• La reine oubliée, tome 2, Les dames de Rome ; Françoise Chandernagor

    « Il faut laisser aux prisonniers l'illusion qu'ils peuvent s'évader. Une minuscule espérance éloigne plus sûrement de la révolte que tous les gardiens... »

    Couverture La Reine oubliée, tome 2 : Les Dames de Rome

     

     

         Publié en 2012

      Éditions Albin Michel

      448 pages

      Deuxième tome de la saga La reine oubliée

     

     

     

     

     

    Résumé :

    « Rome, une ville rouge qui cuit à l'étouffée dans ses vieilles murailles, une ville étranglée entre ses collines surmontées de temples raides...» Rome la rouge, Rome la sanglante, a vaincu. Lorsque Séléné, la fille de Cléopâtre et de Marc Antoine, y pénètre, enchaînée à son jumeau lors du Triomphe d'Octave, elle n'entend que les hurlements de la foule, les cris des prisonniers qu'on traîne, les mugissements des bêtes qu'on immole.

    Bientôt seule survivante des « enfants d'Alexandrie », la petite captivée, qu'on a confiée à Octavie, la sœur du nouveau maître, va vivre son adolescence auprès des nombreux enfants que la « première dame » de Rome élève avec intelligence et tendresse dans sa maison du Palatin. Tandis qu'Octave Auguste impose au monde sa puissance, contraignant les uns au suicide, les autres à la soumission, déjouant complots et conjurations, tandis qu'il fait et défait les mariages des enfants de son clan comme on joue avec des pions, Séléné s'imprègne peu à peu de cette culture romaine qu'elle rejetait. Mais, en secret, la jeune orpheline refuse d'oublier sa mère, la reine d’Égypte, et rêve de vengeance...

    Avec un talent singulier pour rendre la vie aux siècles passés, Françoise Chandernagor poursuit l'évocation du destin de Séléné, la princesse mélancolique des Enfants d'Alexandrie. Entre splendeur et cruauté, une fresque puissante qui nous emporte dans un monde disparu.

    Ma Note : ★★★★★★★★★★

    Mon Avis :

    29 avant notre ère. L’Egypte a été vaincue près de deux ans plus tôt et, depuis l’année précédente, elle est devenue une province romaine. La dynastie des Ptolémées a disparu avec sa dernière reine, Cléopâtre et aura eu raison aussi du rival romain d’Octave, le futur Auguste : Marc Antoine, qui avait épousé la reine d’Egypte et en avait eu trois enfants, Alexandre-Hélios et Cléopâtre-Séléné, des jumeaux de dix ans et un petit Ptolémée-Philadelphe de quatre ou cinq ans.
    A défaut des vaincus, Octave produira, pour son Triomphe, leurs enfants, à qui ont a laissé la vie sauve. Pourtant, le destin des enfants de Cléopâtre et Marc Antoine ne s’annonce pas des plus riants : des trois petits, seule l’ancienne princesse, qui porte le même prénom que sa mère, survivra et parviendra à l’âge adulte. Les deux garçons disparaissent peu après le Triomphe, sans que l’on sache exactement ce qui leur est arrivé.
    « Vae victis », comme le dira plus tard un chef gaulois qui vaincra Rome. Malheur aux vaincus. Et, à défaut des parents, qui ont pris les devants et se sont suicidés pour échapper aux vainqueurs, prenons les enfants. La Rome Antique, que ce soit celle de la République ou plus tard du Principat, ne s’embarrasse pas des sentiments. Voir défiler des enfants enchaînés derrière la statue de leur mère morte et que l’on couvre de crachats et de détritus ne choque pas les Romains, au contraire. Le Triomphe est celui d’un homme mais aussi la célébration de tout un peuple.
    Installée chez Octavie, la sœur du futur Auguste, Cléopâtre-Séléné y découvre une nouvelle famille. Véritable première dame de Rome, conseillère occulte de son frère, pilier de sa vie, Octavie est une femme discrète mais omniprésente et à l’influence certaine. Dans sa jolie maison du Palatin, de nombreux petits pieds courent sur les mosaïques…non seulement les siens, mais aussi des enfants de la parentèle proche et des petits otages qu’on lui confie. A Rome, la petite Égyptienne fait ainsi la connaissance de ses sœurs et de l’un de ses frères, les enfants qu’Octavie avait eus de Marc Antoine, mais aussi Julie, la fille d’Octave, à la langue acérée, la petite Claudia, une autre des filles d’Octavie, son fils Marcellus, neveu et poulain d’Octave, les  beaux-fils de ce dernier, Tibère et Drusus…si Octavie se montre douce avec la petite fille, celle-ci ne peut oublier pourtant le goût amer de la perte : perte de son pays, de ses parents, de ses frères, de ses repères. Cléopâtre-Séléné, née princesse, titrée reine de Cyrénaïque par une largesse futile de son père, petite fiancée de son demi-frère Césarion, n’est plus rien, réduite à vivre aux crochets de la sœur de son vainqueur.
    Le roman Les dames de Rome couvre dix ans de la vie de Cléopâtre-Séléné, de ses dix ans à ses vingt ans, date à laquelle elle quittera la ville pour aller se marier en Maurétanie. Si on sait peu de choses des enfants de Cléopâtre et Marc Antoine (par exemple, les historiens ignorent encore ce qui est arrivé aux frères de la jeune princesse et supposent qu’ils sont morts, peu de temps après le Triomphe), on sait au moins que l’un d’entre eux, la fille, survivra. Elle survivra suffisamment pour être mariée et engendrer à son tour des enfants.
    Mais ici, c’est la fin de l’enfance et l’adolescence de la jeune fille qui sont racontées. Une existence romaine pour une petite princesse née dans la chaleur orientale d’Alexandrie, la spectaculaire ville des pharaons égyptiens, alanguie au bord de la Méditerranée. Pour des petits princes égyptiens, Rome est une véritable mégapole, sale, grouillante, aux rues étroites, aux maisons hautes pour loger tout ce monde. Un véritable autre monde, en somme. Un autre monde dans lequel très vite, Cléopâtre-Séléné va se retrouver entièrement seule, sans plus aucun appui, sans plus aucune famille. Mais chez Octavie, la jeune fille va trouver un foyer confortable qui, certes, ne compensera jamais la perte, mais l’aidera malgré tout. Passées la première défiance et les moqueries, les enfants élevés chez Octavie vont commencer à accepter Cléopâtre-Séléné et en faire une compagne. Les familles de Rome sont immenses et imbriquées les unes dans les autres, les mariages se font et se défont au gré des jeux politiques et les couples engendrent une nombreuse progéniture dont on ne sait plus très bien si les enfants sont des cousins ou des demi-frères et demi-sœurs…

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    Buste d'Octavie la Jeune, sœur d'Auguste et « mère de substitution » pour Cléopâtre-Séléné


    Surtout, la jeune Égyptienne va apprendre à louvoyer dans un nid de vipères. A Rome, personne n’est à l’abri d’une disgrâce aussi brutale que l’ascension a été rapide. Et souvent, ça ne pardonne pas : malheur à celui qui ne plaît plus assez. On ne lui demandera pas de se retirer discrètement dans ses terres campagnardes et de s’y faire oublier. A Rome, on tue et on use aussi facilement du poignard que du poison pour éliminer un gêneur. Ou on suggère poliment un suicide…histoire de ne pas se salir les mains, mais de se débarrasser quand même du caillou dans la chaussure.
    Étrange vie que celle de cette petite, quand on y pense, grandissant au milieu d’un peuple inconnu, dont elle ne parle pas la langue et dont elle ne connaît pas les usages ni les cultes, vivant surtout non loin de celui qui a poussé ses parents au suicide et assujetti son pays. Comment se construire quand on a tout perdu à dix ans, quand on n’a plus aucune perspective, aucun avenir et aucun port d’attache ?
    Parce que l’histoire antique ressemble souvent à un grand filet lâche patiemment tissé par les historiens, que fait le romancier ? Il peut se faufiler dans les trous. Et c’est ce que fait brillamment Françoise Chandernagor, encore une fois. Si sa saga antique, ayant pour héroïne Cléopâtre-Séléné, princesse égyptienne, puis otage à Rome et enfin reine de Maurétanie, a une forme assez surprenante (la romancière est aussi la narratrice du récit et non pas un narrateur omniscient et anonyme, le récit est émaillé parfois de notices d’objet vendus aux enchères ce qui peut surprendre mais ne m’a pas dérangée) et originale, j’avoue qu’encore une fois je me suis régalée. J’avais beaucoup aimé ses deux premiers tomes lorsque je les avais lus il y a une dizaine d’années et en retrouvant la notation que je leur avais attribuée sur Livraddict à l’époque, je me suis dit que, peut-être, à la relecture, j’allais revoir cette note à la baisse. Parce que c’est normal, après tout, d’évoluer en tant que lecteur et de moins aimer des livres qu’on a auparavant vraiment beaucoup appréciés. Force est de constater qu’avec Chandernagor, ses romans vieillissent bien dans le temps et ne se démodent pas. Cette saga de La reine oubliée n’a pas pris une ride et c’est avec une grande joie maintenant que je vais m’attaquer à la suite, inédite et que je n’attendais plus. J’ai tellement hâte maintenant de découvrir la vie d’adulte de Cléopâtre-Séléné, auprès de son époux Juba II de Maurétanie, roi-client de Rome, lui-même élevé là-bas comme elle et pris sous la protection de Jules César.
    Chez Chandernagor, l’histoire vit et elle est expliquée. Tout ce que j’aime. Cette relecture n’a fait que confirmer ce que je savais déjà sur Françoise Chandernagor, qui est décidément l’une de mes autrices contemporaines préférées : elle est passionnée et passionnante. Moi qui n’ai pas une prédilection particulière pour l’Antiquité, j’avoue qu’après avoir terminé Les enfants d’Alexandrie et, maintenant, Les dames de Rome, j’en redemande. Certes, je me suis parfois perdue au milieu des très nombreux personnages qui jalonnent le récit (un conseil, si vous vous lancez, garder un accès à internet près de vous pour chercher qui est qui, notamment les femmes qui portent souvent le même nom dans les familles – il n’est ainsi pas rare de trouver deux sœurs qui porteront le même prénom) mais quel plaisir. A découvrir si vous aimez les romans historiques qui sortent un peu de l’ordinaire, en utilisant pour autant, avec cohérence et efficacité, les ficelles du genre.

    En Bref :

    Les + : un roman passionnant, riche, un peu surprenant dans sa forme mais qui n'en est que plus séduisant à mes yeux. A la relecture, je me suis régalée une nouvelle fois. 
    Les - :
    aucun. J'ai passé un excellent moment.


    La reine oubliée, tome 2, Les dames de Rome ; Françoise Chandernagor

    Mémoires de la baronne d'Oberkirch sur la cour de Louis XVI et la société française avant 1789 ; Henriette Louise de Waldner de Freundstein, baronne d'Oberkirch LE SALON DES PRÉCIEUSES EST AUSSI SUR INSTAGRAM @lesbooksdalittle  

     

    • Découvrez mon billet sur le premier tome de la série La reine oubliée :

    Les enfants d'Alexandrie


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