grands noms de la noblesse française, qui se transformaient, le temps de quelques jours, en vendeuses. En mai 1897, on peut compter parmi elles Sophie d’Alençon, la sœur de l'impératrice d'Autriche. S'y croisent aussi cette année-là celles qui vont devenir nos héroïnes, Violaine de Reazal, jeune veuve qui peine à se faire accepter dans son milieu à cause d'un passé qu' elle traîne comme un boulet et la jeune Constance d'Estingel, une jeune fille impulsive et un peu mystique.
    Dans l'après-midi du 4 mai 1897, alors qu'un cinématographe a été reçu au Bazar, une combustion des vapeurs d’éther utilisé pour alimenter la lampe du projecteur provoque un incendie de grande ampleur. L'intégralité du bâtiment brûlera mais surtout, on relèvera un nombre incroyable de victimes, mortes dans de terribles souffrances. Parmi elles, la duchesse d’Alençon, reconnue parmi les derniers corps parce que trop abîmée : c'est son dentiste qui l'identifie grâce un bridge qu'il avait réalisé pour elle.
    Il y'aura à Paris un avant et un après incendie du Bazar. Comme le font les fortes commotions, c'est toute une ville qui est touchée par cette tragédie peut-être, et surtout, parce que la majorité des victimes relevées et identifiées étaient des femmes. Et pour les rescapés vient le temps du deuil, de la convalescence et de l'incompréhension : pourquoi se sauve-t-on au milieu d'une telle hécatombe ? Il y'a ceux suffisamment forts qui parviennent, avec beaucoup de volonté, à s'en tirer. Et ceux qui, malheureusement, sombrent malgré leur survivance. Et à l'époque, sombrer, montrer un quelconque signe de faiblesse psychologique, surtout quand on est une femme, implique de tomber entre les mains des aliénistes aux méthodes glaçantes.
    Le roman de Gaëlle Nohant est un vivant portrait de ce XIXème finissant, pas si éloigné de nous et qui paraît pourtant être un autre monde, entre conventions mondaines et religieuses, terreur des parents de voir leurs filles rester célibataires, contrainte d'un beau et riche mariage. Une époque qui n'est pas tendre pour les femmes mais aussi pendant laquelle un féminisme latent se développe, qui devient d'ailleurs plus virulent à la suite de l'incendie, quand on accusera les hommes présents au Bazar de s'être sauvés en premier en abandonnant à leur sort femmes et enfants dans les flammes !
    Personnellement, de part mes propres convictions, j'ai été aussi révoltée par le monde de l'aliénisme, que Gaëlle Nohant décrit très bien, notamment en prenant l'exemple de l'hystérie, cette maladie soit-disant typiquement féminine et qui était surtout un prétexte pour enfermer des femmes fragiles devenant alors des cobayes et des objets d'études pour des médecins aux intentions peu altruistes, au risque justement de les faire basculer dans cette folie contre laquelle on prétendait les soigner ! A-t-on jamais interné un homme parce qu'il était un peu trop enclin à fréquenter d'autres femmes que la sienne et surtout, des prostituées ? Parfois, sur un simple soupçon d'adultère ou de nymphomanie , on se permettait alors d'interner une femme ! J'ai vraiment été révoltée par ce que raconte l'auteure de façon si juste parce que malheureusement, on ne peut douter que de telles pratiques aient existé ! Si on peut accorder le bénéfice du doute aux hommes présents au Bazar parce que leurs contemporains, encore sous le choc, ont peut-être jugé trop vite et à charge, on ne peut malheureusement excuser des médecins qui ont déprécié leur discipline au détriment de femmes.

     

    L'Incendie du Bazar de la Charité, le 4 mai 1897 ( Supplément du Petit Journal du 23 mai)


    La Part des Flammes est un roman multiple où, finalement, l'incendie qui en est le centre donne l'occasion à l'auteure de partir dans différentes voies et aborder plusieurs sujets importants et dépeignant tous à leur manière un aspect, une facette de ce siècle finissant : les codes éculés de l'aristocratie, comme un ersatz de ce que fut, autrefois, leur train de vie, l'expansion de la presse, la République et ces fameuses cliniques pour aliénés qui nous horrifient aujourd'hui mais existaient encore il y'a cent ans. J'aime beaucoup le XIXème siècle, découvert notamment au travers des œuvres littéraires de cette époque et je trouve que Gaëlle Nohant s'en tire très bien : son portrait du siècle est vivant et riche !
    Les personnages, eux aussi, en sont de bons représentants, de petits échantillons de cette société, qui permettent de mieux la saisir dans toute sa complexité. Paradoxalement, bien que le roman soit surtout basé sur des héroïnes féminines, parce que ce sont elles, les premières victimes du drame du 4 mai 1897, ce n'est ni à Violaine, ni à Constance que je me suis vraiment attachée mais aux deux personnages principaux masculins, le cocher de la duchesse d’Alençon et Laszlo de Nérac. En parlant justement de la duchesse d’Alençon pour elle, j'ai une tendresse toute particulière, parce qu'elle est la sœur de Sissi et que ces deux femmes sont pour moi assez fascinantes et obsédantes. Gaëlle Nohant nous livre d'ailleurs ici un portait mystérieux de la duchesse Sophie, très proche de celui de sa sœur : elle apparaît presque dès les premières pages et on ne peut s'empêcher d'éprouver pour elle beaucoup de sentiments parce que cette grande femme qui a mis ses dernières années à se mettre au service des malades et des indigents est vouée à disparaître de manière absolument terrible. Pour ce qui est de Violaine et Constance, je les ai appréciées sans parvenir toutefois à m'y attacher totalement. On ne peut malgré tout instaurer de réelle distance avec elles parce qu'elles échappent à un sort effroyable qui est connoté : mourir brûlé vif est une mort effroyable, atroce, une condamnation à mort, pendant des siècles, appliquée aux sorciers. Ce n'est malgré tout pas une mort anodine, une sorte d'expiation, une mort marquée du sceau de la religion, ce que ne manqueront pas de remarquer les prélats. Mourir par le feu en quelque sorte c'est mourir directement de la main de Dieu, bien plus que celui s’éteignant dans son lit par exemple. Le feu, c'est aussi la purification, parfois, la fin d'une ère, le début d'une autre, nouvelle : ici, on peut voir dans cet incendie terrible la métaphore de la fin des temps anciens et le début des temps nouveaux, celui de la République et la fin, doucement, de l'aristocratie et de ses codes. Et, d'un point de vue plus humain et rationnel, parce que mourir brûlé vif est la terreur de chaque être, on ne peut que se sentir proche, d'une façon ou d'une autre, des victimes de la tragédie, qu'elles aient succombé ou non. Violaine et Constance ont chacune des aspérités et des aspects flous ou mystérieux qui m'ont plu sans pour autant me pousser réellement à les aimer.
    Je ne ressors pas de cette lecture en ayant éprouvé un coup de cœur, c'est dommage, mais pas catastrophique parce que La Part des Flammes reste un roman historique extraordinairement bien construit et qui mérite d'être lu. De toute manière, même sans le succès qu'il a rencontré depuis sa sortie et qui a attiré sur lui les projecteurs, j'aurais lu ce roman, parce qu'il est historique et traite d'une période riche qui me plaît et m'intéresse beaucoup. J'ai été happée par la force du récit et vibré avec les Parisiens sous la houle d'horreur que propage l'incendie du Bazar dans les jours qui suivent la catastrophe. Et puis mon intérêt s'est ensuite un peu émoussé, quand la tension retombe, quand l'intrigue se resserre ensuite sur Constance... il m'est très compliqué de livrer mon avis approfondi sur ce roman sans dévoiler certains détails, qu'est-ce que c'est compliqué !
    Bref à partir de là, je me suis sentie moins investie, comme si la tension retombait d'un seul coup et mon intérêt avec. Pour cette raison, je n'ai pas eu de coup de cœur mais je l'ai frôlé, touché du doigt. La Part des Flammes est un roman digne d'être découvert et que je conseille chaudement ! Quelle belle découverte : celle d'un univers et d'un style auquel on ne peut faire aucun reproche. 

    En Bref :

    Les + : un portrait magnifique de ce XIXème siècle finissant, des personnages ciselés et intéressants. Un style impeccable. 
    Les - : une seconde partie qui a moins éveillé mon intérêt, dommage. 

     


    4 commentaires
  • INTERMÈDE XIX

     

    Le gisant de Du Guesclin en la basilique Saint-Denis 

    Bertrand du Guesclin, futur comte de Longueville et connétable du royaume de France, voit le jour vers 1320 -sa date de naissance n'est pas plus précise- au château de la Motte-Broons, près de Dinan. Il est le fils aîné de Robert II du Guesclin, seigneur de la Motte-Broons et de Jeanne de Malesmains, dame de Sens. Robert II est issu de l'une des plus importantes familles nobles de la Bretagne gallo mais il ne fait partie que de la branche cadette, la branche aînée vivant, elle, au château du Plessis-Bertrand et de la Motte-Jean. La famille de Bertrand n'occupe finalement qu'un modeste manoir à la Motte-Broons.
    Comme c'est l'usage dans les familles nobles du temps, l'enfant est plac en nourrice, chez des paysans, jusqu'à l'âge de cinq ans. Le petit Bertrand est considéré comme un enfant laid, pris en grippe par ses parents, d'ailleurs, à cause de sa laideur. Il est décrit comme un enfant petit, aux jambes noueuses, aux épaules trop larges et aux bras trop longs. La Chanson de Bertrand du Guesclin, écrite par le trouvère Cuvelier dit d'ailleurs qu'il fut « l'enfant le plus laid qu'il y eût de Rennes à Dinan ». Sa brutalité innée l'éloigne également de ses parents. Sa mère, Jeanne du Guesclin, donne ouvertement la préférence à ses enfants puînés et son père le traite mal, refusant même de le former à la chevalerie. La chronique du trouvère Cuvelier dit d'ailleurs que ses parents le détestaient tellement « que souvent en leur cœur ils désiraient qu’il fût mort ou noyé dans l’eau courante » !!
    Dès son plus jeune âge, le futur connétable se fait remarquer pour sa force mais aussi pour son habilté dans les exercies physiques. Il se livre également à des jeux particulièrement belliqueux avec ses jeunes compagnons paysans. Illettré, il est bagarreur et il se sent irrépressiblement poussé vers le métier des armes.
    Un jour, alors que Bertrand se trouvait chez son oncle, à Rennes, il assiste à un tournoi, qui se déroule le 4 juin 1337, sur la Place des Lices. On lui a défendu d'y participer mais l'un de ses cousins, vaincu, quitte la lice et lui prête son équipement. Selon les chroniques de l'époque, Bertrand, masqué, parvient à défaire douze ou quinze chevaliers -le nombre diverge selon les versions- avant de refuser de combattre son père, à la grande stupéfaction de l'assemblée, qui ne cesse de se demander qui est ce chevalier inconnu qui combat sans blason. Un seizième chevalier, qui le défie, parvient alors à faire sauter la visière de son heaume et Robert du Guesclin reconnaît alors avec surprise son fils. Ému et fier, il s'engage alors à l'armer complètement. Bertrand va alors commencer à courir les tournois et à acquérir sa réputation d'excellent tournoyeur.

    Bertrand du Guesclin fait Connétable de France par le roi Charles V 


    Les premières guerres auxquelles il participe sont celles opposant Charles de Blois et les comtes de Montfort, Jean II et son fils Jean III, pour la succession du duché de Bretagne. Il se fait remarquer également dès les débuts de la Guerre de Cent Ans, notamment en 1354 en prenant le château de Grand-Fougeray et en participant, en 1357, à la défense de la ville de Rennes, assiégée par le duc de Lancastre Henry de Grosmont. Grâce à sa bravoure au combat, il gagne progressivement le respect de la noblesse et le chevalier Alacres de Marès, dépendant du bailliage de Caux l'adoube finalement en 1354 au château de Montmuran. Il prend alors comme devise « Le courage donne ce que la beauté refuse ». Par la suite, il est nommée capitaine de Pontorson et du Mont-Saint-Michel. Soutien de Charles de Blois, il guerroie plusieurs années dans la forêt de Paimpont et devient alors la terreur des Anglais qui le surnomment : le Dogue Noir de Brocéliande. En 1361, il passe au service de la couronne de France et s'illustre à Mantes, Meulan ou encore, Rolleboise. Il célèbre l'avènement du roi Charles V en avril 1364 en remportant la bataille de Cocherel contre les troupes du roi de Navarre, revendiquant aussi la couronne de France. Il reçoit le comté de Longueville, en Normandie.
    Après cette victoire, on le trouve aux côtés de Charles de Blois en Bretagne. Mais, en septembre 1364, Bertrand du Guesclin a beau se démener, son parti est battu. Il est fait prisonnier par le chef de l'armée anglaise, John Chandos. Le roi de France paiera la rançon de 100 000 livres demandée par les Anglais pour que Bertrand recouvre sa liberté. En 1365, le roi Charles V le charge d'une grande mission : débarrasser le royaume des hordes de routiers et autres mercenaires qui mettent le pays à feu et à sang. Bertrand les persuade alors d'aller participer à la guerre civile qui fait alors rage en Castille et de guerroyer aux côtés d'Henri de Trastamare, qui dispute alors le trône de Castille à Pierre le Cruel. Comme à son habitude, Bertrand se couvre de gloire dans cette guerre et il a déjà anéanti le parti de Pierre le Cruel lorsque celui-ci se résoud à faire appel au Prince Noir et à Chandos, du parti anglais. Finalement, Bertrand connaît un revers à la bataille de Nàjera, menée contre son avis, en 1567. Fait une nouvelle fois prisonnier, il est encore libéré grâce à Charles V qui paie sa rançon. Il venge sa défaite lors de la bataille de Montiel qui a lieu en 1369 et parvient à rétablir sur le trône castillan Henri de Trastamare. Pour récompenser ses actions en Espagne, le roi le fait duc de Molina.
    L'année suivante, revenu en France, il est fait connétable de France par Charles V. Son seul but va être désormais d'expulser les Anglais hors de France. Boudant les méthodes chevaleresques qui consistent à convoquer tout l'ost, Bertrand agit province par province, assiégeant et reprenant un château après l'autre. Sa méthode est efficace et il parvient à chasser les Anglais de Normandie, de Guyenne de Saintonge et de Poitou. Très rusé, Bertrand ne fait pas durer les sièges et c'est parfois grâce à des subterfuges qu'il parvient à s'emparer des villes. A Niort, par exemple, il travestit ses propres soldats avec des uniformes anglais pour endormir la confiance des défenseurs et ceux-ci lui ouvriront les portes de la ville.
    Voici ce que dit Georges Minois, historien médiéviste, à propos de Du Guesclin : « Certes, il ne conduit qu'une petite troupe de quelques centaines d'hommes, mais il obtient avec eux des résultats plus importants qu'avec une grosse armée, coûteuse, lourde, encombrante et lente. » En 1374, il combat sous les murs de La Réole, en Guyenne et se marie, la même année, avec Jeanne de Laval, dans la chapelle du château de Montmuran, dont il devint le propriétaire par alliance, jusqu'en 1380. En dot, son épouse lui apporte en plus le château de Montsabert en Anjou. Dix ans plus tôt, il avait épousé en premières noces Tiphaine Raguenel, morte en 1373, avec qui il n'avait pas eu d'enfants. En 1376, il reçoit la seigneurie de Pontorson. Deux ans plus tard, Charles V fait confisquer le duché de Bretagne, le duc Jean IV étant en exil à Londres. Cela provoque une révolte nobiliaire et le rappel de Jean IV. L'inaction de Du Guesclin lors du débarquement du duc à Dinard le fait suspecter de trahison. Indigné, il renvoie son épée de connétable au roi et est déjà décidé à passer en Espagne au service d'Henri de Trastamare quand le roi lui accorde de nouveau sa confiance. Il retourne alors dans le Midi, combattre les Anglais, qui y sont toujours bien présents. En 1380, il combat contre les Grandes compagnies de routiers, en Auvergne et assiège Châteauneuf-de-Randon, dans le Gévaudan. Après plusieurs assauts d'une violence terrible, la place promet de se rendre au connétable si, dans les quinze jours suivants, elle n'est pas secourue. Mais Du Guesclin meurt dans cet intervalle, très certainement d'avoir bu de l'eau glacée après avoir combattu en plein soleil. Il meurt le 13 juillet 1380 et le gouverneur de Châteauneuf vient, en personne, les quinze jours écoulés, déposer les clés de la cité sur le cercueil de Du Guesclin. Son corps est enterré à Saint-Denis, auprès des rois de France. Son cœur repose à la cathédrale Saint-Sauveur de Dinan.

    Statue équestre à Dinan

    © Le texte est de moi, je vous demanderais donc de ne pas le copier, merci.

     

    Pour en savoir plus :

    -Bertran du Guesclin, Georges Minois. Biographie. 
    -Bertran du Guesclin, connétable de France, Yves Jacob. Biographie. 
    -Du Guesclin : vie et fabrique d'un héros médiéval, Thierry Lassabatère. Etude historique. 
    -Chroniques, Jean Froissart. Chroniques contemporaines / Source historique. 

     

     

     

     

     


    votre commentaire
  • In My Mail Box - Novembre 2016

     

     

    Outlander, tome 7, L'Echo des Coeurs Lointains, partie II, Les Fils de la Liberté ; Diana Gabaldon

    Editions J'ai Lu

    Date de parution : 2016

    Sujet : Histoire, Aventures, Voyages dans le temps, XVIIIème siècle, XXème siècle 

    * * * 

    La Reine Clandestine ; Philippa Gregory

    Editions Archipoche

    Date de parution : 2014

    Sujet : Histoire, Angleterre, XIVème siècle, Guerre des Deux-Roses

    * * * 

    La Princesse Blanche ; Philippa Gregory

    Editions Archipoche

    Date de parution : 2016

    Sujet : Histoire, Angleterre, XIVème siècle, Guerre des Deux-Roses

    * * * 

    L'Evasion de Richard Coeur de Lion et autres aventures ; Jean d'Aillon 

    Editions J'ai Lu

    Date de parution :  2016

    Sujet : Histoire, Aventures, Moyen Âge 

    * * * 

    L'Herbe à la Reine ; Colette Vlérick

    Editions Pocket, Collection Terroir

    Date de parution :  2014

    Sujet : Histoire, Industrie, XVIIIème siècle, Saga familiale 

    * * * 

    Les Grands Duels qui ont fait la France ; Jean-Christophe Buisson et Alexis Brezet

    Editions Perrin (en partenariat avec Le Figaro Magazine)

    Date de parution :  2014

    Sujet : Histoire, Politique


    2 commentaires
  • « Le malheur de cet aimable funambule fut de ne jamais avoir su discerner les limites de sa puissance. »

    Fouquet ; Jean-Christian Petitfils

    Publié en 2005

    Editions Perrin (collection Tempus)

    607 pages

    Résumé : 

    Fouquet, l'un des personnages les plus fascinants du siècle de Louis XIV. Surintendant des Finances, fut-il un financier douteux puisant dans les caisses de l'Etat ou fut-il accusé par jalousie ? Juriste éminent, habile financier, diplomate avisé, ami fidèle, grand mécène et bâtisseur (à Vaux-le-Vicomte et à Belle-Île), il a eu un rôle politique capital dans la période difficile qui va de la fin de la Fronde à la mort de Mazarin. Rongé par la chimère et l'ambition, rêvant de devenir un nouveau Richelieu, ce fastueux ministre ne pouvait que se heurter à l'autorité naissante du jeune Louis XIV. L'ouvrage de J.-C Petitfils apporte un éclairage nouveau sur ce personnage complexe et sur la France baroque. 

    Ma Note : ★★★★★★★★★

    Mon Avis :

    De Nicolas Fouquet, on connait surtout la chute fulgurante, qui prend racine dans la fameuse et grandiose fete donnée pour le roi à Vaux-le-Vicomte, le 17 août 1661. Tout s'enchaîne très vite par la suite, son arrestation à Nantes, le 5 septembre, le procès retentissant puis la sentence d'exil commuée en emprisonnement à perpétuité par le roi lui-même. Fouquet purgera sa peine dans la sinistre forteresse de Pignerol dans les Alpes, où il meurt en 1680.
    Mais pour qu'il y'ait eu chute, il y'a eu aussi ascension, une ascension extraordinaire d'ailleurs, dans le cas de Nicolas et qui ne fait pas mentir la devise latine de la famille : Quo non ascendet ?  ( « Jusqu'où ne montera-t-il pas ? » )
    Né en 1615 à Paris, de François Fouquet et Marie de Maupeou, Nicolas est issu de la noblesse de robe par sa mère et d'une famille de parlementaires dont l'ascension est croissante, par son père. Il est loin le temps où l'ancêtre Foucquet, originaire d'Angers, était marchand drapier. Au XVIIeme siècle, la famille veut réussir et c'est Nicolas qui va personnifier cette réussite en gravissant peu à peu les échelons de l'administration royale, jusqu'au poste de surintendant des Finances. Il va s'illustrer sous la régence d'Anne d'Autriche, dont il est le protégé, il ne sera pas exempt d'erreurs mais saura toujours se les faire pardonner. Il sera remarque par Mazarin, qui le trouve lui aussi compétent -ce qu'il est, on ne peut pas le nier.
    Lorsqu'il atteindra les hautes arcanes de la finance royale, qui va mal, en cette période de guerre extérieure et d'agitation intérieures, Fouquet, comme ses collègues, va se rendre coupable de trafics et malversations en tous genres mais encore une fois, ni plus ni moins que les autres. Les Finances allaient mal, étaient fragiles et devenaient donc un terreau fertile pour tout un tas de trafics illicites. On peut en tirer la conclusion que Fouquet en paya les pots cassés sans être l'unique coupable. Si on est enclin aujourd'hui à le voir comme une victime de l'absolutisme louis-quatorzien, on ne peut raisonnablement penser qu'il fut blanc comme neige et totalement innocent de ce dont on l'accusait. Il ne fut pas non plus uniquement condamné à cause de sa riche demeure de Vaux, comme on le lit parfois. La grandiose fête du 17 août fut un élément déclencheur mais pas une cause. Bref, on peut dire que Fouquet n'était pas innocent, que les chefs d'accusations qu'on lui reprochera étaient pour la plupart fondés -et ne découlaient pas uniquement de la jalousie du roi et de l'ambition de Colbert- mais qu'il n'était sûrement pas plus coupable que d'autres qui eurent la chance de passer à travers les mailles du filet.

     

     

    Thierry Frémont (Colbert) et Lorànt Deutsch (Fouquet) dans le téléfilm Le Roi, l'Ecureuil et la Couleuvre (2011)


    Sous la plume de Petitfils, historien renommé qu'on ne présente plus, c'est un personnage complexe et multi-facettes qui nous apparaît loin de l'image communément admise.
    Tour à tour, c'est un Fouquet mécène, séducteur, bâtisseur, administrateur compétent quoique pas exempt d'entourloupes qui nous apparaît. En un peu moins de 600 pages -les 80 dernières pages étant consacrées aux annexes, glossaires et table des matières ainsi qu'à la conséquente bibliographie utilisée par l'auteur-, Jean-Christian Petitfils nous dresse le portrait exhaustif d'un personnage qui est une clé, à mon avis, pour comprendre les premières années du règne personnel du Roi-Soleil mais qui symbolise aussi tout une époque ; en effet, Fouquet est un pur produit de cette administration d'Ancien Régime, complexe à aborder parfois parce que tellement différente de celle que nous connaissons aujourd'hui.
    Sa biographie est servie par son style précis sans être pompeux, très chaleureux, avec des pointes d'humour voire de poésie toute romanesque, bien éloignés de la distante un peu froide de l'historien.
    Je ressors de cette lecture très dense avec beaucoup de nouvelles connaissances mais aussi des confirmations de ce que je savais déjà... j'ai apprécié les derniers chapitres qui se concentrent sur la vie en détention de Fouquet dans le donjon de Pignerol... l'auteur revient à cette occasion sur la fameuse légende du Masque de Fer qui, quoique bien élucidée aujourd'hui, n'en continue pas moins de faire couler beaucoup d'encre et d'inspirer les imaginations fertiles des romanciers !
    Dans cette biographie neutre et objective, Fouquet nous apparaît sous une image qui est certainement la plus proche de la réalité. Il est très difficile, même pour le meilleur des historiens, de saisir l'essence même d'un personnage disparu depuis de longs siècles. Il lui est difficile également de démêler le vrai du faux quand l'objet de son étude, à l'instar de Fouquet, a tant suscité de passions. Il n'y avait pas de doutes qu'un chercheur aussi réputé que Petitfils ne relève pas le défi haut la main. Pour ma part, je suis convaincue, cette biographie est à mon sens un incontournable : elle permet au moins de remettre les pendules à l'heure et de sortir le personnage du carcan de légendes et d'idées reçues qui l'enserrent complètement au risque, du coup, d'avoir une idée fausse ou tronquée, de son existence.
    À conseiller à tous ceux qui s'intéressent au règne du Roi-Soleil.

    En Bref :

    Les + : une biographie exhaustive, extrêmement complète, servie par une bibliographie conséquente et le style chaleureux quoique rigoureux de Jean-Christian Petitfils.
    Les - : peut-être quelques passages un peu trop techniques mais...ça fait aussi partie du jeu ! Je dirais donc qu'il n'y en a pas vraiment, cette biographie est incontournable !  

     

     


    4 commentaires